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TCL 12 80 01 Id nà-lugal-ur

10. Le non-respect de la convocation militaire

Les armées néo-babyloniennes sont constituées de soldats recrutés de diverses manières457. Quatre documents rédigés dans le contexte de la convocation de soldats témoignent

des sanctions appliquées en cas de transgression de certaines obligations quant à ladite convocation : TBER 44, YOS 6 151, BM 64070, et YOS 6 213. Le premier document, TBER 44, a été rédigé le 22e jour du mois d’Ulûlu de la 38e année du règne de Nabuchodonosor II

dans la ville de Şurru. Le deuxième document, YOS 6 151, a été rédigé le 13e jour du mois

d’Abu de la 10e année du règne de Nabonide. Les deux derniers documents, BM 64070 et YOS

454 Kleber 2009 : 171-174.

455 Jursa avec la contribution de Waerzeggers 2009 : 244-245. 456 GCCI 2 120

457 1) les contingents des temples, 2) les gens venant de la population civile en tant qu’obligation liée à une taxe

ou à un devoir civil 3) les soldats devant des fiefs 4) les contingents liés aux tributs 5) les mercenaires : MacGinnis 2012 : 1.

174 6 213, sont issus respectivement de Sippar et d’Uruk. YOS 6 213 a été écrit le 10e jour du mois

d’Abu de la 14e année du règne de Nabonide, tandis que BM 64070 date du 4e jour du mois de

Simanu de la 5e année du règne de Darius. La datation des quatre documents et le lieu de leur

rédaction nous montrent que, malgré la similarité de leur sujet, ils ont été rédigés dans des contextes historiques tout à fait différents.

Nous évoquerons tout d’abord le document TBER 44458. Celui-ci relate le recrutement

d’archers chargés de protéger les troupeaux et les bergers dans les zones éloignées459. Ces archers convoqués étaient nommés lú giš ban šá lú sipa-meš, archers des bergers. Selon le document TBER 44, 10 archers des bergers de la Dame d’Uruk ont été donnés à Zēr-Babili, fils d’Ea-dayyanu, chef des escorteurs-musahhiru par le fonctionnaire-qīpu. Ils ont été convoqués pour remplir deux fonctions. La première consiste à protéger les troupeaux et les bergers ; la deuxième fonction consiste à monter la garde dans les postes de guet royaux (l. 25. kadānu)460.

On ne trouve pas de clause pénale dans ces deux convocations. Néanmoins, aux lignes l. 27- 30, on constate une clause conditionnelle et la peine pécuniaire de 12 mines d’argent :

l. 27 -31. ki-i mam-ma a-na ma-dak-ti i-de-ku-[ú] 12 ma-na kù-babbar <ta>-ap-pí-lá-a-ta šá lú [giš ban] a-na Inumun-tin-tirki a-šú šá Idbe-da-a-[nu] i-nam-din lú ku-tal-la šá ta Id[ ] x it-ti

lú mu-sa-ah-re-e ul i-de-ku-šú-nu-tu, qui que ce soit (d’entre eux) qu’on lèv[e] pour une expédition militaire, on versera 12 mines d’argent en compensation, par [archers], à Zer-Babili, fils d’Ea-daia[nu]. Les hommes de réserve qui viennent de chez [ ] ne seront pas enrôlés avec les musahhiru.

Le terme « tappilatu » selon la correction de lecture proposée (<ta>-ap-pi-la!-a-ta)

signifie « compensation »461. Le montant du dédommagement proposé était de 12 mines

d’argent, ce qui représentait une somme considérable. D’après le contenu des clauses mentionnées supra, cette forte amende était prévue afin de protéger contre toute exaction au sujet d’une réquisition injuste.

Le document YOS 6 151 évoque également une convocation des archers des bergers. Ces bergers appartenaient à la Dame d’Uruk (l. 09-10. lú ban-meš šá lú sipa-meš šá dgašan šá

458 La transcription et la traduction se trouvent dans Joannès 1982 : 180-181.

459 Ce document est rédigé dans la ville dénommée Şurru. D’après F. Joannès, il s’agit d’un ville situé près de la

région de Nippur qui était créée pour le déporté Tyrienne. Joannès 1987 : 150. la discussion sur la ville Şurru dans : Kleber 2008 : 141-154. et Zawadzki 2003 : 276-281.

