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Essai d’histoire hors la légende

II. Une histoire de Marie Tromel 244

Ainsi s’achève l’histoire de la conspiration de Pontcallec, une conspiration utopique, que les témoignages présentent indistinctement comme mal organisée, n’ayant jamais réellement menacé le pouvoir, n’ayant jamais eu de troupes pour la défendre. Pierre de La Condamine la réduit même à « un jeu d’enfants qui s’amusent avec le feu 245».

Ce fut pourtant à un jeu dangereux que se convièrent les malheureux gentilshommes, à un jeu funeste qui trouva sa triste conclusion dans le sang du Bouffay. Celle-ci, bien sûr, fit grand bruit en toute la Basse-Bretagne ; peut-être une jeune fille, une jeune fille du Faouët, qui avait trois ans quand notre chahutant marquis finit ses jours sur l’échafaud, en entendit-elle parler. C’est du moins ce que supposent les romanciers de Marion du Faouët, la dessinant, toujours, à l’image de sa plus illustre peut-être, Yvonne Chauffin, en 1960, comme attentive aux récits de Bretagne, à ces contes locaux, réels ou inventés – peu importe, l’un et l’autre sont nimbés d’imaginaire. Dans la Bretagne d’alors, nous dit la romancière, « on se racont[ait] toujours des histoires, toujours les mêmes : les aventures de La Fontenelle, le sinistre bandit, et la conspiration du marquis de Pont-Calleck, si récente encore 246». Et Marion, ajoute-t-elle, savait « racont[er] l’exécution du marquis de Pont-Calleck comme si elle y avait assisté 247».

Mais laissons-là la légende, en sa cambrure apocryphe, et tournons les yeux vers cette petite fille aux cheveux roux, sur cette petite Marie-Louise Tromel, qui naquit le 6 mai 1717, à Porz- en-Haie, petit village près du Faouët248, à quelques kilomètres à peine du château du marquis de Pontcallec. Ses parents, Phillicien Tromel et Hélène Kerneau, étaient tous deux ménagers249. Que fit Marie durant ses années de jeunesse ? Où apprit-elle le français 250? Quel âge avait-elle quand mourut son père, quand sa famille déménagea de Porz-en-Haie à

244

La plupart des informations qui suivent, et qui m’ont permis de construire cette notice biographique, sont tirées de l’ouvrage phare de Jean LOREDAN, La grande misère et les voleurs au XVIIIe siècle. Marion du Faouët et ses « associés », 1740-1770, Le Faouët, Liv'éd, 1997 (1ère éd. 1910).

245

Pierre DE LA CONDAMINE, Pontcallec…, op. cit., p. 283. Cette expression a pour origine le mot de Le Moyne de Talhouët issu de son interrogatoire : « Ceux qui étaient les principaux auteurs et moteurs de cette malheureuse affaire ne rendaient aucun compte de leurs desseins et de leurs pratiques aux autres gentilshommes qui ont eu la simplicité de se livrer à leurs fantaisies ; lui-même s’est toujours moqué de leurs visions qu’il a toujours regardées comme un jeu d’enfants… ». Cité par Barthélémy POCQUET DU HAUT-JUSSE,Histoire de Bretagne, op.

cit., p. 67. A noter une erreur dans la publication de l’ouvrage de Joël Cornette Le Marquis et le Régent puisqu’il affirme que ce mot fut prononcé par Bonamour lors d’un interrogatoire des 20, 21 et 22 janvier 1720. Or, à cette date, Bonamour était en Espagne depuis quelques mois ; il s’agit non pas de Talhouët de Bonamour mais bien de Le Moyne de Talhouët (Joël CORNETTE, Le Marquis et le Régent, op. cit., p. 150-151).

246

Yvonne CHAUFFIN, La Marion du Faouët, Le Faouët, Liv’éditions, 2006 (1ère éd. 1960), p. 39.

247

Ibid., p. 189-190.

248

Voir l’acte de naissance reproduit dans Jean LOREDAN, La grande misère et les voleurs…, op. cit., p. 41.

249

C’est-à-dire journaliers, petits fermiers.

