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Les conséquences du principe de la continuation de la personne de l’entité dissoute 132 Principe de continuation des contrats La société bénéficiaire de l’apport du

SECTION II DU FONDEMENT DE LA RÈGLE DE LATRANSMISSION UNIVERSELLE DE PATRIMOINE

B. Les conséquences du principe de la continuation de la personne de l’entité dissoute 132 Principe de continuation des contrats La société bénéficiaire de l’apport du

patrimoine lorsqu’il y a fusion et scission, en tant qu’elle continue la personne de la société dissoute sans liquidation permet, dès lors, de comprendre qu’elle reprend à son compte les rapports juridiques figurant dans le patrimoine de la société disparue. Nous avons noté que du fait de ce principe de continuation, l’ayant cause universel, c’est-à-dire la société issue de la fusion, recueille l’ensemble des biens, droits et obligations et se substitue du même coup dans les rapports juridiques de la société « défunte ». Ce faisant, il y a forcément transfert de l’effet obligatoire du contrat du contractant originel, la société dissoute, au contractant continuateur, la société absorbante ou nouvelle. A priori cela peut paraître porter atteinte à l’un des piliers du droit des obligations212.

133. Poursuite de l’effet obligatoire du contrat- En effet, il est généralement admis que le contrat ne peut produire d’effet qu’entre les parties contractantes.213 Ceci

étant, voir une personne poursuivre l’exécution d’un contrat, alors même qu’elle était absente le jour de sa conclusion, peut sembler gênant. Cependant, il faut noter que cela n’a rien de choquant et n’heurte, aucunement pas, la force obligatoire du contrat. En effet, il existe en droit des hypothèses dans lesquelles un rapport contractuel peut avoir une certaine influence sur un autre. C’est-à-dire que grâce à un contrat, il peut arriver qu’il y ait un déplacement de l’effet obligatoire d’un autre contrat sur une personne absente le jour de sa conclusion. Ceci peut se révéler dans deux cas très distincts l’un de l’autre. Le premier est celui de la cession de contrat où le bénéficiaire de celle-ci est appelé à prendre la place du cédant dans le contrat cédé. Le cessionnaire est ici dénommé ayant cause à titre particulier car, il n’acquiert en vertu de cette cession qu’un ou plusieurs droits déterminés. Le deuxième cas est constitué par celui où le bénéficiaire du contrat le reçoit parce qu’il recueille la totalité214 ou une quote-part215 du patrimoine de son « auteur ». Le bénéficiaire

212 En l’occurrence le principe de l’effet relatif du contrat. 213 V. C. civ., art. 1165.

214 C’est l’hypothèse de la fusion dans laquelle la société bénéficiaire recueille l’ensemble du patrimoine de la société

dans ce cas précis a vocation à recueillir l’ensemble des dettes et doits du de cujus. La conséquence logique est, dès lors, en ce qui concerne les contrats conclus par la société qui disparaît : leur continuation au bénéfice de l’ayant cause à titre universel, c’est-à-dire la société absorbante ou nouvelle

134. Principe de la continuité patrimoniale- La société issue de la fusion et de la scission, en tant qu’ayant cause universel ou à titre universel, va être prise dans les rapports de droit établis par le contrat en remplacement du contractant « décédé », c’est-à-dire la société dissoute sans liquidation. Bien que n’ayant pas été présente à la conclusion du contrat, elle va en devenir tout de même partie. Le principe est donc que les contrats de la société fusionnée ou scindée seront transmis à son ayant-cause universel qui n’est autre que la société bénéficiaire de l’apport patrimonial. Cette solution nous permet de relever deux choses. La première est que cette circulation de l’effet obligatoire du contrat, autrement dit cette substitution contractuelle qui déplace cet effet de la tête de l’un des contractants sur celle d’un « tiers », ne contredit en aucune façon le principe de l’effet relatif216. Elle n’est que la conséquence tant de la loi que de la volonté des parties. La deuxième chose, c’est que l’effet substitutif attaché à la transmission universelle de patrimoine confirme quelque peu l’absence de rigidité entre les qualités de parties et de tiers. Et d’ailleurs, la distinction des parties contractantes et des tiers telle qu’issue du Code civil n’est pas, contrairement à ce qu’on pourrait penser, aujourd’hui une opposition définitivement figée. Comme nous l’avons précédemment relevé une personne qui à l’origine était étrangère à la conclusion d’un contrat, peut très bien se substituer à l’une des parties audit contrat. Il faut savoir que la substitution de contractant n’est pas, par principe, interdit par le droit français. Même la cession de contrat est tolérée a fortiori la substitution universelle dans laquelle il n’y a pas de superposition de contrats217 contrairement à la première hypothèse. La substitution de contractant est de droit dans les opérations de fusion et de scission.

