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D IVERSIFICATION DES ATTRIBUTIONS REGULATRICES DU JUGE

Dans le document La fonction de juger (Page 192-200)

La judiciarisation du droit

2 – R EDEFINITION DE L ' OFFICE DU JUGE

B. D IVERSIFICATION DES ATTRIBUTIONS REGULATRICES DU JUGE

« Du juge-entraîneur on attend désormais (…) qu'il participe à la réalisation de politiques déterminées et assure, pour ce faire, le meilleur règlement des intérêts concernés. S'il lui arrive encore de trancher des différends en faisant application de la loi, on peut aussi dire que son intervention peut aussi bien se situer ailleurs qu'avant et après la décision, au sens du prononcé par "droit et sentence". Avant qu'une contestation ne se forme, le juge est investi d'une mission de prévention, de conseil, d'orientation. Après que des mesures aient été suggérées ou ordonnées, le juge reste en charge des intérêts en cause et peut, à tout moment, revenir sur des solutions qui n'ont été prises que "rebus sic stantibus". »

François Ost, « Juge-pacificateur, juge-arbitre, juge- entraîneur. Trois modèles de justice », in F. Ost, M. Van de Kerchove et P. Gérard, dir., Fonction de juger et pouvoir

judiciaire, Bruxelles, FUSL, 1983, p. 47.

417. Plus encore que l'évolution des modalités d'exercice de la justice civile, l'apparition de « nouveaux espaces de la fonction juridictionnelle » est considérée comme le phénomène capital marquant l'office du juge depuis trente ans1. Formulé

par la doctrine juridique et relayé par les sciences sociales, ce constat se fonde sur l’indéniable multiplication des figures de l'activité judiciaire. La mission traditionnelle du magistrat consiste certes toujours à trancher les litiges entre particuliers2, mais le législateur contemporain lui assigne également de nouvelles

fonctions irréductibles à la résolution juridique des différends (1). Pour s'acquitter de ces attributions aussi diverses que dispersées, les tribunaux judiciaires, qu'ils soient de droit commun ou d'exception, jouissent de nouvelles prérogatives modifiant en profondeur les représentations de la justice civile (2).

1–NOUVELLES FONCTIONS

418. Pour penser les nouvelles fonctions confiées à la justice civile, la doctrine contemporaine a réactualisé, à la suite du nouveau Code de procédure civile, l'étude de la juridiction gracieuse. Le développement de cette matière est sans doute l'un des signes les plus évidents des transformations contemporaines de l'office du juge (a). Elle ne permet cependant pas de rendre compte à elle seule d'une tendance plus générale à l'extension des attributions judiciaires (b).

1

Cornu (G.) et Foyer (J.), op. cit., p. 93.

2

La doctrine voit traditionnellement dans la résolution des litiges le premier des offices du juge. En ce sens, v. Frison-Roche (M.-A.), « Les offices du juge », préc., not. p. 466. Rappr. la thèse de d'Ambra (D.),

a – Résurgence de la juridiction gracieuse

419. Élément marginalisé mais néanmoins essentiel des représentations doctrinales de la fonction de juger au XIXe et au XXe siècles1, la juridiction

gracieuse connaît un essor certain depuis une quarantaine d'années. Bénéficiant de la multiplication des hypothèses de recours au juge dans des situations non contentieuses2, la matière gracieuse conçue comme « figure procédurale générique »3

a été consacrée par le nouveau Code de procédure civile4. Cette catégorie juridique

pluriséculaire est désormais réglementée de manière très détaillée par de nombreuses dispositions légales qui en font la théorie générale (art. 25 à 29) et en déterminent les applications particulières.

420. Articulé à la nouvelle procédure civile, l'office gracieux du juge a été redéfini par le code en son article 25. Celui-ci vise l'ensemble des hypothèses légales autorisant la saisine d'une juridiction « en l'absence de litige » afin de permettre l'exercice d'un contrôle judiciaire « en raison de la nature de l'affaire ou de la qualité du requérant ». Ces situations sont soumises à un régime d'exception qui n'exclut pas l'application des principes directeurs du procès, mais y déroge sur certains points en renforçant les pouvoirs du magistrat. L'initiative de la procédure gracieuse reste certes acquise aux parties, mais sa conduite leur échappe5

au profit d'un juge qui « règne en souverain »6 de l'instruction de l'affaire à sa conclusion : disposant de

vastes pouvoirs d'investigation (art. 27), le magistrat peut se prononcer sans débat (art. 28) sur des faits qui n'auraient pas été allégués par les demandeurs (art. 26).

