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Controverses scientifiques: vers une reconfiguration de l’obstétrique ? l’obstétrique ?

Chapitre 1 L’accouchement comme cas typique des transformations du champ de la santé transformations du champ de la santé

3 Controverses scientifiques: vers une reconfiguration de l’obstétrique ? l’obstétrique ?

L’obstétrique, comme d’autres champs de la médecine, est traversée par des controverses scientifiques qui concernent les surveillances et interventions à réaliser en fonction des situations et sont directement liées à la construction et à la classification des risques. Ces controverses ont tendance à prendre de l’ampleur depuis quelques années et participent à questionner le champ de l’obstétrique avec une vivacité singulièrement élevée.

Une controverse particulièrement polarisée concerne les risques de l’accouchement à domicile, et plus généralement de l’accouchement à l’extérieur de l’hôpital. Dans la revue Cochrane qu’ils ont élaborée, Olsen et Clausen (2012) évoquent un « hot debate ». Toutes

37 Cette troisième vague, c’est plus largement celle qui insiste sur la diversité des combats féministes, et l’intersection de ces combats avec plusieurs luttes (de races, de classes, etc.). Il s’agit de penser ensemble plusieurs formes de domination (concept d’intersectionnalité). Cette troisième vague est également celle des travaux et des prises de position militantes autour de la question LGBT+.

les études s’accordent pour associer l’accouchement à domicile avec moins d’interventions médicales tels que l’analgésie péridurale, le monitoring en continu, l’épisiotomie, la provocation de l’accouchement, l’accouchement instrumenté (par ventouse ou forceps) ou par césarienne (Wax et al. 2010; Janssen et al. 2009; Hutton, Reitsma, et Kaufman 2009;

Ank de Jonge et al. 2013; Birthplace in England Collaborative Group 2011; Cheyney et al.

2014; A de Jonge et al. 2009; Hutton et al. 2016). La plupart concluent également que la santé de la mère n’est pas affectée par l’accouchement à domicile (certaines montrent un risque général moindre comme celle de de Jonge (2013), ou des risques spécifiques moindres comme les hémorragies du post-partum, les infections ou les déchirures sévères (Wax et al. 2010; Janssen et al. 2009; Hutton, Reitsma, et Kaufman 2009; Ank de Jonge et al. 2013). Les débats s’inscrivent ainsi précisément autour du risque pour le fœtus et le nouveau-né quand sa mère (et son père le cas échéant) choisit l’accouchement extrahospitalier. Ce constat fait le lien avec les éléments développés dans la section précédente autour de l’importance consacrée à la préservation de la santé du fœtus.

Wax et al. (2010) concluent à un taux de mortalité néonatal triplé dans le contexte de l’accouchement extrahospitalier. Pour Evers et al. (2010), le risque de mort périnatal est plus élevé chez les femmes à bas risque qui accouchent sous la supervision d’une sage-femme, que celles à haut risque qui accouchent avec un médecin. Le collectif Birthplace in England Collaborative Group (2011) conclut que le risque de complications périnatales graves étaient uniquement plus élevé pour les primipares. Pour Janssen et al. (2009) les pourcentages de mortalité périnatale sont semblables. Chez Hutton et al. (2009), aucune différence de mortalité périnatale et néonatale ainsi que de morbidité sévère ne sont observables entre le groupe des femmes qui avaient planifié d’accoucher à domicile, et celles qui avaient planifié d’accoucher à l’hôpital. De Jonge (2009) conclue également à une absence de différence dans les deux groupes dans la mortalité et la morbidité périnatale. Hutton et al. (2016) montrent qu’il n’y a pas plus de conséquences néonatales sévères dans les accouchements extrahospitaliers.

L’ensemble des recherches sur la comparaison des risques selon le lieu d’accouchement présente des limites qui sont soulignées dans une revue Cochrane (Olsen et Clausen 2012).