250

Guéméné ? La documentation ne nous l’apprend pas. L’histoire de Marion est un tissu de

lacunes pour l’historien, un récit incomplet, fragmentaire. C’est à celui-ci que nous nous

attelons désormais – dans la concision de ses faits avérés. Sa vie de brigande restant mal connue, la figure n’ayant pas été impliqué en un événement phare, comme put être le complot pour notre marquis, cette seconde sous-partie se fera plus rapide. Que l’on n’y voie nullement une dissymétrie d’intérêts entre l’une et l’autre de nos figures – si ce n’est celle, en miroir, des cercles historiques.

La jeunesse de Marion – 1717-1743.

De la jeunesse de Marie Tromel, dite Marie Finefont251 ou Marion du Faouët, nous ne connaissons presque rien. Tout juste sait-on que la jeune fille apprit le français, qu’elle accompagnait sa mère dans les foires, dans les pardons, vendant de la menue mercerie, des lacets, de la tresse, des cribles aussi pour tamiser les grains. En 1736 ou 1737, Marie devenait mère pour la première fois, d’une petite Alice, née d’une union illégitime avec Henri Pezron, dit Hanvigen, ancien domestique à Guéméné.

Bien que nous ne sachions pas avec précision en quelle année Marie débuta ses activités de voleuse, rôdant la nuit sur les routes de Guéméné à Gourin ou dans les bois sombres de Pont- Calleck, il est attesté dès 1743 qu’une enquête fut ouverte à son propos – un certain François Hellou, maître tailleur d’habits avait été attaqué sur la route de Priziac par une bande de malfaiteurs en laquelle il reconnut Henri Pezron et Corentin Tromel, le frère aîné de Marie. A la foire de Croisty252 un dénommé Le Parlouer avait échangé à Marie contre six livres de liards un écu de six livres qui était faux. La justice, bien sûr, avait fini par s’émouvoir. Le 21 mars 1743, Marie Tromel, Henri Pezron et un certain nombre d’associés firent l’objet d’un décret de prise de corps – un décret sans grande incidence néanmoins, la décision n’étant pas suivie d’effets.

Une première alerte – mars 1743.

Le 22 mars, Henri, Marie, leur petite fille et six autres hommes et femmes, en route pour Carhaix, firent halte à Castellaouenan253. Le soir, les quatre hommes voulurent du cidre, ils entrèrent chez un ménager voisin du nom de Pierre Coudiec. Armés, les hommes burent puis repartirent vers le lieu où leurs compagnes avaient trouvé refuge, avant de revenir chez le

251

C’est-à-dire en breton la très rusée, la foncièrement fine.

252

Petite commune entre Priziac et Lignol, dans la paroisse de Saint-Caradec-Trégomel.

253

ménager quelques heures plus tard, puis le matin suivant. Après que Pierre Coudiec eût refusé de les servir en cidre une nouvelle fois, les tensions s’accusèrent ; le ménager fut menacé d’un pistolet et dut, d’après ses dires, se défendre d’un coup de hache254

. Les quatre hommes s’enfuirent entrainant à leur suite le reste du groupe. Mais Pierre Coudiec n’en resta pas là, il avertit les autorités. Le lendemain, à Restalouet, sur la lisière de la forêt de Conveau, cinq cavaliers investirent la crèche où s’étaient refugié pour la nuit le petit groupe. Ils trouvèrent sur la paillasse quatre hommes, qu’ils emmenèrent avec eux ; ils prirent également deux femmes, en relâchèrent galamment deux autres, une « vieille » et une « nourrice255 » ainsi que son enfant. Cette « nourrice » d’une fillette de sept ans, c’était Marie Tromel ; la vieille femme était sa mère, Hélène Kerneau.

Pour la première fois, Marie échappait aux mailles des autorités. Elle se dirigea vers le Faouët dans l’intention « d’y prendre du recteur ou du curé de la paroisse un certificat de bonne vie et mœurs pour le porter à Carhaix256

», lieu où étaient détenus Henri et les cinq autres associés. On ne sait ce qu’il advint de ce certificat. Pour les six condamnés, la procédure trainait à trouver une juridiction compétente. Promenés de prison en prison, l’attente se faisait longue sans doute. Henri Pezron, accompagné de deux complices, parvint finalement à s’évader. Il partit rejoindre Marie.

Marion du Faouët.

