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Bien garder les travailleurs et les remettre à l’endroit demandé : la construction royale dans la région de Matannan

TCL 12 80 01 Id nà-lugal-ur

8. Les fautes administratives dans la construction

8.2. Bien garder les travailleurs et les remettre à l’endroit demandé : la construction royale dans la région de Matannan

YOS 7 187 document dans lequel on trouve la clause pénale, plus précisément, la clause-hīţu, est associée à la construction dans la région en dehors de Babylone.

01-12. 40 lú engar-me[š dinnin unug]ki šá Idnà-gin-ibila lú šà-tam é-an-na a-šú šá Ina-di-nu a Ida-bi-bi u Id30-lugal-uri

3 lú sag lugal lú en pi-qit-tu4 é-an-na a-na Ila-a-ba-ši a-šú šá Idna-na-

a-šeš-mu lú engar lú rig7dinnin unugki id-di-nu lú erín-meš àm 40 ib-ba-ak-ma d[ul]-lu ina é-

gal šá lugal šá ina uru ma-at-na-a-nu ip-pu-šu ki-i man-ma ina lìb-bi-šú-nu a-na a-šar šá-nam- ma it-tal-ku Ila-a-ba-ši hi-ţu šá lugal i-šad-da-ad

01-12. (Au sujet des) quarante laboureurs [oblat d’Ištar d’Uruk] que Nabû-mukīn-apli, le

šatammu de l’Eanna, fils de Nādinu, descendant de Dabibi et Sîn-šarru-uşur, officier royal, chef

de l’administration de l’Eanna ont donnés à Labaši, fils de Nanaya-ah-iddin, le laboureur404,

oblat de l’Ištar d’Uruk : les quarante travailleurs seront conduits et effectueront le travail dans le palais du roi qui se situe dans la ville de Matannan. Si quelqu’un quitte (son lieu d’affectation) pour un autre endroit, Labaši subira le châtiment du roi.

Le nom de cette ville a été lu Baţnanu, c’est la raison pour laquelle on n’arrivait pas à l’identifier facilement. W. Henkelman et K. Kleber ont transcrit la première syllabe en

Babylonia A Babylonian perspective of the Aegypt’s Conquest by Cambyses », intervention au colloque de Munich, septembre 2018.

154 remplaçant ba- par ma-. Cette lecture a permis de trouver la localisation de la ville, inconnue jusqu’alors405.

La ville Matanna est attestée dans deux lettres de service concernant le domaine ?

d’Irataštuna, fille de Cyrus et femme de Darius, et son fils Iršama. On trouve le nom de Matannan dans ces documents. La première lettre, NN 0761406, était destinée à Šalamana.

C’était la dame Irtaštuna qui avait ordonné de donner 3000 gur d’orges provenant de son domaine-ulhi à Matannan à un homme, Muddawiš. La deuxième, NN 0958407, était destinée à

Ušaya par Iršama, fils d’Irtaštuna ; il s’agissait d’envoyer 1000 tarmu de grain depuis son domaine-ulhi à Matannan à un officier Šuruba408.

Le terme «ulhi» cité dans nos sources peut s’entendre comme « maison », c’est-à-dire moins un bâtiment que l’ensemble des personnes qui vivent et travaillent dans un « domaine ». C’est le domaine privé d’Irtaštuna, depuis lequel des condiments ont été envoyés. La femme de Darius, connue sous le nom d’Artystonè par Hérodote, disposait de deux domaines de ce type, à Mirandu et à Kukannaka. Pour mieux comprendre la nature de cette résidence, il faut connaître les différents types de domaines. Dans le monde perse, il y avait trois types de domaines :

Partetaš, Irmatam et Ulhi.

Le premier, Partetaš, renvoie exactement à ce que les auteurs grecs désignent sous le terme de « paradis », lui-même manifestement emprunté au perse (paradaida). Cependant, les paradis perses constituent uniquement des réserves de chasse ; or, les sources classiques prouvent indubitablement que les fonctions d’un paradis sont beaucoup plus variées. La deuxième catégorie de domaine est Irmatam dont le terme semble désigner à la fois un centre militaire et un centre administratif développé, sorte de chef-lieu d’une région dont il collecte les produits409. Destination de ces tablettes élamites du fortification, la région de Matannan

devait être un village modeste appartenant à Irtašduna, une des femmes de Darius connues sous le nom d’Artystonè par Hérodote410. Sa localisation n’est pas très claire, mais elle devait être

405 Henkelman et Kleber 2007 : 163-176. 406 Henkelman et Kleber 2007 : 167. 407 Henkelman et Kleber 2007 : 167. 408 Henkelman et Kleber 2007 : 167-168. 409 Briant 1996 : 456-460. 410 Briant 1996 : 460.

