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CHAPITRE 2 ANALYSE DES TEXTES À TENDANCE

2.4 Une compilation de citations messianiques: Les Testimonia (4Q175)

2.4.3 Figure messianiques dans 4Q175

Trois agents eschatologiques. Dans la première publication J. M. Allegro a bien noté le rapprochement entre les deux passages du Deutéronome (5,28-29 et 18,18), suggérant que le prophète à venir jouerait un rôle semblable à Moïse comme intermédiaire entre Dieu et le peuple:

[…] The context of Deut 5 28-29 in Scripture leaves no doubt that it is Moses who is to serve as the intermediary between God and Israel, but in our collection the promise of Deut 18, 18 has been joined to it in such a way as to make the wish of the people refer to the coming Prophet79.

Mais Allegro ne s’est pas rendu compte que les deux passages sont associés dans le Pentateuque Samaritain, dans le contexte de la théophanie au Sinaï (Ex 20,21). Dans les deux cas, cet assemblage est précédé par une introduction identique (

̇לא̇׻̇׻̇׻̇׻̇רבדיו

רומאל̇ השומ

). Le texte massorétique de Dt 5, 28 lit plutôt

ילא̇ הוהי̇ רמאיו

. Il est vraisemblable que le scribe a sous les yeux un manuscrit de l’Exode de type proto-samaritain, plutôt qu’un manuscrit du Deutéronome. Les deux premières lignes de 4Q175 font référence à la demande adressée à Moïse par le peuple, qu’on trouve en Ex 20,19. Ce verset assez bref dans le TM est plus élaboré dans le PS, où il se lit ainsi:

Et ils dirent à Moïse: Voici, le Seigneur Dieu nous a montré sa gloire et sa grandeur, et la voix de Celui que nous avons entendu du milieu du feu. Aujourd’hui, nous avons vu que Dieu parle à l’homme et il vit. Et maintenant, pourquoi allons-nous mourir? Ce grand feu nous consume, et si nous entendons plus de voix de l’Éternel notre Dieu, nous mourrons […] Va entendre tout ce que nous dira le Seigneur Dieu, puis vous nous direz tout ce qu’Il dit, et nous l’écouterons et nous le ferons. Mais que Dieu ne nous parle point, de peur que nous ne mourions80.

Ce texte assigne à Moïse, par la bouche du peuple, une place unique en tant que médiateur entre Dieu et Israël. C’est Moïse seul qui reçoit l’ordre de rester en présence de Dieu, pour écouter ses paroles et ensuite les transmettre à tout le peuple. Le texte qui suit fait remarquer que Dieu a agréé la demande du peuple : «tout ce qu’ils ont dit est bien» (4Q175 2; PS Ex 20,21). Ensuite la promesse de Dieu à Moïse qu’Il fera surgir pour le peuple un prophète est énoncée: «Je leur susciterai d’entre leurs frères un prophète comme toi» (4Q175 5; PS Ex 20,21).

Tous ces éléments sont absents du texte massorétique dans le passage de la théophanie du Sinaï en Exode 20. Puisque la promesse s’inscrit dans ce que «tu as

79 J. M. Allegro, «Further Messianic References in Qumran Literature», p. 186.

80 Notre traduction se base sur une version anglaise dans B. Tsedaka and S. J. Sullivan, The Israelite

Samaritan Version of the Torah, First English Translation Compared with the Masoretic Version, Grand

demandé à Yahvé ton Dieu, à l’Horeb, au jour de l’Assemblée» (Dt 18,16), il est vraisemblable que le texte du PS ait emprunté les passages du Deutéronome et les ait insérés en Ex 20 entre les versets 21 et 22 en vue d’harmoniser avec un passage plus ou moins parallèle. Jean Margain a souligné que, «centré sur la révélation du Sinaï, les livres de l’Exode et des Nombres (dans le Pentateuque samaritain) usent à l’envie du procédé, se référant abondamment au Livre du Deutéronome, les ajouts étant combinés et adoptés»81.

Compte tenu des affinités de 4Q175 1-8 avec le texte samaritain d’Ex 20,21, il est à peu près certain que le compilateur cite directement l’Exode selon une tradition textuelle proto-samaritaine, et qu’il organise ses matériaux dans l’ordre correspondant à la séquence scripturaire, soit Ex-Nb-Dr-Jos. Cet oracle s’adressant à Moïse s’inscrit dans une perspective eschatologique, d’autant plus que la tradition samaritaine utilisait Dt 18, 18-19 pour justifier l’attente de la venue du Taheb (le «Restaurateur»), et exprimer la croyance en la venue d’un prophète comme Moïse82.

