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Sui et des Tang

2. Des ethnies

Nous avons là, sans doute, un premier enjeu de cette œuvre. Que le spectre de Chongzhen plane ou non sur ce texte, le roman joue un rôle rituel au sein monde impérial : il célèbre la continuité légitime de l’occupation du pouvoir par-delà les règnes et les dynasties, et donne une place au souverain défunt au sein du monde impérial. Si les deux lectures ne sont a priori pas intégralement incompatibles, nous sommes ici très loin d’une « dénonciation de la faillite morale inhérente à l’institution impériale ».

2. Des ethnies

Au moment où Chu Renhuo écrit, une deuxième rupture est en train de se produire au sein de ce monde impérial ; elle touche à la place qu’y occupent les ethnies (zu 族) non-Han.

Le terme de zu sert à nommer une filiation symbolique et peut ainsi être utilisé à des échelles très différentes, celle de la famille, du clan ou des ethnies. À ce dernier niveau, le terme permet de distinguer les non-Hans, des Hans227. Cette distinction n’est pas du tout présente de manière systématique dans les discours et, quand elle apparaît, peut prendre un tour plus ou moins rigide, selon les auteurs. Wang Fuzhi (王夫之, 1619–1692), lui donne, de manière fameuse, un caractère radical. Ainsi, chez celui-ci, tout distingue les barbares, tout les rend autres (yi異) : leur naissance, le lieu où ils résident, le souffle qui les compose, et, dès

225 Ibid., p. 1.

226 Si c’est un bricolage, il a une nécessité symbolique. L’immortel Kongsheng est, comme Xuanzong associé à la musique. Voilà qui permet de présenter les talents musicaux du souverain comme des réminiscences de son passé céleste, et la préfiguration de son retour dans les cieux. Kongsheng, d’autre part, est un immortel taoïste. Ce choix doctrinal a une pertinence particulière dans le cas de Xuanzong, puisque l’empereur est fortement associé à cette doctrine, et qu’il est allé jusqu’à intégrer des immortels taoïstes au sein de l’autel impérial, faisant de ceux-ci symboliquement des membres de sa famille.

227

lors, leurs mœurs (xi習), leur compréhension des choses (zhi 知), et leur conduite (xing ⾏ )228.

Au moment où Chu Renhuo compose son œuvre, cette notion d’ethnie peut apparaître à plusieurs niveaux dans les discours néo-confucéens sur l’organisation du monde impérial.

À l’heure de juger de la légitimité d’un souverain et d’une dynastie, entre autres critères moraux (le souverain a-t-il accédé au pouvoir en respectant des vertus confucéennes ?), et spatiaux (le contrôle de la plaine centrale donne de la légitimité ?), des critères ethniques sont présents dans certains discours : ainsi les non-Hans ne peuvent-ils pas être des souverains légitimes, dans un traité sur la continuité légitime bien diffusé au XVIème siècle attribué à Fang Xiaoru (⽅孝孺1357-1402)229.

Ce discours sur les ethnies apparaît d’autre part à l’heure de penser le rapport du territoire impérial avec son extérieur. Ici aussi, c’est la grande diversité des positions possibles qu’il faut souligner. Certains auteurs peuvent faire valoir des conceptions ouvertes du guo. Un auteur comme Lü Liuliang (呂留良, 1629-1683) insiste sur le caractère illimité de la définition du tianxia ; le terme désigne le monde par-delà même les royaumes tributaires230. Il insiste, partant, sur le fait que le souverain au centre doit rayonner sur l’ensemble de ce

tianxia (tout en reprenant d’ailleurs des critères ethniques de légitimité)231.

À rebours, un contemporain comme Wang Fuzhi est soucieux de marquer une séparation nette entre le territoire impérial qui est au centre (zhongguo 中國), et les barbares (yidi 夷狄, littéralement barbares de l’Est et du Nord, le terme renvoyant ici manifestement aux barbares en général). Cette séparation du territoire central d’avec les barbares est, nous dit Wang Fuzhi, une des deux distinctions fondamentales dont le respect conditionne l’ordre ou le désordre du monde232.

