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SECTION II DU FONDEMENT DE LA RÈGLE DE LATRANSMISSION UNIVERSELLE DE PATRIMOINE

CONCLUSION DU TITRE I :

160. Nous avons insisté, tout au long de ce premier titre, sur le fait que les relations contractuelles conclues par la société fusionnée ou scindée sont de plein droit transmises à la société bénéficiaire de l’apport patrimonial, société continuatrice de ces contrats. Et que cette continuation de contrats, consécutive aux fusions et scissions, a pour fondement explicatif la règle de transmission universelle de patrimoine qui constitue l’essence même de ces opérations.

161. Davantage que tout autre principe de transfert de bien, le principe de la transmission universelle invite à prendre conscience du fait que, transférer une universalité, c’est transférer un ensemble homogène et global de biens liés entre eux par un certain rapport.

La règle de continuation de contrats au terme d’une opération de fusion ou de scission est ainsi fondée sur le principe de la transmission universelle de patrimoine, principe qui a été emprunté, comme nous l’avions déjà relevé, au droit commun des successions. La raison en est que ces entreprises-personnes morales, au même titre que les personnes physiques, disposent d’un patrimoine. Or, l’on sait qu’en cas de décès de celles- ci, leur patrimoine est transmis à leurs héritiers entraînant ainsi une fusion de deux patrimoines, ceux du de cujus et de l’héritier. Voulant favoriser la concentration d’entreprises et empêcher, par là-même, que toute dissolution de société entraîne sa liquidation, on a alors fait appel à cette technique successorale. Aussi, la fusion, implique- t-elle une fusion des patrimoines de la société qui disparaît et de la société bénéficiaire, de la même manière que ceux de l’héritier et du défunt fusionnent.

162. Dans le cadre de la scission, on peut également y déceler les mécanismes du droit successoral. Le patrimoine de la société scindée ne se divise-t-elle pas en deux ou plusieurs quotes-parts qui vont à leur tour fusionner avec le patrimoine des sociétés qui les recueillent, tout comme le patrimoine du défunt est divisé en plusieurs parts dévolues aux différents cohéritiers ? Tant au niveau du droit successoral qu’à celui de la fusion ou de la scission, cette transmission universelle serait expliquée, semble-t-il, par la continuation de la personne du défunt ou de l’entité dissoute. En d’autres termes, au même titre que l’héritier qui en recueillant le patrimoine de son auteur, continue la personne de celui-ci,

les sociétés bénéficiaires seraient à leur tour, continuatrices des entités dissoutes dont elles ont recueilli le patrimoine. Cette analyse part du postulat classique selon lequel le patrimoine serait lié à la personnalité de son titulaire avec laquelle ils ne forment qu’un. Ainsi, recueillir l’un, c’est aussi recueillir l’autre. En continuant le patrimoine, l’héritier ou la société bénéficiaire continue du même coup la personnalité du titulaire de ce patrimoine. Sans dénier tout rôle à cette règle de la continuation de la personne dans le transfert universel, d’une manière générale du patrimoine, et, d’une manière particulière, des contrats, nous pensons que concernant spécialement les sociétés, c’est surtout la règle de la continuité de l’entreprise qui rend toute sa splendeur à ce principe de transfert universel. En effet comme le remarquait une certaine doctrine « la fiction de la personne morale n’a

pas la même opacité et l’on peut sans craindre de violer aucune conscience, lever le voile de la société pour rechercher les raisons de ses actes dans l’entreprise.273 » Et l’auteur de

continuer : « Derrière la personne morale signataire du contrat, il y a l’entreprise… ». 163. Conscient du rôle essentiel de l’entreprise dans l’économie moderne et contemporaine, le législateur fut, dès cet instant, enclin à lui consacrer toute l’attention qu’elle mérite. On peut ajouter aux différentes lois que nous avons évoquées au chapitre précédent, d’autres textes, tant sur le plan fiscal que social, qui vont également dans le sens de la prise en compte de l’intérêt de l’entreprise. Celle-ci n’étant pas seulement moteur de croissance économique, elle est également vecteur d’innovation274. L’absence de la reconnaissance juridique de l’entreprise275 ne constitue pas, loin s’en faut, un obstacle à son rôle dans le principe du transfert universel. D’ailleurs tant au plan législatif276 que doctrinal277, on note une certaine reconnaissance juridique de l’entreprise. Celle-ci est, souvent, considérée comme un sujet de droit. L’entreprise est, aujourd’hui, omniprésente dans le pouvoir décisionnel du législateur. Elle est passée de l’ignorance vers une certaine consécration, voire une reconnaissance de droit. Cette évolution a été excellemment traduite par DEXPAX278 qui, déjà en 1957, analysant l’ascension de l’entreprise vers la personnalité juridique, qualifiait celle-ci de sujet de droit naissant. Or, on ne peut vouloir

273 V. LEDOUBLE D., L’Entreprise et le Contrat, Introduction à une théorie du comportement juridique de l’entreprise,

th. Rennes, 1978, p. 32.

274 V. LEDOUBLE D., préc., p. 1.

275 Encore qu’il est discutable de parler d’absence de reconnaissance au regard des nombreux textes faisant implicitement

ou même expressément de l’entreprise un sujet de droit.

276 V. Les art. 26 et 27 de la loi du 25 janv. 1985 préc.

277 V. MERCADAL, Op. Cit; LEDOUBLE préc. Qui déclarait : « Sujet économique tendu vers ses objectifs,

l’entreprise se préoccupe des meilleurs moyens d’atteindre à ceux-ci. ».

protéger l’entreprise en omettant de protéger ses relations contractuelles qui, en tant que moyens de réalisations de ses objectifs, s’inscrivent dans la détermination de sa stratégie279. Le contrat, c’est aussi l’expression juridique au travers de laquelle l’entreprise traduit ses décisions stratégiques les plus importantes.

164. Au-delà de l’influence de la stratégie de l’entreprise sur le contrat, l’influence de son organisation sur celui-ci n’est pas en reste. Car, comme nous l’avions souligné ci- dessus, le contrat constitue le canevas par lequel l’entreprise exprime ses décisions des plus stratégiques à celles qui le sont moins. Or, ces décisions sont nécessairement soutenues par toute son organisation. Transmettre le patrimoine de l’entreprise, consécutivement à une fusion ou une scission, suppose transférer toute son organisation à laquelle est rattachée le contrat. En affirmant que la transmission est « universelle », à la suite d’une fusion ou scission, la loi280 affirme ainsi une originalité fondamentale qui permet de transférer, par une démarche globale et unique, l’ensemble éléments patrimoniaux tant actifs que passifs de l’entreprise dont font parties les contrats. L’entreprise est bien, en définitive, au cœur de la transmission universelle en dépit de sa non reconnaissance juridique officielle contrairement à ce que pense certains281.

279 V. LEDOUBLE préc., p. 34. 280 V. art L. 236-3 C. com., préc.

281 En effet, pour CONTAMINE-RAYNAUD, ce qui fonde la règle de la transmission universelle, c’est la théorie de la

continuation de la personne de l’entité dissoute et non pas l’entreprise elle même. Celle-ci, d’après elle, ne peut servir de fondement au principe du transfert universel puisqu’elle n’a pas de personnalité juridique, c’est-à-dire du fait qu’elle n’a pas de reconnaissance juridique.

TITRE II LES CONDITIONS DE LA CONTINUATION DES

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