155 entre Persepolice et la ville moderne de Kamfirûz (Kaupirriš)411 ; il semble qu’elle ne soit pas

sur la route royale412.

Labaši, fils de Nanaya-ah-iddin, est attesté dans un autre document, une imittu, YOS 17 297. D’après ce dernier, il s’est endetté de 160 gur de dattes au temple. La terre mentionnée dans le document YOS 17 297 était située près du canal Bitqu, tributaire du canal Takkir. Le jour de la rédaction du document YOS 17 297, Labaši s’est présenté en tant que témoin dans YOS 17 296. Deux jours plus tard, il était témoin dans un autre écrit. Les trois documents viennent de Bitqu-ša-Bēl-ēţir.413

D’ordinaire, les ikkaru, laboureurs, ne représentent pas un groupe homogène dans les archives de l’Eanna ; les oblats de temple et les personnes libres pouvaient être employés par le temple en tant qu’« ikkaru », tout comme des esclaves ou des journaliers, engagés par le contrat qui les liaient au temple. En principe, le temple devait fournir les outils et les animaux aux ikkaru ; en retour, ces derniers devaient rendre la totalité de la récolte issue de la terre où ils travaillaient414. Même si le nom de sa fonction est ikkaru, laboureur, celui-ci s’occupait

globalement de tous les types d’activités agricoles415. D’après les documents d’inspection, l’équipe idéale de laboureurs était constituée de quatre hommes, quatre bœufs et deux vaches ; cependant il était très rare que ces nombres soient atteints dans la réalité416. La personne qui

représente l’équipe de charrue est souvent tout simplement qualifiée d’ikkaru à Uruk417. En

outre, dans un seul document juridique, YOS 7 102, on constate l’apparition de rab epinni en tant que contrôleur des laboureurs418. De toute manière, les rab epinni étaient sélectionnés au

sein de l’équipe en tant que représentants. Outre le représentant de l’équipe, il y avait le contrôleur local, à qui l’équipe était subordonnée. Le contrôleur était sélectionné à rang égal et n’avait pas de titre à Sippar ; en revanche, ce poste était nommé « chef de dix », rab ešerti, sous le règne de Nabuchodonosor II, et « chef de charrue », rab epinni durant l’Empire perse dans la ville d’Uruk. D’après OIP 122 172, on pourrait dire que les rab ešerti étaient en charge de dix équipes de laboureurs. Malgré le peu de témoignages, il apparaît que le rab ešerti représentait le contrôleur des laboureurs dans le cas où la main-d’œuvre avait été employée

411 Tolini 2011 : 93. 412 Henkelman et Kleber 2007 : 167. 413 Tolini 2011 : 93. 414 Janković 2013 : 33. 415 Janković 2013 : 29. 416 Jursa 1995 : 17. 417 TCL 13 152. 418 Janković 2013 : 36.

156 pour le travail non agricole419. Labaši pourrait être un rab ešerti qui contrôle les équipes de

laboureurs. D’ailleurs, W. Henkelman et K. Kleber sont parvenus à la même conclusion en indiquant qu’il ne pouvait pas être un inspecteur de canal (gugallu), responsable du recrutement pour la récolte et du maintien du canal local, parce que le paiement - gugallu a été imposé sur la terre de Labaši lui-même, et pas non plus rab epinni420. Fournir des travailleurs,

originairement des laboureurs, semble-t-il, était un phénomène assez courant. En effet, le document Cyr 131 démontre que 324 litres de farine ont été donnés aux travailleurs allés à Tahmaka avec des bœufs421.

Il est probable que la clause-hīţu est insérée à cause de la nature de l’affaire associée, à savoir la construction ou la réparation demandée par les autorités royales dans ce document. D’après tous les indices concernant la construction royale, le temple veillait au fait que toutes les procédures soient réalisées de manière sûre et comme il le fallait. Cela démontre l’importance de la demande royale aux yeux du temple. De plus, Labaši devait amener quarante laboureurs dans un endroit lointain (Matannan) ; du point de vue du temple, insérer la clause pénale dans le document présentait peut-être l’avantage d’assurer la sécurité des travailleurs et surtout d’empêcher la fuite de ces travailleurs en cours de route. À cette époque, la main- d’œuvre manquait et cette réalité impliquait sûrement l’augmentation de l’importance des travailleurs.

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