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La contrariété de l’analyse doctrinale par rapport à l’indifférence de principe de la nature du contrat dans le cadre de la règle de la continuation

SECTION I LES FONDMENTS INTERNES JUSTIFIANT LA CONTINUATION AUTOMATIQUE DES CONTRATS INTUITUS PERSONAE

B. La contrariété de l’analyse doctrinale par rapport à l’indifférence de principe de la nature du contrat dans le cadre de la règle de la continuation

des contrats résultant des fusions et des scissions

313. Caractère général de la règle de la continuation- Il faut relever que cette analyse doctrinale qui rejoint d’ailleurs la tendance jurisprudentielle491, tranche

complètement avec le principe de la dévolution résultant des fusions et des scissions. Le législateur affirme d’une manière on ne peut plus claire que ces opérations, lorsqu’elles se réalisent, entraînent « de plein droit la transmission universelle du patrimoine de la société

absorbée à la société bénéficiaire 492». Il affirme, de plus, que cette transmission globale

du patrimoine se fait « dans l’état où se trouvait ce patrimoine à la date de réalisation

définitive de l’opération ». Ce qui voudrait dire que le principe consacré par le législateur

lui-même, est, et demeure celui du transfert de l’ensemble du patrimoine de la société absorbée à la société bénéficiaire. Celle-ci, par conséquent, en tant qu’ayant cause à titre universel aura à la fois le droit et l’obligation de continuer cette « universalité », y compris tous les contrats souscrits par la société absorbée. L’ensemble des contrats, même ceux conclus intuitu personae font de plein droit et par principe parties de la règle de la continuation. Selon Madame PRIETO493, c’est la dissolution de la société bénéficiaire qui justifie le fait que les contrats intuitu personae contrarient la règle de la transmission universelle, en dépit, affirme-t-elle de l’absence de sa liquidation. Cependant, elle néglige de préciser que la continuation à la fois de la personne de l’entité dissoute et de son activité fonde la continuation de l’ensemble de son patrimoine, dont l’ensemble des contrats. Le patrimoine est un ensemble de droits et d’obligations dont la loi postule, par principe, sa transmission globale tant qu’il n’existe pas de stipulation expresse contrariant celle-ci. Le fait qu’un contrat soit conclu intuitus personae ne saurait contrarier une règle provenant d’un droit spécial, le droit commercial. Si le contrat intuitus personae peut constituer une limite au transfert d’une position contractuelle en droit commun, en l’occurrence en cas de

491 Voir à ce propos C.A. D’Aix-en-Provence, 12 juin 1997, préc. 492 V. art. L. 236-3, al. 1er, C. com.

cession494, on ne saurait tirer, automatiquement, la même conclusion dans le domaine particulier du droit sociétés, qui est un droit caractérisé par des dispositions dérogatoires au droit commun des contrats495. Soutenir que le fait que le contrat soit conclu en considération de la personne suffit, en soi, pour contrarier la règle de la continuation universelle est sans fondement et est contraire au principe de la dévolution universelle, consacrée explicitement par le législateur. À notre avis, la « stipulation adéquate est le

marqueur le plus sûr de la qualification de contrat conclu en considération de la personne 496» susceptible, en l’espèce d’empêcher la continuation du contrat. Cette analyse

qui est, à notre avis, conforme aussi bien à la lettre et à l’esprit du droit des fusions qu’à la nature spécifique de ces opérations est partagée par certains497, et non des moindres. Ils affirmaient dans le Lamy Sociétés que « la fusion emporte à notre avis transfert des

contrats dont était titulaire la société absorbée à la société absorbante. Certes, il est parfois soutenu que le caractère intuitu personae de certains d’entre eux supposerait que soit donné l’accord du cocontractant à cette transmission.498 » Ils terminent leur analyse

par un constat clair, juste et cinglant en disant que « (…) cette exigence ne nous paraît pas

résulter directement des termes de l’article 372-1 de la loi de 1966. Aussi si le cocontractant de la société souhaite disposer d’un tel droit de regard, il nous paraît plus prudent qu’il le stipule expressément dans le contrat » 499.

