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Les intérêts patrimoniaux de la famille

Dans le document Charles de Méan, le Papinien liégeois (Page 138-141)

Première partie : Analyse externe de l’œuvre de Charles de Méan

Section 3: Les intérêts patrimoniaux de la famille

193. Les deux premières sections reposent sur une classification des obser­ vations sur base des différentes branches du droit connues à l'heure actuelle. Or, il a paru671 intéressant de transcender ces classifications pour voir l'importance que re­

vêt, dans l'œuvre de Charles de Méan, ce qu'on pourrait appeler les intérêts patrimo­ niaux de la famille. Par cette expression, nous voulons désigner l'ensemble des mé ­ canismes de protection de la famille au niveau pécuniaire, ce qui inclut par exemple, dans le droit des successions, la légitime ; dans le droit des régimes matrimoniaux, la mainplévie ; dans le droit féodal, les notions de fiefs stipaux et acquis, ... Une telle analyse nous parait d'autant plus importante que, à la fin du paragraphe 4 de sa deuxième observation672, Charles de Méan écrit: "In Provincia autem Leodiensi, ratio

familiarum, earumque favor inducat (...)", ce qu'on peut traduire comme, "mais, dans

la région liégeoise, la raison des familles et la faveur de celle­ci a pour conséquence que (...)". Ainsi, à suivre Charles de Méan, le souci de protection des familles a des conséquences sur le droit liégeois. On va ici voir ce qu'il en est de manière générale dans son œuvre, mais également suivant les différentes catégories du droit que nous avons déterminées plus haut.

194. De la classification que nous avons opérée sur base des sommaires des observations, il s'avère bel et bien que Charles de Méan fait la part belle aux intérêts patrimoniaux de la famille dans son ouvrage. En effet, nous avons répertorié 414 ob­ servations et définitions traitant de ce sujet, ce qui constitue près de la moitié des commentaires de Charles de Méan, 49,8% pour être tout à fait précis673.

195. Parmi ces 414 observations, 345 ont également été classées dans la ca­ tégorie droit privé. Ainsi, sur les 667 observations et définitions portant sur le droit pri­ vé, environ 52%, portent sur les intérêts patrimoniaux de la famille. On trouve égale­ ment un grand pourcentage d'observations du droit féodal qui sont consacrées aux intérêts patrimoniaux de la famille: 60 observations sur 92, soit 65%. Ceci n'est pas très étonnant, si on se souvient qu'au Moyen âge et durant les temps modernes, la branche du droit la plus répandue était le droit des successions674. Par contre,

comme on pouvait s'y attendre, les observations traitant des droits judiciaire, cano­ nique, public et pénal, ne s'intéressent pas en grand nombre aux intérêts patrimo­ niaux de la famille: 19%675 des observations de droit canonique y ont trait, 18% des

670 Pour une étude approfondie de l'évolution de cette matière au Moyen âge et aux temps mo­

dernes dans une région proche de la principauté de Liège, voy. R. JACOB, Les époux, le sei­

gneur et la cité : coutume et pratiques matrimoniales des bourgeois et paysans de France du Nord au Moyen âge, Bruxelles, Publication des Facultés universitaires Saint­Louis, 1990.

671 Nous tenons à remercier vivement le professeur Alain Wijffels de nous avoir suggéré cette

idée.

