• Aucun résultat trouvé

Éléments historiques liminaires concernant le français langue étrangère (FLE) et sa didactique

ÉTHIQUE DES DONNÉES

1.3 D IDACTIQUE DES LANGUES CULTURES (DLC)

1.3.2 Éléments historiques liminaires concernant le français langue étrangère (FLE) et sa didactique

Même si Macaire, Narcy-Combes et Portine (2010) refusent d’assimiler l’épistémologie à l’histoire des sciences, certains éléments historiques sont importants à évoquer pour comprendre l’évolution des sciences.

À la fin de XIXe, une approche distincte destinée à la diffusion du français auprès d’un public non francophone commence à se développer. La création de l’Alliance Française dans les années 1883 avait comme objectif, comme décrit dans l'article 1 de ses statuts, «de répandre la langue française hors de France, et principalement dans nos colonies et dans les pays soumis à notre protectorat» (cité par Spaëth, 1999 paragr.2). Ainsi, trois publics étaient concernés par l’enseignement du français : les Européens, les patoisants français et les colonisés avec des méthodes et des objectifs différents (ibid.). Pourtant, à cette époque la langue française n’était pas encore qualifiée d’étrangère. Ce n’est qu’en 1957 avec la publication du numéro spécial de la revue Les Cahiers pédagogiques ayant pour titre « Français, langue étrangère » que cette désignation a commencé à gagner du terrain (Coste, 2007). Par ailleurs, selon la lecture que propose Coste (2014) de l’évolution de la discipline on peut avancer que la création d’instances telles que CREDIF, BEL (devenu plus tard BELC) et le Français dans le monde dans les années 1960 constitue un début d’une institutionnalisation de la didactique du français langue étrangère (FLE). Les recherches menées au sein de ces différentes institutions concernaient notamment la définition du contenu et de la progression pour l’enseignement du français langue étrangère ainsi que la comparaison des formes écrites et orales en français. Ces initiatives ont donné lieu à la constitution de corpus oraux et écrits comme le français fondamental qui a servi de base pour l’élaboration de la méthode Voix et Images de France. Un autre évènement marquant dans l’histoire de la discipline est la publication d’un dictionnaire sous le titre Dictionnaire de

didactique des langues en 1976, au lieu du titre prévu au départ : Dictionnaire de linguistique appliquée et de méthodologie de l’enseignement des langues (Coste, 2015). L’année 1985 a

47 langue étrangère » dans les universités françaises au sein des facultés des sciences du langage :

dans le cas de la didactique du français « langue étrangère et seconde », la dominante de rattachement est les sciences du langage à cause de l’impulsion historique de la « linguistique appliquée » dans un premier temps et parce qu’il peut s’agir d’une solution « élégante » quoique controversée pour regrouper les didactiques de langues particulières sous la bannière d’une « linguistique générale » alors même que la solution alternative, et très partiellement réalisée, est de confier la didactique de l’anglais ou de l’espagnol aux départements universitaires homonymes (Chiss, 2009, p. 129).

D’ailleurs cette appartenance aux sciences du langage ne fait pas consensus. Pour Cuq (2010) elle est tout à fait évidente dans la mesure où dans la didactique des langues il y a le terme « langues », donc il y a langage, tandis que d’autres chercheurs comme Puren (2011) par exemple, cherchent de l’en détacher. En tout état de cause, les liens entre les sciences du langage et la DLC sont forts. Foucher (2010) parle, par exemple, d’un divorce impossible de ces deux disciplines. Quant à Bouchard, il confirme que « si nous sommes intéressés par de nombreuses sciences humaines, cependant notre ancrage le plus naturel et le plus fructueux reste au sein des sciences du langage » (2000, p. 11).

