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Apports et limites des travaux sur les fonctions de contrôle Dans les contextes d’affaires traditionnels, le rôle des fonctions de contrôle peut être décrit

Sommaire – Partie

II. B Restaurer des capacités d’action managériale : le point de vue de la conception

4. Apports et limites des travaux sur les fonctions de contrôle Dans les contextes d’affaires traditionnels, le rôle des fonctions de contrôle peut être décrit

comme l’évaluation et le suivi de la valeur créée par et/ou appartenant à une entreprise donnée. Grosso modo, l’augmentation de la création de valeur, à consommation égale de ressources, traduit alors un type général de performance. En fait, de nombreuses définitions de cette « valeur » co-existent et il en découle une multitude de « performances » possibles. On fait ainsi référence à une valeur « patrimoniale », lorsqu’on souhaite insister sur les biens possédés à un moment donné par une entreprise, de valeur d’ « exploitation », lorsqu’on s’intéresse davantage à la création de richesses liée à l’activité de l’entreprise, ou encore de valeur de « marché », si l’on envisage plutôt le niveau de confiance d’une entreprise sur un marché boursier donné, par exemple. On associe ensuite à ces valeurs des types différents de performance : rentabilité économique, rentabilité d’exploitation, rentabilité boursière… En fait, il est admis que l’ensemble de ces définitions dépend étroitement des méthodes et des

critères retenus pour évaluer (et constituer) cette valeur.

Dans le cas des entreprises artistiques, la nature des activités semble précisément poser des problèmes dans le choix des méthodes et des critères d’évaluation, si bien que les notions de « valeur », de « performance » ou d’ « efficacité » deviennent difficilement saisissables à partir des outils classiques de valorisation. Par exemple, dans un rapport sur le financement de l’industrie du disque en France, Cocquebert (2004) souligne les limites des méthodes et outils classiques pour ce secteur : « Il existe de nombreuses méthodes de valorisation des

entreprises. Ces différentes approches, même si on les combine en pondérant les résultats pour en tirer une moyenne, ne permettent malheureusement pas d’aboutir à une valeur ‘indiscutable’ ». (Cocquebert 2004, p.25) Ainsi, en ce qui concerne les « catalogues » de ces

entreprises, il ajoute : « [les catalogues] ne peuvent également êtres estimés qu’en fonction

fréquemment le recours à différents scénarii, dont la vraisemblance devra être pondérée pour aboutir à une valeur du catalogue. […] L’expérience prouve que cette approche aboutit à des montants généralement inférieurs à ceux des transactions réelles» (Cocquebert 2004, p.26-

27).

4.a. Un manque de travaux académiques sur ces questions

À notre connaissance, malgré des besoins rencontrés sur le terrain (Turbide, Laurin, Lapierre et al. 2008), peu de travaux académiques ont été réalisés sur ces questions. D’après Turbide et Hoskin (1999) cette situation s’expliquerait par le fait que, tant la finance, la comptabilité, que le contrôle de gestion, ont traditionnellement charrié des stéréotypes très négatifs dans les univers artistiques et culturels (voir aussi : (Rousseau, Lafortune et Bégin 1995; Chiappelo 1998)). Réduits à leurs fonctions de prescription, ces disciplines ont longtemps été perçues comme inutiles, destructrices de valeur et, dans le meilleur des cas, comme un « mal nécessaire » (Lapierre 2001). De ce fait, d’un point de vue académique, même si Chiappelo (1998) note une évolution positive depuis quelques années, peu de travaux ont été réalisés en dehors de l’application de critères d’évaluation classiques. D’un point de vue pratique, malgré la confirmation d’une évolution positive, les outils semblent donc encore manquer sur le terrain, notamment en ce qui concerne le contrôle interne (Lafortune, Rousseau et Bégin 1999).

4.b. Les limites de la perspective du contrôle : la notion de « dispositif de jugement »

On peut faire remarquer que les problèmes observés par les auteurs, en économie comme en management, renvoient souvent à l’idée que la qualité, ou que l’efficacité des prestations artistiques, est en elle-même « insaisissable » (voir par exemple : (Greffe 2002)). Mais est-ce vraiment le cas ? S’agit-il vraiment d’une « insaisissabilité » ? Et, si tel est le cas, est-elle réellement spécifique aux entreprises artistiques ?