421. La réglementation de l'activité gracieuse et l’examen doctrinal qui lui a fait suite7 n'ont cependant pas permis d'en clarifier tous les aspects8. D'une part, en dépit

de sa consécration par le nouveau Code de procédure civile9, le caractère

juridictionnel des actes rendus par le juge en l'absence de litige demeure objet de

1

Supra n° 199 et s.

2

En ce sens, v. Cornu (G.), « La refonte dans le Code civil français du droit des personnes et de la famille », in L'art du droit en quête de sagesse, préc., not. p. 382. V. également, du même auteur et dans le même ouvrage « La sentence en France », not. p. 181.

3

Cornu (G.) et Foyer (J.), op. cit., p. 94.

4

Aux sources du renouvellement de la matière, on trouve d'abord un travail doctrinal de fond (v. not. le commentaire de Hébraud (P.) sur la loi du 15 juillet 1944 (précité) et les appels à la réforme de la matière lancés par Solus (H.) et Perrot (R.) au début des années 1960, Traité de droit judiciaire privé, préc., Tome 1, p. 466, n° 501). Il convient par ailleurs de relever l'hybridation du nouveau Code de procédure civile par les procédures gracieuses applicables en Alsace et en Moselle (sur ce point, v. Cornu (G.), « L'élaboration du Code de procédure civile », précité, p. 245 ; rappr. Parodi (C.), op. cit., p. 39).

5

Bolard (G.), « La liberté des plaideurs dans la procédure gracieuse », D. 1976, chron. 53.

6

Bergel (J.-L.), « Juridiction gracieuse et matière contentieuse », D. 1983, chron. 168.

7

Outre l'ouvrage de Le Ninivin (D.) consacré à La juridiction gracieuse dans le nouveau Code de

procédure civile (préc.), v. les fascicules 115, 116 et 117 (Matière et procédure gracieuses, 1994) du Juris-classeur de procédure civile par Desdevises (Y.), Le Masson (J.-M.) et Le Ninivin (D.). Rappr.

Bergel (J.-L.), « La juridiction gracieuse en droit français », D. 1983, chron. 153.

8

Wiederkehr (G.), « L'évolution de la justice gracieuse », in Mélanges offerts à Pierre Drai - Le juge

entre deux millénaires, préc., p. 483.

9

Comme le remarque Cornu (G.), l'intégration des décisions gracieuses à la fonction juridictionnelle fut l'un des objectifs déclarés des auteurs du nouveau Code de procédure civile, « L'élaboration du Code de procédure civile », précité, p. 242.

controverse pour les auteurs1. D'autre part, et plus fondamentalement, les contours

de la matière gracieuse demeurent incertains2. Aux limites du noyau dur qui la

constitue - principales hypothèses légales d'homologation judiciaire3 - et de ses

extensions immédiates - affaires instruites et jugées « comme en matière gracieuse » aux termes de la loi - cette catégorie juridique peine à unifier les nouvelles attributions confiées à la justice4. Plus encore que les incertitudes grevant la frontière

du gracieux et du contentieux, celles-ci mettent à l'épreuve la pertinence de cette summa divisio doctrinale.

b – Multiplication des missions judiciaires

422. Instrumentalisé dans le cadre de réformes particulières, le juge est fréquemment utilisé par le législateur contemporain5 comme un rouage voire comme

un entraîneur de politiques déterminées6. Particulièrement sollicitée pour organiser

les intérêts privés dans les situations de crise, la justice fait non plus seulement œuvre de juridiction, mais également d'administration et de police de la vie civile7.

Certes marginale au regard de la mission traditionnelle du juge, le développement de cet office gestionnaire - indice d'un glissement « de la judicature à la magistrature »8

- infléchit les représentations savantes de la fonction de juger.