On était alors en 1745, soit près de deux ans après l’arrestation d’Henri. Marie avait su devenir chef de bande257 et la voilà qui dévalisait les passants et s’attaquait à ces mauvais témoins qui avaient eu l’audace de témoigner contre sa troupe. Pragmatique, elle ne s’en prenait qu’aux petites gens, nullement aux bourgeois, encore moins aux gentilshommes ; le risque eût été trop grand. Fin 1744, rapporte une légende, le marquis de Pontcallec, frère puîné de Chrysogone, Claudé René de Guer, et son épouse, Roberte-Angélique Le Voyer, assistèrent, sur leur propre demande, à une grande revue de la troupe commandée par Marion,

254

Voir le témoignage de Pierre Coudiec des 8 et 9 avril 1743, issu des Archives du Finistère et reproduit dans Jean LOREDAN, La grande misère et les voleurs…, op. cit., p. 56-57.

255

Ainsi qu’il ressort du procès-verbal de capture du 24 mars 1743, cité par Jean LOREDAN, La grande misère et

les voleurs…, op. cit., p. 60.

256

Voir la déclaration de François Lebris, ménager, qui accompagna le 24 mars 1743 Marie Tromel et son enfant jusqu’au Faouët. Cité par Jean LOREDAN, La grande misère et les voleurs…, op. cit., p. 66.

257

Au reste l’était-elle, peut-être, chef de bande, dès 1743. On peut en tout cas affirmer avec certitude qu’elle dirigeait la troupe en 1745. C’est en effet à cette époque que l’on rencontre les premières mentions du nom « Marie Finefont », bientôt appliqué à la compagnie et dont Marion était très fière – en ses interrogatoires d’identité, elle se présente toujours comme « Marie Tromel dite Marie Finefont ». Voir à ce sujet Catherine BORGHELLA, « A propos d’un scénario : Marion du Faouët chef de voleurs » in. Jean LOREDAN, La grande misère et les voleurs…, op. cit., p. 283-310, p. 293.

dans les bois de Pont-Calleck. Les deux époux se cachèrent et virent sans être vus. Marion, alors, aurait donné un coup de sifflet, et montrant le château, eût bien insisté sur le fait qu’aucun mal ne devait être fait à la maison Pontcallec, avant de congédier sa troupe. La marquise sortit toute effrayée de sa cachette ; mais on les rassura bien vite. Les Pontcallec étaient de trop bonne maison pour avoir rien à redouter de Marion du Faouët258.

Ceci n’est probablement qu’une légende, rapportée en 1884 par le propriétaire de la Porte- Neuve. Mais à travers les témoignages des procédures, les anecdotes abondent sur les exploits réels de Marie devenue Marion du Faouët, sur ses vols, sur son incroyable habileté à courir les pardons en toute impunité. Il importe peu de les rapporter ici, ces anecdotes ; au reste elles dessinent toutes un propos commun, une figure semblable, celle d’une femme fine et prudente, qui jamais ne fit couler le sang et sut jouer de bonté comme de terreur pour obtenir ce qu’elle souhaitait, modérant la violence de ses hommes, dispensant la clémence par la distribution de sauf-conduits qui assuraient à leurs heureux bénéficiaires une sécurité pleine et entière sur les routes à traverser.

Marion tombe pour la première fois – hiver 1746- printemps 1747.

Julien Perrot, manifestement, ne faisait pas partie de ces chanceux possesseurs d’intersignes. Ce marchand de bœufs de soixante six ans fut, un soir de l’hiver 1746, attaqué sur la route du Faouët par la troupe de Marion, puis laissé inanimé sur le bord du chemin après que les associés se furent emparés de ses biens. Le marchand se plaignit-il ? Toujours est-il que, peu de temps après, au cœur de cet hiver 1746, Marion, Henri Pezron et quelques autres associés furent pris par les archers et emmenés dans les prisons d’Hennebont. La procédure manque, tout juste sait-on que les juges condamnèrent Marion et Henri à être pendus – ces derniers firent appel au Parlement de Rennes.

Mauvaise fortune, la peine d’Henri fut encore alourdie par ce second jugement – il devait non seulement être pendu mais appliqué préalablement à la question ordinaire et extraordinaire. Quant à Marion, le jugement était ponctuellement retardé, attendant l’application de la peine d’Henri et les réponses que celui-ci donnerait sur la sellette. Henri ne révéla rien – à aucun moment ne chargea-t-il ni n’accusa de quoi que ce soit celle qu’il nommait « sa concubine259 » – Marion est innocente, ne cessait-t-il de répéter.

