• Aucun résultat trouvé

L ES DIFFÉRENTS TYPES DE COMMUNAUTÉS

ÉTHIQUE DES DONNÉES

4.4 L ES DIFFÉRENTS TYPES DE COMMUNAUTÉS

Plusieurs chercheurs ont tenté de dresser une typologie de différentes formes de communautés. Henri et Pudelko (2006) définissent quatre types de communauté : communauté d’intérêt, d’intérêt finalisé, de pratique et d’apprenants, tout en considérant que chacune d’elles est une communauté d’apprentissage dans la mesure où ses membres apprennent en participant à la vie communautaire. Dans la littérature concernant les communautés virtuelles, on peut observer que les typologies des communautés se font sur des critères différents. Preece et Maloney-Krichmar (op.cit.) les classent en fonction du support numérique utilisé, un critère à éviter selon Dillenbourg et al. (op.cit.) qui eux les classent en fonction des objectifs : « un environnement informatique ne crée pas une communauté virtuelle si ses membres ne sont pas interdépendants, ne partagent pas une microculture, ne s’insèrent pas dans une structure organique et si l’espace ne leur appartient pas » (p.12). En revanche « […] the software that allows commmunication among membres of a learning

106 community plays an essential role in community formation, and will shape, to some extent, the community’s character and identity » (Rasulo, P.87). Quant à Henri et Pudelko (op.cit.), elles les classent selon le degré de la force du lien social. Pour ces deux chercheuses, la communauté de pratique se situe en haut de l’échelle puisque ses membres, selon les auteurs, présentent un fort degré d’engagement, tandis que la communauté d’intérêt se situe en bas de l’échelle. De leur côté, Develotte et Mangenot (2004) mettent en question cette gradation du lien social dans la mesure où l’intensivité relationnelle est instable dans une communauté et qu'elle est en constante évolution et c’est ce que nous allons voir au travers de l’analyse du cycle de vie.

Figure7: différentes formes de communautés virtuelles en fonction de leur contexte d'émergence et force du lien social (Henri et Pudelko, 2006, p.108)

4.4.1 Communauté de pratique

La communauté de pratique a été beaucoup étudiée et théorisée au départ par Lave et Wenger (1991) et ensuite par Wenger, Mcdermott et Synder (2002) qui l’associent à la théorie de l’apprentissage situé. Pour ces auteurs, la communauté de pratique est aussi une communauté d’apprentissage basée sur la participation. Même si les chercheurs ont étudié essentiellement des communautés qui sont liées à un métier, en réalité la communauté de pratique englobe aussi différentes pratiques par exemple « gang members learn to survive on the street and deal with unfriendly world » ou encore « soccer moms and dads take advantage of game times to share tips and insights about the subtle art of parenting» (2002, p.4). Ces

107 exemples montrent bien que Wenger et al.(op.cit.) utilisent l’expression communauté de pratique dans une acception large puisqu’il la définit comme « groups of people who share a concern, a set of problems, or a passion about a topic, and who deepen their knowledge and expertise in this area by interacting on an ongoing basis » (loc.cit.). Mais l’acception la plus répandue dans la littérature francophone c’est celle qui désigne un regroupement de plusieurs personnes exerçant le même métier et appartenant à une ou plusieurs organisations pour échanger d’une manière informelle autour des difficultés professionnelles. Ces personnes forment déjà une communauté dans la vie réelle (Henri et Pudelko, op.cit.). La constitution d’une communauté de pratique n’est pas un objectif en soi, mais elle contribue à la construction d’une identité professionnelle et permet de transmettre les connaissances et développer l’engagement des membres. Un exemple illustrant cette forme de communauté est celle des enseignants. Dans leurs thèses respectives Combe Celik (2010) et Salam (2011) étudient cette forme de communauté et son rôle dans la formation des enseignants apprentis du FLE. Ce type de communauté est construit sans une durée prescrite d’avance ni de projet unique, ce qui constitue la différence majeure entre celles-ci et celles des communautés d’apprenants et communauté d'intérêt finalisé (infra). Son évolution est lente, mais avec une grande capacité d’accueil de nouveaux membres.

4.4.2 Communauté d’apprenants

La communauté d’apprenants, appelée aussi communauté d’apprentissage chez certains auteurs (Grégoire, 1998), est « un groupe d'élèves et au moins un éducateur ou une éducatrice qui, durant un certain temps et animés par une vision et une volonté communes, poursuivent la maitrise de connaissances, d'habiletés ou d'attitudes ». Gordin, Gomez, Pea et Fishman (1996) définissent deux configurations différentes à la communauté d’apprentissage

