• Aucun résultat trouvé

La jurisprudence relative au droit au procès équitable

Section I. La remise en cause de la vision juridictionnelle du contentieux

B. L’application matérielle des garanties contentieuses

2. La jurisprudence relative au droit au procès équitable

La France et la Colombie ont adhéré à des conventions internationales ayant des dispositions relatives aux garanties processuelles. Pour le cas français, l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme reconnaît un ensemble de droits déterminant le caractère équitable du procès. Pour ce qui concerne la Colombie, l’article 8, n° 1 de la

272 « La Constitution est la norme suprême. Dans le cas de contradiction entre la Constitution et la loi ou une autre

norme, la Constitution prévaut. Les colombiens et les étrangers en Colombie ont le devoir de respecter la Constitution et les lois, ainsi que de respecter et d’obéir aux autorités colombiennes », art. 4 de la Const.c.

273 « Le pouvoir punitif de l'État en matière administrative et disciplinaire ne peut pas méconnaître les principes de

légalité, d'impartialité, de publicité, de la présomption d'innocence, de la défense et de la contradiction », C.c.c.

Sentence T-097-94, 7 mars 1994, M.R. Eduardo CIFUENTES. De même pour le Conseil d’État : « (…) dans les

procédures administratives punitives la personne intéressée doit avoir l’opportunité de s’exprimer avant de décider, comme un moyen de garantir le droit fondamental à la procédure régulière (art. 29 Constitution) afin de rendre effectifs les droits à la défense et à la contradiction », C.E.c. Sentence du 9 juillet 1998, affaire n° 13.900,

citée par : C.E.c. Section 3, Sentence du 17 juillet 2003, affaire n° 24.707, C.R. Alier HERNANDEZ. Cf. C.c.c. Sentences T-442-92, 3 juillet 1992, M.R. Simón RODRIGUEZ ; SU-219-03, 13 mars 2003, M.R. Clara VARGAS ; C-1201-03, 9 déc.

2003, M.R. Marco MONROY.

274 De même, en droit français, les garanties ont été exigées compte tenu « (…) de la gravité des sanctions

pécuniaires qu'il peut prononcer (…) », C.c.f. Décision n° 86-224 DC, 23 janvier 1987, § 22, Rec., p. 8. Dans le même

sens, en droit colombien, le niveau des garanties doit correspondre « (…) à la gravité de la solution et aux intérêts

en jeu », C.c.c. Sentence T-097-94, 7 mars 1994, M.R. Eduardo CIFUENTES.

275 « 22. Les exigences en matière de preuve et les garanties d'une procédure doivent correspondre à la gravité de

la solution et aux intérêts en jeu. L'analyse constitutionnelle d'une procédure (…) ne dépend pas de l'emplacement fonctionnel de l’affaire, c’est-à-dire au domaine normatif au sein duquel se place le contentieux; mais, des implications de ce procès à l’égard des droits fondamentaux des personnes », C.c.c. Sentence T-097-94, 7 mars

1994, M.R. Eduardo CIFUENTES.

276 « La garantie du droit à la défense dans le procès de responsabilité pour des dommages causés au patrimoine

public, en particulier dans la phase d'enquête doit être, par conséquent, permanente (…) Une activité contraire à cela résulte ouvertement anticonstitutionnelle, car elle menace les droits à une procédure régulière, à la défense, à l’administration de la justice (…) », C.c.c. Sentence C-540-97, 23 octobre 1997, M.R. Hernando HERRERA. La responsabilité pour des dommages causés au patrimoine public est déclarée par des autorités administratives de contrôle nommées “contralorías”.

Convention américaine relative aux droits de l’homme277 reconnaît des « garanties

juridictionnelles » connues comme celles de la procédure régulière du droit. Les termes des

deux Conventions paraissent limiter l’application de ces garanties à des instances juridictionnelles. Néanmoins, l’interprétation extensive de ces normes a permis l’élargissement de l’application du droit au procès équitable (a) en déterminant son respect par des autorités administratives (b). L’exercice non juridictionnel de la fonction contentieuse est ainsi mis en évidence.

a. L’élargissement de l’application du droit au procès équitable

L’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, prévoyant le droit au procès équitable, semblait s’appliquer exclusivement à la procédure des juridictions ou des tribunaux, selon les termes de la Convention. Plus encore, les termes de la convention semblaient, de prime abord, se borner aux procédures pénales et civiles dans le sens couramment donné à ces termes. Or, le droit au procès équitable a connu une évolution qui n’est pas sans rappeler celle du droit à la procédure régulière en droit colombien : le champ d’application du droit au procès équitable s’est rapidement élargi à toutes les juridictions, même à des juridictions qui, dans le droit interne, tranchent des contentieux autres que le pénal ou le civil, notamment le contentieux administratif, pour finalement s’appliquer à certaines autorités administratives. Il n’est pas sans raison que la doctrine y voit une « recomposition du contentieux »278.

