• Aucun résultat trouvé

L’exercice non cumulatif de certaines fonctions

Section I. La remise en cause de la vision juridictionnelle du contentieux

A. La séparation des pouvoirs comme non-cumul

2. L’exercice non cumulatif de certaines fonctions

Bien que le cumul de fonctions dans une seule autorité dont relève l’activité contentieuse de l’administration ne contrarie pas la séparation des pouvoirs, l’idéologie même de ce principe suppose l’existence d’aménagements nécessaires au fonctionnement non arbitraire des fonctions382. La séparation des pouvoirs détermine concrètement l’exercice non cumulatif de certains pouvoirs dont l’autorité est investie à l’égard de la même personne ou de la même affaire. La jurisprudence en présente trois mises en pratique : la séparation des différentes étapes de la procédure de sanction (a), la non-identité de l’autorité qui sanctionne et la victime des faits (b) et, la séparation entre les fonctions administratives et juridictionnelles de l’administration colombienne (c).

a. La séparation des différentes étapes de la procédure de sanction

La séparation des étapes de la procédure de sanction est née à l’intérieur du procès pénal où trois étapes successives (la poursuite, l’instruction et le jugement) sont différenciées. Le ministère public assure la poursuite et l’accusation à l’audience383, tandis que l’affaire est instruite par un juge d’instruction qui ne décide pas le fond de l’affaire. Cette distribution des fonctions est considérée comme une garantie fondamentale du justiciable384. L’idée de la séparation se construit à partir de deux principes : la séparation de la poursuite à l’égard du jugement385 et la séparation de l’instruction et du jugement386. Celui-ci n’est pas un principe

380 La véritable méconnaissance de la séparation des pouvoirs, par l’absorption totale des pouvoirs, mettrait un

terme à l’exercice multi-organique des fonctions car, justement, les pouvoirs seraient non distribués, mais concentrés.

381 Raymond C

ARRE DE MALBERG, Contribution à la théorie générale de l’État, t. II, op. cit., , p. 131.

382 Cela implique une analyse non classique de la séparation des pouvoirs, mais une interprétation conformément

à son esprit : « (…) derrière la division des pouvoirs se cache un élément d’une importance majeure, consistant en

la lutte contre le despotisme, la tyrannie, la quête infatigable de la liberté (…) Une autre chose consiste dans le fait qu’un secteur de la doctrine n’analyse le problème de la séparation des pouvoirs que d’un point de vue structurel, c’est-à-dire de la simple existence des pouvoirs (division tripartite par exemple), ce qui en déterminerait une vision rigide et dépourvue d’esprit (…) », Jaime SANTOFIMIO, Tratado de derecho administrativo, t. I, op. cit., p. 237. 383 En droit colombien, ces fonctions sont remplies par la Fiscalía General de la Nation (Parquet).

384 C.cass. crim. 22 juin 1878, D. 1878, I, p. 496.

385 L’incompatibilité des fonctions de ministère public et de juge a été énoncée par la jurisprudence : C.cas. crim.,

13 sept. 1827, Bull. crim., n° 237. D’après ce principe, « un magistrat du parquet, dans la circonscription duquel un

délinquant a été l’objet de poursuites ne peut, ayant été nommé par la suite magistrat du siège, participer en qualité de juge au jugement de l’affaire », Claudine BERGOIGNAN-ESPER, La séparation des fonctions de justice

répressive, P.U.F., Paris, 1973, p. 70.

386 Pour la C.E.D.H. l'exigence d'un tribunal impartial n'est pas satisfaite lorsque le magistrat instructeur siège dans

absolu en droit français qui accepte des aménagements, tandis que la séparation entre la poursuite et le jugement est un principe directeur du procès pénal387 de valeur constitutionnelle388.

Or, la matière administrative est régie, en principe, par le principe opposé à la séparation. Le cumul des fonctions répressives au sein d’une autorité administrative serait la règle en matière administrative389. La non-séparation est traditionnellement justifiée au titre de l’efficacité de la répression, et, pour ce qui concerne la sanction disciplinaire dans la fonction publique, par le principe hiérarchique390. La césure des étapes de la sanction n’est pas, en matière administrative, un principe constitutionnel ; mais, ce cumul des fonctions renforce l’argumentation en faveur de la procéduralisation de l’autorité391.

Il existe, néanmoins, une tendance à reconnaître la séparation des étapes de la sanction administrative comme une concrétisation de l’impartialité392. Aux fins de démarquer cette tendance, il faut, d’abord, signaler qu’en matière administrative non juridictionnelle393, la séparation des étapes ne se réalise pas, en principe, par une séparation organique selon laquelle des organes différents assument les différentes fonctions, mais par une séparation fonctionnelle : ces étapes sont exercées par différentes personnes. Par exemple, l’enquête et l’instruction des affaires sont notamment confiées à un rapporteur.

