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L’interdiction du travail des artisans 346 dans un autre sanctuaire et l’obligation d’en informer l’autorité du temple

TCL 12 80 01 Id nà-lugal-ur

6. L’interdiction du travail des artisans 346 dans un autre sanctuaire et l’obligation d’en informer l’autorité du temple

Lorsque D. B. Weisberg a publié son livre Guild Structure and Political Allegiance in Early Achaemenid Mesopotamia en 1967, il a démontré l’existence d’une «guilde» d’artisans indépendants, en s’appuyant sur sept documents publiés pour la première fois dans son ouvrage347. Même si son argument a été abondamment contesté par de nombreux chercheurs348,

son livre a ouvert une occasion de faire débat à propos de la nature des groupes d’artisans. Le premier document publié dans son ouvrage, YNER 1 1, fut rédigé le 29e jour du

mois ? de la quatrième année du règne de Cyrus. Dans la première partie, on peut lire la déclaration de Nidinti-Bēl, šatammu de l’Eanna 349 et Nabû-ah-iddin, officier royal,

responsable de l’Eanna, à la collectivité des charpentiers, des joailliers, des orfèvres et autres artisans de l’Eanna :

l. 18-22. ù lú um-man-nu šá é-an-na gab-bi i-na ukkin-šú-nu iq-bu-ú um-ma bat-q[uta-şab-ba-

ta ù dul-lu] [š]á kù-babbar kù-gi zabar na4-meš ù iş-şù ù dul-lu ma-la [b]a-[š]u-[ú te-ép-pu-šá

(ù) ] [šá-la-nu-u]n-ni [dul]-lu la te-ép-pu-šú ù-bat-u la ta-şab-ba-ta ù m[am-ma i-na lìb-bi-ku-

nu šá i-na] [ma-ha-zu u] [é]-kur šá-nam-ma dul-lu (érasure) ip-pu-šú ù bat-qu (érasure) i-şab-

ba-t[u hi-ţu šá dingir-meš ù lugal] [i-šad-da-du]

346 Les travailleurs spécialisés étaient considérés comme précieux ; ils ont souvent été déportés par les conquérants vainqueurs. Par exemple, la poésie sumérienne « Lugalbanda » raconte le siège de la ville d’Aratta par le roi d’Uruk. Le conquérant a remporté des matériaux précieux mais aussi les artisans capables de les travailler (orfèvres, joailliers, etc) et leurs outils. Malgré le décalage temporels, on remarque le même phénomène durant le règne de Nabuchodonosor : 2 Roi l.10-14 (version King) « En ce temps-là, les serviteurs de Nabuchodonosor II, roi de Babylone, montèrent à Jérusalem, et la ville fut assiégée. Et Nabuchodonosor II, roi de Babylone, vint contre la ville, et ses serviteurs l’assiégèrent. Et Jehoiakim, le roi de Juda, sortit vers le roi de Babylone, lui, et sa mère, et ses serviteurs, et ses princes et ses officiers ; et le roi de Babylone le prit, la huitième année de son règne. Et il emporta de là tous les trésors de la maison du Seigneur et les trésors de la maison du roi, et il mit en pièces tous les ustensiles d’or que Salomon, roi d’Israël, avait faits pour le temple du Seigneur, comme le Seigneur l’avait dit. Et il transporta tout Jérusalem, et tous les princes et tous les hommes puissants et vaillants, au nombre de dix mille captifs, et tous les artisans et les forgerons ; personne ne resta, seulement l’espèce la plus pauvre du peuple du pays. » Cela fut déjà remarqué par C. Zaccagnini dans Zaccagnini 1983 : 257.

347 Wiseman 1969 : 380.

348 Weisberg 1967 : 5-12, n. 1. Dandamayev 1971 : 129-135. Klíma 1971 : 215-217. Kümmel 1970 : 284-289.

Lambert 1970 : 370-371. Leichty 1970 : 296-298. Oelsner 1974 : 29-31. Renger 1971 : 494-503. Zaccagnini 1983 : 245-264. Joannès 1996 : 167-168. Kleber 2008 : 71. Payne 2008 : 99, n. 1. Parmi les savants mentionnés supra, M. Lambert a suivi l’opinion de D. B. Weisberg : «Il semble que ces dernières n’étaient pas asservies à des organismes d’état : elles avaient une indépendance qui rappelle un peu celle des guildes de notre Moyen Âge»

349 Nidinti-Bēl, fils de Nabû-mukīn-zēri, descendant de Dābibī est un temple administrateur d’Eanna depuis Cyr

1/9/18 jusqu’au Cyr 5/11/18 et Nabû-ah-iddin, l’officier royale, responsable de l’Eanna (ša rēš šarri bēl piqitti Eanna) est attesté depuis Nbn 14/4/17 jusqu’à Camb 4/9/21.