La Cour européenne des droits de l’homme s’est ainsi prononcée sur l’autonomie des notions279 utilisées par la Convention280. Les qualifications des contestations données par le droit interne, ainsi que la nature juridictionnelle que le droit national reconnaît ou nie à l’organe chargé de la décision, ne font pas obstacle à l’application de la Convention281 « (…) si

les États contractants pouvaient à leur guise, en qualifiant une infraction d’‘administrative’ plutôt que de pénale, écarter le jeu des clauses fondamentales des articles 6 et 7, l’application de celles-ci se trouverait subordonnée à leur volonté souveraine »282. L’autonomie de ces concepts a permis à la Cour de qualifier comme des « tribunaux », des autorités administratives283 qui, matériellement, tranchaient des accusations en matière pénale284, au

277 La Colombie a adhéré à la Convention américaine relative aux droits de l’homme le 28 mai 1973. La Colombie a

reconnu la compétence de la Commission interaméricaine des droits de l’homme le 21 juin 1985.

278 Frédéric S

UDRE et Caroline PICHERAL (dir.), La diffusion du modèle européen du procès équitable, La

Documentation française, Paris, 2003, p. 9.

279 C.E.D.H. 16 juillet 1971, Ringeisen c/ Autriche, Série A, n° 13, p. 39. Cf. Frédéric SUDRE, « Le recours aux ‘notions

autonomes’ », in L’interprétation de la CEDH, (F. SUDRE (dir.)), Bruylant, 1998, p. 93.

280 Les concepts « civil ou pénal » sont des « notions autonomes » du droit international dont la portée va au-delà

des imprécisions des termes des textes internationaux, C.E.D.H. 8 juin 1976, Engel et a. c/Pays-Bas, Série A, n° 22, p. 24. En l’espèce, la matière disciplinaire n’a pas été considérée comme faisant partie de la « matière pénale » de l’art. 6 Conv. E.D.H., mais, le cas échéant, elle pourrait être considérée matière civile.

281 La C.I.D.H. ne pose pas de problèmes quant à la qualification de la matière car l’art. 8 dispose que le procès

équitable s’applique à la détermination des droits et obligations de l’ordre civil, du travail, fiscal « ou tout autre ».

282 C.E.D.H. 21 fév. 1984, Oztürk c/ Allemagne, Série A, n° 73, § 49. Ce raisonnement a été confirmé par C.E.D.H. 28

juin 1984, Campbell et Fell c/ Royaume-Uni, Série A, n° 80.

283 La jurisprudence de la C.E.D.H. accepte que « des impératifs de souplesse et d’efficacité, entièrement

sens de la Convention, ou des contestations sur des droits et des obligations civiles285. À cette fin, la Cour européenne a construit une série de critères ou d’indices pour la détermination de la matière pénale286 ou civile287, ne s’assimilant pas au droit civil ou privé. Cette démarche matérielle permet à la Cour européenne d’accepter, dans certaines conditions, que le droit d’accès à un « tribunal » soit garanti par le recours à une autorité administrative288.

En ce qui concerne la Colombie, la Convention américaine relative aux droits de l’homme reconnaît un ensemble de droits processuels sous la rubrique des « Garanties

judiciaires » : « 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue avec les garanties voulues, dans un délai raisonnable, par un juge ou un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi antérieurement par la loi, qui décidera du bien-fondé de toute accusation dirigée contre elle en matière pénale, ou déterminera ses droits et obligations en matière civile ainsi que dans les domaines du travail, de la fiscalité, ou dans tout autre domaine»289, y compris, le domaine administratif290.

