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167. Notion- La question de la détermination de ce qu’est un contrat en cours d’existence est d’importance au regard de la place et du rôle du contrat dans le processus de la transmission universelle de patrimoine. C’est pourquoi, nous tenterons de cerner cette notion non définie, comme nous l’avions déjà signalé, par le législateur. Pour être en cours d’existence, le rapport contractuel doit réunir deux caractéristiques. Il doit, d’abord, exister

283 Selon l’article L.621-28 alinéa 1er du Code de commerce « l’administrateur a seul la faculté d’exiger l’exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise au cocontractant du débiteur (…) ». 284 V. E. JOUFFIN, Le sort des contrats en cours dans les entreprises soumises à une procédure collective, L.G.D.J., 1998, p. 137.

285 V. notamment F. DERRIDA, La notion de contrat en cours à l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire : R.J.D.A. 1993, p. 399 ; H. CHARLES et F. DERRIDA, Les contrats administratifs dans les procédures collectives : D. 1977, chron. P. 29

et ce, antérieurement à l’opération de fusion ou de scission. Le contrat doit, en outre, n’avoir pas pris fin à la date de la réalisation définitive de l’opération. Le contrat en cours d’existence, c’est donc le contrat en vigueur au jour de la fusion ou de la scission, indépendamment qu’il soit à exécution successive ou non286, dès lors qu’il réunit tous les critères nécessaires à sa validité. On note ainsi que le critère d’existence du contrat comporte deux aspects indissociables. La naissance du contrat qui, à l’évidence, ne pose pas de difficultés particulières. Par contre, il n’en va pas de même, et c’est le deuxième aspect, de sa disparition. En effet très souvent, il est délicat de déterminer le moment de disparition du contrat, en l’occurrence lorsqu’il est affecté d’une clause de résiliation ou de résolution. Ceci a d’ailleurs beaucoup alimenté l’activité jurisprudentielle dans le domaine voisin de la transmission d’entreprise soumise à une procédure collective287.

168. Le cas du contrat affecté d’une clause de résiliation ou de résolution- A

priori, lorsqu’un contrat est frappé d’une résiliation, résolution, rescision ou d’une

annulation, et ce, avant que la société contractante n’ait disparu par l’effet d’une fusion ou d’une scission, il est évident qu’il n’est plus en cours. Il en est de même dans l’hypothèse où un contrat à durée indéterminée, fait l’objet d’une dénonciation régulière. En effet, ici également le contrat ne peut être considéré comme en cours et, donc, ne sera pas transmissible puisque la dénonciation produit son effet en dépit de la transmission universelle de patrimoine qui en résulte. Mais, qu’en sera-t-il lorsque le patrimoine de la société qui disparaît, c’est-à-dire la société fusionnée ou scindée, comprend un ou plusieurs contrats affectés d’une clause de résiliation ou de résolution ? Il faut dire que concernant ces hypothèses, nous ne connaissons pas, à l’heure actuelle, de cas jurisprudentiels en droit des fusions et des scissions.

169. Le contrat n’est en pas cours d’existence- Tout dépend de la date d’effet desdites clauses. S’il se trouve que la clause de résiliation ou de résolution a déjà produit son effet avant l’opération de fusion ou de scission, il est évident que le contrat ne saurait plus être considéré comme étant en cours d’existence. Par conséquent il ne sera pas transmissible avec le reste du patrimoine puisque dans l’état où celui-ci se trouvait au moment de la fusion ou de la scission, ledit contrat n’existe plus