228

王夫之,Ai Di, 哀帝 L’empereur Ai , juan 14, Du tongjianlun ( 讀通鑒論 « Jugements à la lecture du Mirroir Compréhensif »), cité par Shi Yaochang, 史曜菖, « Kangqingzhe de « tianxia », shi xi Lü Liuliang de Tianxia Guan » (抗清者的 天下 :試析呂留良的天下觀 « Le tianxia d’un résistant aux Qing – première étude sur la conception de cette notion chez Lü Liuliang)in Jinan Shixue, (暨南史學), n° 40, p. 75

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Sur Fang Xiaoru et le zhengtong, voir John Dardess, Confucianism and Autocracy Professional Elites in the Founding of the Ming dynasty, Berkeley, University of California Press, 1983, pp 264-288.

Sur la notion de zhongyuan, voir Peter Bol, « Geography and Culture : Middle Period Discourse on the Zhongguo – the Central Country », Hanxue yanjiu, 2009.

230 Voir Shi Yaochang, 史曜菖, ibid., p. 47-77

231 Voir Lydia Liu, The Clash of Empires : The Invention of China in Modern World Making, Cambridge, Mass : Harvard University Press, 2004, p. 84.

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De fait, ce discours de Wang Fuzhi n’est pas complètement isolé. Une partie au moins des réactions anti-Qing, au moment où ceux-ci viennent d’envahir l’espace chinois, se fait bien au nom de critères ethniques, ou inclut ce type de discours233.

Revenons aux romans. Le discours critique a beaucoup sollicité les œuvres du second XVIIème siècle pour y lire des discours anti-Qing. La lecture que propose Hegel (qui est reprise plus récemment chez divers critiques) reprend cette approche, d’une manière qui ne nous semble que partiellement convaincante234. Les pièces du dossier sont les suivantes : a) le nom social de Chu Renhuo est Jiaxuan (稼軒 « Kiosque des Semences »). Ce zi fait écho à son prénom, Renhuo (⼈穫 « Récolte humaine »). Il n’est pas impossible, que ce nom renvoie à une deuxième référence. Jiaxuan, en effet, est le pseudonyme d’un auteur célèbre de poèmes des Song, Xin Qiji (⾟棄疾, 1140-1207) qui est accessoirement une figure célèbre de loyaliste, et s’est battu contre une dynastie jürchen, les ancêtres des mandchous.

b) la critique a d’autre part souligné que les représentations des barbares, (des non-Han) dans le texte, étaient le plus souvent négatives. Partant, elle a pu lire le récit de l’histoire de Hua Mulan, tel qu’il est recomposé dans le roman, comme servant un discours anti-Qing. La jeune fille, qui porte dans le texte le nom de famille Hua (華, homophone et homographe de Chine) se suicide plutôt que d’entrer dans le harem du Khan des Tujue (突厥, les gökturks). Nous revenons plus bas sur cette histoire.

Quittons cette opposition entre discours pro et anti-Qing ou manchous, et appuyons-nous sur une série de travaux récents sur la notion d’ethnie235. La présence de ces discours

233 Voir McMoran, Ian, « A Note on Loyalty in the Ming-Qing Transition », Études chinoises, vol. XIII, n° 1-2, printemps-automne 1994

234 Hegel, ibid, pp. 205-208. Le discours est repris chez Louise Edwards, « Transformation of the Woman Warrior Hua Mulan : From Defender of the Family To Servant of The State », Nan Nü (2010), pp. 187-190 et chez Martin W. Huang. «Negotiating Masculinities in Late Imperial China. Honolulu: University of Hawai’i Press, 2006, p. 121-122.

235Voir Mark C.Elliott, The Manchu Way: The Eight Banners and Ethnic Identity in Late Imperial China. Stanford : Stanford University Press, 2001. Voir son introduction, p 1 à 32, et notamment page 16 et seq. qui dresse une synthèse des débats sur la question des termes dans lesquels on définit l’identité des Qing. Lui choisit de parler en termes d’ethnie.

Voir aussi, le chapitre « Governance », William T. Rowe. The Great Qing. Cambridge, MA: The Belknap Press of Harvard University Press, 2009, p. 31-41.

anti-Qing ne doit pas masquer une évolution plus massive, et plus fondamentale, qui a lieu avec l’arrivée au pouvoir des souverains mandchous.

Les membres de l’administration sont d’abord classés selon l’ethnie à laquelle ils appartiennent. L’organisation qui est au cœur de l’administration civile et militaire de l’empire, les bannières, répartit les individus selon qu’ils sont chinois, mongols ou mandchous. Ces distinctions ethniques, sont donc omniprésentes dans l’administration ; elles se marquent dans l’espace chinois, à travers les villes tatares, réservées aux bannières, qui ségrégent, de fait, les populations selon ces critères.