672 Pour une analyse approfondie de cette observation, voy. infra n° 527­528.

673 Nous renvoyons le lecteur désireux d'en savoir plus au tableau constituant l'annexe 1.

674 Voy. D. HEIRBAUT, "A history of the Law of Succession, in Particular in the Southern

Netherlands/Belgium", in C. CASTELEIN, R. FOQUÉ et A. VERBEKE (Ed.), Imperative inheritance

observations de droit public676 et de droit judiciaire677 et 14% des observations de

droit pénal678. En ce qui concerne les sous­branches, on ne sera pas étonné qu'un

grand nombre d'observations traitant des régimes matrimoniaux aient pour objet les intérêts patrimoniaux de la famille. Le pourcentage s'élève à 95%, ce qui correspond à 59 observations sur 62. Sans surprise également, les catégories du droit des suc­ cessions et du droit de la famille ne sont pas en reste avec respectivement 87%679 et

82%680 d'observations portant sur les intérêts patrimoniaux de la famille. Le droit des

obligations et des biens sont loin derrière, avec respectivement 31681 et 30%682 des

observations portant sur ces matières qui ont pour objet les intérêts patrimoniaux de la famille. Les revenus annuels arrivent en dernier lieu avec seulement 16% d'obser­ vations consacrées aux intérêts patrimoniaux de la famille683.

196. Quelques réflexions peuvent être tirées de ces chiffres. Tout d'abord, il convient de souligner l'intérêt que Charles de Méan porte aux intérêts patrimoniaux de la famille. Il est très vraisemblable qu'en réalité Charles de Méan ne fait ici que re­ fléter l'importance que le droit liégeois et, de manière générale, le droit appliqué du ­ rant le Moyen âge et les temps modernes, accorde à ces matières. On relèvera en outre que toutes les branches du droit portent un certain intérêt aux intérêts patrimo­ niaux de la famille. Le pourcentage le plus bas est en effet de 14%684. Par ailleurs,

concernant les sous­branches du droit, on n'est guère étonné que les régimes matri­ moniaux685 , le droit de la famille et le droit des successions aient un important pour­

centage de convergence avec les intérêts patrimoniaux de la famille. Enfin, on signa­ lera la convergence entre le droit féodal et les intérêts patrimoniaux de la famille. Celle­ci s'explique par le fait qu'un bon nombre d'observations portant sur le droit féo­ dal a trait d'une part au droit des successions et d'autre part aux régimes matrimo­ niaux.

675 Pourcentage qui correspond en fait à 13 observations sur 68. 676 Pourcentage qui correspond en fait à 4 observations sur 22. 677 Pourcentage qui correspond en fait à 23 observations sur 126. 678 Pourcentage qui correspond en fait à 1 observation sur 7. 679 Pourcentage qui correspond en fait à 289 observations sur 331. 680 Pourcentage correspondant en fait à 99 observations sur 121 681 Pourcentage correspondant à 54 observations sur 175.

682 Pourcentage correspondant en fait à 105 observations sur 350. 683 Pourcentage correspondant en fait à 15 observations sur 96.

684 Il convient néanmoins de relativiser le pourcentage du droit pénal, puisqu'une seule observa­

tion (sur 7) s'intéresse aux intérêts patrimoniaux de la famille.

685 Le fait que l'ensemble des observations ayant trait aux régimes matrimoniaux ne se retrouve

pas dans la catégorie reprenant les observations portant sur les intérêts patrimoniaux de la fa­ mille s'explique par la présence de trois observations traitant principalement d'un autre sujet que les régimes matrimoniaux (une porte principalement sur le droit judiciaire, les deux autres sur les revenus annuels) et ne présentant dès lors pas de lien direct avec les intérêts patrimo ­ niaux de la famille ­en tout cas sur base du résumé de l'observation.

197. En résumé, on peut affirmer que le droit liégeois porte un intérêt marqué pour les intérêts patrimoniaux de la famille. On en veut pour preuve tant les chiffres précités, que l'affirmation de Charles de Méan rapportée au début de la présente section, mais également, voire surtout, le régime liégeois spécifique qu'est la main­ plévie et qui tend à protéger la famille au sens strict et, en particulier, le conjoint sur­ vivant686.

Après cette étude des catégories du droit dont il est question dans l’œuvre de Charles de Méan, un détour par les sources utilisées par ce dernier nous parait né­ cessaire.

Dans le document Charles de Méan, le Papinien liégeois (Page 138-141)