286 Voir en ce sens Cass. com., 16 février 1988 : Bull. IV, p. 50. 287 Cf. E. JOUFFIN., op. Cit., p. 142.

Supposons, cette fis-ci, que les délais de mise en œuvre de la clause de résiliation ou de résolution se poursuivent au-delà de l’opération de fusion ou de scission, il peut être intéressant de savoir si le droit de résolution est acquis ou non. Autrement dit, ledit contrat, peut-il être considéré comme étant toujours ou non en cours d’existence ? On peut être tenté d’y répondre négativement étant donné que les délais impartis ne sont pas interrompus ou épuisés. Mais, en réalité le droit de résolution ou de résiliation est bien acquis288. En effet, dès l’abord, le cocontractant de la société fusionnée ou scindée disposait déjà de son droit de résolution. Le fait que le délai imparti à la société contractante se soit poursuivi au-delà de l’opération de fusion n’enlève en rien à son droit déjà acquis, qui est celui de résoudre le contrat. On peut rapprocher cette situation d’une hypothèse confirmée en procédures collectives. La Haute juridiction289 a précisé, à cet égard, que la clause résolutoire qui venait à échéance au-delà du jugement d’ouverture devait recevoir application, le délai offert au débiteur pour s’exécuter ayant commencé à courir antérieurement au jugement d’ouverture.

170. De la non suspension des procédures judiciaires tendant à rompre certains contrats- Par ailleurs, il conviendrait de préciser que toutes les actions judiciaires consistant à remettre en cause certains contrats de la société absorbée se poursuivront, en dépit de l’opération de transmission universelle, à l’inverse de ce qui se passe en droit des procédures collectives. On sait qu’en cette matière, l’article 47290 de la loi du 25 janvier 1985 suspend toutes les actions des cocontractants de l’entreprise en difficulté tendant, notamment, à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent. Or, rien de pareil n’existe pas en droit des fusions et scissions. La transmission universelle impliquant le transfert de l’ensemble des droits, biens et obligations de la société absorbée à la société absorbante, celle-ci sera, par conséquent, tenue de respecter les procédures judiciaires déjà engagées à l’encontre de celle-là. Ce qui nous autorise à affirmer qu’aucune action en justice, tendant à la résolution d’un contrat, ne peut être interrompue ou suspendue par le seul effet de la fusion ou de la scission et ce, d’autant plus que cette transmission universelle s’opère dans l’état où le patrimoine de la société qui disparaît se trouve à la date de réalisation définitive de l’opération.

288 Comparer avec Aix-en-Provence, 23 novembre 1987.RDI.1988.493. 289 Cass. Com., 3 avril 1990, D.1991, Somm. 1, obs. DERRIDA.

290 L’article 47 de la loi 25 janvier 1985 dispose : « Le jugement d’ouverture suspend ou interdit toute action en justice de

la part de tous les créanciers dont la créance a son origine antérieurement audit jugement et tendant (…) à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent. »

171. La procédure déjà engagée, un droit acquis- Et justement, au moment où s’est réalisée la fusion ou la scission le cocontractant de la société fusionnée ou scindée disposait déjà de son droit de résolution qui lui est acquis. Rien n’autorise de lui ôter ce droit sous prétexte que la société contractante est en voie de fusionner ou de se scinder. La fusion et la scission ne peuvent, donc, être considérées comme des causes d’interruption ou de suspension d’actions mises en œuvre, antérieurement, et tendant à la résolution ou à la résiliation d’un contrat. D’ailleurs, même en droit des entreprises en difficulté, l’énumération de ces actions n’est que limitative. Puisque seules sont concernées les actions en résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent. Ce qui veut dire, a contrario, que toutes les actions291 en résolution fondées sur une raison autre que le non-paiement d’une somme d’argent sont toujours recevables au même titre que les actions en nullité. Ainsi, lorsqu’elles sont efficacement exercées, ces actions mettront fin à la vie du contrat. Lorsque de tels contrats figurent dans le patrimoine de la société absorbée, ils ne sauraient être catégorisés comme étant des contrats en cours. Ils ne sauraient, non plus, être déterminés comme contrats définitivement rompus, puisque la procédure judiciaire n’a pas encore abouti. La seule qualification qui reste valable, et qui reflète beaucoup plus la réalité, sera de les appeler « contrats en sursis ».

Mais, le seul fait qu’un contrat soit en cours d’existence, semble insuffisant pour lui donner un véritable statut de contrat en cours. C’est pourquoi, certains estiment que si le contrat en cours est obligatoirement un contrat en cours d’existence, ils affirment, de façon presque unanime, qu’il doit aussi être en cours d’exécution292.

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