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SECTION II UN CONTRAT EN COURS D’EXECUTION

B. Le contrat en cours : une notion large ?

I. La notion de contrat international

203. La notion de « contrat international » n’a pas été spécifiquement définie par aucune disposition du droit international, qu’elle soit d’origine conventionnelle ou

« mercatoriale 327». Sa détermination provient, ainsi, tout naturellement de celle donnée au

contrat en tant que tel par les différents droits nationaux qu’ils soient de la famille romano- germanique ou de celle de la common-law. En Espagne, il y a « contrat dès lors qu’une ou

325 C’est le cas notamment de l’O.M.C (Organisation mondiale du commerce), créée à Marrakech le 15 avril 1994 et

entrée en vigueur le 1er janvier 1995 ou de l’O.C.D.E(Organisation de coopération et de développement économique) qui

a succédé à l’O.E.C.E (Organisation européenne de la coopération économique) issue du plan Marshall.

326 C’est les cas notamment de l’A.E.L.E (Association européenne de libre échange) créée en 1960, de l’E.E.E( Espace

économique européen), créé par l’accord de Porto le 2 mai 1992, de l’A.L.A.L.C ( Association latino-américaine de libre commerce, créée en 1960, de N.A.F.T.A (North american free trade association), en français A.L.E.N.A, créée en 1992, de l’A.L.E.A( Accord de libre échange asiatique) créé en 1992 et de la C.E.D.E.A.O ( Communauté économique et douanière des états de l’ Afrique de l’ouest).

327 La lex mercatoria est un ensemble d’usages dont la pratique est généralisée sur le plan international, formant ainsi un

véritable droit coutumier international. Même si ce droit ne possède pas cette capacité d’offrir des solutions à l’ensemble des interrogations que pourrait soulever un contrat, les parties ont la possibilité de s’y référer expressément ou tacitement : Sentence arbitrale CCI in JDI, 1987.1012 à 1018. Dans un arrêt, la Cour d’appel soutenait d’ailleurs, qu’à défaut de compétence législative déterminée, la lex mercatoria est un ensemble de dispositions de caractère international ayant vocation à s’appliquer : CA Paris, 13 juillet 1989, Rev. crit. DIP, 1990, n° 2, p. 307.

plusieurs personnes s’obligent envers une ou plusieurs autres à donner une chose ou à faire quelque chose328 ». Ce qui ressemble fortement à la définition que donne le droit

français selon laquelle « le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs

personnes s’obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose 329». Selon la législation britannique, le contrat n’est autre chose qu’un

accord de volontés donnant naissance à des obligations qui sont juridiquement obligatoires ou reconnues330. On en conviendra, tout ceci ne donne pas une définition précise du contrat international. En effet, à supposer que l’on puisse affirmer qu’un contrat est international dès lors qu’il présente des points de contact avec le droit de plusieurs Etats ou avec le droit international331, se pose la question de savoir les critères qui permettent une telle déduction. Or, comme nous l’avions déjà relevé, le droit international ne nous en donne pas. Face à ce vide juridique, la doctrine et la jurisprudence ont tenté, non sans difficultés, de dégager des critères permettant de cerner ce qu’est un contrat international. Et à ce propos, leur évolution nous apprend que deux critères, géographique et économique, sont susceptibles d’offrir la possibilité de déterminer ce qu’est le contrat international.

204. Critère géographique- En vertu de ce critère, le contrat devient international dès lors qu’il entraîne « un phénomène de flux et reflux par delà les frontières ». C’est dans cette même logique que la Haute juridiction a encore jugé, quelques années plus tard, que

« constitue un emprunt international l’opération qui implique un double mouvement de fonds de pays à pays, la société débitrice ayant son siège en France empruntant à l’étranger des fonds pour les besoins de son exploitation et devant rembourser les prêteurs sur des places étrangères 332». Ce qui voudrait dire que dans la détermination du caractère

international d’un contrat, la notion de frontière joue un rôle capital. En d’autres termes, la qualification de contrat international requiert que l’échange mette en scène au moins deux pays333. Certains considèrent, toutefois, insuffisant ce critère géographique.

205. Critère économique- Le critère géographique n’ayant pas produit toute la satisfaction attendue, la jurisprudence a décidé, dès lors, d’y recourir à un autre plus

328 C’est l’art. 1254 du C. civ. espagnol cité par CHATILLON S., Droit des affaires internationales, 2è éd., Vuibert,

1999, p. 165.

329 V. art. 1101 du C. civ.

330 V. CHATILLON S., Droit des affaires internationales, op. cit., p. 166. 331 Cf. CHATILLON S., op. cit., p. 164.

332 V. Civ., 21 juin 1950, Affaires Messageries maritimes cité par CHATILLON S., op. cit., p. 171.

333 Il semble que ce critère géographique aurait même été défendu par l’un des membres du Comité français de droit

international privé au cours des discussions de la Commission de réforme du Code civil : V. LEPAULE in « La codification du droit international privé », Paris, Dalloz, 1956, p. 206.