460 Joannès 1982 : 179.

175 unug ki). Le document indique que ces 70 archers étaient convoqués au poste de guet (bīt kadu)

du fleuve. Selon F. Joannès, il s’agit de la ville de Tekrit située au bord du Tigre, même si le document ne le dit pas explicitement ; elle est citée comme «le Tigre» dans le document TCL 13 140 : 11 et comme « grand fleuve » dans le document YOS 6 151, GCCI 2 109. Tekrit était le siège principal des postes de guet462. D’après la clause inscrite aux lignes 15-18, si les chefs

des archers (lú gal ban-meš) ne ramènent pas les archers au jour de la convocation (texte : 20e

jour du mois d’Abu) et s’ils n’assument pas le service de garde du roi (l. 16. ma-aş-şar-tu4 šá

lugal), ils risquent d’encourir le châtiment du roi. D’après la lettre YOS 3 139463, le travail de garde était surveillé par le messager du roi. Cela montre que le post de guet était sous la juridiction royale, même si les gardes étaient envoyés par l’autorité du temple464. Dans le document YOS 3 139, on constate aussi que le travail de surveillance réalisé par les archers des bergers était sous la responsabilité des chefs des bergers du temple. En effet, Šamaš-zēr-ibni, chef des bergers (rab būli), a été mis aux fers et envoyé à l’expéditeur de la lettre de YOS 3 139 à cause de l’absence de gardes qui devaient faire le travail de surveillance dans le poste de guet.

Dans le document YOS 6 213, Balāţu, fils de Nabû-ušallim, descendant de Sîn-leqe- unninni et Nūrēa, fils d’Ahulap-Ištar se sont porté garant de Kalbi, fils de Nūrēa avant le 10e

jour du mois d’Ululu auprès d’Ili-remanni, officier royal, responsable de l’Eanna. Ils ont promis de l’amener le jour où ils seraient convoqués. S’ils ne le ramenaient pas, ils encourraient le châtiment du roi.

YOS 6 213

01. pu-ut Ikal-bi a-šú šá Izalag 2-e-a

02. Izalag

2-e-a a-šú šá Ia-hu-lap-d15 ad-šú

03. Iba-la-ţu a-šú šá Idnà-gi a Id30-ti-ér

04. a-di u4 10-kám šá iti kin i-na šuII

05. Idingir-meš-re-man-ni lú sag lugal lú en pi-qit-ti

06. é-an-na na-šu-ú u4-mu

07. šá re-e-su in-na-šu-ú

08. i-ba-kan-nim-ma i-nam-din-nu

462 Joannès 1982 : 179.

463 Ebeling 1930-34 : 112-113, n. 139 ; Streck 1995 : 73, 114, 176. ; Kozuh 2006 : 231-232. 464 Kozuh 2006 : 230.

176 09. ki-i la i-tab-kan-nim-ma

10. la id-dan-ni

11. hi-ţu šá lugal i-šad-da-du

12. ina [gub-zu] šá Išeš-šú-nu lú gal-ban465 šá kur [ti-am]at

13. lú mu-kin-nu Id30-kám a-šú šá Idnà-mu-giš

14. a Iib-ni-dingir Idnà-gin-mu a-šú

15. šá Ina-din a Ida-bi-bi Iden-dù

16. a-šú šá Ibul-luţ a lú šu-ku

6Idinninna-mu-uri3

17. a-šú šá Imu-dnà a Iki-din-damar-utu

18. lú umbisag Igi-mil-lu a-šú šá

19. Idinninna-numun-mu unugki

20. iti ne u4 10-kám mu 14-kám

21. Idnà-i lugal eki

01-11. Balāţu, fils de Nabû-ušallim, descendant de Sîn-leqe-unninni et Nûrea, fils d’Ahulap- Ištar, son père, se portent garant de Kalbi, fils de Nûrea jusqu’au 10e du mois d’Ulûlu auprès

d’Ilī-remanni, officier royal, responsable de l’Eanna. Ils le ramèneront le jour où on le convoquera et ils le remettront. S’ils ne le ramènent pas et s’ils ne le remettent pas, ils devront subir le châtiment du roi.

12. En [présence] d’Ahšunu, chef d’archer du pays [de la mer]

13-17. Témoins : Sîn-ēreš, fils de Nabû-šum-līšir, descendant d’Ibni-ilī, Nabû-mukīn-iddin, fils de Nādin, descendant de Dabibi, Bēl-ibni, fils de Bulluţ, descendant de pêcheur, Innina-šum- uşur, fils d’Iddin-Nabû, descendant de Kidin-Marduk

18-19. le scribe, Gimillu, fils d’Innina-zēr-iddin.

19-21. Uruk, le 10e jour du mois d’Abu de la 14e année du règne de Nabonide, roi de Babylone.

Ce document a été rédigé en présence d’Ahušunu, chef des archers du pays de [la mer]. Cela indique que ce document a été écrit dans un contexte militaire. D’après les données issues des archives de l’Ebabbar de Sippar, le rab qašti, chef des archers, contrôlait principalement les archers venant du groupe des oblats du temple. Il leur fournissait de l’argent pour la ration, les provisions, les dépenses militaires (rikis qabli) et les équipements466. Leur fonction devait

465 Normalement, rab qašti est écrit lú gal giš ban ; cependant quelques rares documents, comme notre texte, usent

un raccourci lú gal ban (VS 6 155).

