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CHAPITRE 1 LE MESSIANISME ET TEXTES MESSIANIQUES DE

1.1 L’emploi du terme « חישמ » dans la Bible

Le terme hébreu

̇ חי ִׁש ָמ

(en araméen

א ָחי ִׁש ְמ

), traduit le plus souvent comme «oint» en français, est une forme adjectivale substantivée de la racine verbale

ח̇ ש ָמ

, avec sa forme nominale

ה ָח ְש ִׁמ

ou

ה ָח ְש ָמ

2, nous trouvons au total 110 occurrences dans la Bible hébraïque3. La forme verbale fait référence, le plus souvent, à l’acte d’oindre avec de l’huile d’olive des objets, une stèle, un monument, un autel, un bouclier, pour les consacrer dans les rituels cérémoniaux (par ex. Ex 29,36 ; 40,9-15). La forme

1 L. H. Schiffman, Les manuscrits de la mer Morte et le judaïsme: l’apport de l’ancienne bibliothèque de

Qumrân à l’histoire du judaïsme, trad. de l’anglais par J. Duhaime, Québec: Éditions Fides, 2003, p.

359-360.

2 hx'v.m' n’apparaît qu’une fois dans toute la Bible hébraïque dans le sens de «portion consacrée» (Nb 18,8), il s’agit probablement d’une variante mal transcrite de hx'v.mi.

nominale

ה ָח ְש ִׁמ

ou

ה ָח ְש ָמ

est généralement utilisé avec

ן ְֶׁמְֶׁ ְש

(huile) pour signifier l’onction consacrée au prêtre (Ex 25,6; Lv 8,2. 10. 12. 30). Le champ sémantique de la forme adjectivale

̇ חי ִׁש ָמ

, celle qui intéresse plus directement notre recherche, est souvent utilisé pour décrire concrètement une personne ointe en vue d’exercer un rôle politique ou religieux en Israël.

En dehors de quelques passages particuliers, la plupart des occurrences de

̇ חי ִׁש ָמ

se situent dans le contexte de la cour royale de Jérusalem, plus particulièrement celle de David et Salomon4. D’après la concordance, il y a dans la Biblia Hebraica Stuttgartensia 39 attestations du terme

̇ חי ִׁש ָמ

, dont la majorité (28x) désignent un roi passé ou présent5. Dans les livres historiques, elles se rencontrent essentiellement dans les livres de Samuel (15x), où celui qui a reçu l’onction dispensée par un prophète et ainsi consacré comme roi est désigné sous le nom de l’oint de Yahvé (

הוהי

̇ חי ִׁש ָמ

)6. Dans les Psaumes, nous trouvons 10 occurrences, qui se réfèrent presque toutes à David et à sa descendance (Ps 2,2; 18,51; 20,7; 28,8; 84,10; 89,39.52; 132,10.17). Il n’est donc pas étonnant que le titre de «fils de David » soit fréquemment donné au messie dans la tradition juive jusqu’à nos jours. Cette expression exprime l’attente d’un roi issu de la dynastie davidique, destiné à recevoir l’onction qui le consacre et fait de lui un «oint» comme son ancêtre David.

L’idéalisation de la dynastie davidique est ancienne, elle pourrait remonter à l’époque de la dynastie elle-même, du moins à l’époque tardive du royaume du sud7. La

4 Voir R. David, «Proposition pour une interprétation du messianisme dans l’Ancien Testament», dans R. David (éd), Faut-il attendre le messie?: études sur le messianisme, Montréal: Médiaspaul, 1998, p. 35-56. 5 Cela peut s’appliquer au roi, à Saül, David, Salomon, Sédécias et Cyrus (1S 2,10; 24,7; 2S 19,22; 2C 6,42; Lm 4,20; Is 45,1, etc.).

6 En Israël, l’onction est associée à la monarchie dès le début. Dans la fable de Yotam au Jg 9, on nous dit que les arbres s’étaient mis en route pour aller oindre celui qui serait leur roi - Ils dirent à l’olivier: ‹Règne donc sur nous›. Selon 2S 5, tous les anciens d’Israël vinrent trouver le roi à Hébron, et le roi David conclut une alliance à Hébron avec tous les anciens d’Israël, et ils oignirent David comme roi d’Israël. En 1R 1, 39, Salomon fut oint par le prêtre Sadoq. Nous pouvons conclure que c’était une pratique standardisée, au moins dans Juda.