De prime abord, les termes de la Convention américaine n’exigent le respect des garanties judiciaires qu’aux organes juridictionnels des États membres. Néanmoins, en 1987, la Cour interaméricaine des droits de l’homme émet un avis consultatif d’après lequel l’expression « juge ou tribunal compétent », utilisée par l’article 8 de la Convention, s’applique à toutes les « instances processuelles »291. Cet avis commence à être appliqué aux décisions

administratifs ou corporatifs, et a fortiori d’organes juridictionnels ne satisfaisant pas sous tous leurs aspects à ces mêmes prescriptions (…) », C.E.D.H. 23 juin 1981, Le compte, Van Leuven et De Meyere c/ Belgique, Série A, n° 43.

284 L’affaire Deweer met en valeur le besoin d’adopter une démarche matérielle pour la définition du tribunal en

matière pénale : C.E.D.H. 27 fév. 1980, Deweer c/ Belgique, Série A, n° 35.

285 La matière civile couvre « (…) toute procédure dont l’issue est déterminante pour des droits et obligations de

caractère privé (…) », en dépit de la nature de l’organe qui décide, « juridiction de droit commun » ou même un

« organe administratif » et de la loi s’appliquant : C.E.D.H. 16 juillet 1971, Ringeisen c/ Autriche, Série A, n° 13, p. 39, § 94.

286 D’un côté, il faut tout d’abord faire appel à la qualification dans le droit interne ; mais, cela n’est pas

déterminant ; l’imputation en matière pénale est prévue par une norme de caractère général, prévoyant une mesure tant punitive que dissuasive et, d’un autre côté, il s’agit d’une mesure d’une certaine gravité : C.E.D.H. 8 juin 1976, Engel et a. c/Pays-Bas, Série A, n° 22, p. 24. Voir aussi C.E.D.H. 21 fév. 1984, Oztürk c/ Allemagne, Série A, n° 73. La qualification peut être donnée par l’accomplissement d’un seul des critères auxiliaires (C.E.D.H. 25 août 1987, Lutz c/ Allemagne, Série A, n° 23, § 55) ; mais, il arrive aussi qu’ils s’y trouvent tous réunis : C.E.D.H. 24 févr. 1994, Bendedoun c/ France, G.A.C.E.D.H. 6e éd., p. 46.

287 La matière civile se précise par une série d’indices, notamment « la nature personnelle et patrimoniale du droit

contesté », Or, l’arrêt Feldbrugge introduit une méthode qui compare les aspects de droit public et de droit privé

pour conclure qu’« Aucun d’eux n’apparaît décisif à lui seul ; mais, additionnés et combinés ils confèrent au droit

revendiqué un caractère civil au sens de l’article 6 (…) », C.E.D.H. 29 mai 1986, Feldbrugge c./ Pays-Bas, Série A, n°

99, § 30. Cette technique du bilan est aussi appliquée en C.E.D.H. 27 fév. 1987, Deumeland c/ R.F.A., Série A, n° 100. L’accent est mis sur le caractère patrimonial et subjectif du droit en question : C.E.D.H. 26 mars 1992,

Éditions Periscope c/ France, Série A, n° 234B, § 40. Ainsi, la matière disciplinaire entre dans le volet civil, lorsque

la décision affecte le droit à exercer une profession, non ainsi, par l’exemple l’avertissement ou la réprimande : C.E.D.H. 28 juin 1978, König c/ Allemagne, Série A, n° 27 et C.E.D.H. 23 juin 1981, Le Compte, Van Leuven et De

Meyere c/ Belgique, Série A, n° 43, § 49.

288 C.E.D.H. 16 juillet 1971, Ringeisen, c/ Autriche, Série A, n° 13, p. 39 ; C.E.D.H. 22 oct. 1984, Sramek c/Autriche,

Série A, n° 84.

289 Article 8, n° 1 de la Conv.A.D.H., relatif aux « Garanties judiciaires ».

290 Cette rédaction engendre moins de controverses à l’égard de l’application de la Convention à l’égard des

matières considérées relevant du droit administratif, que la rédaction de l’article 6, § 1, de la C.E.D.H. se limitant à la matière civile et pénale.

