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Folklore moderne de Bealtaine en Irlande

BEALTAINE ET LE SURNATUREL : SUPERSTITIONS ET COUTUMES

2.3 MYSTIQUE DES PLANTES

2.3.1 Les fleurs de mai

L’utilisation des fleurs de mai à Bealtaine semble avoir été commune à toute l’Irlande, à l’exception du Connacht, qui demeure relativement en retrait, et du comté de Kerry qui, comme nous allons le constater, se démarquait du reste de l’Irlande sur plusieurs points.

Il existait différentes manières d’utiliser ces fleurs de mai. Il est intéressant de noter que l’on retrouvait, à plus ou moins grande échelle, toutes les variantes de la coutume sur la quasi-intégralité du territoire irlandais, sans qu’une quelconque unité géographique puisse être mise en évidence : une coutume du comté de Waterford pouvait se retrouver près de Belfast, une tradition présentée par les informateurs comme propre au comté de Galway dans les environs de Dublin.

En revanche, les fleurs que l’on qualifiait de « fleurs de mai » variaient selon les régions irlandaises et une certaine homogénéité semble se dégager, selon que l’on se place dans le Munster, le Connacht, le Leinster ou l’Ulster.

Ainsi, l’utilisation de primevères329 et de renoncules,330 de loin les fleurs de mai les plus répandues en Irlande, était très courante dans le Leinster, l’Ulster et le Connacht, mais pratiquement absentes du Munster.

328

There are many old customs associated with May Eve. The fairies are much thought of in connection

Les fleurs de sycomore331 et d’ajoncs332 étaient assimilées à des fleurs de mai exclusivement dans le Munster, les fleurs de sorbier exclusivement en Ulster.333

Les fleurs d’aubépine, courantes dans le Munster, rares dans le Connacht étaient pratiquement inconnues sous l’appellation de fleurs de mai dans le reste de l’Irlande.334

Enfin, les marguerites335 et les hyacinthes336 étaient apparemment communes aux quatre grandes régions irlandaises.337

Il convient de remarquer que, souvent, l’espèce importait peu :338 l’essentiel était d’avoir affaire à des fleurs de couleur jaune car, selon la plupart des informateurs, le jaune était la couleur de l’été.339

329

Primroses ou cowslips. Leinster : MS. 1097 §158 (Louth), §159, §162, §164 (Meath), §166 (Westmeath), MS. S.683 (Meath). Ulster : MS. 1096 §114 (Cavan), §116 (Armagh), §146, §153 (Donegal). Connacht : MS. 1096 §67, §68 (Galway), §82, §86 (Mayo), §96, §99, §100, §104 (Leitrim). Munster : MS. 1095 §12 (Cork), §46 (Tipperary).

330

Marsh marrigold, crowfoot, ranunculus repens (renoncule des marais). Ulster : MS. 1096 §120 (Tyrone), §132 (Monaghan), §153 (Donegal). Leinster : MS. 1097 §166 (Westmeath), MS. S.694 (Meath). Connacht : MS. 1096 §99, §104 (Leitrim).

331

Sycomore aussi appelé May tree (« arbre de mai ») ou green tree (« arbre vert »). Munster : MS. 1095 §7 (Kerry), §12, §18, §19, §24, §31 (Cork), §38 (Clare), §57 (Limerick).

332

Furze ou whin. Munster : MS. 1095 §32, §36, §37, §38, §41 (Clare), §46 (Tipperary). MS. 1096 §155 (Donegal).

333

Rowan, mountain ash, quickbeam. Ulster : MS. 1096 §109 (Down), §113, §114 (Cavan), §115 (Armagh), §123 (Fermanagh), §131 (Monaghan), §144, §146 (Donegal). Munster : MS. 1095 §56 (Limerick). Connacht : MS. 1096 §100 (Leitrim).

334

Hawthorn, whitethorn (aubépine blanche) ou blackthorn (aubépine noire). Munster : MS. 1095 §3 (Kerry), §32, §37, §42 (Clare), §46, §49 (Tipperary), §59 (Limerick). Connacht : MS. 1096 §86, §87 (Mayo), §93 (Sligo), §100 (Leitrim), MS. S.34, S.40 (Galway). Leinster : MS. 1097 §159, §162 (Meath), §166 (Westmeath). Ulster : MS. 1096 §112 (Cavan).