177 être identique pour l’Eanna d’Uruk. Cependant, il est difficile de comprendre le contexte exact de ce document. En effet, premièrement, les garants de la personne convoquée sont Balāţu, fils de Nabû-ušallim, descendant de Sîn-leqe-unninni, et Nūrēa, père de Kalbi. C’étaient eux qui devaient être sanctionnés par la clause-hīţu. Comme l’un des deux portait un nom d’ancêtre, il est probable qu’il fût un notable-mār banî. Cependant, on ne sait pas à quel titre il était obligé d’amener les garanties, ni sa fonction dans ce contexte. Le convoqué était l’un des fils des garants. L’absence de nom d’ancêtre montre qu’il était d’origine modeste. Il est possible qu’il fût un dépendant du temple. Malheureusement, on ne retrouve pas son nom dans les autres documents.

D’après BM 64070467, un chef des archers (lú gal lú ban, rab qašti) est obligé d’amener des soldats fugitifs. Šamaš-nāşir, chef des archers, a juré d’amener un groupe d’archers, Šamaš- ah-ibni, fils de Rēmūt, Iqupu, fils de Kalbaia, descendant d’Arad-Anunitu, Gimillu, fils de Bazuzu, descendant de Zērûtu, et Ardiya, fils de Bunene-ibni, descendant de Bunene-šar-uşur qui s’étaient enfuis du pays d’Elam. Malheureusement, le texte ne précise pas les sanctions appliquées aux soldats fugitifs. Le document témoigne seulement de la sanction prévue pour le chef des archers qui avait la responsabilité d’amener ces soldats fugitifs.

Les contingents provenant du temple étaient eux-mêmes constitués d’archers, de cavaliers et de charristes. Ici, dans le document, BM 64070, il s’agit d’archers probablement convoqués et qui avaient fait leur service militaire en Elam. En effet, le document indique à la ligne 12 qu’ils se sont enfuis depuis l’Elam : šá ul-tu uru kur e-la-ma-a!-a. Plusieurs textes nous

permettent d’identifier de nombreux Babyloniens en déplacement en Elam et à Suse au cours du règne de Darius. Ces documents sont majoritairement issus des archives de l’Ebabbar de Sippar et d’archives privées de notables babyloniens. Les statuts sociaux des intéressés sont divers : représentants de grandes familles de notables de Babylonie, gouverneurs de grandes villes, principaux administrateurs des temples de Babylonie, membres de l’administration royale, et juges468. Parmi ces documents, deux ont été rédigés en l’an 5 de Darius, en plus de

notre document BM 64070, témoignant du déplacement des Babyloniens en Elam au sujet du service militaire. Le premier document est rédigé dans la ville de Babylone. D’après ce document, Dar 154, un Babylonien, Kuşuraia, était obligé d’accompagner Bēl-apla-iddin, gouverneur de Babylone, avec la troupe du char de Bēl-apla-iddin, à Suse. K. Abraham a

467 Ce document est édité dans Sandowicz 2012 : 355-357, O. 222. 468 Tolini 2011 : 257.

178 interprété ce document comme témoignant d’un service militaire organisé par le gouverneur de Babylone. Cependant, G. Tolini a contredit cette interprétation et supposé qu’il s’agissait simplement de l’escorte du gouverneur de Babylone devant assurer la protection de ce dernier pendant son voyage. Dans un autre contrat, Dar 156, écrit à Babylone le 24 du mois de Nisannu de l’an 5 de Darius, Marduk-nāşir-apli a financé l’équipement (rikis qabli)469 d’un certain Bēl-

iddin, fils d’Itti-Marduk-balāţu, descendant d’Ahu-bani, pour aller devant le roi. G. Tolini l’a interprété de la même façon que Dar 154. Selon lui, Marduk-nāşir-apli a pu faire partie de la même escorte devant accompagner les membres d’une délégation de Babyloniens, dont le gouverneur de Babylone, en Elam470. L’interprétation de K. Abraham nous semble plus

plausible : il est en effet possible qu’il y ait une extraction de soldats depuis la Babylonie, plus précisément le temple de Sippar et le gouverneur du Babylone, de la part du roi perse, Darius, au début de sa 5e année du règne. Par exemple, BM 64070 nous montre l’existence de

l’extraction de soldats babyloniens dans la région de Sippar à la 5e année du règne de Darius. Dar 154 et Dar 156 ont été rédigés au mois de Nisanu de la 5e année du règne de Darius. En

revanche, BM 64070 a été rédigé au mois de Simanu, mais il s’agit de l’obligation d’amener les soldats qui se sont enfuis depuis l’Elam. C’est-à-dire que ces soldats auraient pu être convoqués bien avant le mois de Simanu, tout au début de la 5e année du règne de Darius, comme en

témoignent Dar 154 et Dar 156.

