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L’architectus: au centre d’un référentiel artistique concurrent plus about

Le cas de l’entreprise H : vers un nouvel agenda managérial des EPA

I. A Brève généalogie 77 des référentiels artistiques du jardin

3. L’architectus: au centre d’un référentiel artistique concurrent plus about

La relation entre le topiarius et l’architectus est éclairante pour comprendre l’émergence historique du paysagisme. Nous allons ainsi voir que, tant les « jardiniers » de la Renaissance, que les « paysagistes » modernes vont se servir de l’architecte comme modèle de concepteur. Ainsi, à l'inverse de l’esclave topiarius, l’architectus se libère progressivement des « techniques » et invente un langage de conception qui puise son universalité dans celle des nombres et de la mesure géométrique92.

3.a. L’architectus : l’homme du nombre et de la mesure universelle

Si les architecti existent déjà à l’époque de la Rome antique, Gros (1998) précise : « Dans la

Rome des trois derniers siècles de la République, la pratique de l’adjudication qui, de l’entrepreneur aux ateliers, entraîne une série de délégations financières et une sorte d’éclatement des responsabilités s’avère encore plus préjudiciable que dans le monde hellénistique à l’émergence de la figure de l’architecte. [..] L’architecte n’est que l’un des rouages d’organisations complexes et très fluides qui poussent au premier plan le nom de celui qui commande et qui paie. » (Gros 1998, p.32) Pour autant, se fondant sur une science

singulière, cet acteur, souvent libre ou affranchi, parvient à universaliser les langages de son

espace de conception. Cette évolution lui permet en retour de structurer un espace de jugement, au sein duquel il apparaît comme modèle de concepteur universel :

92 Vitruve définit ainsi l’architecture comme une science composée de l’ordonnance, de la disposition, de

 L’étymologie – Un détachement des techniques : l’architectus, qui a donné « architecte » en français, vient du grec ancien architecton. Comme le rappelle Callebat (1998) : « Le terme architecton constitue l’un des tout premiers exemples grecs des

composés en archi- […], « chef de » […]. Le second élément de ce composé, tecton, […], répond exactement au sanskrit tàksan, « charpentier » et à l’avestique tasan, « sculpteur » […] L’emprunt architectus constitue la forme de désignation la plus attestée pour l’architecte dans l’ensemble des inscriptions de langues latines »

(Callebat 1998, p.12-13). On peut noter que l’étymologie rend bien compte de l’influence considérable des réalisations hellénistiques sur celle des romains.

 Les compétences – fabrica et rationacinatio : D’abord réduites aux compétences techniques de l’esclave en charge de la charpente ou de la « couverture » (toit) de la

domus, les compétences de l’architecte n’ont cessé de s’étendre et de s’universaliser.

Elles s’étendent ainsi progressivement aux « projets de construction » en général et le spectre de son intervention s’élargit à de nouveaux objets de conception, tels que les navires ou l’arsenal militaire… Son histoire croise alors celle de l’ingénieur. En outre, l’architecte, doit également être capable de « gérer » un projet de la commande à la remise de la réalisation finale et la distinction nette entre le technicien (architectus) et l’entrepreneur (redemptor) s’estompe. Comme le rappelle Gros (1998) : « […] [Vitruve] souligne au début de son De architectura que le savoir (scientia)

architectural se partage entre la fabrica (connaissances techniques) et la rationacinatio (spéculation théorique, travail intellectuel).»

 L’autonomisation professionnelle – Un modèle universel de concepteur : le texte de Vitruve, en donnant un langage de conception universel et donc indépendant des objets à construire, contribue largement à la reconnaissance de la profession d’architecte. Contrairement au topiarius, qui en tant qu’esclave ne « vend » donc pas ses service, la rémunération des architecti, leur statut ou encore leurs outils de contractualisation, sont profondément discutés dès l’époque classique. Professionnel reconnu, il devient un modèle de concepteur universel.

Ainsi, sans renoncer aux aspects techniques de sa profession, la généralité du langage architectural, permet à l’architectus d’intervenir dans une multitude de projets. Nous allons maintenant évaluer l’impact de ce langage sur le référentiel du topiarius.

3.b. Du jardin rêvé au jardin mesuré : l’imposition d’un langage de conception universel

Comme beaucoup à l’époque, Vitruve considère le jardin dans une continuité de l’habitat, c’est-à-dire comme une pièce à part entière de la domus ou de la villa. Selon nous, la théorie de l’espace est alors un axe éclairant pour comprendre l’impact du modèle architectural sur l’espace de conception du jardin. Ainsi, là où le topiarius s’efforce, en utilisant des trompe- l’œil, de « ruser » avec les perspectives et de laisser au promeneur le soin de repousser la frontière entre réel et imaginaire, Vitruve va chercher à préciser les propriétés spatiales

universelles d’un beau jardin, indépendamment de celui qui le regarde :

 Le topiarius et la dramaturgie de l’espace: s’il n’y a pas de théorie formalisée de l’espace dans la pratique du topiarius, l’espace est loin d’être un paramètre secondaire de la conception du jardin. Les règles de spatialisation enchevêtrent en fait rigueur du tracé (perspectives) et imagination « scénographique ». Sans se lancer dans des hypothèses qui mériteraient une argumentation bien plus poussée, rappelons toutefois que la pratique du topiarius entretient un rapport très intime avec la langue grecque (Cf. : topia). Or, en grec, la « scénographie » (σκηνογραφι α) vient du vocabulaire dramaturgique et signifie tantôt « récit ou description dramatique », tantôt « décor de

peinture pour le théâtre »93. Ce terme éclaire selon nous, à la fois les pratiques de spatialités du topiarius, ainsi que leurs écarts avec celles de l’architectus vitruvien.

 L’architecture vitruvienne et la perspective optique : La latinisation du mot grec « scénographie » (scaenographia) se rapporte à une théorie formelle de l’espace et signifie « coupe en perspective ». C’est alors cette théorie de la représentation de l’espace, connue et développée par Vitruve dans son De architectura, qui va déterminer un nouveau rapport à la conception du jardin moderne94. Comme le rappelle Baridon (1998): « Quoique Vitruve ne consacre pas de chapitre aux jardins, sa théorie

des proportions et son système modulaire établissent un rapport direct de l’esthétique à la géométrie. [Il condamne au passage] l’illusion que rend possible le développement de la peinture à la fresque. » (Baridon 1998, p.170) Vitruve condamne

donc l’usage scénographique du topiarius, en ce qu’il ne correspond pas à une vérité universelle produite par la mesure. On assiste donc au passage d’une scénographie dramaturgique et narrative, où l’espace reste encore à construire par l’ « habitant », à une scénographie optique plus prescriptive, définie par Vitruve (cité dans (Baridon 1998, p. 171)) comme suit : « L’esquisse de la façade et des côtés en perspective et la

convergence de toutes les lignes vers le centre du cercle ».

93 Source : www.cnrtl.fr 94

Le jardin n’échappe donc pas à l’universalité du langage architectural. L’exemple de l’agencement de l’espace montre en quoi l’architecture vitruvienne détermine un nouveau rapport à la « scénographie » de ce lieu. C’est à la Renaissance, alors que les textes antiques sont redécouverts avec un enthousiasme sans précédent, que les théoriciens paraissent trancher définitivement entre les traditions « topiariste » et architecturale de la conception de jardin.

4.

De la Renaissance au paysagisme moderne : la prédominance

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