335

Daisies. Leinster : MS. S.691 (Meath). Ulster : MS. 1096 §116 (Armagh). Connacht : MS. 1096 §67 (Galway), MS. S.23 (Galway). Munster : MS. 1095 §46 (Tipperary).

336

Bluebells ou hyacynths. Munster : MS. 1095 §12 (Cork). Ulster : MS. 1096 §114 (Cavan), §146 (Donegal). Leinster : MS. 1097 §166 (Westmeath) et MS. S.698 (Meath).

337

Certains informateurs assimilaient d’autres fleurs à la thématique des fleurs de mai. Ainsi, fleurs de guimauves, de noisetiers, violettes, fougères, chélidoines, jacinthes, iris, fleurs de hêtre, cardamines des près, fleurs de pommiers, sapins, orties, joncs, frênes, camomilles, trèfles d’eau, bruyères, genêts, bleuets ou même simplement de la paille ou des branches encore vertes prenaient parfois le nom de « fleurs de mai ».

338

MS. 1095 §12 (Cork), MS. 1096 §112 (Cavan), §116 (Armagh), MS. 1097 §166 (Westmeath). 339

MS. 1096 §99 (Leitrim), §133 (Monaghan), §154 (Donegal), MS. S.458 (Kerry). Selon le MS. 1096 §138 (Donegal), un nom donné à Bealtaine (ou au dernier dimanche de mai) était le « Jour jaune de mai » (yellow day of May). Voir l’Annexe IV pour l’original en irlandais. Idem MS. 1095 §4, §9 (Kerry), MS. 1096 §71 (Galway). Cette énumération des fleurs de mai, fondée sur l’étude des manuscrits de

l’Irish Folklore Commission et des textes rédigés en anglais de la Schools’ Collection des comtés de

Galway, Kerry et Meath, peut apparaître comme une entorse à notre méthodologie générale, qui réfute toute tentative de catalogage ; elle nous permettra cependant de mieux comprendre la répartition des fleurs de mai en Irlande, démarche qui nous sera utile lors de notre tentative d’interprétation par le biais de l’étude des origines.

La coutume la plus courante consistait à déposer, à May Eve ou plus rarement au petit matin de May Day, des fleurs de mai sur le pas de la portede l’habitation principale, des étables et / ou des écuries et sur le rebord des fenêtres.340 La tradition périclitait déjà à l’époque du questionnaire de l’Irish Folklore Commission ; toutefois, on la retrouve, aujourd’hui encore, dans un certain nombre de régions irlandaises rurales, principalement dans les Gaeltachta, comme souvent plus attachés au folklore et aux traditions anciennes, peut-être parce qu’elles représentent, aux yeux des habitants, une certaine forme d’identité irlandaise trop souvent malmenée aux cours des siècles passés.341

Cette utilisation des fleurs de mai connaissait de nombreuses variantes. Il fallait parfois laisser le bouquet de fleurs sur le pas de la porte jusqu’à son flétrissement ;342 dans d’autres cas, on le laissait toute l’année, jusqu’à la Bealtaine suivante ;343 plus rarement, un nouveau bouquet était utilisé chaque jour du mois de mai ;344 mais la plupart du temps, on le retirait une fois la journée passée.345

Les fleurs de mai étaient parfois disposées sur un May Bush, terme que l’on pourrait traduire par « buisson de mai ».346 Il s’agissait en fait d’une branche d’arbre qui, en plus des fleurs de mai, était ornée de coquilles d’œufs et de rubans de couleur.347 Il ne faut pas confondre ce type de May Bush, que nous appellerons « May Bush individuel » puisqu’il concernait uniquement la cellule familiale, et les May Bushes « collectifs » que nous aurons l’occasion

340

A titre d’exemple, voir MS. 1095 §47 (Tipperary), MS. 1096 §82 (Mayo), MS. 1097 §165 (Westmeath) etc.. On retrouve certaines nuances, d’importance mineure, dans le témoignage des informateurs : on raconte parfois qu’il fallait disposer les fleurs de mai des deux côtés de la porte. MS. 1095 §24 (Cork). Il fallait parfois les accrocher aux murs jouxtant porte d’entrée ou aux chevrons situés au-dessus de celle-ci. MS. 1095 §24 (Cork), MS. 1096 §93 (Sligo) etc.. Dans d’autres cas, il fallait placer les fleurs de mai à l’entrée de tous les chemins menant à la maison principale (MS. S.694 (Meath)) ou sur le toit de la maison : MS. 1096 §76 (Galway), §95 (Sligo), §102 (Leitrim), §108 (Down), MS. S.682 (Meath).