130 l. 18-22. «Vous devez procéder à des réparations et au travail de l’argent, de l’or, de la pierre semi-précieuse et du bois et le travail autant qu’il y en a (toutes les fabrications nécessaires) [cependant] vous ne faites ni fabrication (ou) ni réparation, sans notre permission et quiconque aurait effectué une réparation ou une fabrication dans un autre sanctuaire, il encourra le châtiment du roi.»

À la suite de cet ordre prononcé par les autorités de l’Eanna, on lit le serment fait par les charpentiers, les joailliers, les orfèvres, et tous les artisans de l’Eanna :

l. 24-30 : [ki-i mam-ma i]-na lìb-bi [na]-a-šú i-na [é]-kur-meš šá uru ma-ha-zu ma-la ba-[šu-ú

šá-la-n]u-[uk-ku-nu] dul-lu i-te-ép-šú ù bat-qu iş-şab-ta ù mam-ma šá ni-im-ma-ru ù ni-šem-

mu-ú-i-ma dul-[lu] [i-na é-kur] šá-nam-ma ip-pu-šú ni-ip-te-se-en ù a-na pa-ši-ri ni-il-ta-kan a-

di-i a-na Ini-din-t[i]-[den] lú šà-tam é-an-na ù Idnà-šeš-mu lú en pi-qit-ti é-an-na ni-qab-bu-ú ki-

i mam-ma i-na lìb-b[i-šú-nu] šá la Ini-din-ti-den lú šà-tam é-an-na ù Idnà-šeš-mu lú en pi-qit-<ti

é->an-na dul-lu ina é-kur šá-nam-ma i-te-é[p-šú] lu-ú bat-qu iş-şab-ta i-ta-am-ri ù il-te-mu-ú- ma a-na (érasure) Ini-din-ti-den ù Idnà-šeš-me la iq-ta-bu-ú a-di-e šá lugal ul-te-en-nu-ú hi-ţu

šá dingir-m[e]š ù lugal i-šad-da-du

l. 24-30. « (Nous, soyons maudits s’)il y a quelqu’un parmi nous qui a fait une fabrication ou une réparation pour les temples d’(une autre) ville, tout ce qu’il y a, sans votre permission. Et (nous, soyons maudits si) nous cachons ou nous dissimulonsce que nous allons voir et nous allons entendre à propos de quelqu’un qui travaille dans un autre temple. Et si (quelqu’un) a vu et a entendu celui qui a fait une fabrication (mais) qu’il n’en a pas informé Nidinti-Bēl et Nabû- ah-iddin, il transgresse l’adê du roi, il encourra le châtiment du roi. »

Puis on lit les quatorze témoins présents, le lieu et la date. Le point important de ce document est, semble-t-il, le monopole qui lie les artisans au temple. La tablette Payne, RA 102350 publiée récemment éclaire un peu le document YNER 1 1. Il aurait été préférable que

l’on connaisse la date de rédaction de ce document (Payne, RA 102.), mais celle-ci est inconnue à cause d’une cassure ; seul le nom du roi apparaît : Cyrus.

l. 22-28. [ki]-i ul-tu mu 1-kám Iku-[ra]-áš lugal tin-tirki lugal kur-kur mam-ma i-na lú kab-sa[r-

meš] u lú kù-dim-meš šá é-an-na ma-la ba-šu-ú šá dul-lu šá kù-babbar kù-gi ù na4-meš ina ma-

ha-za-nu ù é-kur-meš ma-la ba-šu-ú šá ul-tu unugki a-di tam-tì a!-na [e]-li šá-a-ri u šu-pa-[al