Le faible nombre d’accouchements extrahospitaliers, tout comme le fait que les complications graves sont rares, rendent difficiles la production de statistiques fiables. De plus, pour des raisons éthiques, il n’est pas possible de conduire des recherches randomisées en double aveugle, considérées comme le « gold standard » (on ne peut pas assigner les femmes à un groupe d’accouchement à domicile ou d’accouchement à la maternité de manière aléatoire avant leur accouchement uniquement pour le bénéfice de la recherche), ce qui fragilise les conclusions de ces travaux. Le fait que ces recherches soient conduites dans des contextes nationaux différents, alors même que les systèmes médicaux varient, limite les possibilités de comparaison, d’autant plus que cette dimension est peu prise en compte dans les méta-analyses (de Vries et al. 2013, 226). Plusieurs études ont donc conclu sur l’impossibilité de déterminer si l’accouchement à domicile ou en maison de naissance est plus ou moins risqué qu’un accouchement en maternité, ce que reprend la revue Cochrane (Olsen et Clausen 2012). Toutefois, même les recherches qui avancent un risque de complication plus élevée, montrent que le risque de complications reste très faible en risque absolu, peu importe le lieu de naissance choisi (Wax et al. 2010; Cheyney et al.

2014; Hutton, Reitsma, et Kaufman 2009; Birthplace in England Collaborative Group 2011;

Snowden et al. 2015).

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Ces résultats de recherche ont poussé plusieurs instances reconnues, tel que Le National Institute for Health and Care Excellence (NICE) au Royaume-Uni, à déclarer que les accouchements à domicile ou en maison de naissance peuvent être considérés comme des options sûres pour les femmes (NICE 2014)38.. Le NICE recommande même aux femmes dont la grossesse est physiologique d’accoucher plutôt en dehors d’une maternité afin de se protéger des risques d’interventions (césariennes, épisiotomie, etc.) qui sont statistiquement plus nombreux en milieu hospitalier39. Toujours en Angleterre, l’association professionnelle des obstétriciens (The Royal College of Obstetricians and Gynaecologists) et celle des sages-femmes (the Royal College of Midwives) ont publié une prise de position commune qui soutient la possibilité pour les femmes d’accoucher à domicile dans les situations physiologiques: « The Royal College of Midwives (RCM) and the Royal College of Obstetricians and Gynaecologists (RCOG) support home birth for women with uncomplicated pregnancies. There is no reason why home birth should not be offered to women at low risk of complications and it may confer considerable benefits for them and their families » (RCM et RCOG 2007, 1).

L’Evidence-Based Medicine est aujourd’hui une composante centrale de la culture biomédicale. Les décisions doivent être prises en regard des hauts niveaux de preuves produits par une recherche à hauts standards. Il s’agit ainsi de standardiser la pratique de la médecine (Timmermans et Berg 2010). Les données en termes de risques qui sont ainsi générées sont conçues comme rationnelles et objectives (Skinner et Maude 2016), c’est-à-dire correspondant parfaitement à une « réalité » qu’il serait possible de capter en écartant les biais (Helman 2001). Une réponse objective pourrait ainsi être apportée pour résoudre les controverses. La standardisation par l’Evidence-Based Medicine est directement en lien avec l’accroissement d’une pensée en termes de risques et d’une volonté de contenir l’incertitude (Timmermans et Angell 2001). Des recherches en sciences sociales ont cependant mis en évidence la présence d’enjeux idéologiques dans la construction des risques médicaux par la recherche autant que dans leur utilisation (de Vries et al. 2013; de Vries et Lemmens 2006; Perrenoud 2016; Roome et al. 2016).

De Vries et al (2013)40 montrent que les recherches ne tendent presque jamais à infirmer les certitudes préexistantes des chercheurs à propos de la sûreté de l’accouchement à domicile ou en maison de naissance (voir aussi: Roome et al. 2016). Ils ont ainsi sélectionné huit études parmi les plus citées pour comprendre « comment la science à propos des lieux de naissance est produite » (p.227, ma traduction). De Vries et ses collègues montrent en particulier qu’un même résultat statistique pourra être interprété différemment par les

38 Dans le cas d’un premier accouchement, le NICE dit que les femmes doivent cependant être informées qu’un risque est augmenté pour le fœtus, mais que celui-ci reste minime, et donc que l’option d’accoucher en dehors d’un hôpital reste valable pour elles.