1

Contre la reconnaissance du caractère juridictionnel des décisions gracieuses, v. Bandrac (M.), « De l'acte juridictionnel, et de ceux des actes du juge qui ne le sont pas », in Mélanges offerts à Pierre Drai -

Le juge entre deux millénaires, préc., p. 171. Rappr. Couchez (G.), Procédure civile, 11e

éd., Paris, Armand Colin, 2000, p. 167.

2

Pour une présentation critique du domaine gracieux tel que défini par la loi, v. Desdevises (Y.), Le Masson (J.-M.) et Le Ninivin (D.), J.-Cl. proc. civ., fasc. 116, 1994, n° 220 à 286.

3

Sur l'homologation judiciaire, v. Amiel-Cosme, « La fonction d'homologation judiciaire », Justices, 1997, n° 5, p. 135. V. également Balensi (I.), « L'homologation judiciaire des actes juridiques », RTDCiv, 1978, p. 42 et p. 233. Rappr. Fardet (C.), « La notion d'homologation », Droits, 1999, n° 28, p. 181.

4

V. par exemple le statut juridique encore incertain de la transaction homologuée par le président du tribunal de grande instance en vertu du nouvel article 1441-4 introduit dans le Nouveau code de procédure civile par le décret n° 98-1231 du 28 décembre 1998. Sur cette question, v. Desdevises (Y.), « Les transactions homologuées : vers des contrats juridictionnalisables ? », D. 2000, chron. 284.

5

Ce mouvement est clairement identifié par Perrot (R.) dès 1976 : v. not. son rapport intitulé « Le rôle du juge dans la société moderne », présenté aux entretiens de Nanterre en septembre 1976, et reproduit dans la Gazette du Palais du 12 février 1977, doct., not. p. 96.

6

Ost (F.), « Juge-pacificateur, juge-arbitre, juge-entraîneur. Trois modèles de justice », in Ost (F.), Van de Kerchove (M.) et Gérard (Ph.), Fonction de juger et pouvoir judiciaire, Bruxelles, FUSL, 1983, not. p. 44 et s. ; du même auteur, rappr. « Jupiter, Hercule, Hermès : trois modèles du juge », in Bouretz (P.),

La force du droit…, préc., not. p. 250.

7

Le mouvement, qui s'illustre dans d'autres pays d'Europe, est fréquement mis en lumière par la doctrine. V. par exemple Perrot (R.), « Crise du juge et contentieux judiciaire civil en droit français », in Lenoble (J.), dir., La crise du juge, Bruxelles : Bruylant, Paris : LGDJ, 1996, not. pp. 40-41 (rappr. dans le même ouvrage, la contribution de Van Compernolle (J.), not. pp. 12-17). V. également Salas (D.), « Le juge dans la cité : nouveaux rôles, nouvelle légitimité », Justices, 1995, n° 2, p. 182 ; rappr. Rozès (S.), « Un profil nouveau pour les juges », in Nouveaux juges, nouveaux pouvoirs ? Mélanges en l'honneur de Roger

Perrot, préc., p. 437.

8

Cyr Cambier, « Avant-propos », in Actes des XIe

Journées d'études juridiques Jean Dabin, L'évolution

du droit judiciaire au travers des contentieux économique, social et familial. Approche comparative,

423. Dès 1964, la refonte du droit des personnes1 atteste du rôle nouveau accordé

par le législateur à la justice dans les affaires de famille. L'inspirateur de ces réformes ne s'en cache pas : « les nouvelles lois, moins légalistes que les anciennes, se sont davantage reposées sur l'action judiciaire pour assurer leur propre fonctionnement »2. Et le juge civil de se faire acteur de la vie familiale « en tous

domaine extra-patrimonial ou patrimonial, contentieux ou non contentieux »3, et

d'occuper une fonction motrice en matière de tutelle, de divorce, de changement de régime matrimonial ou encore d'adoption. La doctrine prend acte et enregistre, parfois de manière critique, ces transformations. Elle analyse le pluralisme des nouvelles attributions judiciaires4 et approfondit les évolutions organiques qui en

sont le vecteur5. Mais sur cet objet de recherche que constitue la justice de la famille,

la dogmatique juridique ne travaille pas seule : elle s'articule désormais à des recherches sociologiques permettant de mieux saisir la nature des évolutions en cours6.