Le chef des archers, Šamaš-nāşir, fils de Taqiš, est attesté dans d’autres documents. Dans le document Camb 49, rédigé la 1re année du règne de Cambyse, Šamaš-nāşir était obligé

d’amener deux laboureurs-ikkarus de Šamaš au scribe du temple de l’Ebabbar. La 2e année du

règne de Darius, d’après Jursa, Landwirtschaft, n. 44, Šamaš-nāşir a loué une terre à l’administrateur du temple de Sippar avec Bēl-iddin, fils de Bēl-ile’i, descendant de šangu- Enamtila471. La personne à qui Šamaš-nāşir avait juré d’amener les fugitifs était un homme

dénommé Bulţaia, fils de Marduk-erība. La partie où l’on pouvait lire le nom de l’ancêtre est cassée, mais selon la proposition de M. Sandowicz, Bulţa devait être le descendant d’Isinnaia, rab suti du temple de l’Ebabbar472. Les ikkarus étaient semi-dépendants à la terre. Après la

création de la fermière générale sous le règne de Nabonide, le devoir de recruter les archers a été transféré au fermier général d’après le document BRM 1 101473. Jusqu’à présent, la

469 Pour ce terme, voir : MacGinnis 1998 : 117-183 et Van Driel 2002 : 249-254. 470 Tolini 2011 : 261.

471 Sandowicz 2012 : 356. 472 Sandowicz 2012 : 357. 473 MacGinnis 2010 : 157.

179 compréhension du document ne pose pas beaucoup de problèmes. À première vue, celui-ci raconte l’extraction des soldats, semble-t-il, parmi les dépendants du temple sous l’autorité de Bulţaia en considérant la position de Šamaš-nāşir et Bulţaia. Cependant, la liste des soldats fugitifs nous pose un problème à propos de cette interprétation. Même si, parmi les documents du temple d’Ebabbar de Sippar, Jursa, Landwirtschaft, n. 28 et Jursa, Landwirtschaft, n. 42, on repère les noms de Gimillu, fils de Bazuzu, en tant que laboureur, et Ardiya, fils de Bunene- ibni, en tant que jardinier, il est prématuré d’affirmer que ces hommes sont mentionnés dans le document BM 64070474. En effet, quatre fugitifs sur cinq portaient des noms d’ancêtre : Šamaš-

ah-ibni, fils de Rēmūt, Iqupu, fils de Kalbaia, descendant d’Arad-Anunitu, Gimillu, fils de Bazuzu, descendant de Zērûtu, et Ardiya, fils de Bunene-ibni, descendant de Bunene-šar-uşur. Cela dit, quatre personnes sur cinq sont des citoyens libres, les notables, mār banî. À ce stade, on ne peut pas dire que le document évoque l’extraction de dépendants du temple de Sippar, car les convoqués pourraient ne pas être dépendants du temple. Cependant, il est difficile de comprendre le contexte exact de ce document à cause du manque de sources ; cela nécessite d’attendre la publication de nouveaux documents afin de bien comprendre ce document atypique.

En résumé, les quatre documents TBER 44, YOS 6 151, BM 64070, et YOS 6 213, évoquent des convocations de soldats dans différents contextes historiques. Le premier document TBER 44 nous indique que l’autorité voulait une protection contre une réquisition injuste en prévoyant une peine pécuniaire avec un fort dédommagement. Le document YOS 6 151 relate le travail de surveillance au post de guet. La convocation des bergers et l’obligation associée au travail de surveillance sont sous la responsabilité des chefs des bergers475. En cas

de non-accomplissement de leur devoir, les chefs des bergers risquent de subir le châtiment du roi. Dans le document BM 64070, le rab qašti est obligé d’amener cinq fugitifs. En cas de transgression, c’est le rab qašti qui risque d’être puni par la clause-hīţu. Dans le document YOS 6 213, le garant risquait d’être puni en cas de non-accomplissement de la clause évoquée, ici associée à la convocation des intéressés, possiblement en tant que soldats. Il semble que l’autorité supérieure a prévu de contrôler surtout les personnes intermédiaires, parce que les sujets pouvant être punis dans les documents TBER 44 (celui qui convoque), YOS 6 151 (lú rab būli), BM 64070 (lú rab qašti) étaient toutes des personnes intermédiaires.

474 Sandowicz 2012 : 357.

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