Cuq (2010) a mené une étude en 2005 dans laquelle il évoquait l’évolution de la didactique des langues de 1976 à 2004 et cela à travers la comparaison de Dictionnaire de

didactique des langues de Galisson et Coste (1976) et celui de Cuq même Dictionnaire de didactique de langue étrangère et seconde (2003). Le chercheur a constaté une forte montée

en puissance de la didactique comme science autonome et une très grande diminution de l’influence de la linguistique. En tout état de cause, l’intérêt pour les technologies que portent les chercheurs en didactique des langues étrangères aujourd’hui ne fait qu’accentuer cette pluridisciplinarité voire l’interdisciplinarité7, ce dont témoignent plusieurs thèses récentes (Grassin, 2015 ; Magnat, 2013).

7« pluridisciplinarité : utilisation combinée et restrictive de disciplines ou d'éléments de ces disciplines sans que

cet usage ne modifie les éléments ou les disciplines (par exemple, l'urbanisme qui peut allier la sociologie, l'économie, l'architecture, etc.) ;

interdisciplinarité : utilisation combinée de quelques disciplines, combinaison entrainant des transformations réciproques dans chacune d'elles. » (Hamel, 1997, p. 180)

48

1.4 S

YNTHÈSE

Tout au long de ce chapitre, nous avons présenté notre réflexion épistémologique sur le cadre disciplinaire dont nous nous réclamons. Cette réflexion a porté essentiellement sur le domaine de l’ALAO notamment dans sa dimension CMO. Cette démarche s’avère importante pour interroger des fondements qui nous semblent parfois évidents. L’ouvrage de référence dirigé par Blanchet et Chardenet (2011) sur la recherche en didactique des langues-cultures commence par une partie consacrée à la réflexion épistémologique, une démarche qui reflète la nécessité de celle-ci en recherche.

Au cours du développement des idées, nous avons accordé une importance particulière aux choix terminologiques. Nous avons donc tenté de justifier notre choix de l’emploi de l’adjectif « médiée » au lieu de « médiatisée » dans la désignation communication médiée par ordinateur, terme qui corresponde mieux à notre compréhension de la CMO dans la mesure où les technologies numériques ne sont pas des dispositifs de communication neutres qui diffusent l’information (médiatiser), mais elles façonnent notre manière de communiquer (médier). Nous avons montré également au travers de la littérature scientifique que la CMO est une forme d’écriture spécifique qui partage certaines caractéristiques avec l’oral et l’écrit d’une part et disposant des caractéristiques spécifiques de l’autre part. En effet, nous allons voir dans la troisième partie que les échanges en ligne que nous analyserons présentent des caractéristiques de l’oral et de l’écrit à la fois. Nos analyses seront également nourries et enrichies par les travaux déjà cités concernant les facteurs pouvant influer sur les pratiques discursives comme la culture d’usage. Dans le chapitre suivant, nous allons aborder les différents outils que nous empruntons de différents discplines déjà indiqués dans ce chapitre.

49

2

PRINCIPES THÉORIQUES

Après avoir abordé dans le chapitre précédent le cadre disciplinaire, nous tenons maintenant à présenter les différentes notions et outils d’analyse auxquels nous ferons appel.

L’essor des technologies offre de plus en plus de situations informelles d’apprentissage dans tous les domaines de la vie. Sur YouTube, par exemple, on pourrait apprendre à tricoter, coudre, créer des sites Web, utiliser des logiciels, etc. Aussi, des universitaires ont leurs propres chaines par le biais desquelles ils présentent des formations gratuites8. Dans ce sous-chapitre, nous allons d’abord aborder le cadre didactique régissant cette forme d’apprentissage en général et en langues en particulier. Ensuite, nous allons nous pencher sur les outils de CMO et leur utilisation pour la pratique des langues Ensuite, et comme nous avons déjà montré que les sciences du langage s’interessent à la CMO, nous présenterons les outils empruntés à la linguistique et ses différents courants.