La juridiction judiciaire a condamné la confusion des étapes de la procédure de

387 « La procédure pénale doit garantir la séparation des autorités chargées de l’action publique et des autorités de

jugement », article préliminaire du Code pénal, loi du 15 juin 2000.

388 Ce principe a conduit le Conseil constitutionnel à déclarer inconstitutionnelle une loi donnant au procureur,

sous autorisation des parties, le pouvoir de prononcer certaines injonctions-sanctions : C.c.f. Décision n° 95-360 DC, 2 fév. 1995, § 5-6,D. 1997, somm. 130, Obs. RENOUX.

389 Ainsi, le même fonctionnaire peut validement déposer la réclamation, diriger l’enquête et présider le conseil de

discipline des fonctionnaires, lorsqu’il n’existe plus une interdiction expresse et qu'il n’est pas établi que cette personne « (…) ait manqué de l’impartialité nécessaire pour siéger audit conseil ou ait manifesté une animosité

personnelle à l’égard du fonctionnaire intéressé (…) », C.E.f. 11 mai 1960, Min. agr. c/ Laniez, Rec., p. 316, A.J.D.A.

1960, p. 279. Sur l’idée du cumul comme principe : Cf. Georges DELLIS, Droit pénal et droit administratif, op. cit., p.

314.

390 Pour M. M

OURGEON le principe hiérarchique justifie le cumul : « il n’est pas moins évitable, par suite, que

l’autorité détenant compétence pour prononcer la décision répressive finale soit également compétente pour accomplir tous les actes et exécuter toutes les fonctions précédant la mesure répressive et y conduisant », Jacques

MOURGEON, La répression administrative, Bibliothèque de droit public, t. 75, L.G.D.J., Paris, 1967, p. 445.

391 La décision du Conseil constitutionnel français concernant les pouvoirs de sanction de la C.O.B. souligne le

cumul des fonctions répressives, bien qu’elle ne le sanctionne pas : considérant « (…) que l’autorité peut exercer,

dans l’intérêt général, les poursuites, recueillir des charges et, le cas échéant, prononcer des sanctions dans le cadre d’une procédure administrative », C.c.f. Décision n° 89-260 DC, 28 juillet 1989, § 45. « l’on peut déduire, a contrario, que, selon le Conseil constitutionnel, il n’y a pas de violation des droits de la défense, lorsque la COB confond entre ses mains les fonctions de poursuite, d’instruction et de jugement (le juge constitutionnel prend soin de rappeler cette confusion) dès lors, ajoute-t-il, que ladite autorité prononce des sanctions dans le cadre d’une procédure administrative », Michel DEGOFFE, Droit de la sanction non pénale, Economica, Paris, 2000, p. 124.

392 C’est le principe de l’impartialité qui, d’une façon générale, interdit le cumul de certaines fonctions pouvant

donner à préjuger l’affaire. Ainsi, dans l’affaire Procola, concernant le cumul des fonctions consultatives et contentieuses à l’égard de la même personne ou même affaire, la C.E.D.H. se prononce dans des termes généraux : « (…) le seul fait que certaines personnes exercent successivement à propos des mêmes décisions deux

types de fonction est de nature à mettre en cause l'impartialité structurelle de l'institution », C.E.D.H. 28 de

septembre 1995, Procola c/Luxembourg, Série A, n° 236 ; R.F.D.A. 1996, p. 777-796, note AUTIN et SUDRE ; D. 1996, jurisprudence p. 301, note FLORENCE.

393 Le Conseil d’État français a reconnu que, quand la sanction est juridictionnelle, la séparation des étapes

constitue une règle générale de procédure (écartable par la loi) découlant du principe général du caractère contradictoire de la procédure, ainsi que du principe des droits de la défense. Cela détermine qu’une personne ne peut être à la fois plaignante et juge : C.E.f. 14 janvier 1981, Putot, Rec., p. 17.

