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C E QUE NOUS APPRENNENT LES RECHERCHES SUR LES RÉSEAUX SOCIONUMÉRIQUES ?

ÉTHIQUE DES DONNÉES

3.2 C E QUE NOUS APPRENNENT LES RECHERCHES SUR LES RÉSEAUX SOCIONUMÉRIQUES ?

De par les aspects communicatifs et collaboratifs des réseaux socionumériques (Ala- Mutka, 2010 ; Mazman et Usluel, 2010) et le discours, qui pourrait parfois sembler un peu trop enthousiaste, de certains chercheurs à propos de l’efficacité de ces sites dans le développement de la compétence socio- pragmatique et la construction d’une communauté d’apprenants (Blattner et Fiori, 2009 ; Yun, 2013), les praticiens sont amenés à penser à les introduire en classes coute que coute. Mais qu’est-ce que nous apprennent les recherches sur ces applications ? Plusieurs études démontrent que les réseaux socionumériques sont utilisés

78 principalement pour la communication sociale (Joinson, 2008; Lenhart, Madden, Macgill, et Smith, 2007) et pour garder le contact avec des amis préalablement rencontrés hors ligne (Lampe, Ellison, et Steinfield, 2006). Cette communication est souvent caractérisée par sa brièveté et moins par sa fonction référentielle ( réel échange d’information ) que par sa fonction phatique (McBride, 2009).

Le profil, une des composantes centrales ( Boyd, 2011) des réseaux socionumériques, permet aux utilisateurs de donner une représentation d’eux-mêmes et de construire leurs identités. En effet, la construction de l’identité sur les réseaux socionumériques est l’une des thématiques traitées dans la branche sociale du champ de la communication médiée par ordinateur (Cardon, 2008 ; Najar, 2011 ; Turkle, 1997) représenté dans le monde par la revue

Réseaux. George (2009), par exemple, identifie trois catégories d’identités numériques sur

FB: identité déclarative, identité agissante et identité calculée. L’identité déclarative regroupe l’ensemble des informations que l’utilisateur saisit, tandis que les identités agissante et calculée ne sont pas renseignées par l’utilisateur, mais elles rassemblent les traces de son activité pour la première et présentent des données quantitatives pour la seconde (par exemple le nombre d’amis). Cela nous amène à faire référence au terme self authorship, l’une des activités principales sur les réseaux socionumériques, qui renvoie à l’expression de son identité à travers la manipulation des médias « We can call this activity of writing/remixing the self through the manipulation of text and media "self-authorship" » (Mcbride, op.cit., p.40).

3.2.1 Participation aux réseaux socionumériques

Certains réseaux socionumériques sont associés à des zones géographiques, linguistiques et culturelles particulières. À titre d’exemple, Urkut est populaire en Inde et au Brésil, tandis que Cyworld est le réseau socionumérique le plus populaire en Corée de Sud et Myspace aux États Unis (Boyd, 2008). Pasfield-Neofitou (2011) a montré comment des apprenants australiens de la langue japonaise utilisent la langue cible sur Mixi, un réseau socionumérique japonais, dans la quasi-totalité de leurs interactions avec leurs pairs japonais, tandis qu’ils utilisent presque exclusivement l’anglais sur FB pour interagir avec les mêmes personnes. Mixi est perçu donc comme un espace japonais où il faut parler japonais. Cette empreinte culturelle est présente aussi dans la façon de créer et de maintenir des liens dans les

79 échanges électroniques. Kim et Yun (2007), ont montré comment des jeunes coréens s’adaptent à Cyworld tout en essayant de garder des valeurs culturelles et relationnelles dominantes dans leur vie quotidienne. Par exemple, une dimension centrale de la culture relationnelle en Corée est le noonchi, qui signifie la réserve dans l’expression des sentiments et ne pas expliciter des choses qui doivent être perçues de façon implicite. Les participants utilisent donc leurs pages personnelles minihompies de façon à exprimer leurs sentiments personnels et intimes de manière indirecte à travers des signes, des objets ou des décorations offerts par le réseau socionumérique Cyworld. On peut comprendre que chaque réseau socionumérique possède des règles implicites qui régissent les échanges et qui sont ancrées dans des contextes cutlurels.

3.2.2 Sites d’apprentissage et de réseautage en langues

Il importe lorsque l’on parle des réseaux socionumériques et de l’apprentissage des langues de s’arrêter un peu sur ce que certains chercheurs appellent communautés Web 2.0 d’apprentissage des langues (Loiseau, Potolia, et Zourou, 2011). Un certain nombre de sites de ce type proposent aux utilisateurs en plus de la mise en contact avec des natifs de la langue, des contenus pédagogiques plus ou moins structurés (commme Busuu par exemple). En prenant en compte la cartographie proposée par Stenger et Coutant (2013) déjà citée supra ce type d’application correspondrait davantage à un site de réseautage qu’à un réseau socionumérique puisque la participation est basée sur l’intérêt de pratiquer une langue étrangère tout en mettant en avant la présentation de soi. Pour désigner ces applications Chotel et Mangenot (2011) optent pour l’appellation sites d’apprentissages et de réseautage en langues et c’est le terme que nous emploierons par la suite.

Si les études sur les sites d’apprentissage et de réseautage en langues sont nombreuses, il en va autrement pour les études sur les réseaux socionumériques en lien avec le domaine de l’apprentissage des langues. Ces études restent marginales par rapport à celles qui portent sur d’autres applications du Web social, comme le blogue par exemple (Wang et Vásquez, 2012). Apparemment, les réseaux socionumériques intéressent peu la communauté francophone de l’ALAO représentée par la revue Alsic, puisque dans son étude sociohistorique critique des articles parus dans cette dernière, Guichon (2012 a) n’a pas identifié les réseaux socionumériques parmi les technologies étudiées par les auteurs. Cela ne diffère pas du côté

80 de la communauté anglophone : une revue de la littérature empirique montre que les études portant sur les réseaux socionumériques ne représentent que 9 % de l’ensemble des articles étudiés (5 articles sur 43) (Wang et Vásquez, op.cit.)