341

L’origine irlandaise de ces traditions ne fait, dans la plupart des cas, aucun doute dans l’esprit de ceux les perpétuant de nos jours.

342

Voir, par exemple, MS. 1097 §159 (Meath). 343

Voir, par exemple, MS. 1096 §93 (Sligo). 344

Voir, par exemple, MS. S.694 (Meath). 345

Voir, par exemple, MS. 1097 §159 (Meath). 346

Nous préférerons cependant conserver le terme original de May Bush, pour les raisons invoquées dans notre introduction.

347

d’étudier plus loin.348 De même, il ne faudra pas confondre deux types de May Poles : les May Poles individuels (« bâtons » ou « branches de mai »), que l’on retrouve dans les traditions du May Bush individuel, désignent en fait la branche de sorbier sur laquelle on plaçait les fleurs de mai ; Maypole s’écrit alors le plus souvent en un seul mot.349 Dans les traditions du May Bush collectif, le May Pole est à prendre au sens littéral, c’est-à-dire qu’il désigne véritablement un poteau (May Pole pouvant ici se traduire par « poteau de mai ») : nous l’associerons aux traditions de May Pole / Bush collectifs. L’ambivalence des deux termes, May Bush et May Pole, a conduit à de nombreuses confusions.

Souvent, la décoration du May Bush individuel incombait aux enfants.350 Le May Bush était planté devant l’entrée de la maison ou, plus souvent encore, sur un tas de fumier, ce qui ne manque pas de renforcer la relation unissant les excréments au folklore de Bealtaine.351

Une autre variante de la coutume consistait à décorer l’intérieur de la maison avec les fleurs de mai,352 tout particulièrement la cuisine,353 où, souvent, un autel à la gloire de la Vierge Marie était fabriqué puis recouvert de fleurs.354 On disait alors qu’on faisait « rentrer l’été » dans la maison, le terme « été » désignant parfois les fleurs de mai en tant que telles.355

On justifiait cette utilisation des fleurs de mai de plusieurs manières. Quelques rares informateurs annoncent qu’il s’agissait « d’accueillir l’été »356 et

348

Voir infra, chap. 3.1.2. 349

Voir MSS. S.50 et S.65 (Galway). 350

Voir, par exemple, MS. 1096 §112 (Cavan), §146 (Donegal). 351

MSS. S.45, S.55, S.58 (Galway). MS. 1095 §46 (Tipperary), §56 (Limerick), §64 (Waterford et Wexford). MS. 1096 §65, §68 (Galway), §98, §100-2, §106 (Leitrim), §113 (Cavan), §116 (Armagh), §122 (Fermanagh), §142, §144-6, §153-5 (Donegal). MS. 1097 §165-6 (Westmeath).

352

MS. 1095 §5, §7 (Kerry), §12, §28, §30-1 (Cork), §32-3, §36, §39, §41 (Clare). MS. 1096 §86-7 (Mayo), §94 (Sligo), §100, §102-3 (Leitrim), §108, §110 (Down), §114 (Cavan), §126, §128 (Antrim), §146 (Donegal). MS. 1097 §164 (Meath), §193 (Wexford). MSS. S.402-4, S.467 (Kerry).

353

MS. 1095 §19 (Cork), §32 (Clare). MS. 1096 §101, §103 (Leitrim), §108 (Down), §116 (Armagh), §134 (Monaghan). MS. 1097 §160, §162 (Meath).

354

MSS. S.696, S.706, S.709, S.714 (Meath), S.40 (Galway). MS. 1096 §89 (Mayo), §104 (Leitrim), §145 (Donegal). MS. 1097 §158 (Louth).

