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De l’affectation des contrats de la société scindée au bénéfice de sociétés préexistantes

SECTION I LE PRINCIPE DE LA CONTINUATION CONTRACTUELLE EN DROIT DES FUSIONS ET DES SCISSIONS

II. De l’affectation des contrats de la société scindée au bénéfice de sociétés préexistantes

47. Refus d’une affectation arbitraire des contrats de la société scindée- Lorsque l’opération de scission s’opère au profit de sociétés existant déjà, on ne peut, à notre avis, par principe, admettre que la société scindée décide, à son gré, de transférer les contrats conclus par elle aux société absorbantes, encore moins que chaque société bénéficiaire choisisse, elle-même, et cela, de manière libre, les contrats qu’elle aurait envie ou intérêt de continuer. Plusieurs raisons peuvent expliquer et justifier une telle analyse. Le refus de toute affectation arbitraire permet, en tout premier lieu, d’empêcher une certaine injustice entre les sociétés bénéficiaires. Car, admettre un tel transfert, peut amener, par une certaine collusion, la société scindée à transmettre un ou plusieurs contrats importants à une société déterminée à laquelle ces contrats ne devraient normalement pas être destinés. Pour favoriser une société dans laquelle, par exemple, le dirigeant de la société qui se scinde a des intérêts, il peut être transféré à cette société certains contrats qu’elle ne devrait logiquement pas recueillir. La deuxième raison, corollaire de la première et qui, selon nous, justifie le refus de toute affectation arbitraire des contrats conclus par la société scindée, est qu’un tel transfert comporte le risque de fortement préjudicier aux intérêts de la société bénéficiaire injustement privée79 du bénéfice desdits contrats. Et cela, d’autant plus que dans une telle opération de scission, la société qui se scinde constitue la société cible. Il convient de rappeler que lorsqu’il y a scission au bénéfice de sociétés préexistantes, c’est parce que, de façon générale, chacune de celle-ci est intéressée par une branche d’activité de la société qui va se scinder. Or, s’intéresser à un secteur d’activité d’une autre entreprise, c’est s’intéresser, de manière globale, à l’ensemble des éléments, dont les contrats, pouvant permettre son fonctionnement autonome. Par conséquent, on ne

79 Cette privation pourrait même, le cas échéant, affecter le bon fonctionnement de son activité dans un court ou moyen

saurait reconnaître à la société qui se scinde la faculté d’affecter de manière arbitraire les contrats se trouvant dans son patrimoine.

48. Affectation des contrats par le traité de scission- En outre, il existe une troisième raison, très importante selon nous, qui permet de défier la société qui se scinde de répartir, à sa guise, les contrats figurant dans son patrimoine entre les sociétés bénéficiaires, c’est-à-dire les sociétés absorbantes. Cette raison, c’est le traité de scission lui-même. Il ne faut pas, en effet, oublier que la réalisation de la scission au profit de sociétés existantes comporte une phase préparatoire, comme en matière de fusion. Une phase80 qui comprend à la fois le rapprochement entre les sociétés participantes et

l’évaluation de celles-ci. Or, c’est dans le projet de scission qui sera établi, au terme de cette phase préparatoire, que sera décidée et déterminée la fragmentation de la société qui sera scindée. C’est donc, par voie de conséquence, dans ce même acte que sera également décidée la répartition des contrats en cours. On imagine mal, dès lors, que les sociétés bénéficiaires laissent la société scindée seule décidée de cette affectation de ces contrats. Un tel scénario sera d’autant plus surprenant qu’une société peut convoiter une autre société ou une partie seulement de celle-ci, uniquement pour des contrats figurant dans son patrimoine ou dans une branche de son activité. Il est donc, par principe, difficile qu’il revienne à la société scindée seule d’affecter, à son gré, les contrats faisant parties de son patrimoine. Pour les mêmes raisons, nous pensons également qu’il ne saurait, non plus, revenir à chacune des sociétés bénéficiaires de choisir les contrats qu’elle souhaiterait continuer. Aussi, est-ce pourquoi, selon nous, le principe de la transmission universelle, devrait, en l’occurrence, être respectée.

49. Continuation et lien patrimonial du contrat- Dans le cadre de la scission, comme d’ailleurs dans celui de la fusion, c’est le traité d’apport qui règle le sort du patrimoine de la société qui disparaît. C’est donc lui qui répartit, en l’occurrence, l’actif et le passif de la société qui se scinde entre les différentes sociétés81. Ce qui voudrait dire que la règle de continuation est subordonnée à ce traité d’apport. Ainsi, chacune des sociétés bénéficiaires, à l’issue de cette scission, continuera les contrats qui lui auront été « attribués » par le traité d’apport. Mais, l’affectation des contrats doit, pour être efficace, se faire selon le

80 Cf. M. COAZIAN, A. VIANDIER et Fl. DEBOISSY, Droit des sociétés, op. cit., p. 691, n° 1771 ; M. GERMAIN,

Traité de droit commercial, G. RIPERT/ R. ROBLOT, 18è éd., LGDJ, 2002, p. 661, n° 1987 ; M. CHADEFAUX, Les fusions de sociétés, régime juridique et fiscal, éd. R. Fiduciaire, 2003, p. 326, n° 1080 et s.