424. Semblable croisement des savoirs entre le droit et les sciences sociales se développe également pour rendre compte du développement du rôle du juge dans la régulation de l'ordre marchand7. Cette hybridation disciplinaire s'impose pour mieux

saisir comment les juridictions judiciaires s'acquittent des missions toujours plus nombreuses qui leur ont été confiées sous le coup des bouleversements suscités par la crise économique8. De la défense des consommateurs1 à la protection des ménages

1

Sur cette transformation, v. l'article précité de Cornu (G.), « La refonte dans le Code civil français du droit des personnes et de la famille ». V. également la synthèse de Halpérin (J.-L.), Histoire du droit

privé…, préc., pp. 299-323 ; et pour le point de vue de l'observateur participant, Carbonnier (J.), Essais sur les loi, préc., toute la première partie.

2

Carbonnier (J.), « A chacun sa famille, à chacun son droit », dans les Essais sur les lois, préc., p. 181.

3

Labrusse-Riou (C.), « Le juge et la loi : de leurs rôles respectifs à propos du droit des personnes et de la famille », in Études offertes à René Rodière, Paris, Dalloz, 1981, p. 169.

4

V. par exemple Garapon (A.), « Rapport français », in Travaux de l'association Capitant - Tome 39,

Aspects de l'évolution récente du droit de la famille, Paris, Economica, 1988, p. 708.

5

V. par ex. Cadiet (L.), « Les métamorphoses de la juridiction familiale », in Mélanges en l'honneur de

Henry Blaise, Paris, Economica, 1995 ; Watine-Drouin (C.), « Du juge aux affaires matrimoniales au juge

aux affaires familiales », in Nouveaux juges, nouveaux pouvoirs ? Mélanges en l'honneur de Roger

Perrot, préc., p. 557.

6

Exemplaire de cette fertilisation réciproque du droit et des sciences sociales : l'ouvrage collectif dirigé par Meulders-Klein (M.T.), Familles & Justice, Bruxelles : Bruylant, Paris : LGDJ, 1997. S'y croisent les regards juridique (not. Cadiet (L.), « A la recherche du juge de la famille », p. 236) et sociologique (v. entre autre l'analyse des politiques publiques de Commaille (J.), « La justice familiale comme problème politique », p. 69, et l'analyse des transformations du lien familial à travers le prisme judiciaire par Théry (I.), « Droit, justice et "demande des familles". Réflexions sur un objet introuvable », p. 13).

7

Sur le thème des magistratures économiques, semblable rapprochement a surtout été le fruit de revues juridiques. V. notamment la RIDE, 1997, n° 2 et n° 3, et tout particulièrement dans ce dernier numéro, l'article de Rivier (M.-C.), « Le procès judiciaire », p. 263. Rappr. le premier numéro de la revue Justices (janv.-juin 1995) consacré au thème « Justice et économie ». Sur la collaboration scientifique entre économistes et juristes, v. Serbat (H.) et Alexandre-Caselli (C.), « De l'incompréhension réductible entre recherche juridique et sciences économiques », in Droit et vie des affaires. Études à la mémoire d'Alain

Sayag, Paris, Litec, 1997, p. 83.

8

Les multiples incidences de la crise économique sur le système juridique en général, et sur la justice en particulier, sont mises en lumière dans l'ouvrage collectif intitulé Droit de la crise : crise du droit ? Les

incidences de la crise économique sur l'évolution du système juridique, 5e

journées René Savatier, Poitiers, 5 et 6 octobre 1995, Paris, PUF, 1997.

surendettés2, de la police des relations professionnelles3 à la régulation du marché du

travail4, du sauvetage des entreprises défaillantes5 à la sauvegarde de l'ordre

concurrentiel6 sans oublier le contrôle des marchés boursiers7, l'emprise de la justice

sur les relations économiques s'est considérablement renforcée en quelques années8.

Relevant tour à tour de l'administration, de la réglementation et de la juridiction, ces nouvelles fonctions se caractérisent par leur fort éparpillement organique et par la diversification des prérogatives judiciaires qui les accompagnent.

2–NOUVEAUX POUVOIRS

425. Mis en adéquation avec l'évolution de ses missions, les pouvoirs du juge civil ont sensiblement évolué ces dernières années. Certaines de ses prérogatives, jusqu'alors marginales, ont été renforcées par la loi et systématisées par la doctrine. Affectant la définition même de l'office du juge, ces transformations se donnent à voir dans l'extension des formes revêtues par son imperium (1) et dans un dégradé des figures de sa jurisdictio (2).