355

MS. 1095 §18 (Cork), §37 (Clare), §56 (Limerick). 356

Welcome the summer. Il faut cependant garder à l’esprit que le terme summer (« été ») pouvait renvoyer aux fleurs elles-mêmes : « accueillir l’été » peut donc tout aussi bien signifier que l’on cherchait à accueillir la saison de la meilleur manière possible afin de se préserver pendant la durée de l’été ou que les fleurs de mai étaient accueillies dans la maison par les personnes mettant la coutume en pratique. Les deux significations étaient utilisées indépendamment par les informateurs, ceux qui l’utilisaient au sens propre ne semblant pas connaître la signification alternative et inversement.

que les fleurs représentaient l’arrivée de la nouvelle saison.357 On raconte parfois que l’on cherchait à attirer la chance sur la maison, à protéger le bétail des maladies et du vol magique.358 Néanmoins, les fleurs de mai étaient plus fréquemment dédiées à la Vierge Marie :359 le mois de mai est, comme nous l’avons vu, traditionnellement associé à la Vierge dans la tradition catholique, ce que ne manquent pas de remarquer les informateurs. Cependant, une autre explication de l’association des fleurs de mai à la Vierge Marie nous permet d’envisager la tradition sous un jour nouveau : « On [mettait] des iris sauvages sur le palier de la porte pour faire un tapis à Notre-Dame, qui [était] censée rendre visite à chaque maison cette nuit-là. »360

Dans l’énorme majorité des cas, les êtres censés pénétrer les foyers à May Night étaient bel et bien les fées, et c’était justement pour accueillir ces fées,361 ou au contraire, bien plus souvent encore, pour les empêcher d’exercer leur influence néfaste sur la maison,362 que les fleurs de mai étaient disposées sur le palier et les fenêtres.363 L’intégration de la Vierge Marie dans les traditions des fleurs de mai se présente donc comme le reflet des croyances relatives aux fées (croyances païennes s’il en est), une interprétation

357

MS. 1095 §30 (Cork), §37 (Clare), §42 (Clare), MS. S.696 (Meath). 358

MS. 1095 §38, §40 (Clare), MS. 1096 §95 (Sligo), §106 (Leitrim), §109 (Down), §113-4 (Cavan), §116 (Armagh), §120 (Tyrone), §133 (Monaghan), §151 (Donegal), MS. S.60 (Galway), MS. S.458 (Kerry). Dans le MS. 1096 §99 (Leitrim), il s’agissait d’augmenter la production de beurre.

359

MS. 1095 §26 (Cork), MS. 1096 §72-4 (Galway), §98, §99, §102, §104 (Leitrim), §139, §153 (Donegal), MSS. S.682, S.708, S.709 (Meath), MSS. S.36, S.40 (Galway).

360

Flags (wild irises) are placed all over the door step on May Eve to make a carpet for Our Lady who is

supposed to visit every house that night. MS. 1095 §26 (Cork). La même idée se dégage du MS. 1096

§150 (Donegal). Selon le MS. 1096 §99 (Leitrim), la Vierge entrait seulement dans les maisons dont le palier était orné de fleurs de mai.

361

MS. 1096 §69 (Galway), §119 (Tyrone). 362

MS. 1095 §57, §59 (Limerick), MS. 1096 §103 (Leitrim), §121, §123 (Fermanagh), §129, §131, §132 (Monaghan), §152 (Donegal), MSS. S.26, S.46, S.65 (Galway), S.457 (Kerry), S.696, S.700, S.703 (Meath). L’informateur du MS. 1096 §113 (Cavan) explique que les fées ne supportaient pas de voir des fleurs.

363

Un témoignage se démarque par son originalité : « Certains faisaient un cercle de cendres autour de la porte. On trouvera sans l’ombre d’un doute une trace de pas de fée dans les cendres, et si une de ces traces de pas est dirigée vers la maison, quelqu’un mourra avant la fin de l’année. Si vous faites un cercle de cendres autour de n’importe quelle autre porte de la maison et si vous éparpillez des primevères [sur ces cendres], il est certain qu’aucune trace de fées n’apparaîtra, car les fées ne s’approchent pas des primevères. » (Some people put a ring of ashes outside around the door. There is sure to be a footprint of

fairies in the ashes and if there is any of the footprints faced in towards the house someone is going to die in that house before the year is out. If you make a ring of ashes around any other door in the house and shake primroses around about it there is sure not to be any fairy tracks in it for the fairies will not go near primroses.) MS. S.46 (Galway).

chrétienne tardive364 d’une tradition antérieure : il s’agirait, en d’autres termes, d’une « christianisation » de la coutume.