: school-based leraning communities et work-based learning communities. La première

configuration consiste à rassembler des élèves et leurs professeurs qui s’engagent dans un projet pédagogique à long terme dans un cadre scolaire où ils sont amenés à collaborer. La deuxième configuration ne regroupe pas seulement des élèves et des enseignants, mais aussi des professionnels dans le but de préparer les apprenants à pratiquer un métier et à devenir des membres d’une communauté professionnelle. De leur côté, Barbe et Duffy (1999) appellent cette dernière configuration champs de pratique ou practice fields qui constitue une passerelle entre la vie scolaire et professionnelle. La communauté d’apprenants se distingue des

108 communautés de pratique par le fait que ses membres ne partagent pas des conventions professionnelles et la durée de leur existence est prescrite :

la composition et la durée des cohortes d’apprenants est plus éphémère que celle des groupes des praticiens : les communautés d’apprenants naissent, croissent et meurent au rythme des étapes d’un programme d’études. Le développement d’une communauté d’apprenants constitue un exercice que l’enseignant ou le formateur proposera à un prochain groupe et qui recommencera chaque année. Les communautés d’apprenants pourront devenir des entités pérennes à condition de préserver la stabilité des cohortes d’une année à l’autre et la stabilité de la démarche pédagogique parmi les enseignants responsables d’un groupe donné. On peut remarquer aussi que les élèves n’ont pas la résolution ni la motivation de participer à l’activité de la communauté telle que celle que l’on retrouve chez des adultes qui ont opté pour des orientations et des choix de carrière généralement durables. Les "pratiques" ou les produits de l’activité commune des communautés d’apprenants deviennent, au terme d’un cycle d’études ou d’un projet de classe, des objets "terminés" qui, une fois consignés, n’évolueront plus (Daele et Charlier, 2002, p. 31).

Ces collectivités, donc, rassemblent des individus dans le but d’acquérir des connaissances et émergent autour d’une activité pédagogique proposée par l’enseignant, ce qui fait que sa durée d’existence est étroitement liée à la réalisation de cette tâche commune (Grosjean, 2007).

Dans cette forme de communauté le cycle de vie (voir 4.6 au-dessous) est perturbé parce que la phase de négociation des outils à utiliser et la construction du code commun sont imposées à priori par le tuteur ou l’enseignant. Cependant, l’acception donnée à la communauté d’apprenants est souvent restrictive dans la littérature et elle ne prend pas en compte les communautés informelles d’apprentissage formées hors de tout programme scolaire et ne dépendant pas d'un enseignant.

4.4.3 Communauté d’intérêt

La communauté d’intérêt regroupe des personnes autour d’une passion commune comme la musique ou les loisirs créatifs par exemple, sans pour autant avoir comme but de réaliser une production collective. Les membres de cette communauté ne ressentent pas la responsabilité de partager des connaissances. Les communautés d'intérêt peuvent également se construire autour d’un problème, comme une maladie chronique. Ces dernières ne sont pas guidées par un spécialiste du domaine, mais par des personnes expertes qui ont souffert de la maladie depuis longtemps, c’est ce que Preece et Maloney-Krichmar (op.cit.) appellent une

109 communauté de soutien des malades (patient support) où les personnes racontent leurs expériences personnelles et transmettent leurs savoirs tacites.

Selon Henri et Pudelko (2006) d’autres communautés d’intérêt peuvent se construire, mais cette fois-ci autour d’un projet bien précis regroupant des experts recrutés pour leurs expériences et compétences, ce sont des communautés d’intérêt intelligent ou d’intérêt finalisé. Dans cette optique, cette forme de communautés se rapproche de ce que Dillenbourg et al. (op.cit.) désignent par groupe formel. Ces rassemblements sont limités dans le temps et disparaissent une fois le but atteint.

En s’appuyant essentiellement sur les travaux d’Henri et Pudelko (2002), nous récapitulons ici les différents paramètres qui nous permettront de définir le type de communauté. Nous nous référons à ce tableau dans la suite de notre réflexion :

Paramètres Communauté de pratique Communauté d’intérêt Communauté d’intérêt finalisé Communauté d’apprenants Contexte d’émergence social Émerge d'une communauté de praticiens existe déjà hors ligne Regroupement autour d'un intérêt commun Création en vue de réaliser une mission précise Activité pédagogique proposée par l'enseignant Activité d’apprentissage Appropriation de nouvelles pratiques et développement de l’engagement Construction des connaissances en vue d’un usage individuel Construction des connaissances à partir des différents systèmes de connaissance pour un usage collectif Construction des connaissances par la réalisation d’activités situées dans un contexte social Production

collective Non Non Oui Oui

Durée Non précisée Non précisée Précisée Précisée

Participants Praticiens et experts

d’un métier Tout public

Praticiens et experts d’un ou plusieurs domaines

Apprenants

Objectif principal Mutualisation Entraide Réalisation d'une

tâche Apprentissage

110 Dans une perspective complémentaire, Laferrière (2005) considère que les différents types de communautés forment des « communautés d’apprenants en réseau » qui pourraient se côtoyer et chacune bénéficier de l’existence des autres communautés.

Figure8: les différentes communautés d'apprenants en réseau (Laferrière, 2005, p.8)