L’oracle de la deuxième section, emprunté à Nb 24,15-17, est partiellement cité également en CD VII 8 et 1QM XI 6. La version de 4Q175 ne contient que quelques différences par rapport au TM et au PS. La plus intéressante est la modification de l’aspect temporel du verbe

םוק

(«se lever, surgir»). Tandis qu’il est au parfait dans le TM (

םק

), il est à l’imparfait (

םיקו

) en 4Q175, ce qui oriente sa perspective vers le futur: «c’est d’Israël que surgira un sceptre». Le texte décrit les adversaires d’Israël, les tribus qui l’entourent (Moab et les fils de Seth) et annonce que de Jacob sortira un roi guerrier victorieux qui va régner à l’ère eschatologique: «il fracassera les tempes de Moab et sapera tous les fils de Seth» (4Q175 12-13). La signification de la citation est claire: elle se réfère à l’avènement d’un agent messianique à caractère laïque et militaire. Apparemment, les deux termes employés dans le texte biblique, l’étoile et le sceptre, sont appliqués à la même figure.

La citation de la troisième section (lignes 14-20) est tirée de Deutéronome

81 J. Margain, Les Particules dans le targum samaritain de Genèse-Exode. Jalons pour une histoire de

l’araméen samaritain, Genève: Librairie Droz, 1993, p. 14.

82 L. H. Feldman, Josephus’s Interpretation of the Bible, Berkeley: University of California Press, 1998, p. 397.

33,8-11. Comme le faisait Jacob avant de mourir (Gn 49), Moïse, lui aussi, à la veille de sa mort, prononce des bénédictions qui annoncent le destin des différentes tribus. En contraste avec les bénédictions de Jacob s’adressant à Lévi en Gn 49,5-7, celles de Moïse concernent en particulier les fonctions sacerdotales de la tribu de Lévi, en expliquant la place accordée aux Lévites par leur zèle et en énonçant leurs prérogatives: l’utilisation des tummîm et ’ûrîm, servant à trancher certains jugements (Ex 28,30; Lv 8,8), l’enseignement des coutumes et de la Loi ainsi que le service de l’autel (offrande de l’encens de l’holocauste).

Cette bénédiction s’applique implicitement à l’attente d’un messie sacerdotal, une figure eschatologique issue de la ligne d’Aaron, qui se présente comme l’héritier parfait et légitime de l’institution sacerdotale. Les Testaments des douze Patriarches, un écrit d’origine juive retouché sans doute par un auteur chrétien, attestent de perspectives analogues: le patriarche Juda, ancêtre de David, conseille à ses enfants d’aimer Lévi, l’ancêtre des prêtres, car, dit-il, «le Seigneur m’a donné la royauté et à lui le sacerdoce, et il a soumis la royauté au sacerdoce» (Test. de Juda 21, 2). Lévi annonce de son côté que «le Seigneur suscitera un nouveau prêtre, à qui toutes les paroles de Dieu seront révélées... En son sacerdoce le péché prendra fin» (Test. de Lévi 18, 1. 8).

On reconnaît généralement que le compilateur de ces trois passages de 4Q175 a voulu regrouper des oracles relatifs à la venue de figures messianiques correspondant à celles qui sont évoquées dans la Règle de la communauté IX 11: le premier texte s’applique au prophète eschatologique, le deuxième au messie-roi chargé du rôle politique, et le troisième au messie-prêtre chargé du rôle religieux83. 4Q175 et 1QS ont été copiés par le même scribe. La seule mention explicite de ces trois figures messianiques n’apparaît que dans 1QS IX 11. Il est donc logique de déduire que 4Q175 aurait été rédigé par le même compilateur qui cherchait à rassembler les passages bibliques permettant de justifier cette conception théologique.

Un faux messie? Le sens de la quatrième section (lignes 21-30) est plus

83 J. Lübbe estime que 4Q175 pourrait se comprendre mieux si l’on y voit une affirmation de la fidélité religieuse de la communauté et une condamnation de l’apostasie des premiers dissidents. Ainsi, il concernait la situation présente plutôt que future. Pourtant les analyses du texte nous permettent de croire que 4Q175 est un assemblage concerté de citations et centré sur les promesses sur l’avenir. J. Lübbe, «A Reinterpretation of 4Q Testimonia», RQ 12, 1986, p.187-197.

problématique. Elle cite un passage tiré de l’Apocryphe de Josuéb, ouvrage qui ne sera pas intégré à la Bible hébraïque mais qui est préservé à Qumrân (4Q379 frag. 22 ii 7-15)84. Le genre littéraire du 4Q379 est très discuté (un texte biblique retravaillé, ou un pesher interprétant la citation biblique?). Certains chercheurs pensent que l’Apocryphe de Josué jouissait d’un statut canonique dans la secte de Qumran. Cela permettrait d’expliquer pourquoi il a été cité avec des passages du Pentateuque dans 4Q17585.