Ces hommes du début des Qing sont forcés, beaucoup plus que ce n’était le cas auparavant, à penser en termes de zu, et à penser ce que doit être le bon rapport entre les ethnies (mariages, ou non, etc.). Ainsi, nous avons ici une invitation à reformuler le problème que rencontrent ces hommes : non plus être pro- ou anti-Qing, mais a) choisir de penser ou non en termes ethniques b) si oui, distinguer les bons et les mauvais modèles de cette coexistence entre plusieurs zu.

Reprenons le Sui Tang à partir de cette question. Elle y est bien présente, l’origine ethnique des différentes dynasties étant précisée dans la narration. Si l’on compare l’incipit du roman de Chu Renhuo avec le texte qu’il réécrit, soit l’ouverture des Écrits Oubliés des Sui, on s’aperçoit même que l’auteur ajoute des informations ethniques là où il n’y en avait pas. Ainsi, dans les premières lignes du récit, après avoir repris les premières phrases du texte de Yuan Yuling, et alors qu’il s’agit de donner la liste des dynasties qui ont précédé les Sui, sous les périodes des 16 Royaumes (304-439) et des dynasties du Nord et du Sud (420-589) Chu Renhuo ajoute-t-il que c’est là une période où « les cinq barbares du nord ont perturbé l’espace chinois » (wuhu luanhua. 五胡亂華) ; il désigne par ce nom manifestement les cinq dynasties d’origine non Han que sont les Cheng Han成漢(302-342), Zhao 赵 (304-329 ; 319- 352), Qin 秦 (351-395 ; 384-417), Yan 燕 (348-370 ; 384-409), et Wei Tuoba 魏拓拔 (386-534).

Nous avons là sans doute un des éléments de l’intérêt de Chu Renhuo pour la période des Sui et des Tang : c’est une période où il s’agit d’aménager des désordres ethniques qui ont perturbé l’espace chinois, dans les catégories qui sont les siennes.

Au sein du roman, nous trouvons des Wei Tuoba (拓跋魏 dont le nom signale l’origine étrangère, en l’occurrence tabghatche (xianbei鮮卑)), des Khans gökturks (突厥 Tujue). L’auteur précise que ceux-ci ont leur propre royaume, avec leurs noms de règne, et leur propre continuité légitime (zhengtong). De manière plus ponctuelle, le texte fait référence à des Tuyuhun (吐⾕渾), et des Khitans (qidan 契丹), deux ethnies proto-mongoles de l’époque des Tang.

L’œuvre retranscrit les multiples facettes des rapports entre souverains de différentes ethnies durant la période, aussi bien leurs conflits, que leurs échanges diplomatiques. Le roman nous raconte le voyage des émissaires du souverain des Tang au pays des Tujue, où s’est réfugiée l’ancienne impératrice des Sui236. Il nous montre l’alliance du khan Shibi (Shibi Kehan, 始毕可汗, 611-619) des Tujue, avec un seigneur de guerre chinois, Liu Wuzhou (劉武 周 582 ?-622 ?) qu’il trahit, puis son pacte avec le futur souverain fondateur des Tang, Li Shimin.

Voilà qui suscite dans le roman les reproches d’un personnage : n’est-ce pas là faire venir des barbares dans la plaine centrale237? Le reproche arrive trop tard, puisque les barbares sont déjà là depuis longtemps, depuis les premières lignes du roman, et les Seize royaumes.

En effet, la question qui apparaît au cœur du texte n’est pas tant celle de l’expulsion des barbares que celle des bonnes formes que doit prendre la coexistence avec eux au sein de l’espace chinois. Cette dissémination des Hu parmi les Han a deux versants dans le roman. Elle a en premier lieu une face noire qui apparaît avec An Lushan (安祿山 703-757), le rebelle qui parvient à plonger le monde impérial dans le chaos, au cours de sa révolte contre Xuanzong des Tang.

Chu Renhuo demande bien à son lecteur de comprendre cet épisode historique en termes ethniques. C’est un métèque (yizhong夷种) de Yingzhou (营州) (soit, d’ailleurs, une ville située dans le Liaoning actuel, les terres d’origine des mandchous). C’est après que la tribu (buluo部落) de An Lushan est battue et que ses membres se disséminent dans l’espace (posan破散), que le personnage funeste descend plus au Sud, dans la région de Pékin238

. Il parvient progressivement à s’infiltrer jusqu’au sommet de l’institution impériale, avec

236

Chapitre 65, ibid, yuelu shuju, p. 437.

