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Les fusions et scissions ne sont pas constitutives de causes de caducité des contrats conclus par la société absorbée ou scindée

SECTION I LE PRINCIPE DE LA CONTINUATION CONTRACTUELLE EN DROIT DES FUSIONS ET DES SCISSIONS

II. Les fusions et scissions ne sont pas constitutives de causes de caducité des contrats conclus par la société absorbée ou scindée

39. La fusion et la scission : causes de caducité ?- La caducité, selon le lexique des termes juridiques, c’est l’état d’un acte juridique valable mais privé d’effet en raison de la survenance d’un fait postérieurement à sa création69. Autrement dit, elle suppose donc un acte qui au moment de sa création remplit toutes les conditions de validité mais qui, à cause d’un événement ultérieur, cessera de produire tout effet, tombera de lui-même. L’acte devient en quelque sorte désuet. Peut-on à ce titre considérer que la fusion ou scission puisse être constitutive d’un événement susceptible d’entraîner automatiquement la caducité du contrat souscrit par la société absorbée ou scindée et d’empêcher, par voie de conséquence, la continuation de ce contrat ? La réponse à cette question est sans aucun doute négative. On ne peut en effet considérer que les contrats conclus par la société fusionnée ou scindée deviennent d’emblée « démodés, désuets ou périmés70 » du seul fait

de la survenance de l’opération de fusion ou de scission. Ce serait absurde, sur le plan juridique, de soutenir que la seule réalisation d’une fusion ou scission rende caducs de plein droit tous les contrats de la société qui disparaît ou certains d’entre eux.

40. Absence de fondement juridique explicite- Aucun texte du droit des fusions et des scissions n’invoque, en effet, la caducité comme possible conséquence de ces opérations vis-à-vis des contrats conclus par la société qui disparaît. Pas même le droit commun des contrats, c’est-à-dire le Code civil. D’ailleurs, contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, la caducité est très peu citée comme cause de mise à néant du rapport contractuel. Tout le Code civil ne contient que deux dispositions71 qui font cas de la notion de caducité. Il s’agit en l’occurrence des articles 1088 et 1089 relatifs aux donations. Il semble qu’aucun autre texte, outre ces deux, ne fait référence de manière explicite à la notion de caducité. Et cela est d’autant plus surprenant que la principale disposition du Code civil, en l’occurrence l’article 1234, qui cite les diverses causes de disparition des obligations contractuelles ne fait aucunement référence à cette notion là. La conclusion qu’on pourrait tirer de ce constat est que la caducité n’est véritablement pas prise en compte par le droit commun comme une cause de disparition des obligations à l’instar de

69 V. « Lexique des termes juridiques », 13è éd., Dalloz, 2001, p. 80. 70 V. GARRON Frédéric, « La caducité du contrat », P.U.A.M., 2000, p. 15. 71 V. GARRON F., idem.

la nullité ou de la résolution ou encore de la résiliation. La transmission étant, outre d’être universelle, de plein droit, la règle de continuation qui y résulte s’applique par principe à tous les contrats. De ce fait, la société bénéficiaire a à la fois le droit et l’obligation de poursuivre les contrats figurant dans le patrimoine de la société absorbée, conformément au principe de la transmission universelle de patrimoine. Cette continuation des contrats est, en revanche, un plus délicate lorsqu’il y a plus d’une société bénéficiaire.

§.2. La règle de la continuation des contrats dans l’hypothèse d’une scission de société

41. La Logique de la transmission en cas de scission- Les articles L. 236-1 alinéa 2 et L.236-3, alinéa 172 du Code du commerce, disposent respectivement qu’« une société peut

aussi, par voie de scission, transmettre son patrimoine à plusieurs sociétés existantes ou à plusieurs sociétés nouvelles 73» et que « la scission entraîne…la transmission universelle de patrimoine aux sociétés bénéficiaires dans l’état où il se trouve à la date de réalisation définitive de l’opération ». L’analyse de ces textes permet de relever que, conformément

au principe de la transmission universelle, les sociétés bénéficiaires, au terme d’une scission, recueillent tous les droits, biens et obligations relatifs à la branche d’activité en cause de la société apporteuse. L’application de ce principe, on en convient, suppose que chaque société bénéficiaire est tenue des obligations relatives à la quote-part des biens et droits recueillis. Autrement dit, chaque société qui résulte ou profite de l’apport de la société scindée ne sera débitrice que des obligations qui seraient le pendant des droits reçus. L’application stricte de cette règle risquerait de nuire gravement aux intérêts des créanciers de la société scindée.

42. En effet, à coté de la disparition du gage commun que représente le patrimoine de la société scindée, s’ajoute la difficulté de répartition équitable des dettes et des actifs de celle-ci entre les sociétés bénéficiaires. C’est dans cette optique que la loi, par l’intermédiaire de l’article L. 236-2074 dispose que « les sociétés bénéficiaires des apports

résultant de la scission sont débitrices solidaires des obligataires et des créanciers non

72 Ces deux dispositions correspondent respectivement aux articles 371 et 372-1 de l’ancienne loi du 24 juillet 1966. 73 On retrouve cette même définition de l’opération de scission au niveau de l’article 1844-4 du Code civil selon lequel

une société peut « transmettre son patrimoine par voie de scission à des sociétés existantes ou à des sociétés nouvelles ».

obligataires de la société scindée, au lieu et place de celle-ci, sans que cette substitution emporte novation à leur égard ». Concrètement, cela signifie que les sociétés résultant de

la scission sont solidairement continuateurs à titre passif à la société scindée. Même s’il est reconnu qu’il peut être stipulé, par dérogation, que chacune des sociétés bénéficiaires de la scission ne sera tenue que de la partie du passif de la société scindée mise à sa charge, et cela, sans solidarité avec les autres sociétés bénéficiaires75. Dans une telle hypothèse, les créanciers suivront la société qui aura recueilli la part du passif correspondante à leurs créances76. Dès lors, quel sort subiraient les contrats conclus par une société qui se scinde ? Comment répartir les diverses conventions entre les sociétés bénéficiaires ? La question est légitime puisque, contrairement à la fusion où il n’y a qu’une seule société bénéficiaire qu’elle soit nouvelle ou préexistante, en cas la scission il y en résultera au moins deux.

43. Affectation arbitraire des contrats- Dans l’hypothèse particulière d’une scission, plusieurs questions peuvent se poser à propos de la continuation des contrats conclus par la société qui se scinde. Nous savons qu’en présence d’une telle opération, on se trouvera en face, non pas d’une société bénéficiaire, mais de deux au moins. Dés lors, comment se répartiront les contrats souscrits par la société scindée entre les différentes sociétés bénéficiaires ? La société qui se scinde, peut-elle décider, et ce, de manière arbitraire ou discrétionnaire, de transférer tels ou tels contrats à telle société bénéficiaire plutôt qu’à telle autre ? Quant aux sociétés bénéficiaires, peuvent-elles, de manière libre, choisir parmi les contrats destinés à être continués ? En outre, de quels moyens dispose le cocontractant pour contester la transmission du contrat décidée dans la convention de scission ? (III) Pour répondre à toutes ces questions, il conviendrait, à notre avis, de distinguer selon que la scission est effectuée au bénéfice de sociétés nouvelles (I) ou de sociétés préexistantes (II).

75 V. art. L. 236-21 alinéa 1 qui reprend les dispositions de : anc. L. n° 1966-537 préc., art. 386.

76 Il faut relever, par ailleurs, que ces créanciers peuvent s’opposer à la scission qui se réalise dans de telles circonstances

I. De l’affectation des contrats de la société scindée au bénéfice de sociétés nouvelles

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