81 Cette répartition du patrimoine de la société qui se scinde se fait conformément à l’article L. 236-16 du Code du

principe d’ « union ». En d’autres termes, le contrat ne devra être transféré qu’à la société bénéficiaire qui recueillera la portion du patrimoine à laquelle est uni le contrat. Il doit donc y avoir une sorte de « lien patrimonial » entre ledit contrat et l’apport transmis. C’est d’ailleurs ce que confirme, d’une certaine manière, la Cour de cassation lorsqu’elle affirmait qu’en cas de scission de la société créancière, le bénéficie du contrat de cautionnement est transféré, de plein droit, à la société bénéficiaire de la branche d’activité à laquelle est rattaché ce contrat82.

50. Contrats et branche d’activité- L’application d’un tel principe requiert, par voie de conséquence, à notre avis, qu’on examine dans chaque opération de scission si le ou les contrats en question étaient ou non, dès l’origine, englobés dans la quote-part transmise à telle société bénéficiaire. Conformément donc au principe de la transmission universelle, c’est la société qui a, par exemple, recueilli la branche d’activité de production de la société scindée, qui devrait reprendre et continuer tous les contrats rattachés, dès l’origine, à ce secteur. Est-il besoin de rappeler que lorsqu’une entreprise conclut un contrat, c’est pour répondre au besoin d’une de ses branches d’activité. Lorsqu’elle conclut, par exemple, un contrat de fournitures, c’est eu égard au besoin exprimé par un secteur déterminé. Aussi, le contrat devra-t-il être transféré, tout naturellement, à la société bénéficiaire qui aura recueilli la branche d’activité à laquelle ce contrat était déjà rattaché. Il serait illogique dès l’abord, à l’issue d’une scission, de décider de transmettre tel contrat à une société bénéficiaire qui n’aura pas recueilli la branche d’activité à laquelle ce contrat est rattaché83. Cette solution à la fameuse règle de l’«utilité économique84» du contrat,

appliquée en droit de redressement judiciaire. En définitive, en cas de scission de la société contractante, la logique patrimoniale requiert que les contrats de la société scindée soient

82 V. Paris, 19 mars 1996 : RJDA 1996, n° 790 ? P. 562. Cet arrêt a été confirmé par la juridiction suprême : V. Cass.

com., 29 février 2000 : RJDA 2000, n° 661, p. 528 cités dans Lamy sociétés commerciales 2004, p. 766.

83 Il convient de signaler qu’il existe des éléments d’actif et de passif, notamment le siège social ou encore les emprunts

obligataires, qui du fait de leur caractère général, ne sont pas rattachables à un secteur d’activité déterminé. Dès lors, deux solutions ont possibles, selon ce que prévoit la convention de scission. Ces éléments peuvent ainsi soit être attribués à une seule des sociétés bénéficiaires, soit faire l’objet d’une répartition en valeur, chacune des sociétés absorbantes recevant une partie.

84 Relevons qu’en droit des procédures collectives, la poursuite obligatoire du contrat, dans la perspective d’un

redressement, n’est valable que lorsque ledit contrat lui est utile, c’est-à-dire nécessaire à l’entreprise. A contrario, lorsque le contrat ne présente aucune utilité économique pour le redressement de l’entreprise, en dépit du caractère d’ordre public de la règle de la continuation du contrat, celui-ci ne sera pas repris. En droit des scissions, la même règle peut être appliquée dans l’optique d’une transmission saine et efficace des contrats conclus par la société scindée aux sociétés bénéficiaires. Lorsqu’une société se scinde, elle transfère à chaque société bénéficiaire une branche complète et autonome d’activité. Ce qui nous permet de dire que le sort du contrat, consécutif à une scission, suivra celui de l’apport patrimonial auquel il est nécessairement rattaché, c’est-à-dire pour lequel il a été à l’origine conclu. En d’autres termes, les contrats conclus par celle-ci, passent de plein droit, en vertu du principe du transfert universel, à la société bénéficiaire de la branche d’activité concernée par lesdits contrats.

affectés en fonction de la branche d’activité à laquelle ils étaient déjà rattachés 85. Mais, malgré tout ce qui précède, lorsque la répartition des contrats faite dans la convention de scission ne lui convient pas, le cocontractant dispose-t-il de moyens de recours ?

III. Le cocontractant a-t-il le pouvoir de contester la transmission du contrat décidée

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