sanction menée par la Commission des opérations de bourse394 dans des décisions dont la portée serait générale395 et qui ont été confirmées en cassation396. Dans les faits des espèces, le droit au procès équitable était méconnu en raison de la participation du rapporteur au délibéré. La Cour de cassation a censuré, au même titre, la présence non délibérative du rapporteur et du rapporteur général du Conseil de la concurrence397. La juridiction administrative a, quant à elle, procédé à une analyse in concreto398 des pouvoirs du rapporteur

afin de déterminer si son rôle le plaçait en situation de préjuger l’affaire399. Cette jurisprudence se situe ainsi dans la ligne de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme qui ne sanctionne pas la participation au délibéré des personnes qui n’ont connu l’affaire que d’une façon sommaire400. Seulement, lorsque les pouvoirs du rapporteur sont différents de ceux de la formation chargée du délibéré, pouvant notamment faire des accusations et instruire en charge et à décharge, en se rapprochant par là du rôle d’un juge d’instruction, la présence du rapporteur est en principe exclue de la formation chargée de la décision401. En revanche, lorsque le rapporteur dispose des mêmes pouvoirs que la formation de décision et qu'il ne représente qu’une forme de distribution du travail, sa présence n’est pas illégale.

On pourrait penser, jusque-là, que la séparation des étapes de la procédure administrative de sanction n’est pas obligatoire ; mais, lorsqu’elle est décidée normativement par l’assignation des fonctions propres à un rapporteur, il ne pourra pas participer au délibéré. Cependant, au nom de l’impartialité, la jurisprudence est allée plus loin, au point de

394 Les deux décisions de la chambre économique et financière de la cour d’appel de Paris du 7 mai 1997, Oury,

annulent les décisions de sanction prononcées à l’encontre de M. Oury, notamment en raison du fait que le collège l’a successivement accusé, poursuivi et sanctionné dans une délibération à laquelle le rapporteur avait pris partie délibérative. Suite à cette décision, la procédure devant la C.O.B. a été modifiée par le décret du 31 juillet 1997 déterminant, qu’un rapporteur sera nommé dès l’ouverture de l’enquête ; mais, sans interdire sa présence au délibéré avec voix délibérative, ce qui était censuré par les arrêts de la cour d’appel.

395 « Cet arrêt dont la portée peut être considérable (…) donne avant tout une « leçon » aux différentes autorités et

à tous les responsables (…) », Michel GERMAIN et Marie-Anne FRISON-ROCHE, obs. sur C.A.P. 7 mai 1997, Oury,

R.D.B.B., mai-juin, 1997, p. 119.

396 Tout en constatant que la réforme de 1997 n’avait pas interdit la présence du rapporteur au délibéré, les

décisions de la cour d’appel de Paris sont confirmées par la Cour de cassation : C.cas. Ass. Plén., 5 février 1999,

C.O.B. contre Oury, Gaz. Pal., 24-25 février 1999, p. 8, concl. LAFORTUNE et note DEGUELDRE, GRAMBLAT et HERBIERE ;

J.C.P. E. 1999, p. 957, note MATSOPOULOU ; P.A. 10 février 1999, p. 3, notes DUCOULOUX-FAVARD et P.M.

397 C.cass. com., 5 octobre 1999, Société Campenon Bernard S.G.E. c/ ministre de l'Économie, des Finances et du

Budget, concl. LAFORTUNE, Gaz. Pal., 2 déc. 1999, n° 336, p. 9 et doct. p. 2, note FLECHEUX.

398 Cela ne signifie pas que la Cour de cassation n’ait pas procédé à une telle analyse car, dans le cas de la C.O.B.,

le rapporteur était le « maître de l’instruction », ainsi qu’un « personnage central lors du délibéré », P. M., note sous Ass. plén., 5 fév. 1999, PA., 10 fév. 1999, n° 29. p. 10.

399 Le Conseil d’État ne considère pas que la présence du rapporteur du C.M.F. méconnaisse l’impartialité quand

celui-ci « n'est pas à l'origine de la saisine, ne participe pas à la formulation des griefs ; qu'il n'a pas le pouvoir de

classer l'affaire ou, au contraire, d'élargir le cadre de la saisine ; que les pouvoirs d'investigation dont il est investi pour vérifier la pertinence des griefs et des observations de la personne poursuivie ne l'habilitent pas à faire des perquisitions, des saisies ni à procéder à toute autre mesure de contrainte au cours de l'instruction », C.E.f. Ass., 3

décembre 1999, Didier, n° 207434, Rec. p. 399 ; A.J.D.A.2000, p. 126, chron. GUYOMAR et COLLIN ;R.F.D.A.2000, P.

1060,note SERMENT. En application de ce critère le Conseil a condamné, en revanche, la présence du rapporteur de la chambre régionale des comptes : C.E.f. Ass., 6 avril 2001, S.A. Entreprise Razel Frères, n° 206764, 206767.

