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La maison d’une princesse du sang à la fin du XVIII e siècle

A. Les formes de la rémunération

Les gages et les appointements en argent font l’essentiel de la rémunération des domestiques de la princesse. Les deux termes évoquent des situations sensiblement différentes que les sources ne traduisent que partiellement. Les salaires représentent un poids très lourd dans le budget de la princesse mais sont payés avec exactitude. D’autres formes de rétributions existent et montrent l’appartenance symbolique à la maison princière. Certaines sont motivées par des circonstances exceptionnelles et le versement d’un complément de salaire est une forme de reconnaissance des services rendus par le domestique.

1) Gages et appointements

Au XVIIIe siècle, la rémunération des domestiques s’effectue principalement en argent. Peu d’états des gages sont conservés au sein des comptes. Le premier pour le quartier d’avril 1787 ne concerne que les domestiques partis avec elle aux eaux de Bourbon-l’Archambault, c’est-à-dire vingt-huit personnes avec l’écurie. Le second et ultime état est conservé à part des comptes et il est daté du 1er juillet 1792 : vingt noms apparaissent encore à cette date. L’état des dépenses générales conservé à partir du 1er avril 1788 permet de mesurer le poids financier des gages dans le budget de la maison. Quelques reçus signés des domestiques sont un moyen de connaître de façon plus détaillée la valeur des appointements et pensions et la fréquence de leur paiement par la princesse de Conti.

Les gages et appointements forment le cœur de la rémunération des membres de la maison de la princesse de Conti. Les dictionnaires du XVIIIe siècle établissent une distinction entre les deux noms à l’exemple du dictionnaire de l’Académie française pour qui le terme de gages « signifie aussi, Salaire, ce que l'on donne aux domestiques par an pour payement de leurs services. Les gages d'un laquais, d'une servante »67

alors que les exemples donnés pour les bénéficiaires des appointements sont au sommet de la pyramide ancillaire : « Entretenement, pension, gages qu'on donne aux principaux domestiques, à un Officier, &c. Il lui donnoit, il recevoit de gros appointemens. Il a mille écus d'appointemens. Les appointemens d'un Gouverneur. Il a tant de gages & tant d'appointemens. En ce sens il ne se

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dit qu'au pluriel »68

. Cette distinction ne se retrouve que partiellement dans les comptes car les deux termes sont utilisés alternativement. Par exemple, l’état des gages et des appointements lors du séjour de la princesse, et d’une partie de sa maison, aux eaux de Bourbon-l’Archambault près de Moulins à l’été 1787, n’établit aucune différence de vocabulaire entre les versements effectués aux dames suivantes ou aux valets de pied. Une différenciation est faite cependant dans les quittances car l’architecte Pierre Convers reconnaît avoir reçu ses appointements.

Aucun retard dans le paiement des gages n’est signalé dans les comptes. Le versement est effectué par quartier et suit en cela le rythme du versement des différentes pensions de la princesse qui sont payées tous les trois mois. Les gages, c’est-à-dire les salaires fixes versés régulièrement, représentent l’essentiel de la rétribution ancillaire. Toutefois, il existe des compléments liés à la fonction du domestique ou à des circonstances particulières.

2) Des compléments réguliers

Les domestiques de la princesse bénéficient de gratifications supplémentaires. La famille, composée principalement de la Chambre, de l’Office, du trésorier, des dames et des pages de la princesse, a bouche à la table de la princesse. Comme les membres de l’écurie n’y sont pas admis, leurs gages incluent, en compensation, différents frais inhérents à l’exercice de leurs fonctions c’est-à-dire leurs « subsistances, gages, habillement, bois, graisse et chandelles en argent ».

En sus de leur rétribution en argent, les membres de la maison bénéficient de compléments en nature. Tout d’abord, les gens d’écurie, les pages, les valets de pied et porteurs reçoivent chaque année un habit de livrée avec redingote, botte et éventuellement des couteaux. Ils touchent un complément financier pour la « petite oye », c’est-à-dire les accessoires de l’uniforme. Une autre retombée du service princier est d’être logé et meublé par la princesse. Chaque membre de la maison vit à l’hôtel du Lude dans des logements variables selon leurs fonctions. Leur chambre ou appartement est en partie meublée par la princesse comme l’atteste le relevé effectué en avril 177669

de tous les meubles appartenant à la maîtresse de maison pour l’ensemble des logements de l’hôtel.

Enfin, le domestique peut espérer obtenir d’autres rétributions pour des événements plus exceptionnels : la prise du deuil, ou un service particulier demandé par la princesse.

68

Ibid., 1762, p. 88. 69

3) Les compléments extraordinaires

Des compléments extraordinaires sont délivrés ponctuellement. Si l’ensemble des membres de la maison reçoit de l’argent pour porter le deuil, les gratifications ne s’adressent qu’à un nombre limité de personnes en récompense d’une prestation particulière.

A trois reprises, en 1776 lors des décès du prince de Conti, en 1780 à la mort du duc de Modène et de l’impératrice Marie-Thérèse, la maison prend le deuil. La livrée se voit confectionner un uniforme de deuil tandis que les autres domestiques obtiennent le versement d’une somme destinée à acheter les vêtements nécessaires. Cette rétribution est hiérarchisée selon les fonctions de chaque domestique : la dame d’honneur obtient 400 livres tandis qu’un garçon d’office ne reçoit par exemple que 90 livres lors du décès de François III d’Este70.

Certaines gratifications sont des compléments de rétribution accordés à plusieurs domestiques en récompense de service particulier, ou d’une charge plus lourde de travail. Toutefois à la différence d’autres maisons princières71, ces revenus supplémentaires demeurent extrêmement peu fréquents. Ils ne sont accordés qu’à deux grandes occasions pour les membres de l’écurie exclusivement. Lors du voyage à Bourbon-l’Archambault en 1787, une gratification exceptionnelle de 15 livres pour chaque domestique est donnée aux cochers et aux postillons en raison des dix jours de route effectués pour se rendre en Bourbonnais. En 1789, une gratification est accordée aux mêmes domestiques qui ont quitté Paris pour Chateauvillain. Enfin, certains domestiques n’appartenant pas directement à la maison princière sont rémunérés par la princesse exclusivement par des gratifications à l’instar du concierge de Versailles, Bellet, et du receveur du domaine de Triel, Chenou, qui dépendent de la maison du prince de Contiet sont gagés par lui72

. Marie-Fortunée d’Este leur accorde annuellement des gratifications : 188 livres en 1788 à Bellet et 600 livres de juillet 1788 à juillet 1789 à François Chenou.

Ainsi, l’entretien décent de la domesticité est une obligation morale qui passe par des versements en argent sans délai et des compléments comme la nourriture, le logement et pour certains, l’habillement. Mais, reflet du budget limité de la princesse, les gratifications sont limitées à des circonstances particulières. Enfin, les gages mettent à jour de la hiérarchie ancillaire.

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Arch. nat., R3/179, dépenses particulières 1780, pièce n°44, état du deuil de la maison de SAS madame pour la mort de SAS monseigneur le duc de Modène…, mars 1780.

71

J. DUMA, op. cit., p. 411. 72

Arch. nat., 72 AP 1, Etat des subsistances et accessoires des officiers et domestiques de Monsieur de Bourbon-Conty pour les mois d’avril-mai-juin 1793