258

Cité par Julien TREVEDY, « Marie Tromel dite Marion du Faouet », Bulletin de la Société Archéologique du Finistère, tome XI, 1884, p. 81-82, d’après des « renseignements » de « M. le Comte de Brémond, d’Ars, propriétaire de la Porte-Neuve. »

259

Voir l’Interrogatoire d’Henri Pezron sur le tourment du 27 mars 1747. Cité par Jean LOREDAN, La grande misère et les voleurs…, op. cit., p. 90.

Place des Lices, à Rennes, se dressait alors la potence. Il était 19h, le 27 mars 1747, la nuit tombait. Bientôt, tout fut fini – et Henri gisait au bout de la corde tendue.

Le lendemain, Marion apprit sa peine propre : elle était condamnée à être fustigée, marquée de la lettre V et bannie hors du ressort du Parlement. L’arrêt fut exécuté et pendant trois jours, devant la foule badaude, Marion, le torse mis à nu, fut promenée par la ville, fustigée de verges aux carrefours, le V rouge, lancinant, sur l’épaule. Puis les portes de la prison s’ouvrirent ; Marion de nouveau était libre.

Le chemin de l’exil – été 1748.

Elle reprit directement le chemin du Faouët, au Véhut précisément, à quelques encablures du Faouët, où elle allait trouver domicile, ignorant l’ordre de bannissement qui pesait sur sa personne. Elle reprit ses activités et une nouvelle bande se forma autour d’elle et de Maurice Penhoat, dit Jeannot. Il semble qu’en cette période la troupe de Marion se soit spécialisée dans les vols d’église ; l’entreprise était profitable et florissante, nombre de compagnons de Marion furent jugés pour de pareils larcins.

Fin mai 1748, la chapelle des Ursulines du Faouët fut profanée, souillée. Les archers, prévenus, se mirent en peine d’arrêter le responsable, un certain Bilzic, dit le Borgne, ami de Marion. L’événement mit la troupe sous le feu des projecteurs, Jeannot fut arrêté le premier juin, Marion dut fuir. Elle prit seule le chemin de l’exil, malade, enceinte, vers Hennebont, puis vers Auray. Elle s’arrêta dans une maison de cette dernière commune, rue du cheval blanc. Là, informés de sa présence, les archers vinrent la prendre. Marion venait d’accoucher d’un petit Joachim-Pierre – son troisième enfant après Alice, née en 1736 ou 1737, et un François qui mourut probablement peu après sa naissance260. Les archers firent porter le nouveau-né à l’église et le firent baptiser. Le lendemain, Marion fut transférée à la prison de Vannes où se trouvaient déjà Jeannot et deux autres complices.

Elle fit preuve d’une grande habileté lors de ses interrogatoires, reconnaissant ses amis mais récusant son implication dans toute activité illégale. Elle dut avouer, pourtant, avoir été

bannie, fustigée et marquée à Rennes, suite à la condamnation du Parlement près d’un an plus

tôt. Le greffier, assistant à son interrogatoire et chargé de transcrire ses réponses, la dépeignit ainsi :

260

« … une particulière de la taille de 5 pieds ou environ261, cheveux chataîgne roux, une cicatrice au haut du front, les yeux gris, le visage marqué de rousseurs, ayant une coiffe de toile blanche à la mode de la ville, un mouchoir de coton au col à petits carreaux rouges et blancs et de cotonine, rayé de bleu et blanc, une jupe de ratine brune, ayant les fers aux pieds 262».

Le 24 août 1748, le présidial de Vannes rendit son jugement : les trois complices de Marion furent condamnés aux galères ; elle, fut bannie, une fois encore, à perpétuité, hors de la province. Les juges firent preuve d’une étonnante mansuétude – récidiviste, vagabonde, Marion eût pu être condamnée à la détention dans un hôpital général ; coupable d’émission de fausse-monnaie elle flirtait avec le crime de lèse-majesté. Certes, l’infraction de ban ne pouvait être punie par le présidial, puisque la condamnation au bannissement précédemment portée contre Marion n’avait pas été prononcée par une justice prévôtale, mais par une justice

supérieure263. La peine, non fixée par les ordonnances, était alors laissée seule à l’appréciation des juges – et ils furent en cette occasion particulièrement cléments264

.