237

Chapitre 56, ibid., p. 695

238

l’absence complète de scrupule qui le caractérise dans le roman (il entretient dans cette fiction une relation secrète avec la concubine Yang, trahissant doublement le souverain).

Au sein du Sui Tang une deuxième face de cette dissémination des barbares au sein de l’Empire est représentée. L’auteur désigne le règne de Taizong des Tang comme une période d’ordre, un moment où « les quatre orients sont stables, les rites et la musique prospèrent »239. Immédiatement ensuite, Chu Renhuo définit cette paix en termes de rapports entre les ethnies, en utilisant une anecdote qu’il tire probablement directement du Miroir complet du

gouvernement (Zizhi tongjian), puisqu’elle n’apparaît pas dans le roman sur lequel il se base

pour écrire le règne de Taizong (Tang Taizong 唐太宗, ca 600- 649)240

. Ici encore, on s’aperçoit que Chu Renhuo ajoute des informations sur les zu là où il n’y en avait pas.

Au sein de cette anecdote, Taizong ordonne au Khan Jieli (頡利可汗, Illig Qaghan mort en 634 après JC) qui est présent à sa cour de danser, et à Feng Zhidai (馮智戴, dates inconnues) un de ses fonctionnaires qui vient du Guangdong, (soit une forme de Sud exotique, sous les Tang du moins), de chanter. Taizong s’exclame en riant : « Vraiment, il est sans précédent que les Hu (barbares du Nord), et les gens de Yue (le terme désignant aussi bien les populations du Sud) se retrouvent dans la même maisonnée (jia家) »241

.

Les barbares sont de toute manière déjà là, nous annonçaient les premières lignes du roman. L’idéal qui s’esquisse ici à partir de cette idée (puisque c’est bien d’un moment de « paix aux quatre orients » qu’il s’agit sous Taizong) n’est pas du tout celui d’un espace impérial clos aux frontières ethniques marquées, à la Wang Fuzhi, mais bien plutôt celui d’une intégration heureuse de cette diversité depuis un centre, une maisonnée. Au cœur de cette demeure, il y a le souverain vertueux des Tang. Le cas de Taizong est intéressant, et peut être interprété de plusieurs manières. Chu Renhuo ne mentionne pas l’origine de sa mère (elle appartient au clan Dou (竇) c’est-à-dire une dynastie des Zhou du Nord, un des hu, de l’incipit du texte) – soit qu’il l’ignore, soit qu’il ne souhaite pas mettre ce point en valeur.

239

(四⽅平定,礼乐迭兴), chapitre 68, ibid., Yuelu shuju, p. 455.

240 L’anecdote provient du Zizhitongjian 資治通鑒 , à la septième année du règne Zhenguan, de Taizong(太 宗貞觀). Elle n’était pas en tout cas pas dans le récit sur lequel il s’appuie pour raconter le règne de Taizong (le SuiTang Liangchao zhizhuan 隋唐兩朝志傳). Pour les sources du Sui Tang, voir :

Peng Zhihui彭知晖, « Sui Tang yanyi » Cailiao Laiyuan Kaobian, », (隋唐演义”材料来源考辨, « Etude critique des sources du Sui Tang yanyi »,), Beijing huagong daxue xuebao(北京化⼯⼤学学报), 2007, n°3. Ouyang Jian, 欧阳健, Mingqing Xiaoshuo xinkao (明清⼩说新考 « Nouvelle étude des romans Ming Qing »), Beijing : Zhongguo wenlian chuban gongsi (中国⽂联出版公司), 1992, p. 353.

241

C’est une remarque plus générale : ce qu’on appellerait les Han ne sont jamais qualifiés ethniquement, que l’on utilise des termes qui ont une connotation raciale (yizhong – espèce différente) ou non (les autres zu, qui n’appartiennent pas à la chine, Hua). Ce qu’on appellerait les Han, ainsi, sont donc plutôt des non-non-Han.

Nous retrouvons la même problématique des rapports avec les yizu (les ethnies non-Han) à une deuxième échelle, celle des rapports entre les sujets de ces souverains. La manière dont Chu Renhuo réécrit cette histoire de Hua Mulan, apparaît, à cet égard, extrêmement riche.