1

V. par ex. dès le milieu des années 1970, Cornu (G.), « La protection du consommateur et l'exécution du contrat en droit français », in Travaux de l'association Henri Capitant - Tome 24, La protection des

consommateurs, Paris, Dalloz, 1975, p. 131. Plus récemment, v. Ghestin (J.), dir., Les clauses abusives dans les contrats types en France et en Europe - Actes de la table ronde du 12 décembre 1990, Paris,

LGDJ, 1991.

2

Paisant (G.), « La réforme de la procédure de traitement du surendettement par la loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions », RTDCom, 1998, p. 743. Dans la même revue, en 2001, rappr. Neuville (S.), « Le traitement planifié du surendettement. Réflexions sur la conciliation et la médiation, l'abdication et la transaction, les matières gracieuse et contentieuse », p. 31.

3

Voir l'article de Waquet (Ph.), « Le juge et l'entreprise », Dr. soc., 1996, p. 472 ; et quelques années plus tard, la contribution au titre similaire signée Lyon-Caen (G.) et publiée dans les actes du colloque du 27 novembre 1998 organisé par la Cour de cassation à l'occasion du Soixantième anniversaire de la chambre

sociale de la Cour de cassation, Paris, La documentation française, 2000, p. 89.

4

Sur ce thème, v. les diverses contributions réunies dans l'ouvrage collectif dirigé par Kerbourc'h (J.-Y.), Willmann (C.), Beauloin-Bellet (R.) et Méda (D.), Le salarié, l'entreprise, le juge et l'emploi, Paris, La documentation française, 2001. V. également Thiébault (H.), « L'employeur et le juge », Dr. soc., 1997, p. 133 ; rappr. Morvan (P.), « Le contrôle judiciaire des licenciements pour motif économique prononcés au cours d'une procédure collective », Dr. soc., 1998, p. 442.

5

De manière générale, v. sous la direction de Frison-Roche (M.-A.), Le nouveau droit des défaillances

d'entreprises, Paris, Dalloz, 1995, et notamment la contribution de Chaput (Y.), « L'office du juge dans le

traitement précoce des difficultés », p. 93. Pour un regard pessimiste sur les politiques menées par le législateur, v. Percerou (R.), « Le traitement judiciaire de la situation des entreprises en difficulté. Mythe ou possibilité réelle ? », in Le droit de l'entreprise dans ses relations externes à la fin du XXe

siècle. Mélanges en l'honneur de Claude Champaud, Paris, Dalloz, 1997, p. 507.

6

Pirovano (A.), « Justice étatique, support de l'activité économique. Un exemple : la régulation de l'ordre concurrentiel », Justices, 1995, n° 1, p. 15.,

7

V. Martin (D.) et Amiel-Morabia (S.), « L'extension du contrôle juridictionnel des marchés », RTDCom, 1996, p. 31. Rappr. Canivet (G.), « Le juge et l'autorité de marché », Rev. jur. com., 1992, n° 5, p. 185.

8

Pour une perspective générale sur la matière, V. Bézard (P.), « Le nouveau visage du juge économique et financier », in Droit et vie des affaires. Études à la mémoire d'Alain Sayag, préc., p. 147. V. également Champaud (C.), « L'idée d'une magistrature économique », Justices, 1995, n° 1, p. 61. Comp. Drai (P.), « Le monde des affaires et ses juges », Rev. jur. com., 1990, p. 329. Rappr., pour une vue d'ensemble du sujet, la thèse de Lecourt (A.), Le juge et l'économie, Pau, 2001.

a – Formes étendues de l'imperium

426. Dans sa plus large acception, la notion d'imperium désigne « l'ensemble des pouvoirs qui ont leur principe dans la détention d'une fraction de puissance publique »1. Elle recouvre à ce titre toutes les prérogatives dont disposent les magistrats en

dehors de celle qui consiste à trancher un litige de manière décisoire. L'extension des missions judiciaires, notamment de type administratif, a gonflé d'autant le domaine de cette catégorie doctrinale. En témoigne la multiplication des hypothèses de saisine d'office2 par lesquelles, en dérogation au principe édicté à l'article premier du

nouveau Code de procédure civile, l'institution judiciaire est autorisée à porter remède à des situations objectivement dangereuses en l'absence de toute demande des parties3. En témoignent également les attributs gestionnaires dévolus aux juges

dans ces situations : en matière économique4 comme en matière familiale5,

l'institution judiciaire n'est plus seulement organe de judication, mais également agent d'information, de coordination et d'autorisation.