2.1 L

A TRILOGIE

"

FORMEL

,

NON FORMEL ET INFORMEL

"

Face aux critiques adressées à l’éducation formelle (Illich, 1971) et à l’inadéquation entre les connaissances transmises à l’école et le monde professionnel, des formes d’apprentissage non scolaires ont suscité l’intérêt en tant qu’alternative ou complément de l’école (Hamadache, 1993). Les travaux du Conseil de l’Europe marquent la volonté des pays participants de faire évoluer cette forme d’éducation et de lui attribuer une certaine légitimité. Il revient à la Commission des Communautés Européennes (2000) d’avoir officialisé trois catégories d’éducation :

•L'éducation formelle se déroule dans des établissements d'enseignement et de formation et débouche sur l'obtention de diplômes et de qualifications reconnus.

•L'éducation non formelle intervient en dehors des principales structures d'enseignement et de formation et, habituellement, n'aboutit pas à l'obtention de certificats officiels. L'éducation non formelle peut

50

s'acquérir sur lieu de travail ou dans le cadre des activités d'organisations ou de groupes de la société civile (associations de jeunes, syndicats ou partis politiques). Il peut aussi être fourni par des organisations ou services établis en complément des systèmes formels (classes d'enseignement artistique, musical ou sportif ou cours privés pour préparer des examens).

•L'éducation informelle est le corollaire naturel de la vie quotidienne. Contrairement à l'éducation formelle et non formelle, elle n'est pas forcément intentionnelle et peut donc ne pas être reconnue, même par les individus eux-mêmes, comme un apport à leurs connaissances et leurs compétences. (La Commission des Communautés Européennes, 2000).

Cependant, nous pouvons avancer deux arguments selon lesquels nous préférons adopter dans notre travail une classification formel/informel au lieu d’une classification avec trois formes d’apprentissage. Premièrement, dans le cas qui nous intéresse, les échanges se sont déroulés dans un Groupe FB destiné à la pratique du français, sans ni guidage de la part des professeurs ni contrainte pédagogique. Il s’agit donc «d’éducation » non structurée et bien entendu qui ne débouche pas sur un diplôme. La situation est perçue par les participants comme une situation d’appropriation de langue comme le montrent les entretiens réalisés (voir 7.4). En revanche, comme nous allons voir, la socialisation et le jeu sont les activités effectives les plus répandues dans le Groupe. Nous avons donc affaire à un cas de figure particulier qui est à mi-chemin entre le non formel (pratique consciente de la langue) et l’informel (la socialisation et le jeu).

En effet, ces deux formes « d’apprentissage » (non formel et informel) ne sont pas toujours faciles à distinguer et leurs définitions ne font pas consensus. En analysant plusieurs travaux portant sur la classification des situations d’apprentissage, Colley et ses collègues (2002, 2003) repèrent vingt critères définitoires différents utilisés dans ces études. Cette absence d’uniformité des paramètres fait qu’une définition unique de l’éducation non formelle est difficile à établir. Cette question soulevée dans la littérature anglo-saxonne par Colley et ses collègues (ibid), entre autres, est également abordée du côté de la littérature francophone par Brougère et Bézille (2007). C’est pour cela, nous pensons qu’une catégorie avec deux formes d’apprentissage est plus adaptée (formel et informel) « il nous semble indispensable de prendre des distances avec une trilogie qui est facteur de confusion et dont l’intérêt classificatoire ne va pas avec une pertinence conceptuelle » (Brourgère, 2016, p.54).

Deuxièment, à l’instar de Brourgère (2016) ainsi que Silva et Brougère (2016) nous pensons que l’apprentissage n’est pas en lui-même formel, ou informel ; c’est la situation que l’on peut considérer ainsi selon la présence ou non de dispositifs qui font appel à une forme

51 éducative, qu’elle soit scolaire ou non. Nous parlons donc dans ce travail d’une situation formelle et informelle et nous plaçons les échanges que nous analyserons dans cette dernière.

Cependant, en analysant les pratiques enseignantes dans les études portant sur FB que nous présenterons dans le chapitre suivant ( 3.8), nous avons constaté que parfois des situations d’apprentissage formels et informels se combinent. Nous allons argumenter donc dans la section suivante en faveur d’un point de vue qui défend la continuité entre les différentes formes de situations d’apprentissage.