L’étude des différents manuscrits à notre disposition nous permet de discerner une autre manière que les Irlandais avaient d’utiliser les fleurs de mai. Les fleurs de mai n’étaient en effet pas uniquement disposées aux alentours des habitations, ou à l’intérieur de celles-ci : partout ou presque en Irlande rurale, on ornait les animaux (queue ou cornes des vaches,365 crinière ou harnais des chevaux)366 de ces fleurs à May Eve, dans le but avoué d’attirer chance et prospérité sur les bêtes,367 de les protéger des maladies,368 ou, plus souvent encore, d’éloigner le mauvais œil des fées.369 Cette utilisation des fleurs de mai semble largement comparable à l’emploi des rubans rouges que nous avons mentionné antérieurement.

Enfin, en Ulster principalement, on éparpillait des fleurs de mai sur les sources privées à May Eve ;370 encore une fois, chance, prophylaxie, protection contre les fées ou le vol magique se mélangeaient, et il semble difficile d’affirmer clairement quel dessein prenait le pas sur l’autre dans l’esprit de ceux qui mettaient la tradition en pratique : l’important est, en substance, de se rappeler que les fleurs de mai étaient avant tout bienfaitrices et que leur utilisation s’inscrivait dans une dynamique de recherche de prospérité.

Cependant, comme souvent dans les traditions de Bealtaine, nous constatons l’existence de croyances parfaitement inverses. Un nombre tout aussi conséquent d’informateurs mentionnent que certaines plantes et fleurs que l’on trouvait en mai avaient une influence néfaste. Il est intéressant de noter que, pour l’occasion, ces plantes et fleurs n’étaient pas regroupées sous

364

L’association Vierge Marie / mois de mai ne fut officialisée par l’Eglise chrétienne qu’au XVIIIe siècle.

365

MSS. S.26, S.65 (Galway), S.415 (Kerry), S.686 (Meath). MS. 1095 §32 (Clare). MS. 1096 §126, 128 (Antrim), §133 (Monaghan).

366

MSS. S.65 (Galway), S.434 (Kerry). MS. 1095 §24, §26, §31 (Cork). MS. 1096 §126 (Antrim), §133 (Monaghan). Dans le même ordre d’idée, les étables et les écuries étaient décorées avec des fleurs de mai. MS. S.694 (Meath). MS. 1096 §100 (Leitrim), §110 (Down), §115 (Armagh), §134 (Monaghan). MS. 1097 §164 (Meath). Un seul exemple, à notre connaissance, mentionne l’utilisation des fleurs de mai sur les récoltes afin de les préserver de la mauvaise influence des fées. MS. S.50 (Galway).

367

MS. 1096 §134 (Monaghan). 368

MS. 1096 §110 (Down). 369

MSS. S.26, S.65 (Galway), S.694 (Meath). MS. 1095 §26 (Cork), §32 (Clare). MS. 1096 §115 (Armagh), §126 (Antrim), §133 (Monaghan). Dans les MSS. S.415 (Kerry) et S.686 (Meath), les fleurs de mai étaient placées sur le dos des vaches et étaient effectives contre les fées uniquement si on les cueillait avant le lever du jour.

370

MS. 1096 §108 (Down), §116 (Armagh), §131-2, §134 (Monaghan), §155 (Donegal). MS. S.712 (Meath).

le terme générique de « fleurs de mai » : il s’agissait simplement de végétaux qu’il était possible de trouver en cette saison.