pragmatique, en l’occurrence le critère économique. Ce critère a été véritablement fixé par la première chambre civile de la Haute juridiction en 1980 au travers de l’arrêt TARDIEU334. En vertu de ce critère, le contrat est international dès lors que les intérêts du commerce international se trouveraient mis en péril335. Il faut tout de même faire remarquer que l’origine de ce critère remonte à 1930 où il fut, pour la première fois, évoqué par la chambre civile de la Cour de cassation et confirmé une année plus tard, c’est-à-dire en 1931336. Dans ces deux affaires, la nature internationale des contrats n’était pas déterminée en termes de « flux et de reflux ». En fait, l’enjeu de la contestation portait sur une stipulation contractuelle requérant le recours à l’arbitrage international lorsque surviendrait un litige. En l’espèce, des sociétés hexagonales avaient conclu et exécuté, sur le territoire national, deux contrats de vente relatifs à du blé provenant, dans le premier cas du Chili. Ces marchandises ont été embarquées à New York alors que le paiement du prix était prévu à Londres. Selon la clause compromissoire stipulée dans les contrats, en cas de litige c’est les juridictions anglaises qui en seront saisies, clause qui s’était révélée être nulle conformément au droit français. Puisque les parties en tant que françaises n’avaient pas le droit de déroger au droit français. Pour autant, la Haute juridiction estima que puisque, d’une part, la disposition prévoyant la nullité de la clause compromissoire n’étant pas impérative et surtout, d’autre part, lesdits contrats « mettaient en jeu les intérêts du

commerce international », les parties ont, à bon droit, pu déroger à la loi française.

206. Cumul du critère géographique et économique- Toutefois, à notre avis, aucun de ses critères n’est exclusif de l’autre. En effet, pour véritablement déterminer le contrat international, le recours cumulatif à ces deux critères est nécessaire. Aucun des deux ne peut, à lui seul, englober en toutes circonstances et dans toutes les hypothèses la qualification du contrat. Prenons l’exemple précédent dans lequel la Cour de cassation jugeait que le contrat est international parce qu’il mettait en jeu les intérêts du commerce international. Dans cette même affaire, on peut appliquer ou constater la survivance du critère géographique, c’est-à-dire un flux et reflux par-dessus les frontières. N’est-ce pas que les marchandises provenaient du Chili, qu’elles ont, ensuite, été embarquées à New

334 V. Civ. 1re, 7 octobre 1980, Bull. civ. IV 1980, n° 242, p. 195.

335 On peut relever que la conception française du contrat international n’est pas, comme on pourrait l’imaginer, très

éloignée de celle américaine. Celle-ci définit le contrat international, au travers de l’article 1.105 du Code de commerce uniforme des Etats unis (U.C.C), comme celui qui concerne raisonnablement une autre nation.

336 V. Civ., 19 février 1930, Mardelé c/ Muller et Cie ; Civ., 21 janvier 1931, Dambrincourt c/ Brossard & autres cités par

York et, enfin, livrées en France ? Inversement, dans l’affaire du prêt international337, rien n’empêche d’appliquer le critère du commerce international à côté de celui géographique. On peut, en effet, y voir la mise en jeu du commerce international en l’occurrence celui du prêt international de fonds. Ainsi, pour repérer efficacement un contrat international, il faut en réalité raisonner en cumulant les critères géographique et économique étant donné que ni l’un ni l’autre n’est capable, d’une manière absolue, d’englober toutes les hypothèses. Quelle serait l’incidence de la fusion ou scission sur un tel contrat qui figurerait dans le patrimoine de la société absorbée ou fusionnée ? Si incidence il y a, serait-elle différente de celle affectant les autres contrats ?

II Du principe de continuation des contrats internationaux figurant dans le patrimoine de la société absorbée

207. De l’indifférence de principe du critère international du contrat- En principe, la nature internationale d’un contrat en cours ne constitue pas un obstacle à sa continuation. Rappelons que les fusions et scissions ont pour caractéristique commune d’impliquer la transmission universelle du patrimoine d’une société au profit d’une ou de plusieurs autres. Ce qui voudrait dire que l’ensemble des éléments composant le patrimoine de la société dissoute sans liquidation est, de plein droit, transféré à la société bénéficiaire. Dans cette perspective, l’ensemble des rapports contractuels, qu’ils comportent ou non un élément d’extranéité, conclus par la société absorbée sont automatiquement transférés à la société absorbante ou nouvelle. Le fait que le contrat soit international n’est pas naturellement constitutif d’une cause de caducité ou de résiliation. Aussi, le cocontractant de la société absorbée ne saurait invoquer le caractère international du contrat pour refuser sa poursuite, à moins qu’une stipulation explicite ne lui donne une telle possibilité.

208. De la poursuite naturelle du contrat international- Il faut insister sur le fait que cette continuation automatique des contrats internationaux, au même titre que ceux internes, est une résultante de la mise en œuvre de la règle de transfert universel qui, lui- même, constitue l’une des caractéristiques essentielles des fusions et scissions. Les contrats

internationaux ne peuvent, par conséquent, échapper au principe de la transmission universelle. En définitive, on pourrait retenir que si un contrat international est compris dans le patrimoine de la société absorbée, il y a lieu de conclure tout simplement à son transfert, à l’instar des autres éléments du patrimoine, à la société absorbante ou nouvelle. Celle-ci ne pourra, on plus à son tour, refuser le contrat au seul motif qu’il soit international. Prenons un exemple. Une entreprise française A conclut avec une entreprise chinoise un contrat par lequel celle-ci fournira celle-là en produits textiles. La société A se fait absorber par une entreprise B, toujours française qui recueille aux termes de la convention de fusion tout son patrimoine. Ce faisant, ni le cocontractant, encore moins la société absorbante ne pourront refuser de continuer l’exécution du contrat. La continuité patrimoniale, résultant de la fusion, ajoutée au principe de la force obligatoire du contrat, imposent la continuation dudit contrat. Si l’existence ou non d’un élément d’extranéité importe peu à la qualification de contrat en cours, qu’en sera-t-il si le contrat n’est pas encore définitivement conclu. Autrement dit, est-ce que les négociations ou pourparlers auxquels, la société absorbée ou scindée était partie, sont susceptibles de continuation.

SECTION III

L’INFLUENCE DE LA FUSION ET SCISSION SUR LES

POURPARLERS ENGAGES PAR LA SOCIETE DISSOUTE SANS LIQUIDATION

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