• Aucun résultat trouvé

2. La sélection des terrains d’étude

2.1 La sélection des départements et communes d’étude

La sélection des trois terrains d’étude s’est faite à partir d’une série d’entretiens réalisés auprès des agents de l’action sociale de la Cnav (au niveau de la direction nationale, de la région Île-de-France et de la Carsat Normandie). Ces entretiens ont eu pour objectif de comprendre le fonctionnement de l’action sociale sur le repérage du public fragilisé ainsi que la mise en œuvre d’actions de prévention et de PAP. La grille utilisée pour les entretiens auprès de chargés de mission, de directeurs et autres professionnels, consultable en annexe n° 2, se compose de deux parties : la première porte sur une explication du métier et des missions de chacun au sein de l’action sociale, la deuxième sur les départements et territoires où l’élaboration des actions du professionnel est plus délicate. Ces contacts ont été facilités par mon positionnement en thèse Cifre : accueillie à l’URV en Île-de-France et rattachée à l’université du Havre au sein du laboratoire IDEES Le Havre CNRS 6266, les contacts avec ces deux régions ont de ce fait été plus faciles. Après cette première série d’entretiens, un travail de

57 Les difficultés de traiter un sujet de recherche à partir d’une approche pluri disciplinaire apparaissent ici. Une approche géographique va peut-être définir le type d’environnement à partir d’un facteur physique (le type de maison, d’immeubles, la distance entre les habitations, etc.) ; en sociologie en revanche, c’est le mode de vie qui sera peut-être utilisé en termes d’accroche pour la définition de l’environnement. Les résultats et les approches du territoire peuvent donc varier suivant les disciplines des sciences sociales. Chaque discipline a des interprétations différentes de l’environnement et de la façon de l’aborder. Cette difficulté à laquelle nous avons été confrontées (étant à mi-chemin entre la sociologie et la géographie sociale) a été surmontée en choisissant de continuer à exposer la façon dont les politiques publiques du vieillissement perçoivent les territoires et les types d’habitat pour créer une cohérence à partir d’une seule représentation (celle des politiques publiques du vieillissement et non pas celles issues de la géographie ou de la sociologie).

121

consultation des bases de données nationales (Insee) a été réalisé afin d’affirmer les premières pistes de terrain d’étude qui étaient ressorties des entretiens. Trois critères ont été examinés dans ces bases de données pour identifier, pour chaque territoire, une population cible conforme aux critères définis par la Cnav comme des signes de fragilité : le nombre de personnes âgées de 60 ans ou plus ; le taux de personnes âgées de 60 ans ou plus vivant seules ; et le taux de pauvreté sur le département. L’ensemble de ces critères ont permis la production d’une cartographie consultable en annexe n° 2. À l’issue des entretiens avec la direction nationale de l’action sociale de la Cnav et des directions régionales, certains territoires ont été rapidement écartés. C’est le cas du territoire parisien par exemple. En effet, nous avons fait le choix de ne pas enquêter sur ce terrain où la Cnav est très implantée, où les relations politiques avec le département sont développées et le public est facilement ciblé. Par ailleurs, la problématique de la mobilité sur le territoire parisien est particulière puisque la ville est très maillée par les réseaux de bus, métro et tramway. Le choix du terrain parisien offre principalement la vision des transports urbains, or notre objectif était de trouver un terrain d’étude où cohabitent plusieurs modes de transports. Enfin, plusieurs chercheurs se sont déjà penchés sur le vieillissement et la mobilité dans la capitale (Hallier-Nader, 2011).

Au fil des entretiens avec les agents de la Cnav, le département de la Seine-Saint-Denis est apparu comme un terrain présentant de grandes difficultés pour le déploiement des actions de la Cnav. La Seine-Saint-Denis est le département qui compte le moins de personnes âgées de 60 ans ou plus (16.58 % en 2019 à partir de l’estimation de la population) (Insee, 2020g). Le choix du terrain d’étude aurait pu s’orienter sur des régions fortement peuplées par des retraités, mais il a semblé plus judicieux de choisir des départements où justement cette population n’est pas surreprésentée. Une part majoritaire de personnes retraitées et âgées sur un département pourrait avoir des effets sur les orientations politiques de ce dernier. De même, les innovations et les moyens alloués aux personnes retraitées auraient peut-être plus tendance à se développer dans les départements où les personnes retraitées sont plus largement implantées. Les entretiens réalisés avec la Direction de l’action sociale Île-de-France (DNAS) indiquent que le département de la Seine-Saint-Denis, un département désigné comme jeune, est un territoire difficile pour le déploiement d’actions de prévention. Recouper la cartographie avec les entretiens réalisés auprès de professionnels de l’action sociale a donc permis d’identifier un premier département : la Seine-Saint-Denis. Le département normand, deuxième territoire privilégié dans cette thèse, n’a pas le même profil que l’Île-de-France. La part des personnes âgées de 60 ans ou plus en Seine-Maritime se rapproche des données franciliennes (26 % en moyenne), (Insee, 2020g). Le choix de la Seine-Maritime permet d’observer les aides de la Cnav au sein d’une Carsat différente tout en conservant une proximité physique et géographique avec le département choisi en Île-de-France.