L’âge d’or – 1748-1752.

Une fois encore, à peine sortie des prisons de Vannes, Marion retourna au Faouët, réorganisa une troupe – un nouveau compagnon à ses côtés, Olivier Guilherm. Et elle vécut fort confortablement, semble-t-il, durant quelques années, menant une vie de bonne chère. La puissance de Marion était grande alors, au plein cœur du Faouët, là où Marion fit louer une maison pour sa mère, Hélène Kerneau, rue du Poullaou ; la brigande connaissait ses heures de gloire. A l’écuyer attiré par le bruit et les clameurs d’un marchand de Lorient roué de coup par Olivier Guilherm et un de ses complices sur la grand’place du Faouët, Marion demanda « s’il étoit vrai qu’il eût arrêté un homme de sa compagnie 265». Penaud, l’écuyer s’en fut ; et Olivier put repartir, sans encombres.

261

C’est-à-dire environ 1m65.

262

Extrait de l’Interrogatoire du 4 juillet 1748. Cité par Jean LOREDAN, La grande misère et les voleurs…, op. cit., p. 51. C’est là le seul portrait de Marion conservé ; deux autres signalements, en date du 24 mai et du 2 août 1755 ne nous renseignent guère que sur le costume qu’elle portait alors.

263

Voir à ce sujet Julien TREVEDY, « Marie Tromel dite Marion du Faouet », op. cit., p. 99-102 et Jean LOREDAN, La grande misère et les voleurs…, op. cit., p. 63-64, 93, 120-122.

264

Une remarque : nous insisterons beaucoup au sein de cette notice sur l’impunité extraordinaire dont profita Marion du Faouët. C’est incontestablement un des aspects principaux de l’histoire du personnage ; elle donna une aura de mystère à la figure, elle fut assidûment reprise par les récits et les histoires postérieures. Nous croyons reconnaître en cette impunité une des ces énigmes capables de susciter la mémoire, de provoquer l’histoire.

265

Faits tirés des dépositions de l’écuyer Brossard. Cité par Jean LOREDAN, La grande misère et les voleurs…, op. cit., p. 149.

Vraiment, sa puissance était grande. Vols sur grands chemins, vols avec effraction chez de petits particuliers – exploits connus de tous, sergents et bourgeois, notaires et procureurs. Et pourtant nous ne trouvons alors nulles traces de plaintes…

L’arrestation et l’évasion de Quimper – été 1752.

Malgré cela, l’impunité ne pouvait pas durer, bien sûr. Le 7 novembre 1751, René-Gabriel de Robien, propre cousin du célèbre président à mortier, par conséquent gentilhomme de grande famille266, ruiné, dépravé, associé de Marion, était enfermé à Pontorson sur lettre de cachet. L’internement du gentilhomme précipita-t-elle la chute de Marion, qui perdait un allié et un protecteur de poids267 ? Quoi qu’il en soit, il est certain qu’elle fut arrêtée le 2 juillet 1752 à Poullaouen268 en compagnie d’Olivier Guilherm et de deux autres compagnons, tous quatre emmenés aux prisons de Carhaix. Prisons mauvaises, délabrées ; cinq jours après, le 7 juillet, Olivier Guilherm s’en échappait. Le 15 de ce même mois, Marion fut déplacée aux prisons de Quimper alors qu’une information s’ouvrait contre la brigande et les siens. Les juges s’enquirent au Présidial de Vannes des condamnations précédemment prononcés contre Marion. Afin de connaître en détail les faits et gestes de la chef de bande et de ses associés, le procureur du roi demanda en outre la permission de faire publier des monitoires269.

Marion ne resta pas longtemps détenue. Le 9 septembre 1752, elle parvint à s’enfuir des geôles de Quimper – et une fois encore regagnait le Faouët.

La pendaison d’effigie – 1752-1754.

Elle entreprit quelques expéditions nouvelles – mais la bravade était finie. Les monitoires publiés, les archers à sa poursuite, Marion prit la fuite. La documentation est alors insuffisante