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Gestion de la main-d’œuvre : le travail du canal de Harri kapp

TCL 12 80 01 Id nà-lugal-ur

8. Les fautes administratives dans la construction

8.1. Gestion de la main-d’œuvre : le travail du canal de Harri kapp

Nous commencerons par examiner un document associé à la construction et la réparation du canal Harri-kappi situé dans la région de Bīt Amukānu391.

TCL 13 150

01. 10 lú ú-ra-šú šá lú engar-me lú erin2 šuII-šú 02. šu-ul-su-du-ú-tu Iaq-ri-ia dumu-šú šá Idnà-

da-la-' 03. i-di-ik-ki-e-ma a-na i7 har-ri kip-pí 04. i-nam-din u4-mu šá Idnà-din-su-lugal-e lú šá

ugu gišbán 05. šá ugu i

7 uru pi-qu-du a-na ugu lú ú-ra-šú i-šap-par-ru 06. ù lú ú-ra-šú la it-tan-

nu 07. hi-ţu šá Igu-bar-ru lú tin-tirki 08. ù e-bir I

7 i-šad-da-ad 09. lú mu-kin-nu Iib-na-a dumu-

šú šá Ien-numun 10. dumu Išu-dna-na-a Iìr-ia dumu-šú 11. šá Idutu-mu-gin dumu lú man-di-di

12. lú umbisag Igi-mil-lu dumu-šú šá Idin-nin-numun-mu 13. uru maš-kan-dingir392 ši-i-hu šá dgašan šá unugki 14. iti sig

4 u4 14-kám mu 2-kám 15. Ikám-bu-zi-ia lugal tin-tirki

01-04. Aqria, fils de Nabû-dala' convoquera dix travailleurs-corvéables (=lú urašu) provenant des (équipes des) laboureurs (lú engar-me), de la main d’œuvre qui se trouve sous sa responsabilité et il (les) remettra pour (le travail de la construction et la réparation du) canal Harri-kappi.

grands projets de monuments ont été réalisés dans la région de Humešu, Matnanu et Taokè sous les règnes de Cyrus et Cambyse.

391 Kleber 2008: 188-191.

150 04-08. Le jour où Nabû-balāssu-šarri-iqbi, le responsable des redevances du canal de la ville de Piqudu, enverra un message à propos des travailleurs corvéables (= lú urašu), mais qu’il n’aura pas remis ces travailleurs corvéables, il (Aqria) encourra le châtiment de Gobryas, le gouverneur de Babylone et de l’Ebir-nari.

09-11. Témoins, Ibnaia, fils de Bēl-zēri, descendant de Gimil-Nanaya, Ardiya, fils de Šamaš- šum-iddin, descendant de Mandidi.

12-13. Le scribe, Gimillu, fils d’Innin-zēr-iddin, ville de Maškan, šīhu de la Dame d’Uruk 14-15. Le 14e jour du mois de Simânu de la deuxième année du règne de Cambyse, roi de

Babylone.

Selon ce document, en 528 (Camb 2/3/14), Aqriya, fils de Nabû-dala’ devait mobiliser dix travailleurs - lú urašu, provenant de ses équipes de laboureurs et les remettre à Nabû- balāssu-šarru-iqbi, responsable des redevances du domaine du canal Piqudu. Ces travailleurs devaient être rassemblés afin d’entretenir le canal Harri-kappi. Le document ne précise pas la date de la convocation, la date de rappel devrait être fixée par ordre de Nabû-balāssu-iqbi. Mais, si Aqriya, fils de Nabû-dala’ ne remettait pas ces 10 travailleurs-lú urašu, il encourrait le châtiment du roi.

Qui était Nabû-balāssu-šar-iqbi, responsable des redevances du domaine du canal piqudu, qui pouvait se permettre de demander un tel service ? Pour répondre cette question, il est nécessaire de comprendre le fonctionnement de l’administration gérant l’eau d’irrigation. À l’époque néo-babylonienne, y compris durant l’époque perse, la responsabilité de l’entretien et du développement des voies d’eau était à la charge des plus hautes autorités. La structure administrative qui gérait le domaine royal s’occupait également des voies d’eau. Le plus haut fonctionnaire administratif portant la charge de la gestion des eaux portait le titre de mašennu. Au début du VIe siècle, le mašennu cumulait la gestion agricole des domaines royaux et celle

de leur irrigation. Sous sa responsabilité, on trouvait les responsables des divers domaines royaux que l’on appelle « fermiers généraux », mais qui portent également le titre de « chef » ou « responsable des redevances » (ša muhhi suti)393. Nabû-balāssu-šar-iqbi portait le dernier