400 « (…) le simple fait, pour un juge, d’avoir déjà pris des décisions avant le procès ne peut passer pour justifier en

soi des appréhensions relativement à son impartialité. Ce qui compte est l’étendue et la nature des mesures adoptées par le juge avant le procès », C.E.D.H. 22 avril 1994, Saraiva de Carvalho c/ Portugal, no15651/89, série

A, n° 286-B, § 35.

401 Or, devant le Conseil d’État, le rapporteur public peut assister au délibéré, même en matière des

contraventions de grande voirie, sauf quand l’une des parties demande son exclusion : sauf demande contraire d'une partie, le rapporteur public assiste au délibéré. Il n'y prend pas part.

condamner une procédure légale et réglementaire de sanction instaurant le cumul des phases d’enquête, d’instruction et de sanction à l’intérieur de la Commission des opérations de bourse 402 . Cela a déterminé, à nouveau, une réforme de la procédure de sanction cherchant à approfondir la séparation des trois étapes403. Fruit de cette évolution, l’Autorité des marchés financiers, en fusionnant la Commission des opérations de bourse et le Conseil des marchés financiers, a franchi une séparation simplement fonctionnelle concernant les étapes de la sanction (président de l’autorité, rapporteur et collège). La séparation qui se réalise au sein de l’Autorité des marchés financiers est organique : l’enquête est menée par le secrétariat général. Le collège décide l’ouverture d’une procédure de sanction, notifie les griefs et saisit la Commission des sanctions404. Concernant la séparation entre la phase d’instruction et celle de décision, l’Autorité des marchés financiers maintient une séparation fonctionnelle. L’instruction de l’affaire est menée par un rapporteur choisi au sein de la Commission des sanctions qui ne participe pas au délibéré405. Une certaine séparation organique se présente aussi lorsque le rapporteur n’appartient pas à l’autorité administrative406. La jurisprudence française donne un autre exemple de l’exercice non cumulatif des fonctions d’une autorité administrative.

b. La non-identité de l’autorité qui sanctionne et la victime des faits

Au titre des droits de la défense, le Conseil constitutionnel français a considéré qu’une autorité ne pouvait exercer ses pouvoirs de sanction administrative et se constituer ensuite en partie civile de la procédure pénale pour les mêmes faits constituant aussi un délit. Il a été

402 L’arrêt Société KPMG Fiduciaire de France (C.A.P. 7 mars 2000) sanctionne la confusion des fonctions dans la

C.O.B., car le collège de cette autorité a « décidé la mise en accusation de la société KPMG sur des faits qu'il a

constaté, formulé les griefs visant la personne poursuivie, statué sur sa culpabilité et sanctionné cette dernière ».

L’enquête et la sanction n’étaient pas séparées car le président de la C.O.B. dirigeait l’enquête et participait au délibéré, tandis que le collège arrêtait les griefs et prenait la décision.

403 Les décrets 720 et 721 du 1er août 2000, J.O., 2 août 2000, p. 11939 disposent que le président de la C.O.B. et

les membres du collège ne prennent plus partie à l’enquête. L’enquête est désormais menée par le directeur général de la C.O.B. L’instruction est confiée à un rapporteur qui ne participe pas au délibéré. Le rapporteur est choisi au sein du collège. Il notifie les griefs, instruit l’affaire et n’assiste pas au délibéré. « La nouvelle procédure

« administrativise » l’enquête et « décollégialise » la décision des poursuites », Jean-Jacques DAIGRE, « La nouvelle

procédure de sanction de la COB. Une réforme en clair-obscur », J.C.P. E, n° 41, 2000, p. 1604.

404 Ce même modèle de séparation organique est reproduit notamment dans l’A.R.J.E.L., créée par l’art 35-I et 41

de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010, relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux

d'argent et de hasard en ligne et aussi, dans l’Autorité de contrôle prudentiel : art. L. 612-4 du Code monétaire et

financier. À l’intérieur de la Commission de régulation de l’énergie et du gaz, l’art. 5 de la loi n° 2006-1537 du 7 décembre 2006 a créé un comité de règlement des différends et des sanctions (CoRDiS) chargé notamment de décider les sanctions. Cet organe a un statut d’indépendance à l’égard du collège de la commission.

405 La loi du 1er août 2003 tranche en faveur de l’interdiction de la présence du rapporteur au délibéré

(amendement 11 à l'art. 621-15-IV, adopté par le Sénat le 5 juin 2003), même si ses pouvoirs « ne diffèrent pas de

ceux que la formation disciplinaire collégiale du Conseil (…) aurait elle-même exercé » dans les termes de l’arrêt Didier (C.E.f. Ass., 3 décembre 1999, Didier, n° 207434, Rec. p. 399), c’est-à-dire même s’il n’est pas une sorte de

juge d’instruction.

