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L E CYCLE DE VIE D ’ UNE COMMUNAUTÉ

ÉTHIQUE DES DONNÉES

4.6 L E CYCLE DE VIE D ’ UNE COMMUNAUTÉ

Dans la littérature scientifique, un certain cycle de vie pour les communautés a été identifié. Wenger et al. (2002) identifient cinq phases qui se distinguent par la densité des interactions et le défi que la communauté doit relever : potentialité, regroupement, maturation, organisation et transformation (voir figure 7). Durant la première phase, c’est une passion

112 partagée qui réunit de manière informelle un groupe de personnes. L’idée de la construction d’une communauté émerge, mais n’est pas encore concrétisée. Le regroupement des premiers membres dans un espace géographique précis ou virtuel lance officiellement la communauté, il s’agit donc de la deuxième phase. La communauté établit ses règles et ses objectifs et probablement une distribution explicite des rôles s'effectue. Une fois que les contours sont dessinés, la communauté entre dans sa troisième phase : la maturité. Cette phase se caractérise par une intensité interactionnelle et elle s’accroit grâce à l’adhésion de nouveaux membres. Pourtant, cette phase est loin d’être stable et la communauté connait des hauts et des bas. Les membres doivent préserver l’harmonie établie entre eux, tout en intégrant de nouveaux membres qui présentent toujours le risque de la déstabiliser. Dans la quatrième phase, les membres doivent relever le défi de maintenir l’énergie qui en général commence à décliner. Les responsables doivent faire preuve de créativité en proposant de nouveaux évènements et activités. Vient enfin la dernière phase où la communauté se trouve au croisement des chemins : soit elle se transforme en association, fusionne avec une autre communauté ou se divise en plusieurs, soit elle se désagrège et disparait.

Figure9: le cycle de vie des communautés (Wenger et al., 2002, p.69)

MacDermott (2002 cité par Koenig-Wiśniewska, 2011, p. 135) distingue lui aussi cinq phases du cycle de vie d'une communauté virtuelle: planification, départ, croissance, soutien, renouvèlement et clôture. Dans une optique comparable dans le champ de Computer

113 étapes principales pour réaliser une tâche collaborative à distance : constitution du groupe et prise de contact, précision du projet (répartition des rôles et négociation), évaluation réflexive de l’état d’avancement ainsi que remédiation et enfin finalisation du projet ainsi qu'évaluation réflexive individuelle.

Ces phases sont loin d’être linéaires. Certaines communautés peuvent ne pas sortir de la phase de regroupement et basculer directement dans la phase de transformation ou la disparition sans passer par les autres phases intermédiaires comme en témoignent beaucoup de Groupes sur Facebook par exemple. D’ailleurs une observation pragmalinguistique des comportements discursifs des membres peut donner des indications sur la phase que la communauté traverse (Marcoccia, 2001, p. 188). Dans notre analyse, nous nous référons à cette dimension d’analyse qui nous permettra d’expliquer certaines pratiques discursives présentes dans le Groupe. Elle nous offre ainsi un cadre interprétatif des résultats.

4.7 S

YNTHÈSE

Tout au long de ce chapitre, nous avons discuté les fondements constitutifs d'une CoV et nous avons montré qu’il ne suffit pas à un groupe d’individus de se rassembler autour d’un objet communicationnel (Proulx, 2006) pour qu’il construise une communauté. À ce stade du travail, nous pouvons définir la communauté virtuelle comme un rassemblement de personnes, qui y contribuent de manière inégale, réunies par la force d’un lien identitaire autour d’un intérêt commun et qui interagissent par l’intermédiaire d’un mode de communication numérique. Aussi importe-il de rappeler que des liens créés initialement en ligne peuvent continuer à se développer hors ligne et, inversement, des membres rassemblés autour d’une communauté hors ligne peuvent créer un espace sur Internet pour élargir leur communauté et y accueillir de nouveaux adhérents. Autrement dit, les communautés virtuelles pourraient être en miroir avec une communauté sociale particulière et ancrée dans un territoire physique ce qui rend l'établissement des frontières entre les deux espaces une tâche peu aisée.

Nous avons argumenté que les pratiques discursives sont des éléments importants au sein d'une CoV, elles ne sont pas seulement un moyen de communication, mais aussi un moyen d'intégration et de construction d’identité. À partir de ce point, nous pensons qu'une communauté virtuelle pourrait être assimilée à une communauté de parole (nous reviendrons

114 sur ce point dans les analyses). Nous nous posons d'ailleurs la question suivante : est-ce que les pratiques discursives font la communauté ou est-ce que c’est la communauté qui fait les pratiques discursives ?

À partir de ce cadre théorique, nous pourrons analyser par la suite le Groupe FB sous deux angles complémentaires : un angle discursif et un angle social. Nous étudierons dans quelle mesure des apprenants de français réunis dans un environnement nuémrique reconnaitront l’espace Groupe FB comme lieu d’appartenance. Pour ce faire, nous dégagerons dans les pratiques discursives des participants des indicateurs soulignant la constitution d'une CoV, donc, des liens socioaffectifs. Nous étudierons également les phases du cycle de vie par lesquelles la communauté a traversé. Nous nous réfèrerons également aux méthodes d'analyse des réseaux sociaux pour identifier l'organisation sociale du Groupe ( 6.2).

