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L’appropriation d’une langue étrangère à l’aune de la CMO

ÉTHIQUE DES DONNÉES

1.3 D IDACTIQUE DES LANGUES CULTURES (DLC)

2.1.3 L’appropriation d’une langue étrangère à l’aune de la CMO

L'un des problèmes principaux dans l'apprentissage des langues est que « les transformations structurelles indispensables pour améliorer l'apprentissage des langues (c'est- à-dire, strictement, la capacité pour les apprenants de les utiliser de manière pratique) n'ont jamais été accomplies» (Porcher, 1990, p. 6). Les théories socio-constructivistes appliquées à l'apprentissage des langues stipulent que l’apprenant doit interagir avec ses pairs et avec des personnes expertes pour construire ses compétences langagières. Dans le même ordre d’idées, les interactionnistes insistent sur l’importance de l’interaction afin d’arriver au même objectif :

the L2 is acquired through learners' interaction in the target language because it provides opportunities for learners to: (a) comprehend message meaning, which is believed to be necessary for learners to acquire the L2 forms that encode the message; (b) produce modified output, which requires their development of specifics of morphology and syntax; and (c) attend to L2 form, which helps to develop their linguistic systems (Krashen, 1982; Larsen-Freeman & Long, 1991; Nobuyoshi & Ellis, 1993; Pica, Holliday, Lewis, & Morgenthaler, 1989; Swain, 1985; Swain & Lapkin, 1995) (Chapelle, 1997, p. 22).

Cependant, la grande difficulté reste, notamment dans des contextes hétéroglottes, d’amener les étudiants à pratiquer la langue cible avec des pairs ou des natifs (des personnes expertes) en dehors de la classe, puisque les échanges en classe sont souvent insuffisants. En effet, un des apports d’Internet est d’offrir aux apprenants des canaux de communication en langue cible. (Mangenot, 1998)

Différents projets visant l’appropriation de la langue exploitent des outils de la CMO. Ils ont été menés suivant des configurations très diverses allant de plus formelles à moins formelles. Citons par exemple, comme un dispositif dans une situation formelle, le projet

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Français en Première Ligne développé au sein des Universités Grenoble Alpes et Lyon 39. Ce projet consiste à mettre en relation des apprentis-enseignants suivant un cursus de master en France avec des apprenants du FLE distants (Develotte, 2008 ; Develotte, Guichon, et Kern, 2008) dans le but de susciter des échanges en ligne entre les deux publics. Aussi, des enseignants tentent d’exploiter des outils de la CMO en classe pour l’ouvrir au monde en proposant à leurs apprenants de participer à des forums grand public comme l’ont fait par exemple Hanna et De Nooy (2003) pour un public d’apprenants du FLE et Castello (2016) pour un public migrant. L’ouvrage d’Ollivier et Puren (2011) propose de nombreuses exploitations pédagogiques possibles du Web participatif.

D’autres dispositifs peuvent être considérés comme intemédiaires entre le formel et l’informel comme l’apprentissage auto-dirigé. Dans cette forme d’apprentissage, l’apprenant est amené à prendre des décisions concernant les objectifs à atteindre, les moyens à mettre en œuvre et l’évaluation des acquisitions réalisées (Holec, 2008). Cet apprentissage est souvent accompagné d’un conseiller.

Du côté des situations informelles de pratique de langue, nous pouvons citer comme exemple le projet européen Babelweb qui adopte une approche de didactique invisible (Ollivier, 2012). Le projet invite les internautes à s’exprimer en six langues romanes sur plusieurs thématiques (le plus bel endroit du monde, recette de cuisine, etc.). L’intérêt de ce projet est qu’il ne se présente pas en tant que site d’apprentissage, mais comme un forum ouvert au grand public ce qui attire aussi bien les apprenants que des natifs.

Afin d’établir des liens entre les cadres formel et informel d’apprentissage Thorne et Reinhardt (2008) proposent des bridging activities ou activités passerelles qui incitent les apprenants à observer le discours produit sur Internet pour une prise de conscience des variations de la langue :

the bridging activities model centers on guided exploration and analysis of student selected or created digital cernacular texts originating in Web 2.0 and other technologies/practices such as instant messaging and synchronous chat, blogs and wikis, remixing, and multiplayer online gaming (P. 585).

54 Les apports de l’utilisation des outils de CMO dans des situations formelles d’apprentissage des langues ont été relevés dans plusieurs études. Guichon (2012c) résume ces avantages dans le tableau suivant :

Tableau 6: Avantages de la CMO selon Guichon (2012c, p. 155)

A partir d’un ensemble de travaux, Lamy et Hampel (op.cit.) résument des facteurs externes pouvant augumenter la motivation des étudiants afin de s’engager dans des échanges en ligne: rédiger pour un public, développer des comptétences techniques utiles, travailler en collaboration, créer des projets autour des centres d’intérêts, participer à des discussions authentiques avec des pairs ou des natifs.

D’ailleurs, une enquête réalisée dans 8 pays européens différents montre que l’utilisation des outils de CMO dans une situation informelle d’appropriation de langue est plus commune que dans une situation formelle. Presque toutes les personnes interrogées ont communiqué en ligne dans une langue étrangère et deux sur trois dans un environnement numérique où les participants à la communication utilisaient plus d’une langue (Stevens, Shield, 2009). Tofoli et Sockett (2010) rapportent que Facebook constitue l’un des outils les plus utilisés par des apprenants d’anglais dans le but de pratiquer la lecture et l’écriture dans une situation informelle.

55 Toutefois, quelques études ont mis au jour une différence de comportements langagiers observés chez les apprenants selon qu’ils s’expriment dans un dispositif formel ou informel. Jeanneau et Ollivier (2009) ont pu comparer des échanges d’apprenants sur le forum ouvert

Babelweb, où la présence de l’enseignant est invisible, et des échanges d’apprenants encadrés

par un enseignant dans un projet pédagogique. L’étude montre que c’est dans la seconde situation, la plus clairement pédagogique, que les contributions des apprenants présentent le moins de marques d’identité et de socioaffectif. La présence même de l’enseignant serait donc un facteur influant sur la spontanéité des échanges.

En tout état de cause, les échanges informels des apprenants sur Internet restent peu étudiés et cela malgré les travaux de certains chercheurs comme Sockett (Sockett, 2011, 2012 ; Sockett et Kusyk, 2013). Son ouvrage publié en 2014 montre une certaine volonté de donner à « l’apprentissage informel » des langues un statut plus légitime dans les recherches scientifiques.