406 Lors de la procédure de sanction, le C.S.A. peut faire appel à un rapporteur et il peut aussi le choisir en dehors

de cette autorité administrative. S’il a été fait recours à un rapporteur, il n’assiste pas au délibéré : art. 21-22 du Règlement intérieur du CSA, Délibération du 12 février 2008, J.O., 22 mars 2008.

établi qu’une autorité administrative ne pouvait pas, « (…) à l'égard d'une même personne et

s'agissant des mêmes faits (…)», être tant autorité de sanction que victime des faits407.

c. La séparation entre les fonctions administratives et juridictionnelles de

l’administration colombienne

La jurisprudence constitutionnelle colombienne, tout en validant le cumul des fonctions administratives et juridictionnelles au sein d’une autorité administrative408, exige que, quand une autorité administrative s’est vu attribuer législativement des fonctions juridictionnelles, le fonctionnaire qui les exerce doit être différent de celui qui exerce les fonctions administratives dans une affaire particulière409. Le respect de cette réserve de constitutionnalité s’analyse aussi in concreto à l’égard d’une même personne et d’une affaire. Cela entraîne que le fonctionnaire qui prend des décisions administratives dans une affaire déterminée, c’est-à-dire qui a « préjugé » d’une certaine manière l’affaire ne pourra, cumulativement, exercer les fonctions juridictionnelles dont l’autorité administrative est investie.

En suivant l’évolution jurisprudentielle menée par la Cour constitutionnelle, le nouveau Code de la procédure administrative et du contentieux administratif, C.P.A.C.A. du 18 janvier 2011 dispose que les décisions juridictionnelles de l’autorité administrative doivent être formellement identifiées comme telles. De plus, elles doivent être rédigées dans un document séparé de celui où l’autorité administrative exerce ses fonctions administratives410. Cette séparation matérielle est instaurée aux fins de l’exclusion des actes juridictionnels du contrôle de la juridiction du contentieux administratif.

L’esprit de la séparation des pouvoirs n’est pas un véritable obstacle à l’exercice multi- organique des fonctions dont relève l’activité contentieuse de l’administration. Elle ne commande que des aménagements, notamment le contrôle des décisions et la mise en place

407 « Considérant que le respect des droits de la défense fait obstacle à ce que la Commission des opérations de

bourse puisse à l'égard d'une même personne et s'agissant des mêmes faits concurremment exercer les pouvoirs de sanction qu'elle tient de l'article 5 de la loi déférée et la faculté d'intervenir et d'exercer tous les droits de la partie civile en vertu de l'article 10 de la loi », C.c.f. Décision n° 89-260 DC, 28 juillet 1989, § 46, Rec., p. 71.

408 « (…) il n’est pas incompatible l’exercice simultané des fonctions administratives et judiciaires de la part des

surintendances, à la condition de ne pas méconnaître les droits des sujets dans la procédure et de garantir l’impartialité du fonctionnaire qui administre la justice », C.c.c. Sentence C-649-01, 20 juin 2001, M.R. Eduardo

MONTEALEGRE.

409 « Le même fonctionnaire ou dépendance de la Surintendance de l’industrie et du commerce ne pourra pas

exercer des fonctions juridictionnelles, lors des affaires relatives à la concurrence déloyale où il s’est prononcé, au préalable, dans l’exercice de ses fonctions administratives d’inspection, de surveillance et de contrôle. Ces fonctions doivent être exercées par des fonctionnaires différents, déliés hiérarchiquement et fonctionnellement, par rapport à l’affaire soumise à sa connaissance », C.c.c. Sentence C-649-01, 20 juin 2001, M.R. Eduardo

MONTEALEGRE. Jusqu’à cette décision, le même fonctionnaire exerçait l’ensemble des fonctions administratives et

juridictionnelles, par une même procédure et dans un seul acte contenant des décisions administratives et juridictionnelles. Cf. Yolanda CAÑÓN, Funciones jurisdiccionales de la superintendencia de industria y comercio,

thèse Université du Rosario (dact.), Bogota, 2002, p. 15.

410 La juridiction du contentieux administratif ne connaîtra pas : « Des décisions prises par les autorités

administratives dans l’exercice de fonctions juridictionnelles, hormis le cas de la compétence pour décider des recours contre ces décisions et dont la décision est attribuée à cette juridiction. Ce genre de décisions sera formellement identifié avec l’expression utilisée par les juges pour annoncer la partie décisoire des sentences. Ces décisions devront être prises dans un document indépendant, ne mélangeant pas les décisions concernant la