291 L’article 8 de la Convention ne fait pas seulement référence aux garanties devant les organes judiciaires, « (…)

contentieuses de la Cour à partir de l’année 2001. Afin de donner une efficacité plus large aux garanties dites « judiciaires », la Cour interaméricaine considère que tous les organes de l’État doivent respecter ces garanties lorsqu’ils mènent une instance processuelle292, c’est-à-dire selon les termes de la Cour, lorsque les organes exercent une fonction considérée comme matériellement juridictionnelle293. L’identification d’une telle fonction repose sur un critère souple consistant en la détermination ou l’atteinte à des droits d’une personne294. La fonction matériellement juridictionnelle serait plus facilement acquise lorsque le préjudice causé par la décision étatique est grave295 ; mais, rien n’indique, dans les termes de la jurisprudence, qu’une décision dont l’atteinte au droit de la personne soit moindre ne soit pas qualifiée de matériellement juridictionnelle.

b. Le respect du droit au procès équitable par des autorités administratives

En France, l’application matérielle des garanties du procès équitable à l’égard des autorités administratives a commencé à être acceptée, tout d’abord, par la juridiction judiciaire qui inclut les sanctions prononcées par la Commission des opérations de bourse dans le volet pénal de l’article 6, § 1 et § 3, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme296. De son côté, la juridiction administrative niait l’application des règles du procès

judiciales en Estados de Emergencia (arts. 27.2, 25 y 8 Convención Americana sobre Derechos Humanos), Avis

consultatif OC-9/87 du 6 octobre 1987, Série A, n° 9, § 27.

292 « Bien que l’article 8 de la Convention américaine s’intitule des ‘Garanties judiciaires’, son application n’est pas

limitée aux recours judiciaires, stricto sensu, (…) mais à l’ensemble des garanties devant être respectées dans les ‘instances processuelles’, afin que les personnes puissent se défendre efficacement devant tout acte étatique pouvant affecter leurs droits », C.I.D.H. Sentence du 31 janvier 2001, affaire du Tribunal constitutionnel c/ Pérou, §

69. « Cela veut dire que toute action ou omission des organes étatiques dans un procès, administratif de sanction

ou juridictionnel, doit respecter la procédure régulière du droit », C.I.D.H. Sentence du 2 fév. 2001, affaire Baena Ricardo y Otros c/ Panamá. Série C, n° 72, § 124. . Confirmé par C.I.D.H. Sentence du 6 fév. 2001, affaire Ivcher Bronstein c/ Pérou, § 102 et C.I.D.H. Sentence du 6 déc. 2001, affaire Las Palmeras c/ Colombie, § 16 et C.I.D.H.

Sentence du 23 juin 2005, affaire Yatama c/ Nicaragua, § 147.

293 « Conformément à la séparation des pouvoirs publics de l’État de droit, même si la fonction juridictionnelle est

essentiellement attribuée au pouvoir judiciaire, il existe d’autres organes ou autorités publiques pouvant exercer ces fonctions. C’est-à-dire que quand la Convention reconnaît le droit de toute personne d’être entendue par un ‘juge ou tribunal compétent’, pour la ‘détermination de ses droits’, ces expressions font référence à toute autorité publique, administrative, législative ou judiciaire déterminant par ses décisions, des droits et des obligations des personnes. (…) tout organe étatique exerçant des fonctions matériellement juridictionnelles a l’obligation de prendre des décisions respectant les garanties de la procédure régulière du droit, aux termes de l’art. 8 de la Convention américaine », C.I.D.H. Sentence du 31 janvier 2001, affaire du Tribunal constitutionnel c/ Pérou, § 71.

Dans le même sens: C.I.D.H. Sentence du 6 fév. 2001, affaire Ivcher Bronstein c/ Pérou, § 102.

294 C.I.D.H. Sentence du 22 nov. 2005, affaire Palamara Iribarne c/Chili, § 164. 149. « Tous les organes exerçant des

fonctions matériellement juridictionnelles doivent prendre des décisions justes, respectant pleinement les garanties de la procédure régulière du droit, établies par l’article 8 de la Convention américaine (…) et cela s’applique aussi lorsqu’une autorité publique non judiciaire, émet des décisions affectant les droits de la personne », C.I.D.H.

Sentence du 23 juin 2005, affaire Yatama c/ Nicaragua, § 149.

295 « Il n’est pas douteux qu’en raison des graves conséquences entraînées par une telle sanction, l’État a dû

garantir au travailleur les garanties de la procédure régulière du droit aux termes de la Convention américaine »,

C.I.D.H. Sentence du 2 fév. 2001, affaire Baena Ricardo et autres c. Panama, Série C, n° 72 § 134.

