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PARTIE II : Non recours et non adhésion

13 Mme Suret,

4. Qualité de l’aide et qualité de vie : disjonctions et conséquences L’hypothèse centrale de notre projet de recherche postulait une « disjonction des notions de qualité

4.2. Perceptions croisées de la qualité de vie.

4.2.2. La qualité de vie selon les professionnels.

Il est intéressant de constater qu’en dehors d’un questionnement qui leur est explicitement adressé, les professionnels rencontrés ne s’interrogent guère sur les paramètres de la qualité de vie des personnes aidées. Leur discours demeure le plus souvent centré sur la qualité de l’aide fournie, ou la qualité du service. Cependant, lorsqu’ils sont sollicités pour s’exprimer à ce sujet, ils positionnent cette notion essentiellement du côté des ressources relationnelles et de réseau dont disposent les personnes. Les points de vue qui s’expriment se trouvent alors nettement à distance de ceux des vieilles personnes.

Entre personnes aidées et professionnels : un double malentendu.

A travers l’enquête par questionnaire menée auprès d’évaluateurs APA –pour mémoire, médecins, évaluateurs EMS, responsables de services prestataires- une hiérarchie des éléments constitutifs de la qualité de vie des personnes âgées aidées apparaît. La diversité des profils des répondants ne se traduit pas par une différenciation des réponses qui sont relativement homogènes.

Le premier critère de qualité de vie identifié par les professionnels est la présence d’un entourage aidant. Secondairement sont évoquées la qualité des aides professionnelles apportées et en troisième position le respect des choix, des rythmes, des habitudes de vie et de l’autonomie.

Quelles sont, selon vous, les composantes essentielles de la qualité de vie d’une personne ? VARIABLE_58qualitévie_T

Non répons e

être entourée Contact vie sociale

qualité des aides pros accom pagnem ent

Etre res pectée dans s es choix s es désirs son intégrité s es rythm es autonom ie lucidité Sécurité /bes oins /hygiène

Confort bien être abs ence de douleur TOTAL OBS. TOTAL OBS. N b. cit. Fréq. 38 20,0% 47 24,7% 36 18,9% 35 18,4% 19 10,0% 15 7,9% 0 0,0% 190 100%

Ces éléments apparaissent en décalage avec les définitions apportées par les personnes âgées elles- mêmes, selon lesquelles le principe de continuité de l’existence en conformité avec les valeurs et les modes d’organisation antérieurs, est l’élément central de la qualité de vie. Cette approche renvoie explicitement au respect des rythmes, des choix et de l’autonomie, qui n’est mentionné par les professionnels qu’en troisième position. Il semble donc bien exister une différence majeure de point de vue entre les personnes aidées et les professionnels.

Cette disjonction dans les définitions de la qualité de vie a des conséquences majeurs dans la définition des services : en effet, les responsables tout comme les évaluateurs positionnent comme élément essentiel de la qualité de l’aide, « les qualités relationnelles » des professionnelles intervenantes, sans pour autant définir explicitement et en termes de compétences ce que recouvre ce terme.

Or pour la plupart des personnes aidées, si la relation avec l’aide à domicile est un élément important de la prestation, elle n’en constitue pas le socle. Non seulement la qualité du service et de la prestation n’est pas appréciée sur le registre de la relation, mais ce n’est pas ce type de relation qui contribue à la qualité de vie.

Un double malentendu s’exprime donc ici entre les personnes aidées et les professionnels, qui porte tout à la fois sur la définition de la qualité de l’aide et la définition de la qualité de vie.

La qualité de vie en dehors de la « vocation des services d’aide ».

Ces éléments sont confortés par les entretiens menés avec les responsables de services prestataires d’aide ou de soins à domicile, pour lesquels majoritairement, l’intervention professionnelle « d’aide à la personne » n’a pas vocation à satisfaire les attentes des personnes âgées dépendantes, mais de s’inscrire dans une logique de compétence professionnelle technique et relationnelle, de soin, de care, de vigilance et de prévention. (Entretiens avec les responsables de services prestataires d’aide ou de soins à domicile, CCAS et associations).

L’organisation de l’aide à domicile ne paraît ainsi pas centrée sur une préoccupation de qualité de vie pour les usagers. Les justifications parfois données à cette non prise en compte de la qualité de vie des personnes sont de deux ordres :

- D’une part, les règlements normatifs des services apparaissent en décalage avec certaines attentes des personnes âgées. En conséquence il n’apparaît pas comme prioritaire d’apporter une réponse à ces attentes, fussent elles essentielles pour la qualité de vie des personnes concernées. Dans cette perspective, les professionnels rencontrés identifient clairement la vocation des services d’aide à domicile sur un registre étranger à la qualité de

vie des personnes : il s’agit davantage d’apporter une contribution au maintien d’une vie en santé ;

- D’autre part, les dispositifs financiers –APA- et les exigences de gestion des services ne paraissent pas permettre le développement d’interventions adaptées, individualisées et suffisantes en quantité, comme en qualité pour répondre à des attentes qui se situeraient du côté de la qualité de vie.

Les professionnels conscients de ce décalage entre les attentes des personnes aidées en termes de qualité de vie et les prestations proposées, renvoient la prise en compte de la qualité de vie des personnes à leur entourage familial : « est ce qu’on peut parler de qualité si on ne peut pas entendre ce que demandent les vieux ? On tend vers la meilleure qualité : on demande aux gens de faire des concessions qui sont très lourdes, leur demander de manger de la viande en sauce du portage, ça peut être d’une violence terrible quand ils auraient envie d’une viande grillée... Parfois les familles pallient les manques, c’est elles qui font de la qualité. Mais en tant que services, on n’a pas de prise en charge pour la qualité. Ce qui concerne la qualité, c’est pas vital mais ça peut être essentiel. Avoir le temps de sortir quelqu’un : parfois on n’a même pas le temps d’emmener quelqu’un jusqu’à sa fenêtre pour qu’il respire à l’air libre. Après ça on parle de projet de vie, je trouve que la vieillesse c’est terrible. On peut tendre vers une qualité d’intervention mais ça ne fait pas des gens heureux, c’est pas de la qualité de vie » (responsable de secteur, service 6)

Ainsi, les prestations d’aide à domicile, institutionnellement définies ne paraissent pas pensées dans une logique de projet d’accompagnement au service du projet de vie des personnes, malgré les évocations fréquentes chez les responsables du cadre de la loi de 2002.2. Cette mention semble davantage référée à un souci du respect des aspects normatifs de la loi, à travers notamment la mise en œuvre des outils rendus obligatoires -livret d’accueil, règlement de fonctionnement, contrat de prise en charge...) que d’une perspective éthique de soutien du projet individualisé des personnes.

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