šá]-a-ri šá unugki i-pu-šú ni-du-ú še-ma-ku-nu-ma ni-mu-[ru ni-iš-mu]-ú ni-ip-si-nu ù [a-na] pa- ši-ri ni-iš-ku-nu ù mam-ma šá kù-babbar kù-gi [ù] na4-meš šá al-la níg-ka9-šú at-ra ina igi-šú

131 in-na-mar (over érasure) ina lú érin-meš šá pi ta-ni [i-b]a-áš-šu-ú la-pa-ni-ku-nu nu-ka-at-ti- mu

l. 22-28. « (Nous, soyons maudits s’il y a quelqu’un) qui travaille depuis la première année du règne de Cyrus, roi de Babylone, roi des pays, quelqu’un parmi les joailliers et les orfèvres de l’Eanna, autant qu’il y en a, quelqu’un qui aurait fait un travail en argent, en or et en pierres semi-précieuses dans la ville sainte et les sanctuaires, dans toute (la région) depuis Uruk jusqu’au pays de la mer, depuis l’est jusqu’à l’ouest de la ville d’Uruk, quelqu’un à propos duquel nous savons, nous sommes au courant et nous avons vu, [nous avons entendu], (si) nous

avons caché et dissimulé, et ce que quelqu’un qui est vu avec, dans sa main, de l’argent, de l’or [et] de la pierre semi-précieuse plus que son compte et (s’il y a) des travailleurs …(mais si) nous vous dissimulions [ ].»

L’expression «depuis la première année du règne de Cyrus» prouve que l’engagement (ne pas faire la réparation etc) commença à cette date et montre que ce document fut rédigé après ce jour. Cependant, il ne faut pas écarter la possibilité que ce document ait été rédigé durant la première année du règne de Cyrus, car il ne précise pas le nom du mois ni la date précise. Un autre élément notable est l’existence de Nidinti-Bēl, fils de Nabû-mukīn-zēri descendant de Dābibī, šatammu. Ce personnage est attesté en tant que šatammu jusqu’au 18e

jour du mois de Šabattu (XI) de la cinquième année du règne de Cyrus351. Il est raisonnable de

penser que la date de rédaction du document, Payne, RA 102. ait été située entre le premier et le huitième jour du mois de Šabattu (XI) de la cinqième année du règne de Cyrus.

Nidinti-Bēl, šatammu d’Eanna et Nabû-ah-iddin, officier royal, responsable de l’Eanna,

ša rēš ša šarri bēl piqitti Eanna, déclarèrent devant l’assemblée des orfèvres et des joailliers et

des orfèvres de l’Eanna :

13-18. šá é-an-na ma-la [ba-šu-ú i]-na! [ukkin] iq-bu-[ú um-ma] lú kab-[sar (x)] [lu]-ú lú kù-

dim šá ina lìb-bi-ku-nu šá [ti-i-i‘-da šá dul-lu] šá kù-babbar kù-[gi] ù [na

4]-meš [(x)] šá ul-[tu]

unugki a-di kur tam-tì i-pu-šú [lu-ú kù-babbar] kù-gi ù [na

4]-meš šá [al]-la níg-ka9-šú at-ru [i]-

na [šuII-šú] in-[nam-ma-ri! (text : nu šú) li-ba-ri]-ma [a-na] ugu [hu-lu]-uq-qu-[ú] šá i-na é-kur

[hal?-q]u ma-šá-a-al-tu

4 [ni-šá-al lú kab-sar]-meš ù lú kù-dim-meš šá [é]-an-[na]

132 13-18. « Si [vous connaissez] (soit) des joill[iers] (ou) [soit] des orfèvres qui sont parmi vous, soit qui a fait [un travail concernant] de l’argent, de l’or et des pierres semi-précieuses [dans la région] depuis Uruk jusqu’au pays de la mer. [Et n’importe qui] a été [découvert] avec, dans [sa main], [soit de l’argent], soit de l’or et soit des pierres semi-précieuses plus que son compte,

[laissez nous savoir !] Nous voulons faire l’interrogatoire concernant le matériel disparu qui (était) dans le temple.»