titre, celui de lú šá ugu gišbán šá ugu i

7 uru pi-qu-du, autrement dit, fermier général. Mais à quel

151 titre, Nabû-balāssu-šarru-iqbi pouvait-il demander de convoquer dix travailleurs - lú urašu parmi les ikkaru, à Aqriya, fils de Nabû-dala’ ? Même si Aqriya est repéré d’après son patronyme dans le document TCL 13 150, on connaît son statut social et professionnel à travers le document TCL 13 152, daté au douzième jour du mois de Nisanu de la deuxième année du règne de Cambyse. D’après ce texte, Aqriya, fils de Nabû-dala’ a été convoqué sur l’ordre de Gobryas, gouverneur de Babylone et de l’Ebir Narî, avec neuf autres personnes. Toutes les personnes mentionnées sont des laboureurs-ikkaru, oblats et, en même temps, chefs de charrues de la Dame d’Uruk (l. 09-10. lú engar-meš lú rig7-meš lú [gal g]išapin-meš šá d[gašan] urukki).

D’après M. Jursa394, principalement, on peut classer les divers impôts en trois

catégories : 1) l’impôt basé sur la possession de la terre agricole ; 2) l’impôt basé sur les biens immobiliers dans la ville ; 3) l’impôt basé sur le statut social et certains groupes professionnels. Selon son analyse, la corvée - lú urašu395 a été imposée à Aqriya parce qu’il était chef des

laboureurs396. Lorsque les travailleurs - lú urašu étaient employés pour les travaux publics, ils

sont organisés en unité de dix, ešerus, comme le mentionne notre document397.

D’après K. Kleber, Nabû-ah-iddin, ša rēš šarri bēl piqitti ajakki, supervisait la construction et la réparation du système d’irrigation de la région de Bīt Amukānu. Le canal sur lequel il avait travaillé était nommé Harri-kappi comme nous l’avons vu à partir du document précédent. Dans le même temps, il s’occupait également de la préparation du séjour de Cambyse

394 Jursa 2009 : 240.

395 L’impôt - lú urašu est attesté de nombreuses fois dans les documents cunéiformes. Cet impôt servait à utiliser

la main-d’œuvre pour les constructions (Jursa 1995 : 121, 185). Pour plus de détails (Jursa 2009 : 258). Cet impôt pouvait être compensé par la fourniture d’un homme, l’urâšu, ou d’une somme d’argent (Joannès 1989 : 157).

396 Lorsque D. Cocquerillat a décrit la différence entre le lú errēšūti et le lú ikkaru, elle a distingué ainsi deux

groupes utilisant pourtant le même idéogramme «lú apin» de la façon suivante : « Á l’époque néo-babylonienne toutes les terres à céréales sont soumises à l’estimation forfaitaire : ZAG-DIB = imittu, mais cette opération revêt une importance très différente selon les régimes d’exploitation ; elle est juridiquement obligatoire dans le cas de lú errēšu, ‘colon partiaire’ car c’est elle qui fixe le montant de la redevance ; dans le cas de lú ikkaru, elle est obligatoire seulement du point de vue administratif pour permettre au propriétaire de décider, en connaissance de cause, des réajustements du fermage. » : Cocquerillat 1984 : 145. D’après M. Jursa, lú ikkaru était un dépendant de temple -širāku qui était rattaché à la terre, par contre lú errēšu était un contractant : Jursa 1995. PTS 2344 (publié dans Janković 2013 : 49-50.) témoigne de l’existence d’une obligation de fournir les travailleurs-urašu. Ce devoir était destiné aux laboureurs. Légalement, il s’agissait d’un contrat passé entre Nanaya-ah-iddin, fils de Nergal-ina-tēši-ēţir et Šum-ukīn « fermier général ». Nanāya-ah-iddin demanda à Šum-ukīn de donner deux charrues inspectées et entrées dans un enregistrement du temple d’Eanna, huit boeufs, cinquante gur de terre et quarante gur d’orge en tant que semences. En contrepartie, il promit de donner 600 gur d’orge à la mesure du temple d’Eanna. À la fin de ce contrat, Šum-ukīn se porta garant de fournir de l’eau, en revanche Nanāya-ah-iddin devait produire [?] urāšu-travailleurs à Šum-ukīn. Ce document a été publié dans la thèse de B. Janković qui a commenté ainsi ce contrat : « Should this contract be considered an exceptional arrangement or did all the plough teams working for a rent farmer have to make a written agreement of this kind ? All the plough teams working for a rent farmer have to make a written agreement of this kind ? In the event that PTS 2344 was a special case, which is likely, clearly not many documents of this kind can be expected to crop up. » (Janković 2013 : 51).