135. La continuation des contrats par la société bénéficiaire- La société bénéficiaire en tant que continuateur de la société dissoute, se substitue dans les relations 215 Ceci se révèle particulièrement dans le cas de la scission où c’est plusieurs sociétés, et non pas une, qui reçoivent

chacune une partie du patrimoine de la société scindée.

216 Nous aurons l’opportunité d’en dire plus sur cet aspect plus loin.

217 En effet en cas de cession de contrat, on note une superposition de contrats. Au contrat, objet de transfert, il faudra

ajouter le contrat qui marque l’accord de volonté entre le cédant et le cessionnaire auquel interviendra probablement le cédé. Ce qui n’est pas le cas dans l’hypothèse de la substitution universelle où le contrat transmis l’a été en tant qu’accessoire d’une opération juridique constituée par la fusion ou la scission.

contractuelles de celles-ci. Et au cas où il existerait plusieurs sociétés bénéficiaires, comme c’est le cas dans l’hypothèse d’une scission, chacune d’elles sera considérée continuateur de la société qui disparaît. Mais, cette succession à la personne que consacre le droit est, comme nous l’avons déjà dit plus haut, contestée par une certaine doctrine. Pour celle-ci, si le principe de la fiction de continuation de la personne peut se justifier en droit des successions, il n’en est pas de même pour les personnes morales, en l’occurrence les sociétés commerciales. Aux dires de ces auteurs, opinion que nous partageons dans une certaine mesure, c’est une abstraction juridique propre au droit des successions. Le seul paramètre capable de fonder la substitution contractuelle induite par les opérations de fusion et de scission est, non pas le principe de la continuation de la personne de la société dissoute, mais, au contraire, celui de continuation de l’entreprise transférée.

§.2. La continuation des relations contractuelles en droit des fusions et des scissions et le principe de continuité de l’entreprise transférée

136. Crise du principe de la continuation de la personne- Copiée sur le modèle de la succession de droit commun, la transmission universelle de patrimoine issue des fusions et des scissions fut, pendant un certain moment, fondée sur le principe de la continuation de la personne de l’entité dissoute. Ceci, faut-il le dire, a été, à son temps, accueilli avec une certaine bienveillance au sein de la doctrine. Toutefois, cette unanimité sera quelque temps plus tard brisée par la doctrine moderne pour qui, c’est la nécessité de continuité de l’entreprise transférée, et non pas la fiction de la continuation de la personne, qui fonde la transmission des contrats conclus par la société qui disparaît au profit de la société absorbante ou nouvelle. Ainsi, pour la doctrine moderne218 la transmission

universelle de patrimoine et, par voie de conséquence, la continuation contractuelle qui en résultent, lorsqu’il y a fusion ou scission, sont justifiées par l’impérieuse nécessité de sauvegarder l’entreprise transférée plutôt que par la continuation de la personne de l’entité dissoute. Celle-ci, à leurs dires, n’est qu’une fiction conçue et valable pour les personnes physiques.

137. L’analyse moderne du principe de la transmission universelle- Aux termes de cette nouvelle analyse, le constat c’est qu’elle rompt totalement avec le fondement

classique jusque-là connue de la transmission universelle pour cause de décès. Pour ces auteurs, c’est donc la continuité de l’entreprise qui explique le transfert universel de tous les biens de la société qui disparaît au profit de la société issue de la fusion ou de la scission. Ainsi, si les contrats de l’entité dissoute sont transmis à la société bénéficiaire de l’apport, c’est parce que celle-ci est supposée continuer l’entreprise dont elle reçoit les biens et non parce qu’elle continue la personne de la société disparue. Sans nier totalement le rôle que joue la théorie de la continuation de la personne de la société dissoute, nous tenterons de démontrer que, contrairement à ce que pensent certains auteurs219, l’explication résultant de la continuité d’entreprise comporte une certaine utilité, utilité qui peut se traduire dans deux facteurs. La continuité fonde la transmission des contrats, d’abord, en ce que l’entreprise, quoi qu’on ait dit, constitue un facteur de cohésion des éléments patrimoniaux des sociétés (I) ; ensuite, de ce que l’entreprise est aujourd’hui une notion juridiquement consacrée, fût-ce de manière indirecte (II).