Si la Seine-Saint-Denis est le département francilien comptant la part la plus faible de personnes âgées de 60 ans et plus, ces dernières semblent toutefois vivre seules, ce qui peut renforcer les critères d’exclusion sociale, dont l’isolement social est une composante (Hall et Havens 2002 ; Fouliard 2017). Le taux de pauvreté est un indicateur important pour la mise en œuvre des aides de l’action sociale de la Cnav : généralement, plus la population d’un territoire est pauvre, plus il est compliqué d’y mettre en place de façon pérenne des PAP. Les bénéficiaires ne pouvant que difficilement assurer le suivi financier des aides, ils vont bien souvent s’adresser au département (dans le cadre de l’Allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) ou alors compter sur l’intervention de proches pour mener les démarches administratives à leur place. Les difficultés financières entrent souvent en compte dans les critères d’exclusion sociale. Le département de la Seine-Saint-Denis enregistre le taux de pauvreté le plus important (29 %), (Insee, 2020k). De plus, le taux de pauvreté des personnes âgées de 60 à 74 ans y est de 23 % et celui des 75 ans ou plus est de 14 %, (Insee, 2020k). La situation de la Seine-Maritime est beaucoup plus nuancée : le taux de pauvreté globale y est de 15 % (ce qui positionne le département dans le troisième quartile), le taux de pauvreté des individus âgés de 60 à 74 ans y est de 9 % et celui des soixante-quinze ans ou plus est de 7 %, (Insee, 2020k). Ainsi, la situation des deux départements contraste beaucoup sur le taux de pauvreté des retraités et des personnes vieillissantes. Selon les entretiens réalisés auprès des personnes travaillant à l’action sociale de la Cnav, le département de la Seine-Saint-Denis est un département dans lequel il est difficile

122

d’atteindre le public ciblé par la Cnav. Les personnes vieillissantes y sont peu représentées, ce qui peut interroger sur les possibilités d’investissement des mairies et du département pour soutenir ces personnes.

Le département de la Seine-Saint-Denis étant limitrophe de Paris, quelques communes bénéficient d’un réseau de métro et de bus très développé, même si les communes les plus éloignées de la capitale ne sont desservies que par des réseaux de bus et de RER. L’habitat dans ce département est fortement densifié aux abords de Paris à partir avec de grands immeubles d’habitation, l’habitat se fait plus diffus au nord-est du département, avec des zones plus diversifiées alliant quartiers pavillonnaires et zones denses d’habitations en logement collectif. Ces villes moins denses, qui se sont développées à partir des années 1960, sont caractérisées par des aménagements urbains orientés autour de l’utilisation massive de la voiture. Cette diversification offre la possibilité d’étudier plusieurs terrains sur le département : un terrain avec un habitat dense et collectif, souvent aux abords de Paris ; un terrain où l’habitat est plus dispersé et individuel, en quartier pavillonnaire. De multiples terrains et communes auraient pu être choisis, cependant le choix a été fait de retenir deux territoires contrastés : un terrain très urbain, avec plusieurs modes de transports, et un terrain pavillonnaire avec moins de modes de transport et un habitat plus dispersé58.

Le terrain pavillonnaire et urbain en Île-de-France est un territoire sur lequel l’action sociale impose une sélection59 spécifique aux retraités pour bénéficier des aides (être retraité du régime général quel que soit l’âge, avoir connu des difficultés de mobilité, avoir besoin d’aménagement et accepté un PAP diversifié). De ce fait, il semblait nécessaire de définir un terrain d’étude dans une autre région, où la Carsat a d’autres critères d’inclusion aux aides. La Carsat Normandie a été retenue, car elle offre aux retraités du régime général un accès aux aides de l’action sociale à partir de 75 ans (sauf dérogations exceptionnelles) et à partir de critères liés aux revenus, ce qui n’est pas le cas en Île-de-France.