Ainsi, l’aubépine et les fleurs d’aubépine, plébiscitées et souvent reconnues comme fleurs de mai à part entière, étaient, pour d’autres, synonymes de malchance, parfois de grand danger ou de mort, lorsqu’elles étaient cueillies et ramenées à la maison en mai.371 Encore une fois, les raisons invoquées sont floues, hétéroclites, en dépit du fait que l’idée d’un blasphème à l’encontre de la Vierge ou de Dieu lui-même,372 revienne régulièrement dans la rhétorique des informateurs. Certains faisaient également référence au pouvoir hypothétique que les fées possédaient sur l’aubépine.373

Dans le comté de Kerry, et pratiquement exclusivement dans le comté de Kerry, le fait de cueillir des fleurs, toutes espèces confondues, à Bealtaine était de très mauvais augure. Un grand nombre de manuscrits de la Schools’ Collection du comté attestent une interdiction quasi-absolue,374 les enfants étant les premiers concernés par la croyance.375 Dans les paroisses où l’interdiction était en vigueur, la coutume des fleurs de mai n’existait donc pas. Il est même probable qu’elle fut redoutée et incomprise puisque l’unique raison invoquée pour expliciter l’interdiction était l’influence des fées sur les fleurs de mai. Cueillir une fleur à Bealtaine revenait à laisser aux fées un champ d’action

371

Pour l’aubépine blanche (whitethorn), voir MS. 1095 §2-3 (Kerry), §12, §23, §31 (Cork), §54 (Tipperary), §59 (Limerick). MS. 1096 §95 (Sligo), §104-5 (Leitrim). MS. 1097 §159-60 (Meath), §166 (Westmeath), §174 (Longford). Pour l’aubépine noire (blackthorn), voir MS. 1095 §37 (Clare). MS. 1096 §100 (Leitrim). Pour l’aubépine (hawthorn), voir MS. 1095 §48 (Tipperary), §56 (Limerick), §64 (Waterford et Wexford). MS. 1096 §65, §78 (Galway), §89 (Mayo), §108 (Down), §123 (Fermanagh), §126 (Antrim). MS. 1097 §155’ (Dublin), §158 (Louth), §164 (Meath). D’autres manuscrits expliquent qu’il ne fallait ramener aucune fleur ou plante dans la maison à May Eve ou May Day. MS. 1095 §8 (Kerry), §52 (Tipperary). MS. 1096 §89 (Mayo), §144 (Donegal). MS. 1097 §159 (Meath) et §178 (Longford) uniquement pour l’ail.

372

L’informateur du MS. 1095 §2 (Kerry) précise qu’utiliser l’aubépine en mai était « interdit » car c’est avec une branche d’aubépine que Jésus fut flagellé. Dans le même ordre d’idée, il est dit dans le MS. 1096 §112 (Cavan), qu’il ne fallait pas utiliser de sureau en mai car Abel avait été tué par une branche de cet arbre. L’interdiction relative au sureau se retrouve dans le MS. 1096 §104 (Leitrim). Un autre informateur précise qu’il ne fallait en aucun cas ramener à l’intérieur de la maison des plantes poussant à proximité des points d’eau ; la coutume est, dans ce cas, probablement justifiée par l’appréhension d’un vol magique. MS. 1095 §10 (Kerry).

373

MS. 1095 §3 (Kerry), §6 (Cork et Kerry), §37 (Clare). MS. 1096 §100 (Leitrim). MS. 1097 §174 (Longford). MS. S.714 (Meath), MS. 1095 §8 (Kerry).

374

MSS. S.401-3, S.405-6, S.411, S.415, S.440, S.444, S.450, S.455 (Kerry). Voir également MS. 1095 §6 (Cork et Kerry), §27 (Cork).

375

conséquent : les enfants bravant les conseils de leur entourage se feraient enlever,376 les adultes mourraient avant la fin du mois.377

Interdite ou, au contraire, fortement recommandée, l’utilisation des fleurs de mai à May Eve ou May Day semble donc avoir été une constante dans l’Irlande rurale de la première moitié du XXe siècle, parfois même, dans certains cas, dans l’Irlande rurale d’aujourd’hui. Porte-bonheur pour la famille, synonyme de protection du bétail, ou, plus rarement, de protection contre le vol magique : les vertus de ces fleurs étaient nombreuses. Nous allons d’ailleurs constater que ces mêmes vertus étaient attribuées aux végétaux autres que les fleurs de mai à Bealtaine.