427. L'extension de l'imperium du juge n'épargne pas le traitement du contentieux plus traditionnel. Avec l'octroi au juge de la mise en état d'un pouvoir de commandement dans l'aménagement de l'instance, l'essor des procédures dites rapides en est le signe le plus évident6

. Toutes les juridictions connaissent désormais la technique du référé7 qu'elles utilisent dans des domaines variés et selon des formes

diverses8. Significative de cette évolution, la terminologie doctrinale contemporaine

1

Cornu (G.), dir., Vocabulaire juridique, préc., V° Imperium, p. 436. Sur la notion d'imperium, rappr. Jarrosson (Ch.), « Réflexions sur l'imperium », in Études offertes à Pierre Bellet, préc., p. 245.

2

Sur ce thème, v. Martin (R.), « La saisine d'office du juge (essai sur sa signification) », JCP 1973, IV, 6316. Rappr. Normand (J.), J.-Cl. proc. civ., fasc. 150, n° 22-27.

3

A côté de l'hypothèse traditionnelle des procédures collectives (traitement des entreprises en difficultés), c'est dans le domaine de la magistrature des personnes que se sont multipliés les cas de saisine d'office du juge (protection des mineurs et des incapables majeurs), et à la jonction de ces deux matières (surendettement des particuliers).

4

V. par exemple Vidal (D.), « Le juge commissaire », in Frison-Roche (M.-A.), dir., Le nouveau droit des

défaillances d'entreprises, préc., p. 61.

5

Outre les articles consacrés à la juridiction familiale cités supra (n° 423), v. Gridel (J.-P.), « Regards sur le juge aux affaires familiales », in Le droit privé français à la fin du XXe

siècle. Études offertes à Pierre Catala, préc., p. 207.

6

Sur ces procédures, v. l'ouvrage de référence de Estoup (P.), La pratique des procédures rapides, Paris, Litec, 1998.

7

Sur les référés en général, v. Giverdon (C.), J.-Cl. proc. civ., fasc. 230 à 236. Pour une vue synthétique et évolutive de cette procédure, v. Perrot (R.), « L'évolution du référé », in Mélanges offerts à Pierre

Hébraud, préc., p. 645. Plus récemment, v. Normand (J.), « Les fonctions des référés », in Van

Compernolle (J.) et Tarzia (G.), dir., Les mesures provisoires en droit belge, français et italien. Étude de

droit comparé, Bruxelles, Bruylant, 1998, p. 73, et du même auteur, « Le juge unique et l'urgence », in

Bolze (C.) et Pédrot (Ph.), dir., Les juges uniques. Dispersion ou réorganisation du contentieux ?, Paris, Dalloz, 1996, p. 23 ; v. également Lacabarats (A.), « Le référé », in Cour de cassation, Le nouveau Code

de procédure civile : vingt ans après, préc., p. 213.

8

Pour une illustration de la bigarrure de la matière dont sont saisis les juges du référé, v. Le Foyer de Costil (H.), « Le vol d'aigle du juge des référés », in Études offertes à Pierre Bellet, préc., p. 341. Outre les traités et manuels qui traitent abondamment du sujet, les études particulières sur tel ou tel type de référé sont nombreuses. V. par exemple en droit du travail, Supiot (A.), « Les pouvoirs de la formation de référé », Dr. soc., 1986, p. 535 ; en droit commercial, Grandjean (P.), « L'évolution du référé commercial », Rev. jur. com., 1993, p. 177 ; sur le référé-provision, Couchez (G.), « Le référé-provision : mesure ou démesure ? », in Mélanges offerts à Pierre Raynaud, Paris, Dalloz / Sirey, 1985, p. 161, sur le référé-

s'est enrichie de notions nouvelles qui permettent d'ordonner cette matière en pleine

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