Cette histoire trouve son origine dans un poème non daté (le mulan shi⽊蘭詩): elle y est une jeune fille qui, alors que le khan (kehan可汗) conscrit des troupes, se travestit en garçon, se substituant à un père trop âgé pour aller combattre.

Sous les Ming comme sous les Qing, dater le poème, et par conséquent déterminer à quel khan il fait référence, est un objet de débats récurrents. Ainsi, Mulan, selon les auteurs et les reprises, peut vivre et combattre sous les dynasties du Nord et du Sud, sous les Sui, voire au début des Tang, sous Taizong. C’est durant cette période d’ordre harmonieux que Chu Renhuo, quant à lui, choisit de situer ses aventures, au sein du royaume du Khan des Tujue (gökturks).

L’histoire de Mulan circule entre les époques et les souverains ; le nom de famille de ce personnage lui-même hésite entre plusieurs xing (性, autre débat qui passionne les auteurs sous les Ming)242. Ainsi, Mulan appartient-elle tour à tour aux familles Mu, Wei, Zhu, et Hua (魏, 朱,⽊, 花) ; Chu Renhuo choisit ce dernier nom de famille, Hua, qui est homographe et homophone de « Chine », on l’a vu. La version la plus fameuse des Ming de l’histoire de Mulan, L’héroïne Mulan remplace son père (Ci Mulan Tifu Congjun 雌⽊兰替⽗从军) de Xu Wei (徐渭 1521-1593) notamment, faisait le même choix.

242 Nous renvoyons ici à la recension proposée dans la thèse de Zhang Xue张雪 Mulan Gushi de wenben yanbian yu wenhuaneihan, (⽊兰故事的⽂本演变与⽂化内涵, « Contenu culturel, et évolution textuelles de l’histoire de Mulan ») Thèse de doctorat non publiée, Université Nankai南开⼤学, 2013.

Il y a deux ouvrages qui font des recensions des différentes versions de cette histoire (sans qu’il soit possible de savoir si ils sont plus exhaustif puisque nous n’avons pas pu les consulter à l’heure de clôre ce travail.)

Voir Huang Canzhang ⿈燦章, 李紹義, eds, Hua Mulan Kao 花⽊蘭考(Beijing : Zhongguo guangbo dianshi chubanshe, 1992).

Et aussi Ma Junhua ⾺俊華 et Su Lixiang 蘇麗湘 (eds,) ⽊蘭⽂獻⼤觀 (Zhengzhou : Henan Renmin Chubanshe, 1993).

Ces deux textes méritent d’être mis en parallèle puisqu’ils ont en commun d’attribuer fermement une identité ethnique à Mulan, alors que bien souvent les discours sur ce point restent flous243. Il est d’autre part extrêmement probable que Chu Renhuo soit familier de l’œuvre de Xu Wei.

Dans la pièce de théâtre de ce dernier, alors qu’elle se présente, Hua Mulan explique que ses ancêtres appartenaient à une noble famille des six commanderies sous les Hans de l’est ; leurs descendants se sont finalement déplacés dans le canton de Wei au Hebei244. L’origine que Xu Wei donne à Mulan mérite que l’on y prête attention. L’expression « liu jun

liangzi » (六郡良⼦ noble famille des six commanderies) provient probablement (directement ou non ?) de la section géographique de l’Histoire Officielle des Hans (汉书·地理志)245

. Il est précisé dans cet ouvrage que ces six comtés se situent tous à proximité de territoires barbares. Les nobles familles qui y résident, nous dit ce texte, ont donné à la dynastie moult fonctionnaires, et généraux vaillants qui l’ont défendue des barbares.

Ici, nommer Mulan « Hua », revient donc à marquer la coïncidence en un personnage, d’une dynastie, d’une ethnie, d’une famille (Mulan manifeste sa piété filiale) et d’un espace, dans un passé d’avant les Seize royaumes, alors que les barbares n’avaient pas encore pénétré le territoire chinois.

Le choix que fait Chu Renhuo apparaît exactement contraire. Mulan et sa famille (elle a dans le roman, un frère et une sœur, Youlan) ont simplement changé d’ethnie dans le Sui

Tang. La mère de Hua Mulan vient d’une famille chinoise installée dans la Plaine centrale, et

d’un père qui est issu, précise le texte, du clan des Wei Tuoba(拓拔魏) – ces mêmes barbares