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ÉTHIQUE DES DONNÉES

1.2 L A CMO COMME OBJET D ’ ÉTUDE EN ALAO

1.2.2 Les caractéristiques de la CMO

Les chercheurs rapprochent la communication médiée par ordinateur tantôt à l’écrit, tantôt à l’oral ou encore la qualifient en tant que forme à caractère hybride.

35 Develotte et Gee considèrent la langue d’écran comme plus proche de l’oral que de l’écrit, rejoignant ainsi les travaux d’Anis (1998) :

[…] la « langue d’écran », entendue comme l’usage langagier engendré par la communication médiée par la technologie. À la suite des travaux d’Anis (1998) on est en effet fondé à penser que cette langue, produit d’un contact particulier entre la technologie et la langue "parlée" produite à l’écrit, présente des spécificités qui la différencient des langues naturelles. (2005, p. 153)

Dans une optique comparable, Hert (1999) qualifie l’écriture numérique comme quasi- orale, non seulement parce que la langue utilisée se rapproche de l’oral au niveau de la forme (ton informel, manque d’attention accordée à l’orthographe et à la syntaxe, etc.), mais surtout au niveau de la fonction de l’oralité : construire un sens du collectif et un référent commun.

En dépit du rapprochement de la CMO à l’oral, certains chercheurs ont bien souligné des différences entre les deux modes de communication. Marcoccia (2003) en identifie trois : les éléments pouvant donner des indicateurs sur l’identité du locuteur sont peu présents et souvent falsifiés ; les échanges sont souvent à la fois précisément adressés et lisibles de tous ; en fin l’absence du non verbal et du paraverbal. Dans le même ordre d’idées, Proulx distingue les conditions d’exercice de la communication en ligne de celle de la communication orale en face à face :

1) Le corps de l’internaute : hormis la manipulation du clavier et l’attention mobilisée dans l’interaction avec l’interface, dans le mode connecté le corps de l’internaute est mobilisé autrement que dans l’interaction en face à face. Notons, au passage, que le corps est rendu toujours plus visible dans les « mondes virtuels » du fait des avancées techniques dans les dispositifs de visualisation qui voient l’émergence de représentations multiples du corps des internautes dans les interactions.

2) Le lieu de la communication : l’ancrage territorial et la présence physique des interlocuteurs dans un même lieu géographique ne sont plus une condition nécessaire à la communication.

3) La temporalité de la communication : le temps de l’interaction peut être différé. Alors que la communication en ligne peut être instantanée – à travers l’usage des messageries SMS, par exemple – des délais temporels (plus ou moins importants) peuvent aussi ponctuer la séquence des interactions successives entre les interlocuteurs. (2006, p. 15)

Crystal (2001) identifie d’autres différences entre la communication médiée par ordinateur et le face à face :

 Le manque de réaction simultanée à l’écriture des messages : c’est-à-dire qu’au cours de la rédaction d’un message l’utilisateur ne sait pas dans l’immédiat la réaction de son interlocuteur ou bien si le message est bien compris ou si des

36 régulations sont nécessaires et ce dernier ne peut réagir qu’une fois le message complètement réceptionné.

 La différence au niveau du rythme : les échanges en ligne sont relativement plus lents que ceux en face à face, même dans les interactions synchrones des problèmes techniques peuvent survenir ce qui gênent la communication.

Dans une optique autre que celle qui rapproche la CMO à l’oral, Panckhurst (2006), considère la CMO comme un nouveau genre de discours présentant des caractéristiques communes avec l’oral d’une part et avec l’écrit d’autre part, mais possédant également des traits spécifiques : Caractéristiques orales présentes Caractéristiques écrites présentes Caractéristiques spécifiques les émoticônes qui permettent

d’introduire des aspects non-verbaux

L’usage des noms est plus important que l’usage des verbes

Prédominance du présent de l’indicatif

l’utilisation de mots saisis

entièrement en majuscules exprimant colère ou agacement ou encore angoisse

Les formes interrogatives sont majoritairement des formes classiques qui excluent

l’intonation

Utilisation importante des pronoms à la 1ère et à la 2e personne

l’allongement ou la répétition de caractères simule l’intonation

La négation « ne et pas » est tenace

Un pourcentage diminué de verbes par rapport à d’autres formes de l’écrit Certaines catégories d’erreurs

typiques de l’oral

simulation de tours de parole ; marques typographiques ainsi que l’usage des chevrons ‘>’ ou des barres verticales ‘|’ qui indiquent une répétition du discours entre

l’énonciateur et son destinataire. Certaines indications sont

spécifiquement linguistiques comme les verbes de clôture

Tableau 2: récapitulatif des différences entre l'oral, l'écrit et la CMO selon Panckhurst (2006)

En ce qui concerne la langue anglaise, Yates (1996) a comparé un corpus de CMO écrit avec deux autres corpus : l’un relevant de l’oral et l’autre de l’écrit. Dans le tableau suivant, nous récapitulons les caractéristiques se rapprochant de l’oral et celles de l’écrit ainsi que les spécificités de la CMO telles qu’elles sont présentées dans l’étude :

37 Caractéristiques orales présentes

dans le corpus de CMO

Caractéristiques écrites présentes dans le corpus de

CMO

Caractéristiques spécifiques à la CMO Utilisation importante des pronoms à la

1ère et à la 2e personne (64% pour le corpus de l’oral, 58% pour le corpus de la CMO et 27% pour le corpus écrit)

Densité lexicale élevée (50.3% pour l’écrit, 49.2% pour la CMO, et 42.2% pour l’oral)

Utilisation minime des pronoms à la 3e personne.

une moyenne du vocabulaire utilisé plus élevée qu’à l’oral. (0.590 pour la CMO, 0.624 pour l’écrit et 0.395 pour l’oral).

Utilisation importante des auxiliaires à valeur modale : must, should, need etc. (Moyenne de 18.3 pour la CMO, 14. 5 pour l’oral et 13.7 pour l’écrit)

Tableau 3 : les différences entre l'oral, l'écrit et la CMO selon Yates (1996)

Crystal (op.cit.) tient un discours relativement plus nuancé, puisqu’il ne considère pas la communication se déroulant dans les différentes applications d’Internet comme présentant toutes les mêmes caractéristiques. Par conséquent, il étudie les aspects relevant de l’écrit et de l’oral dans quatre situations différentes (le Web, le clavardage, les mondes virtuels et le courrier électronique). Nous présentons ci-dessous les résultats de ses analyses :

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Tableau 5: caractéristiques de l’oral présentes dans la CMO (Crystal, 2001, p.43)

Il importe de souligner également que l’assimilation de la CMO parfois à l’écrit ou à l’oral dépend de la langue dans laquelle les échanges se déroulent. Par exemple, Zaghoul (2008) trouve que le contact de la langue arabe avec Internet a induit une langue hybride non seulement à mi-chemin entre l’oral et l’écrit, mais aussi entre différentes langues comme l’anglais. Le même auteur souligne également que les utilisateurs ont recours à l’alphabet latin pour écrire la langue arabe. En conséquence, ils emploient des chiffres pour compenser l’absence de certains sons dans l’alphabet latin. Par exemple la salutation « ﻢﻜﯿﻠﻋ مﻼﺴﻟا » devient assalamo 3laikome; le chiffre 3 remplace le son \ʕ \ et le chiffre 7 le son \ħ\ dans kef 7alak (comment vas-tu?)

1.2.3 La CMO de nouveaux genres de discours ou des genres de discours revisités ?