La réponse de l’assemblée des artisans est la suivante :

l. 22-28. [ki]-i ul-tu mu 1-kám Iku-[ra]-áš lugal tin-tirki lugal kur-kur mam-ma i-na lú kab-sa[r-

meš] u lú kù-dim-meš šá é-an-na ma-la ba-šu-ú šá dul-lu šá kù-babbar kù-gi ù na4-meš ina ma-

ha-za-nu ù é-kur-meš ma-la ba-šu-ú šá ul-tu unugki a-di tam-tì a!-na [e]-li šá-a-ri u šu-pa-[al

šá]-a-ri šá unugki i-pu-šú ni-du-ú še-ma-ku-nu-ma ni-mu-[ru ni-iš-mu]-ú ni-ip-si-nu ù [a-na] pa- ši-ri ni-iš-ku-nu ù mam-ma šá kù-babbar kù-gi [ù] na4-meš šá al-la níg-ka9-šú at-ra ina igi-šú

in-na-mar (over érasure) ina lú érin-meš šá pi ta ni [i-b]a-áš-šu-ú la-pa-ni-ku-nu nu-ka-at-ti- mu

l. 22-28. « (Nous, soyons maudits s’il y a quelqu’un) qui travaille depuis la première année du règne de Cyrus, roi de Babylone, roi des pays, quelqu’un parmi les joailliers et les orfèvres de l’Eanna, autant qu’il y en a, quelqu’un qui a fait un travail en argent, en or et en pierres semi- précieuses dans la ville sainte et les sanctuaires, dans toute (la région) depuis Uruk jusqu’au pays de la mer352, depuis l’est jusqu’à l’ouest de la ville d’Uruk, quelqu’un dont nous avons eu

connaissance et dont nous sommes au courant, et que nous avons vu, [nous avons entendu], nous

avons caché et nous avons dissimilé, et ce quelqu’un qui est vu avec, dans sa main, de l’argent, de l’or [et] de la pierre semi-précieuse plus que son compte et (s’il y a) des travailleurs de … (mais si) Nous dissimulions à vous [ ].»

Le document précisait la sanction encourue si le serment était violé : l. 28-31. Du jour où, soit un témoin, soit un accusateur, donne une preuve (et où) Nidinti-Bēl et Nabû-[ah]-iddin saisissent (les voleurs) ayant les objets volés dans leurs mains, les joailliers et les orfèvres, tous

352 La ville d’Uruket le pays de la mer étaient très proches économiquement et administrativement. (voir Jursa

133 ceux qui sont décrits dans le document, qui ont juré aux noms des dieux, ces voleurs encourront le châtiment du dieu et du roi353.

1) Le point important de ce document réside dans l’indication donnée sur le fait de se réserver les artisans. Quel était l’intérêt de cette interdiction de voyager et de travailler pour les autres sanctuaires ?

Même si les déplacements des personnes et des biens étaient un phénomène normal dans les grandes villes du long de l’Euphrate, les artisans représentaient l’un des groupes de personnes qui se déplaçaient le plus souvent, avec les armées et les officiers de temple et du palais. Selon E. E. Payne, la mobilité des artisans peut s’expliquer par trois raisons. La première est que les artisans voyageaient afin de chercher de la matière première354 ; normalement le

commerce était fait à la demande du temple, mais les artisans pouvaient également acheter des biens selon leurs besoins. La deuxième raison de leur déplacement est qu’ils étaient appelés d’une grande ville à l’autre pour leur travail spécialisé 355 ; les officiers du temple surveillaient

ce type de déplacement. Enfin, une troisième raison à cette mobilité est la recherche de meilleurs emplois, voire la fuite vers de meilleures conditions de travail356.

L’attention indéniable du temple quant aux déplacements des artisans était en liaison, semble-t-il, avec la rareté de la matière première en Mésopotamie, qui ne possédait que peu de choses hormis l’argile, le roseau et la laine. C’est à cause de leur importance, de leur préciosité et de leur facilité à être transportées que ces matières premières ont été précieusement

353 l. 28-31. [i-b]a-áš-šu-ú la-pa-ni-ku-nu nu-ka-at-ti-mu i-na u4-mu lú mu-kin-nu lu-ú ba-ti-qu [u]k-tin-nu-šú-nu-

tu Ini-din-ti-den u Idnà-[šeš]-mu šuIIşi-bit-tu

4 ina šuII-šú-nu iş-şab-tu-nu [l]ú kab-sar-meš ù lú kù-dim-meš ma-la i- na ţup-pi šaţ-ru-ma niš dingir iz-ku-ru [hi]-ţu šá dingir u lugal i-šad-da-ad

354 Joannès 1982 : 236-237. F. Joannès a rassemblé quatre documents indiquant que le temple se procure l’or

nécessaire à la fabrication et à la réparation des bijoux pour les dieux : GCCI 2 39, GCCI 2 59, YOS 6 115, YOS 6 112 (écrit sous l’ordre de date). Les six charpentiers sont envoyé au foret de la Dame d’Uruk (Stigers, JCS 28, n. 7.).