7 S. Mowinckel, He that Cometh, Nashville: Abingdon Press, 1954; T. N. D. Mettinger, King and Messiah:

The Civil and Sacral Legitimation of the Israelite Kings (ConBOT 8), Stockholm: Almqvist & Wiksell,

1976; A. Laato, Josiah and David Redivivus: The Historical Josiah and the Messianic Expectations of

Exilic and Postexilic Times (ConBOT 33), Stockholm: Almqvist & Wiksell, 1992; A Star Is Rising: The Historical Development of the Old Testament Royal Ideology and the Rise of the Jewish Messianic Expectations (USF International Studies in Formative Christianity and Judaism 5), Atlanta: Scholars Press,

tradition la plus ancienne semble être l’oracle de Nathan, dans lequel se retrouve le thème de l’«alliance davidique» (2S 7,12-16). Cette alliance est réitérée sous forme conditionnelle à Salomon auquel est confirmée la promesse d’une dynastie perpétuelle sur le trône du royaume d’Israël (1R 2,3-4; 6,11-12; 9,1-9). L’aspect messianique de la tradition davidique est renforcé dans les oracles prophétiques. Selon Is 11,1, l’Esprit de Yahvé reposera sur un rejeton (

ר ְֶׁצ ֵנ

) qui sortira de la souche de Jessé, tout comme il était sur David (1S 16, 13). Jérémie mentionne que Yahvé fera éclore à David un «germe juste (

קי ִׁד צ̇ח מ ְֶׁצ

)» qui pratiquera la justice et l’équité dans le pays (Jr 23,5; 33,15). Ces oracles pourraient avoir contribué de manière significative, dans la communauté qumranienne, à l’émergence des attentes d’un messie davidique8.

Il faut cependant noter que parmi 110 occurrences dans la Bible hébraïque, certains passages concernent une figure sacerdotale ou des patriarches en parallèle avec le terme «prophètes». C’est notamment le cas dans les livres du Pentateuque où le terme renvoie au Grand Prêtre consacré par l’onction (

̇ חי ִׁש ָמ ה̇ן ֵהֹּכ ה

, Lv 4, 3.5.16; 6,15; Nb 35,25), à Aaron et ses fils (Ex 40,15), et aux prêtres dans les louanges de David lors de sacrifices devant l’arche de Yahvé (1Ch 16,22; Ps 105,15). Dans les textes bibliques, l’onction est aussi conférée au prophète investi d’une mission de porte-parole de Dieu: le prophète Élisée reçoit explicitement l’onction du prophète Élie (1R 19,16), et en Is 61,1 le prophète prétend avoir reçu l’esprit de Dieu et avoir été (spirituellement) oint pour prêcher.

Donc à l’exception des cas où les occurrences de

̇ חי ִׁש ָמ

pourraient s’appliquer à un ensemble de personnes (1Ch 16,22; Ps 105,15; Hab 3,13), on a affaire à trois principaux types de personnages consacrés par l’onction dans le canon hébraïque, caractérisés par l’onction qu’ils ont reçue dans le cadre de leur fonction royale, sacerdotale ou prophétique. Le terme fait référence presque toujours à une figure très humaine, sans

8 À cette liste on pourrait ajouter Am 9 et Mi 5 qui annoncent un espoir d’une restauration d’un roi descendant de David qui apportera la paix et la justice. Voir J. J. Collins, «The Nature of Messianism in the Light of the Dead Sea Scrolls», in T. H. Lim (dir), The Dead Sea Scrolls in their Historical Context, Edinbourg: T&T Clark, 2000, p. 199-217 (surtout. p. 204); The Scepter and the Star: The Messiahs of the

aucune dimension eschatologique9. Il ne s’agit pas, dans leur contexte initial, d’une ou plusieurs figure(s) attendue(s) dans l’avenir et dont la venue coïnciderait avec l’inauguration d’une ère de salut. Par ailleurs, ce genre d’attente messianique peut aussi s’exprimer sans recourir au terme

̇ חי ִׁש ָמ

. Plusieurs textes évoquent en effet un personnage, parfois présenté métaphoriquement, en qui se concentre l’espérance des hommes. Sur la base de cette définition conceptuelle, on considère également ces textes comme «messianiques», même si aucun d’eux ne comporte le mot

̇ חי ִׁש ָמ

. Les versets messianiques les plus fréquemment cités par l’exégèse juive sont l’oracle de Balaam prédisant qu’un sceptre surgira d’Israël (Nb 24,17), les prophéties d’Isaïe, de Jérémie et de Zacharie promettant la venue d’un «germe juste» ou d’«un homme qui a pour nom Germe» (Is 4,2. 11,1; Jr 23,5. 33,15; Za 4,11-12. 6,9-14, etc.).

1. 2 Le messianisme à l’époque du Second Temple