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Conclusion de la première partie

Nous rappelos que l’objectif principal du présent travail consiste à explorer ce qui se passe dans un groupe d’apprenants pratiquant le français dans un Groupe Facebook dans une situation informelle. Nous cherchons à décrire les pratiques discursives présentes et à voir dans quelle mesure elles permettent l’émergence de liens socioaffectifs ainsi que les perceptions des participants vis-à-vis de leurs échanges. Afin de clarifier les propos qui seront tenus dans cette thèse, nous avons dédié cette partie aux fondements théoriques auxquels nous nous référerons lors de l’analyse. Nous avons présenté successivement dans les deux premiers chapitres une réflexion épistémologique sur les champs disciplinaires de référence et les différents outils théoriques auxquels nous aurons recours.

Dans le troisième chapitre, nous avons apporté quelques précisions sur ce que nous entendons par réseaux socionumériques. Nous avons également présenté une revue critique de la littérature portant sur les études réalisées autour de Facebook. Cette revue de l’état de l’art nous a permis de faire quelques remarques importantes. Les recherches traitant de l’utilisation de FB dans une situation informelle sont peu nombreuses, et quand elles sont menées, elles ont recours essentiellement aux questionnaires pour la collecte des données. Or, cette technique permet de reccueillir les perceptions des sujets et leurs pratiques informelles de manière subjective et non pas les pratiques réelles. Facebook a été également caractérisé par l’aspect décontracté et informel des échanges (Lamy, 2011) ce qui favorise l’émergence des liens socioaffectifs et c’est la dimension à laquelle le quatrième chapitre a été dédié.

Dans le quatrième chapitre, nous avons donc discuté la notion de communauté virtuelle en tant que cadre théorique nous permettant d’étudier l’émergence des liens socioaffectifs au sein du Groupe.

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Introduction à la deuxième partie

Après avoir dressé, dans la partie précédente, un tableau des concepts théoriques que nous retenons comme pertinents pour la construction de notre objet de recherche, cette partie présente le contexte et la méthodologie de la recherche en conformité avec les objectifs définis. Nous rappelons d’ailleurs que l’objectif principal de notre étude est d’explorer des pratiques discursives dans un Groupe Facebook destiné à la pratique du français dans une situation informelle . Cette partie s’articulera autour de deux chapitres.

Nous rappelons que dans une démarche écologique d’analyse de la CMO, plusieurs éléments, autres que le langagier, devraient être pris en compte. Le premier chapitre de cette partie présentera donc le contexte général de l’étude. Cette présentation sera faite en trois temps. Dans un premier temps, nous présenterons le contexte sociohistorique dans le sens où les participants du Groupe sont ancrés dans un territoire physique et attachés à un environnement socioculturel donné. Nous présenterons également la situation de l’enseignement de la langue française sur le territoire libyen. Même si nous analyserons des échanges qui se sont déroulés dans une situation informelle, il ne faut pas perdre de vue que les participants (ou au moins une grande partie d’entre eux) sont des apprenants dans une institution. Ainsi, le fait de fournir quelques éléments sur l’enseignement du français qu’ils ont reçu et sur le système éducatif dans lequel ils ont été formés s’avère important pour rendre compte de la situation dans sa globalité. Dans un deuxième temps, nous nous pencherons sur le contexte technologique où les échanges ont eu lieu: Facebook. Et dans un dernier temps, nous présenterons le Groupe FB et ses participants. Comme nous n’avons pas administré un questionnaire afin d’avoir d’amples informations sur les participants et leurs pratiques générales sur FB, nous allons compenser cette limite à l’aide des données obtenues par les entretiens.

Dans le deuxième chapitre, nous présenterons la méthodologie de la recherche. D’abord, nous préciserons notre démarche, à savoir une démarche compréhensive et ethnographique. Nous discuterons ensuite les différents principes de l’analyse qualitative et quantitative ainsi que l’analyse des réseaux sociaux. Nous présenterons dans ce même chapitre les données recueillies et leurs méthodes d’analyse. Enfin, nous expliquerons les différentes étapes d’analyse du corpus de manière concrète ainsi que les différents logiciels utilisés.

120 Pour des raisons d’organisation, nous avons fait le choix de regrouper la présentation du contexte et la méthodologie dans une partie à part pour ne pas alourdir les parties théorique et empirique. Cette partie constitue donc une passerelle entre la théorie et les analyses.

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5 ÉLÉMENTS CONTEXTUELS

Dans ce chapitre nous allons positionner notre étude dans son environnement élargi. Seront présentés le contexte sociohistorique, technologique suivis par la présentation de quelques informations sur la familiarité des participants avec FB et leurs motifs d’usage.