355 On trouve le même type de déplacements chez artisans et travailleurs spécialisés : "The Mari archives provide

significant evidence about the function of a Middle Bronze Age palace economy. The dynamics according to which specialized personnel were assigned to peripheral units, either for long periods or simply for the fulfillment of specific tasks, after which they would be sent back to their original working places, is illustrated in detail. On a general level, the mobility pattern of craftsmen leaving from and returning to the capital city is noteworthy." Zaccagnini 1983 : 249.

134 comptabilisées et réutilisées357. On peut voir la distribution faite par le temple à chaque artisan,

grâce à Payne, RA 102, qui en donne une petite preuve : l. 26-27. ni-mu-[ru ni-iš-mu]-ú ni-ip- si-nu ù [a-na] pa-ši-ri ni-iš-ku-nu ù mam-ma šá kù-babbar kù-gi [ù] na4-meš šá al-la níg-ka9-

šú at-ra ina igi-šú in-na-mar, « Quelqu’un qui est vu avec, dans sa main, de l’argent, de l’or

[et] de la pierre semi-précieuse plus que son compte… »

L’interdiction d’aller travailler pour les autres sanctuaires permettait de surveiller efficacement les artisans ainsi que lesdites matières premières. De plus, en faisant jurer les joailliers et les orfèvres - tous ceux qui sont cités dans le document ayant juré aux noms des dieux – les autorités des temples pouvaient créer une responsabilité collective qui intimidait et facilitait la cohésion.

La peur des autorités de l’Eanna pourrait venir de la particularité de l’organisation des artisans d’Uruk. D’après E. E. Payne, l’organisation des artisans d’Uruk est différente de celle de Sippar où les ouvriers provenant de l’extérieur occupaient une place importante au sein de l’industrie des artisans. Il y avait des esclaves et des spécialistes (ummânu) provenant de la ville de Babylone. En revanche à Uruk, les ouvriers extérieurs ne jouaient pas un grand rôle dans la collectivité des artisans. En outre, les artisans d’Uruk qui se trouvaient dans les autres villes étaient aussi bien attestés358. Malgré leur position en tant que hauts fonctionnaires dans l’Eanna

à Uruk, le pouvoir judiciaire de ces derniers ne pouvait pas s’étendre, normalement, en dehors de la région urukéenne. En outre, il était donc plus raisonnable de faire dépendre ces délits de l’autorité du roi afin d’éviter des conflits éventuels avec un autre temple pour lequel les artisans pourraient travailler.

2) Pourquoi trouve-t-on la clause-hīţu à la place de la sanction de l’amende au trentuple ?

Avant de préciser quelle était la nature du châtiment royal, il semble nécessaire de connaître la sanction encourue en cas de vol des biens de temple. Le vol de matériaux précieux n’était pas rare parmi les problèmes évoqués dans les archives de l’Eanna. Le vol des matériaux

357 Michel 2001 : 80. En absence des techniques poussées pour obtenir un or parfaitement raffiné, le seul moyen

connu pour s’assurer de la qualité de l’or utilisé était le calcul de la perte que subissait la masse originelle après un passage au four. Cela était également utilisé pour le comptabiliser précisément et le réutiliser : Joannès 1993 : 97.