296 C.cas, Com., 9 avril 1996, Haddad, Bull. Civ. IV, n°115 ; Bull. Joly Bourse, 1996, p. 305, § 47 note, PELTIER

Confirmé par l’arrêt C.cas, Com., 18 juin 1996, Conso, Bull. Civ., IV. N° 179. La première sanction pour méconnaissance de la Conv. E.D.H. : C.A.P. Arrêt du 7 mai 1997, Oury, confirmé par C.cass. com., 1er déc. 1998,

Oury, J.C.P. 1999, II, 10057, note GARAUD et C.cas, Ass. Plén., 5 février 1999, Oury c/COB, Gaz. Pal. 24-25 fév. 1999, p. 8 concl. LAFORTUNE ; Bull. Joly bourse, 1999, p. 139. ; P.A. 10 février 1999, n° 29, p. 3, note p. .M. ; J.C.P. 1999, II,

équitable aux autorités administratives, car d’après une jurisprudence bien établie297 jusque là, l’article 6 de la Convention, « (…) n’énonce, y compris dans son paragraphe 2, aucune règle ou

aucun principe dont le champ d’application s’étendrait au-delà des procédures contentieuses suivies devant les juridictions et qui gouvernerait l’élaboration ou le prononcé de sanctions, quelle que soit la nature de celles-ci, par les autorités administratives qui en sont chargées par la loi (…) »298. Néanmoins, cette jurisprudence qui opposait la Cour de cassation et le Conseil d’État est abandonnée, en 1999 ; lorsque le Conseil d’État français admet l’application du volet pénal de l’article 6 de la Convention européenne au Conseil des marchés financiers, autorité administrative indépendante299.

Il faut noter que cette application matérielle des garanties du procès équitable concerne une partie importante de l’activité contentieuse de l’administration française. Concernant les administrations classiques300, sont notamment reconnus comme entrant dans le champ d’application de l’article 6 de la Convention européenne : les sanctions fiscales301, le contentieux disciplinaire, notamment dans les armées302, dans les prisons303 ou dans la fonction publique304. Concernant les fonctionnaires publics, il est nécessaire que les fonctions « (…) ne comportent pas de participation à l'exercice de la puissance publique et aux fonctions

visant à sauvegarder les intérêts généraux (…) »305. Il en est de même, pour le retrait des

297 C.E.f. Ass. 1 mars 1991, Le Cun, Rec, p. 71, R.F.D.A. 1991, p. 612, concl. S

AINT-PULGENT, concernant le C.B.V. ;

C.E.f. 14 juin 1991, Association Radio-solidarité, Rec., p. 232, concernant le C.S.A. ; C.E.f. 4 mai 1998, Sté de bourse

Wargny, Rec., p. 192 et C.E.f. 9 avril 1999, Oddo c/ CMT, Banque et droit, 1999, n° 67, p. 36, concernant le C.M.T.

et C.E.f. 19 oct. 1996, Association Ici et Maintenant, Rec., p. 401, concernant le C.S.A.

298 C.E.f. Sect. Avis, 31 mars 1995, Ministre du Budget c/ SARL Autoroute-Industrie Méric, Rec., p. 34, concl. SANSON.

Cet avis est confirmé : C.E.f. 4 mai 1995, Girardet, n° 140 985, sur le Conseil de discipline des organismes de placement collectif en valeurs mobilières et C.E.f. 4 mai 1998, Société de bourse Patrice Wargny, Rec., p. 192, concernant le Conseil des marchés à terme.

299 C.E.f. Ass., 3 décembre 1999, Didier, n° 207434, Rec. p. 399 ; A.J.D.A.2000, p. 126, chron. G

UYOMAR et COLLIN ;

R.F.D.A.2000, P.1060,note SERMENT.

300 Ce qui démontre que l’application de l’art. 6 ne se justifie pas par les pouvoirs des A.A.I. Or, il est affirmé qu’:

« À l’évidence, l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme n’a pas été conçu pour les autorités

administratives. Son application à l’administration est en quelque sorte contre nature; mais, elle est justifiée par les fonctions répressives de l’’administration nouvelle’, Jean-François BRISSON, « Les pouvoirs de sanction des autorités de régulation et l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme à propos d’une divergence entre le Conseil d’État et la Cour de cassation », A.J.D.A. 1999, p. 859.

