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L’activité managériale dans les contextes artistiques : quelle figure managériale ?

Sommaire – Partie

II. B Restaurer des capacités d’action managériale : le point de vue de la conception

5. L’activité managériale dans les contextes artistiques : quelle figure managériale ?

La généalogie précédente a permis de décrire une « polarité » entre deux figures managériales classiques : l’administrateur et l’entrepreneur33. Au-delà des limites générales déjà évoquées, ces figures sont d’autant plus problématiques dans le cas particulier des entreprises artistiques :

 L’ « entrepreneur » : dans le cas d’une entreprise artistique, l’artiste est le plus souvent le porteur principal du projet et il est presque toujours à l’origine de la création de valeur. Ces deux éléments impliquent que le manager ne peut être pleinement l’« entrepreneur » au sens classique. En outre, il faut souligner ici une autre limite de la figure contemporaine du manager-entrepreneur. Cette limite nous semble particulièrement sensible dans les cas des entreprises artistiques, en ce qu’elle renvoie à la question de la « structuration de l’émergence du nouveau ». Comme le notent Hart et Quinn (1993), les propositions du « new managerial work » peuvent en effet conduire à des situations d’action « paradoxales » pour les managers, qui devraient à la fois insuffler le changement tout en le maîtrisant, créer du nouveau tout en préservant l’ancien, renouveler les normes existantes, sans les briser complètement, etc. Malgré l’apport notable de Basso (2006)34, cette question n’est qu’émergente et demeure encore largement ouverte, alors même qu’elle nous paraît centrale dans les entreprises artistiques.

33 L’historienne H. Vérin (2003) fournit des éléments éclairants sur les origines plus profondes de cette polarité,

notamment au sein de l’imaginaire français. Nous renvoyons le lecteur intéressé à ses travaux sur la notion d’ « entreprise » (Vérin 2003).

34

Selon Basso (2006) les spécificités du « manager entrepreneur » sont encore à construire. Selon cet auteur, « le

manager entrepreneur emprunte certaines qualités au leader » (p. 80), et notamment sa capacité d’innovation.

Mais à la différence du leader classique, les réponses qu’apporte le « manager entrepreneur » doivent toujours être collectives. On s’écarte donc de la vision classique d’un acteur individuel, omniscient et plénipotentiaire. Basso (2006) affirme que le « manager entrepreneur » se distingue également de l’entrepreneur classique, en ce qu’il agit dans une organisation préexistante, ainsi que du manager traditionnel, en ce que son activité ne se limite pas à l’administration de l’existant (p.82-83). D’après Basso (2006), le rôle du manager entrepreneur est donc de « structurer l’émergence de la nouveauté » dans un cadre d’action en partie prescrit et qu’il doit préserver.

 L’ « administrateur » : la plupart des auteurs du « arts management » ont eu tendance à considérer que l’impulsion du changement, ainsi que l’innovation étaient deux éléments à attendre d’un « leadership artistique » et non pas « managérial »(Lapierre 2001). Ceci explique en grande partie que ces travaux se soient très majoritairement attachés à restaurer une figure « adaptée » de l’administrateur. De plus, d’après de nombreux auteurs, les contextes artistiques révèlent une incertitude et une complexité similaires à celles constatées dans les contextes industriels contemporains. Ces deux caractéristiques mettent selon eux à l’épreuve les fonctions managériales traditionnelles. Bendixen (2000), note à ce propos : « the traditional understanding of

management as a process of directing and optimizing conditions in order to reach a given objective, at least in the field of arts management […], is being transformed […]” (Bendixen 2000, p. 4). Et d’affirmer : « although the arts manager is not the artist, his position can be very strong »; le manager ayant pour rôle de combler le

« language gap » entre l’artiste et son public. La réponse dominante du arts management est donc avant tout une réponse « administrative adaptée » visant à organiser une fonction managérial de soutien au projet artistique.

La transposition des figures classiques du manager des contextes conventionnels aux contextes artistiques ne va donc pas de soi. Longtemps mise de côté, cette problématique renvoie à une interrogation sur la nature de la fonction managériale, une question devenue centrale dans les organisations artistiques depuis l’apparition de nouveaux enjeux de gestion ces dernières décennies. Ce nouveau contexte socio-économique a eu pour impact la multiplication du nombre d’ « administrateurs » dans de nombreuses organisations artistiques (DiMaggio 1987) et celle-ci s’amplifie encore davantage de nos jours (Dewey 2004). Dans la section suivante, nous allons voir que cette évolution est en fait soutenue et favorisée par l’émergence d’une « réponse » académique dominante visant à former des « administrateurs culturels » : le « arts management ». Il sera alors question d’établir des principes d’organisation spécifiques à une fonction managériale « support » du projet artistique.

I.B.

La réponse dominante : un agenda managérial « adapté »

Dans cette sous-section, nous présentons le champ de littérature dominant portant sur la gestion des entreprises artistiques et culturelles : le « arts management ». Nous commençons par rappeler les objectifs initiaux de ces travaux, puis nous décrivons leur évolution générale jusqu’à récemment. Nous restituons ensuite les résultats principaux de ce courant de recherche. Cette synthèse est non exhaustive et nous présentons uniquement les travaux qui nous ont paru éclairants pour comprendre la dynamique du champ. En utilisant les deux critères de pertinence et de complétude, introduits dans la section précédente, nous évaluons, à chaque fois, les apports et limites de ces approches classiques pour notre travail.

Compte tenu de la structure des recherches, nous avons privilégié une présentation par

discipline gestionnaire: stratégie, marketing, contrôle et gestion des ressources humaines

(GRH). Cette présentation exprime selon nous, assez bien, la re-discussion des fonctions administratives classiques, opérée par les auteurs. Par ailleurs, pour mieux positionner cette critique interne, nous introduisons, à chaque fois, les grands types de questions soulevées, dans la discipline concernée, pour les entreprises traditionnelles. Ces introductions ne prétendent bien-sûr pas, à l’exhaustivité des recherches contemporaines, mais elles ont pour objectif de positionner de nouvelles problématiques dans le cas des entreprises artistiques, ainsi que les réponses apportées par les auteurs du « arts management ».

1.

Le « arts management » : un corpus destiné à l’administration

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