Le TM de Jos 6,26 comporte une malédiction prononcée par Josué, après la destruction de Jéricho, contre tout homme qui rebâtirait la ville86 : «Maudit soit devant le Seigneur l’homme qui se lèvera pour rebâtir cette ville, Jéricho…» La Septante est plus courte que le TM et ne mentionne pas le nom de la ville. En raison de l’absence de «devant YHWH» et de «Jéricho» en 4Q175 22 (voir 4Q379 frag.22 ii 8a, supra p. 92), on peut supposer que la citation de ce document provient d’un texte hébreu similaire à celui que la Septante a traduit87.

Le texte qui suit se réfère à un personnage négatif, «un homme maudit» (l. 23), coupable d’avoir égaré le peuple et provoqué le châtiment de Dieu. Il est «une calamité de Bélial» (l. 23) qui reconstruit la ville comme un «forteresse de l’impiété» (l. 26). Il avait deux fils ou un frère comme complices, selon la manière dont on lit «tous les deux des instruments de violence» (l. 25)88. Ces descriptions contrastent avec celles des trois passages précédents. Il est assez évident qu’elles constituent une interprétation de la malédiction, mais il y a peu de consensus sur ce à quoi elles peuvent faire référence au

84 Le copiste du 4Q379 a omis neuf mots à cause de l’homoioteleuton: il a sauté le texte en raison de deux occurrences du mot דגהל (grand) en ligne 13-14, puis il a reconnu l’erreur et ajouté quatre mots entre lignes 12 et 13, en insérant les cinq mots au début de la ligne 14.

85 Voir J. T. Milik, Ten Years of Discovery in the Wilderness of Judaea (Studies in Biblical Theology 26), London: SCM Press, 1959, p. 61-62; C. Newsom, «4Q378-379, 4QApocryphon of Joshua a-b», in G. Brooke et al., Qumran Cave 4.XVII: Parabiblical Texts, Part 3 (DJD XXII), Oxford: Clarendon, 1996, 237- 288; F. García-Martínez, «The Dead Sea Scrolls and the Book of Joshua», in N. Dávid and A. Lange (eds), Qumran and the Bible, Studying the Jewish and Christian Scriptures in Light of the Dead Sea Scrolls, Leuven: Peeters, 2010, p. 97-109.

86 1R 16,34 relate la réalisation de cet oracle.

87 F. M. Cross, The Ancient Library of Qumran and Modern Biblical Studies, 1961, p. 151; J. Strugnell, «Notes en marge du volume 5 des “Discoveries in the Judaean Desert of Jordan”», 1971, p. 228; L. Mazor, «The Origin and Evolution of the Curse upon the Rebuilder of Jericho: A Contribution of Textual Criticism to Biblical Historiography», Textus 14, 1988, p. 4-7.

88 L’interprétation plausible est que le texte se réfère au Gn 49, 5 à propos de Siméon et Lévi, dans le sens que «les deux instruments de violence» parle de ses deux fils. Mais le verbe «se lever» dans la deuxième phrase est au singulier, et il est aussi possible d’interpréter ce texte comme faisant référence aux deux frères seulement.

plan historique.

Les interprétations proposées sur le contexte historique de la dernière section peuvent être classés en deux catégories selon qu’on identifie la ville à Jérusalem ou à Jéricho. Ceux qui soutiennent que le passage se réfère à Jérusalem (J. T. Milik, P. W. Skehan, J. M. Allegro, A. Dupont-Sommer, L. H. Schiffman, etc.), s’appuient sur le fait que Jérusalem est explicitement mentionné en 4Q175 30, alors que Jéricho n’apparaît pas ici. Le compilateur aurait opté pour omettre délibérément le nom de Jéricho et pour appliquer cette malédiction à un personnage qui tenterait de rebâtir Jérusalem. Les chercheurs de cette école estiment que ce texte constitue une critique sévère des Asmonéens qui avaient fortifié la ville de Jérusalem89.

D’autres chercheurs tels que F. M. Cross, Y. Yadin, C. Newsom, J. Carmignac et H. Eshel, pensent que la «ville» en question est Jéricho, ce qu’implique le TM de Jos 6,2690. Le dernier passage en 4Q175 propose une interprétation de la malédiction de Josué sur Jéricho après la conquête de la ville: le reconstructeur perd son premier-né lors de la fondation et son fils cadet lors de la mise en place des portes. Malgré les divergences sur le référent historique de «l’homme maudit», ces chercheurs sont d’avis qu’on doit comprendre le texte en fonction d’événements se déroulant à Jéricho.