I. L’entreprise, facteur de cohésion du patrimoine social

138. La théorie objective du patrimoine- Il s’agit, ici, de démontrer avant tout que l’entreprise constitue bel et bien, en dépit de certaines protestations doctrinales220 un facteur déterminant de l’unité des éléments composant le patrimoine de la société. Pour la théorie développée par Aubry et Rau, faut-il le rappeler, le seul facteur d’unité qui soit valable des différents éléments patrimoniaux de la société, c’est : la personnalité juridique qui lui est reconnue. Aussi, c’est pourquoi le patrimoine est considéré comme une émanation de la personnalité juridique de son titulaire. Affirmer le contraire c’est, selon les auteurs classiques, aller à l’encontre de l’unicité du patrimoine221. Pis, c’est autoriser la transmission entre vifs du patrimoine.

139. Contenu de la théorie objective du patrimoine- Faces à ces nombreuses attaques dont fit l’objet la théorie objective, il convient à présent d’en déterminer exactement le contenu. Autrement dit que signifie cette théorie ? Comme précédemment relevé, pour expliquer la transmissibilité du patrimoine après le décès de son titulaire, la

219 Dont COQUELET M.-L., op. cit.

220 Notamment celle de COQUELET qui est farouchement opposée à l’idée que l’entreprise soit le fondement de la

transmission universelle.

221 Puisque désormais un individu peut se prévaloir de plus d’un patrimoine, un dit général et d’autres patrimoines

doctrine classique fit appel à une fiction juridique, en l’occurrence la notion de

« continuation de la personne » du défunt. Ceci étant, l’héritier succède à l’ensemble de

l’actif et du passif de son auteur, et ce, de plein droit car il est censé continuer la personne de celui-ci. Appliqué aux personnes morales, notamment aux sociétés commerciales, on en déduit aussi que l’« héritière », ici la société bénéficiaire du patrimoine du défunt, la société dissoute, est censée continuer la personnalité de celle-ci. Cependant, pour la doctrine moderne222, cette théorie explicative du fondement de la transmission universelle, si elle est d’actualité pour les personnes physiques, ne l’est plus, par contre, pour les sociétés commerciales. La raison en est simple. Pour ces auteurs, même si la personnalité juridique de la personne morale a été calquée à un moment donné, sur celle de la personne physique, cela ne pourrait autoriser d’en déduire une certaine identité entre les deux sujets de droit. Moins encore lorsqu’il s’agit d’expliquer la transmission universelle qui résulte des fusions et des scissions d’entreprises commerciales.

140. Rôle de l’entreprise dans l’unité du patrimoine social- Si, pour la personne physique, c’est sa personnalité juridique qui fonde exclusivement l’unité, la cohésion des éléments composant son patrimoine, on ne peut pas en dire autant des sociétés commerciales. S’agissant de celles-ci, c’est tout autre chose. C’est en l’occurrence l’entreprise. C’est elle qui constitue le facteur fondant la cohésion patrimoniale de la société. En d’autres termes, c’est en vue de l’aboutissement de cette entreprise que le patrimoine social a été mis en place. D’où la nécessité de déterminer ce qu’est l’entreprise, vu son rôle essentiel dans l’unité patrimoniale de la société. Les auteurs se divisent quant au sujet de la définition de la nature juridique de l’entreprise. Pour certains223, l’entreprise peut être définie comme une universalité de droit (A) ; pour d’autres, au contraire, elle ne serait que l’objet d’organisation de la personne morale de droit privé224 (B).

A. L’entreprise, facteur de cohésion du patrimoine, vue comme une

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