314. Fondement de la portée générale de la règle de la continuation des contrats-Cette affirmation de la portée générale de la règle de la continuation trouve son fondement dans trois dispositions principales. La première est l’article 371, al. 1er de la loi du 24 juillet 1966500 selon laquelle « une ou plusieurs sociétés peuvent, par voie de fusion,

transmettre leur patrimoine à une société existante ou à une nouvelle société qu’elles constituent ». La deuxième disposition, plus importante à notre avis, est l’article 372-1, al.

494 On sait en effet que la différence fondamentale qui existe entre le mécanisme de la cession de contrat et celui de la

transmission universelle réside dans le fait, contrairement à celle-ci, l’accord du cocontractant cédé est toujours requis dans l’hypothèse d’une cession de contrat. Et cette solution est a fortiori applicable aux contrats empreints d’intuitus personae : Voir en ce sens Cass. com., 7 janvier 1992 : D. 1992, somm. P. 278, obs. AYNES ; Cass. 1re civ., 6 juin 2000 :

Bull. civ., I, n° 173 ; RTD civ., 2000.571, obs. B. FAGES et J. MESTRE.

495 On peut à cet égard citer la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires dont nombre

de dispositions sont dérogatoires du droit commun des obligations.

496 C’est les propos de M. A. VIANDIER que nous partageons totalement.

497 V. J. MESTRE, D. VELADOCCHIO et Ch. BLANCHARD-SEBASTIEN, Lamy Sociétés commerciales, 2003. 498 V. J. MESTRE, D. VELADOCCHIO et Ch. BLANCHARD-SEBASTIEN, Lamy Sociétés commerciales, 2003, n°

1696, p. 738.

499 On peut également noter dans le même sens l’avis du Comité juridique de l’ANSA du 9 septembre 1992, n° 213. 500 Il s’agit aujourd’hui de l’actuel article L. 236-1, du Code de commerce.

1er501 qui vient en quelque sorte conforter la précédente disposition. Il y est dit que la fusion ou la scission entraîne transmission universelle du patrimoine de la société qui disparaît à la société bénéficiaire, et ce, tel que se trouve le patrimoine au jour de la réalisation définitive de l’opération. La troisième disposition, enfin, qui fonde le caractère général de cette règle de la continuation, c’est l’article 381, al. 1er502 aux termes duquel il est dit que « la société absorbante est débitrice des créanciers non obligataires de la

société absorbée au lieu et place de celle-ci, sans que cette substitution emporte novation à leur égard ». L’ampleur de cette dévolution du patrimoine a été résumée par la Cour

d’appel de Paris en ces termes, très clairs et conformes à la réglementation en vigueur: la fusion a un « effet subrogatoire impératif503 ». Dans cet arrêt, les juges d’appel de Paris

affirment que l’ « effet subrogatoire impératif (résultant de la fusion s’entend) enlève tout

fondement à toute clause, quelle que soit sa qualification emportant une restriction quelconque de forme ou de fond ».

315. Droit commun, fondement de la règle générale de continuation- En outre, cette règle de continuation dont la portée est, par principe, générale trouve un certain fondement dans le Code civil. Rappelons qu’en vertu de l’article 1134 « les conventions

légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ». Par conséquent, en

application de cette disposition du droit commun, l’ayant cause universel, c’est-à-dire la société absorbante, est légalement fondée à demander la poursuite de l’exécution du contrat figurant dans le patrimoine recueilli. Le cocontractant ne saurait de principe se soustraire à la poursuite de cette « loi » contractuelle légalement formée. Outre, le principe de la transmission universelle de patrimoine qui, rappelons-le, s’opère de plein droit, la force obligatoire du contrat oblige le cocontractant à la poursuite de l’exécution du contrat avec l’ayant cause universel qu’est la société bénéficiaire. En définitive, le cocontractant ne saurait, par principe, alléguer du caractère intuitus personae du contrat pour refuser la transmission du contrat, d’autant plus qu’il y a, en l’occurrence, poursuite du contrat sans aucune discontinuité. Une telle solution est d’autant plus logique qu’il n’y a pas de

« novation 504» en cas de transmission universelle de patrimoine. Si le caractère général de

501 Ce texte correspond à l’actuel article L. 236-3, du Code de commerce.

502 Cette disposition est aujourd’hui contenue dans l’article L. 236-14, du Code de commerce. 503 V. C.A. Paris, 17 avril 1976 : Rev. Des sociétés 1977.69.

la continuation des contrats trouve une justification dans certains textes, il n’en demeure pas moins que certains facteurs le confortent également.

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