Il nous apparaît que l’hypothèse la plus plausible reste que le dernier passage de 4Q175 appliquait la malédiction de Josué contre Jean Hyrcan I et ses fils. C’est Hyrcan I (-134 - -104), souverain asmonéen, qui a fait de la cité de Jéricho un domaine royal et

89 Selon J. T. Milik, le «maudit» est Mattathias, et «les deux instruments de violence» mentionnés en 4Q 175 25 sont ses deux fils: Jonathan et Simon. P. W. Skehan identifie le maudit à Jonathan, et les deux instruments sont le même Jonathan associé avec son frère Simon. J. M. Allegro pense que le maudit est Alexandre Jannée, et les instruments sont ses deux fils Hyrcan II et Aristobule II. A. Dupont-Sommer se rallie à cette solution, mais préfère interpréter le maudit comme Hyrcan II plutôt qu’Alexandrie Jannée. Voir J. T. Milik, Ten Years of Discovery in the Wilderness of Judaea, p. 61-64; P. W. Skehan, «Two Books on Qumran Studies», CBQ 21, 1959, p. 74-75; J. M. Allegro, «Further Messianic References in Qumran Literature», p. 187; A. Dupont-Sommer, Les Écrits esséniens découverts près de la mer Morte, p. 366-367; L. H. Schiffman, Qumran and Jerusalem, Grand Rapids: Eerdmans, 2010, p. 306.

90 F. M. Cross, The Ancient Library of Qumran and Modern Biblical Studies, p. 147-152; C. Newsom, «4Q378-379, 4QApocryphon of Joshua a-b», p. 278-281; J. Carmignac, «4Q Testimonia», p. 277 (note 24); H. Eshel, «Chap. 3: The Succession of High Priests: John Hyrcanus and his Sons in the Pesher to Joshua 6:26», The Dead Sea Scrolls and the Hasmonean State, Grand Rapids: Eerdmans/Jerusalem: Ben-Zvi Press, 2008, p. 63-89.

construit la première phase d’un palais d’hiver91. Les premiers développements importants de Jéricho datant de son règne sont attestés par les fouilles archéologiques dirigées par E. Netzer entre 1973-198792. De plus, selon F. Josèphe, Hyrcan I était «le seul à réunir trois grands avantages: le gouvernement de sa nation, le souverain pontificat et le don de prophétie» (GJ I 67, voir Ant. 13. 299-300). Comme le texte 4Q175 contient trois citations bibliques favorisant l’attente des figures messianiques, le dernier passage pourrait avoir été ajouté en vue de démontrer que Hyrcan I ne devait pas être identifié comme un prophète idéal, ni un roi qui écraserait Moab, ni un prêtre parfait comme celui qui est décrit dans la bénédiction de Lévi.

En conclusion, les trois premières citations de 4Q175 représentent l’espoir de l’avènement d’un prophète comme Moïse, d’un roi chargé du rôle militaire pour triompher au combat et d’un vrai Grand Prêtre chargé du rôle religieux, tels qu’il était imaginé à Qumrân selon la Règle de la communauté IX 11. Les passages bibliques ont été rassemblés pour justifier une conception messianique similaire. Les qumraniens revalorisent des textes bibliques qui supportent leur conviction et leur permettent de critiquer la fusion des pouvoirs faite par les Asmonéens. Ces expectatives témoignent surtout d’une spéculation rationnelle et d’une attente messianique restauratrice: on a un horizon d’attente projeté vers le futur mais se basant toujours sur une continuité de la réalisation des promesses ancrées dans le passé.

À Qumrân on a retrouvé des fragments de documents araméens concernant Lévi (1Q21, 4QTLevi: 4Q213, 4Q213a-b, 4Q214, 4Q214a-b), Qahat (4Q542) et ‘Amram (4Q543-547). Le document de Lévi est à reprocher du Testament de Lévi en grec intégré

91 O. Betz a identifié «l’homme maudit» comme Jean Hyrcan I et les deux fils qui ont régné sur la Judée seraient Aristobule I et Alexandre Jannée. J. Starcky a suggéré que «l’homme de Bélial» était Jean Hyrcan I, mais «les deux des instruments de violence» faisait allusion à ses fils Aristobule et Antigone. O. Betz, «Donnersohne, Menschenfischer und der davidische Messias», RQ 3, 1961, p. 41-70 (surtout p. 42); J. Starcky, «Les Maitres de Justice et la chronologie de Qumran», dans M. Delcor (éd), Qumran: Sa piété, sa

théologie et son milieu, Paris: Duculot, 1978, p. 249-256 (surtout p. 253).