301 C.E.D.H. 24 fév. 1994, Bendedoun c/ France, Série A, n° 284. Dans ce sens C.E.f. Avis 5 avril 1996, P.A. 5 juin

1996, p. 32. L’amende fiscale entre dans le volet pénal de l’art. 6 : C.E.f. 3e et 8e ss-sect., 26 mai 2008, Sté

Norelec, concl. F. Séners, n° 288583, D.F. n° 28, 10 juillet 2008, comm. 411, note PIERRE. Or, le contentieux fiscal

reste en dehors de l’application de l’art. 6 : C.E.f. 9e et 8e s.-s, 26 novembre 1999, Genoun, req. n° 184474 ; C.E.f. 9e et 10e s.-s., 28 juillet 2000, Vanackere, n° 184510. En dépit des effets patrimoniaux du contentieux fiscal, il ne constitue pas un droit civil : C.E.D.H. 12 juillet 2001, Grande ch. ; Ferrazzini c/Italie n° 44759/98.

302 C.E.D.H. 8 juin 1976, Engel et a. c/Pays-Bas, Série A, n° 22. Hormis le cas où les sanctions ne relèvent pas une

certaine importance : C.E.D.H. 28 déc. 2000, João José Brandão Ferreira c/ Portugal, n° 41921/98

303 C.E.D.H. 28 juin 1984, Campbell et Fell c/ Royaume-Uni, Série A, n° 80. Il s’agit de décisions faisant grief : C.E.f.

17 janv. 1995, Hardouin et Marie, Rec., p. 82, concl. FRYDMAN.

304 Pour l’application du volet civil de l’art. 6 de la Conv. E.D.H.

305 C’était le cas d’un professeur et praticien hospitalier : C.E.f. 23 févr. 2000, L’Hermite, n° 192480, J.C.P. 2000, II,

10371, comm. MONIOLLE. Ce critère est issu de la jurisprudence européenne : C.E.D.H. 8 déc. 1999, Pellegrin c/

France. ; A.J.D.A. 2000, p. 530, chron. FLAUSS ;J.C.P.2000,I, N°203, P.195,chron. SUDRE ;R.F.D.A.2000,p. 1268,

chron KISSANGOULA. En application de cette exception, les garanties du procès équitable ont été niées notamment

aux contentieux des agents consulaires et diplomatiques (C.E.f. 5 juillet 2000, Syndicat Force ouvrière du personnel

du ministère des Affaires étrangères) et des militaires (C.E.f. Ass., 11 juillet 2001, Min. défense c/ Préaud, n°

219312, A.J.D.A.2001, p. 841, chron. GUYOMAR et COLLIN ; R.F.D.A. 2001, p. 1047, concl. BERGEAL), ainsi qu’aux

magistrats de l’ordre judiciaire (C.E.f. 6-4 s-s-r, 18 oct. 2000, Terrail, n° 208168). Or, la C.E.D.H. a limité cette jurisprudence de l’exclusion des fonctions de souveraineté à des cas où il existe un « lien spécial de confiance et

points du permis de conduire306 et le contentieux de la contribution spéciale au bénéfice de l’Office des migrations internationales pour l’emploi irrégulier d’un travailleur étranger307. Concernant les autorités indépendantes, elles ont été reconnues obligées au respect de l’article 6 de la Convention au volet pénal308, notamment : le Conseil de la concurrence309, la Commission des opérations de bourse (C.O.B.)310, le Conseil des marchés financiers (C.M.F.)311, l’Autorité de régulation des télécommunications (A.R.T.)312, la Commission bancaire313, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (C.S.A.)314, la Commission de contrôle des assurances (C.C.A.)315, le Conseil de discipline de la gestion financière (C.D.G.F.)316 et l’Autorité des marchés financiers (A.M.F.)317. Les exemples sont nombreux.

L’application matérielle des garanties du procès équitable, par le volet pénal de l’article 6, souligne l’activité contentieuse de l’administration et elle permet, par la même logique, la négation du caractère de tribunaux à des autorités que le droit interne a qualifié comme juridictionnelles, mais qui, matériellement, ne tranchent pas des contentieux318. En revanche, en ce qui concerne le volet civil du procès équitable, il n’existe pas d’identité totale entre l’application des garanties du procès équitable et le contentieux : le critère contentieux est remplacé par celui de l’atteinte directe319 à un droit civil, circonstance qui pourrait se présenter, même en dehors de tout contentieux320, par une décision administrative non

n° 5, p. 1031, comm. GONZALEZ. Dans ce sens : C.E.f. 12 déc. 2007, Siband, Rec., p. 928 ; P.A. 29 avril 2008, concl. GUYOMAR.

306 Le retrait s’apparente à « une peine accessoire », à raison de son « caractère punitif et dissuasif », C.E.D.H. 23