Sans développer davantage cet aspect pour le moment, il nous paraît déjà important de souligner deux points :

 Ces difficultés ne sont pas spécifiques aux entreprises artistiques : elles renvoient, selon nous, à une interrogation générale, sur les capacités de « mesure » de la qualité d’un bien, ou de la performance d’une prestation, « immatériels ». Ainsi, par exemple, les discussions contemporaines sur la notion de « good will », la réforme des normes de comptabilité internationale, ou encore l’analyse des risques de « réputation » pour l’ensemble des firmes de l’ « économie de la connaissance » (Scott et Walsham 2005),

témoignent d’une difficulté générale à évaluer, ce que les auteurs nomment, des « actifs immatériels » (« intangible assets »).

 De l’ « insaisissabilité » de la valeur à la révision des dispositifs de jugement : selon nous, lorsque l’on souhaite « évaluer » une œuvre d’art, il ne s’agit généralement pas d’évaluer une valeur intrinsèque et préexistante, en utilisant une méthode préétablie, mais plutôt de réviser les dispositifs de jugement de la valeur. Prenons alors le cas d’un

dispositif de jugement très simple, tel qu’un thermomètre non gradué, affichant deux valeurs, « chaud » et « froid ». Certes, ces valeurs peuvent être réutilisées pour une

multitude d’objets différents, dans maintes circonstances distinctes, voire même indépendamment du thermomètre49, sans qu’il ne soit nécessaire de les « re- concevoir ».50 Cependant, ces situations ne correspondent en fait qu’à des cas particuliers, heureusement nombreux, où l’effort de conception est maîtrisé, mais non pas inexistant. En d’autres termes, il nous semble que lorsque nous évaluons un objet, nous réalisons conjointement une « version » de la valeur de cet objet, ainsi qu’une « version » de la méthode d’évaluation ou de jugement de cet objet. Avec les répétitions d’usage et les habitudes, la proximité de ces « versions domestiquées » encourage à faire une théorie substantive de ces « valeurs » et de ces « méthodes », et par conséquent, des « objets » évalués. Pourtant, à l’instar d’autres auteurs, nous pensons que l’« identité des objets » n’est en général pas stable (Le Masson, Weil et Hatchuel 2006) et que, précisément, cette dynamique de renouvellement impose de réviser les valeurs attribuées à ces objets, ainsi que les dispositifs de jugement habituels.

En conclusion, certes la question de la « qualité » ou de la « performance » des prestations artistiques mériterait un examen plus approfondi, que celui que nous venons de lui donner brièvement. D’ailleurs, nous reviendrons plus tard sur les tentatives organisationnelles contemporaines pour se saisir de cette question et nous en évaluerons alors les contributions pour notre réflexion. Toutefois, il nous paraît dès à présent important de retenir, que les difficultés de mesure de biens, considérés comme « immatériels » ou « symboliques », ne sont pas spécifiques aux EPA, mais qu’elles renvoient à une interrogation générale sur le renouvellement des dispositifs de jugement existants. Dans la littérature classique, cet argument est sous-estimé, si bien que la question de la valorisation des œuvres en reste souvent au stade de l’ « embarras ».

49 C’est le cas lorsqu’on fait un usage métaphorique des deux valeurs « chaud »/ « froid », par exemple pour

dire : « ce tableau est froid » ou « c’est un homme froid ». Dans les deux cas, il ne s’agit évidemment pas d’utiliser un thermomètre non gradué pour « mesurer » la température du tableau de peinture ou de l’homme en question.

50 C’est d’ailleurs cet usage « habituel » qui donne l’impression que ces deux éléments « existent » en eux-

Les « compétences » ou le « capital humain » sont souvent désignés comme faisant également partie de la valeur non mesurée dans les entreprises, en général. Dans le cas des entreprises artistiques, cette proposition paraît d’autant plus importante, que la valeur de l’entreprise dépend très fortement de la valeur de l’artiste. La gestion de ces « ressources humaines » singulières, devient donc un élément crucial pour le management. Nous allons maintenant détailler les travaux qui se sont intéressés à ces questions.

5.

Apports et limites des travaux en gestion des ressources

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