152 dans la ville d’Abanu398. Le temple aurait dû préparer les attributions du roi pour le séjour de

Cambyse, Grand Roi, durant le mois de Simānu de la deuxième année du règne de Cambyse

399. Afin de bien gérer ces deux grandes tâches, il pouvait être important que chaque étape des

travaux soit achevée à un moment précis.

Cependant, si l’on prend en compte la date de rédaction de TCL 13 150, cette demande avait certainement posé problème pour les travailleurs-urašu, provenant des équipes des laboureurs. Le point crucial est la date. Même si l’on ne connaît pas la date précise de la convocation - c’était Nabû-ah-iddin qui devait prendre cette décision – si celle-ci avait été arrêtée peu de temps avant du mois de Dûzu, (la date de rédaction de ce document se situe au milieu du mois de Simânu), cela avait dû poser problème aux travailleurs, la saison des travaux agricoles se situant de la fin du mois de Nisânu au mois de Simânu400. Il était donc évidemment

difficile de rassembler ces travailleurs durant cette période. D’après la lettre YOS 21 115, l’équipe comportant normalement dix hommes manquait de travailleurs. L’auteur de cette lettre semblait furieux en expliquant que cinq laboureurs pour son chantier n’étaient pas suffisants. Ce manque de travailleurs est également dénoncé dans d’autres documents de la même période401.

Par ailleurs, les travailleurs sont décrits comme « bien équipés » (šulsudûtu), ce qui indique que, non seulement le nombre de travailleurs était important, mais également que leur bonne condition physique était considérée comme essentielle402.

À cette période, une famine fit rage dans le pays et ce qui avait entraîné une crise frumentaire pour l’Eanna.403 On peut le constater aussi à travers les lettres YOS 3 19 et YOS

398 Kleber 2012 : 221-222.

399 Il existe un document concernant l’expédition de 200 jarres-dannu de bière fine à la ville d’Abanu écrit le

onzième jour du mois de Simânu de la deuxième année du règne de Cambyse, justement trois jours avant la rédaction de TCL 13 150 : YOS 7 129. Nous avons mentionné deux hypothèses proposées par G. Tolini dans le chapitre concernant l’attribution du roi ; mais aucune preuve définitive ne permet de les valider.

400 Pour la calendrier agricole, voir Janković 2013 : 56.

401 YOS 3 69. Nabû-ah-iddin a écrit une lettre depuis Bīt Amukānu au šatammu de la ville d’Uruk. Il a témoigné

qu’il y avait beaucoup de fugitifs et a demandé au šatammu d’envoyer les travailleurs pour pouvoir terminer sa tâche.

402 Récemment, J. MacGinnis a publié un article intitulé "A Corvée Gang from the Time of Cyrus" dans la revue,

Zeitschr. f. Assyriologie 93 (MacGinnis 2003 : 88-115). Celui-ci s’appuie sur des documents datés d’entre la cinquième et la septième année de Cyrus, concernant l’inspection des travailleurs. Pour résumer, 20% des travailleurs convoqués et enregistrés dans ce document n’étaient pas en état de travailler. La même situation est attestée durant le règne de Cambyse (Voir le chapitre précédent concernant la fourniture des briques pour la construction).

403 Récemment, F. Joannès a proposé une autre hypothèse pour comprendre les difficultés financières de cette

époque en Babylonie : l’existence d’une réquisition militaire par Cambyse pour la conquête de l’Egypte. Ce serait l’une des deux raisons, avec la famine, ayant ruiné la Babylonie en 527 et 526 : F. Joannès, « Cambyse’s reign in

153 3 33, que l’on considère avoir été rédigées au moment de la construction du canal Harri-kappi. Nabû-ah-iddin insiste, dans ces lettres, sur le fait qu’il n’avait plus de rations à distribuer aux travailleurs. En considérant tous les indices de la crise alimentaire, on peut supposer que Nabû- ah-iddin a dû avoir des difficultés à trouver des journaliers pour faire creuser le canal. Naturellement, les travailleurs convoqués étaient certainement plus précieux car il avait besoin de moins de financement pour entretenir cette main-d’œuvre. L’obligation de remettre la main- d’œuvre et la sanction appliquée en cas de transgression doit être comprise dans ce cadre.

8.2. Bien garder les travailleurs et les remettre à l’endroit demandé : la

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