92 E. Netzer, «The Hasmonean and Herodian Winter Palaces at Jericho», IEJ 25, 1975, p. 89-100;

Hasmonean and Herodian Palaces at Jericho 1: Stratigraphy and Architecture, Jerusalem: Israel

Exploration Society, 2001, p. 1-49; Hasmonean and Herodian Palaces at Jericho: Stratigraphy and

dans les Testaments des douze patriarches93; comme il était le père de la tribu sacerdotale, le texte insiste sur les devoirs et les prérogatives des prêtres. Dans la partie suivante, nous passerons à deux textes araméens qui restaient inconnus avant la découverte de Qumrân, 4Q541 (4QApocryphe de Lévi) et 4Q543-547 (4QVisions de ‘Amram). Comme ce que nous avons indiqué dans le chapitre précédent, les textes apocryphes en araméen ne comportent pas explicitement d’éléments sectaires; mais ils pourraient avoir contribué à l’élaboration des attentes messianiques de Qumrân.

2. 5 4Q541 = 4QApocryphe de Lévib

2.5.1 Introduction

Les documents araméens concernant Lévi (1Q21, 4QTLevi: 4Q213, 4Q213a-b, 4Q214, 4Q214a-b) trouvés à Qumrân sont tous rédigés en écriture asmonéenne tardive. Deux autres manuscrits, 4Q540 et 4Q541 pourraient aussi être attachés aux documents araméens de Lévi en raison de certaine parenté avec le Testament de Lévi. Mais ils sont dans un état très fragmentaire et leur genre littéraire et leur contenu sont difficiles à préciser. J. Starcky est le premier à avoir signalé ces deux manuscrits qui étaient initialement désignés par les sigles 4QAh(aronique)A bis pour 4Q540 et 4QAh (aronique)A pour 4Q54194. Plus tard J. T Milik les a intitulés «Visions de Lévi»95. Leur titre définitif dans l’editio princeps réalisée par É. Puech est 4QApocryphe de Lévia-b? ar96. Étant donné qu’aucun des matériaux dans 4Q541 ne chevauche le texte 4Q540, il s’agit deux manuscrits apparemment différents, mais si l’on croit qu’il faut situer le contexte auquel fait allusion 4Q540 à la même période d’obscurité reflétée dans 4Q541,

93 J. T. Milik, «Testament de Lévi», dans D. Barthélemy et J. T. Milik, Qumran Cave 1 (DJD I), Oxford: Clarendon, 1955, p. 87-91. Pour les documents de Lévi de la grotte 4, voir M. E. Stone and J. C. Greenfield, «Aramaic Levitic Documents », in G. Brooke and al., Qumran Cave 4 XVII: Parabiblical Texts,

Part 3 (DJD XXII), Oxford: Clarendon, 1996, p. 1-72.

94 J. Starcky, «Les quatre étapes du messianisme à Qumran», RB 70, 1963, p. 481-505; É. Puech, «4QApocryphe de Lévib? ar», dans Qumrân Grotte 4 XXII: Textes araméens, première partie: 4Q529-549 (DJD XXXI), Oxford: Clarendon, 2001, p. 252-256 (p. 217; 225); J. A. Fitzmyer, The Dead Sea Scrolls

and Christian Origins,Grand Rapids: Eerdmans, 2000, p. 241-242.

95 J. T. Milik, «Écrits pré-esséniens de Qumrân: d’Hénoch à Amram» dans M. Delcor (éd), Qumrân: Sa

piété, sa théologie et son milieu (BETL 46), Louvain: Gembloux, 1978, p. 91-106.

96 É. Puech, «4QApocryphe de Lévib? ar», 2001, p. 252-256; voir aussi «Fragments d’un apocryphe de Lévi et le personnage eschatologique. 4QTestLévi c-d et 4QAJa», in J. T. Barrera and L. V. Montaner (eds),

The Madrid Qumran Congress: Proceedings of the International Congress on the Dead Sea Scrolls (vol.

les deux textes pourraient appartenir à une même composition. É. Puech date les deux manuscrits de la fin du 2e siècle ou des environs de 100 av. J.-C, et note que l’écriture est du même type de 1QS, 1QSa et 4Q175. Il montre de plus que les archaïsmes orthographiques et phonétiques que 4Q540-541 contiennent sont caractéristiques de l’araméen de l’époque perse. La composition originale, comme 4QTLévi et 4QVision de ‘Amram (4Q543-547), pourrait remonter à l’époque pré-essénienne97.