135 précieux est attesté par plusieurs documents durant l’époque néo-babylonienne particulièrement sous le règne de Nabonide359. En voici des exemples :

Le quatrième jour du mois d’Addaru (XII-bis) de la douzième année du règne de Nabonide, Iddin-Tašpak, fils d’Ibni-Ištar a subi un interrogatoire au cours duquel il avoua avoir acheté de l’or et revendu de l’or360. Parmi les quatre personnes à qui Iddin-Tašpak avait acheté

de l’or figure Nabû-mukīn-zēri, un orfèvre. Après le huitième jour de la rédaction de la tablette précédente (Nbn 12/12-bis/8), on trouve son nom complet, Nabû-mukīn-zēri, fils de Marduk- ēţir, descendant de Ša-ţabtī-šu. Cette fois-ci, c’est Nabû-mukīn-zēri qui est soupçonné : «Dans le jour où un témoin, soit un accusateur, prouve (que) Nabû-mukīn-zēri, fils de Marduk-ēţir, descendant de Ša-ţabtī-šu, a acheté soit de l’argent soit de l’or à Itti-Šamaš-balāţu, voleur, et Kalbi-Ba’u, orfèvre, voleur, fils de Nādin ou (sinon qu’) il a fondu de l’or volé, tout ce que, (le témoin) établit, il devra donner au trentuple (trente fois) le paiement à la Dame d’Uruk»361.

D’après ce document, les autorités du temple réussissent à établir la culpabilité d’Itti-Šamaš- balāţu et de Kalbi-Bābu, car le mot voleur est ajouté à côté de leurs noms.

On voit l’apparition d’un autre orfèvre, Kalbi-Bābu362, oblat (širku), impliqué dans la

fraude de l’or dans le document YOS 6 214. La première accusation visant Kalbi-Bābu est constatée à YOS 6 175 (Nbn 12/12-bis/7). Ce document est une garantie faite par Kalbaia, fils de Marduk-mukīn-iddin concernant le témoignage de Nādinu, fils de Hasanu : « Kalbi-Bābu, voleur, fils de Nādin, oblat, a vendu de l’or rouge (sous la forme de) tirīktu à Nādin, fils de Hasanu. »363. Après le cinquième jour de YOS 6 175, le douzième jour du mois d’Addaru-bis

de la douzième année du règne de Nabonide, ce protagoniste apparaît à nouveau dans YOS 6 191. Ce document concernait Nabû-ēţir, fils de Bēl-ah-ušabši, descendant d’Aššur. Les autorités du temple, šatammu et scribe de l’Eanna, ont soupçonné Nabû-ēţir d’avoir acheté soit de l’argent soit de l’or à Itti-Šamaš-balāţu, le voleur, et Kalba-Bābu, l’homme dont il est question. Arrêtons là cette énumération des preuves des fraudes faites par les artisans qu’il serait vain de poursuivre dans la mesure où les choses sont claires. En revanche, il est important de

359 J. Renger a présenté plusieurs documents concernant ce sujet dans son article. À voir Renger 1971 : 494-503. 360 YOS 6 223

361 YOS 6 214 : l. 01-09 ina u

4-mu lú mu-kin-nu lu-ú lú ba-ti-qu Idnà-gin-numun a-šú šá Idamar-utu-šur a lú šá-

mun-há-šú uk-tin-nu lu-ú kù-babbar lu-ú kù-gi ina šuIIIki-dutu-ba-la-ţu tab-la-nu ù Ikal-bi-dba-ú lú kù-dim tab-la-

nu a-šú šá Ina-din im-hu-ru lu-ú kù-gi šá tab-lu ip-te-qu mim-ma ma-la [lú mu-kin]-nu ú-kan-nu-šú 1+en 30 a-na dgašan šá unugki i-nam-din

362 Pour le prosopographie de Kalba-Baû voir : Payne 2007 : 243.

363 l. 03-05.Iur-dba-ú lú ta-ba-la-an-nu a-šú šáIna-dinlú ši-ir-qí kù-gi si4!ta-rik-tu4 a-naIna-dina-šú šáIha-sa-

136 souligner le fait que le principe du code de Hammurabi concernant la peine encourue pour un vol de bien appartenant aux dieux et au roi, à savoir le paiement de trente fois la somme volée § 8, continue à être appliqué mille ans plus tard364.

Cependant, on peut se demander pourquoi la clause-hīţu est inscrite dans ce document. Selon la règle établie par le temple, les « trente fois de paiement » étaient un châtiment encouru pour la fraude des biens appartenant au temple.

Quelle est la nécessité qui a conduit à changer la nature de la sanction ? Tout d’abord, l’application des trente fois de paiement se limitait seulement au vol des biens du temple. Elle ne pouvait pas être utilisée pour l’interdiction de travailler dans un autre sanctuaire. Il est donc naturel que le temple ait cherché une autre solution pour imposer une nouvelle règle et une

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