Les directeurs et chargés d’action sociale de la Carsat Normandie ont été interrogés, comme en Île-de-France, afin de pouvoir affiner le choix des terrains d’étude. Le département de la Seine-Maritime abrite des zones à dominante rurales très difficiles d’accès pour la Cnav, où il est souvent impossible de développer des actions de prévention. Les distances sont importantes et les transports souvent absents. Le Pays de Bray, situé à une heure de route de Rouen, est souvent cité dans les entretiens réalisés avec les chargés d’action sociale de la Carsat Normandie : les professionnels ont dépeint un environnement difficile d’accès (aussi bien socialement que physiquement), où les conditions de vie sont parfois rudes, avec des zones très rurales sous forme de hameaux agricoles dans

58 Les éléments choisis pour définir les terrains d’étude sont de 3 ordres : la densité et la diversité des modes de transport ; la densité des services et commerces et le type d’habitat (immeuble, pavillon, maison). Ces critères permettent de définir trois types de terrains : un terrain dans un quartier urbain dense (fort maillage de transports en commun, de services, de commerces et d’habitations), un quartier urbain pavillonnaire (diversification moins importante de services commerces et transports en commun, habitat moins dense et majoritairement individuel), un terrain à dominante rurale (peu de transports en commun, de services et de commerces, zone d’habitat individuel peu dense). D’autres dénominations sont possibles (l’urbain, le rurbain et le périphérique), mais elles prennent d’autres aspects en compte comme l’aspect économique pour la rurbanisation : « Le néologisme ‘‘rurbanisation’’ est de plus en plus utilisé pour désigner la fixation dans des

campagnes péri-urbaines des résidences de migrants quotidiens d’origine et de profession urbaine. La rurbanisation s’exprime par la dispersion dans un tissu rural de fragments de banlieue pavillonnaire » (Guérin et

Gumuchian, 1979, p. 89).

59 La Cnav laisse chaque Carsat et la Dasif fixer les grandes lignes d’inclusion des personnes vieillissantes pour pouvoir accéder à des PAP. Ces distinctions territoriales ont pour objectif de respecter au mieux les disparités et les ressources de chaque territoire. La Dasif met par exemple en place une sélection en fonction de la situation de santé de la personne et de son environnement social. La Carsat Normandie n’utilise pas le préciblage de la même façon. La barrière la plus importante pour accéder à une aide est l’âge puisque la Carsat permet d’accéder à une aide humaine pour les personnes âgée de soixante-quinze ans et plus. L’annexe n° 1 détaille les conditions d’inclusion de la Dasif, de la Carsat Normandie ainsi que la circulaire de la Cnav, qui préciser les grandes lignes de l’action sociale.

123

lesquelles la population âgée a de nombreuses difficultés de déplacement. Le choix d’un troisième terrain d’étude en Île-de-France aurait été possible, notamment en Seine-et-Marne, territoire très rural. En revanche, l’opportunité de trouver un terrain rural en Seine-Saint-Denis était impossible. Le choix a donc été fait de profiter du réseau partenarial de la Cnav et de l’Université du Havre pour identifier avec les acteurs locaux ayant participé aux échanges un troisième terrain d’étude, limitrophe de l’Île-de-France, mais qui offre d’autres caractéristiques, notamment dans la sélection des bénéficiaires d’un PAP de l’action sociale de la Cnav60. Là encore, les statistiques de l’Insee ont servi à mieux cibler les caractéristiques de ce territoire (Insee, 2020f).

Après échanges avec les acteurs locaux et l’étude de ce cadrage statistique, trois territoires ont été retenus pour analyser les comportements de mobilité locale des retraités et personnes vieillissantes sur ces territoires. La Seine-Saint-Denis (choisie pour réaliser des entretiens dans un quartier urbain dense et dans un quartier pavillonnaire) et la Seine-Maritime (sélectionnée pour des entretiens en zone à dominante rurale) ont donc été retenues pour réaliser les entretiens approfondis auprès de retraités et de personnes vieillissantes dont certaines sont bénéficiaires d’un PAP de l’action sociale de la Cnav. Le choix d’un terrain d’étude au sein du département de la Seine-Maritime, qui offre la possibilité de varier les conditions de sélection à une aide de l’action sociale de la Cnav, permet d’observer les aides apportées dans d’autres conditions qu’en Île-de-France.

Outline

Documents relatifs