39 Le NICE met également en avant des coûts moindres que pour les accouchements hospitaliers, qui, même si les chercheurs se défendent dans la presse d’influencer leurs recommandations (Siddique 2014), jouent probablement un rôle.

40 Dans une autre recherche, de Vries et Lemmens (2006) montrent que les chercheurs et chercheuses ont tendance à choisir des mesures statistiques (choix du seuil, sélection d’événements graves et rares ou courants et plus bénins, etc.) qui leur permettent de prouver leurs intuitions de départ, qui sont elles-mêmes en accord avec leurs positionnements idéologiques dans un champ controversé. Ceux-ci montrent également que dans un contexte où les scientifiques ont des difficultés à obtenir des subventions d’une part, et où la pression à la publication est très forte d’autre part, un véritable marché de la publication s’est ouvert, favorisant la production de recherches biaisées, voire frauduleuses, au nom des intérêts des grands groupes industriels pharmaceutiques.

chercheuses en fonction de leurs certitudes préexistantes, qui sont elles-mêmes influencées par leurs professions respectives (médecin ou sage-femme – « profesional biais »). De plus, les recherches qui tendent à remettre en question le modèle obstétrical dominant dans un pays donné auront moins de chances d’être acceptées pour publication dans des journaux prestigieux, indépendamment de leur qualité selon les critères de l’EBM (« publication biais »). De Vries et al montrent finalement l’existence d’une critique systématiquement orientée (« critical biais »). Deux recherches très utilisées et citées par les obstétricien.ne.s41 et qui concluent que l’accouchement à domicile est plus risqué que l’accouchement en hôpital (Wax et al. 2010; Evers et al. 2010) ont fait l’objet de critiques méthodologiques beaucoup plus poussées que les six autres recherches sélectionnées par de Vries et al.

(2013) et qui démontrent que l’accouchement à domicile n’est pas plus risqué, voire moins risqué. Les auteurs de la revue Cochrane ont même demandé un retrait de l’article de Wax et al. (2010) tant les manquements méthodologiques étaient nombreux42. Cette controverse a pris encore de l’ampleur lorsque la revue Nature a rédigé un rapport pointant une nouvelle fois les problèmes méthodologiques majeurs de cette étude43. L’utilisation de ces recherches est aussi problématique selon de Vries et al. (2013), les médecins ayant tendance à avoir recours à celles qui concluent que les accouchements à domicile sont risqués, et feraient pas ou peu mention des autres. Si les auteurs ne mentionnent pas clairement sur quelles données empiriques ils se basent pour formuler cette affirmation, leur analyse est corroborée par d’autres travaux (Homer et Broom 2012). Selon de Vries et al., l’existence de telles controverses est le reflet de positionnements très polarisés. Ils reprennent un commentaire du statisticien américain Andrew Vickers qui déclare « the scientific debate about home birth has become extremely polarized and politicized. It is becoming hard to be anything but skeptical about anything but the most carefully conducted randomized trials » (de Vries et al.

2013, 233)44.

Ces controverses ne concernent pas uniquement l’accouchement à domicile. De nombreux travaux ont montré comment des outils massivement diffusés dans les suivis d’accouchements de routine seraient inefficaces ou délétères, sans que leurs démonstrations ne permettent une transformation des pratiques. J’en liste ici quelques-unes.

En fin de grossesse, des échographiques sont couramment réalisées pour estimer le poids fœtal. En cas de diagnostic de macrosomie (bébé d’un poids trop élevé), une décision de provoquer l’accouchement ou de réaliser une césarienne peut être prise. Cheng et al. (2015) démontrent cependant que cette estimation ne devrait pas être réalisée de manière systématique en l’absence d’indications médicales puisqu’elle produit de nombreux faux-positifs45 et donc des interventions superflues46.

41 C’est aussi le cas sur mon terrain de recherche.

42 “Editor’s comment,” American Journal of Obstetrics & Gynecology 204, no. 4 (April 2011): e20.

43 http://www.nature.com/news/2011/110318/full/news.2011.162.html, consulté le 2 avril 2016.

44 Le commentaire complet de Vickers peut être consulté à cette adresse : www.nature.com/news/2011/11-318/full/news.2011.162.html (consultée le 4 février 2016).

45 Dans ce contexte, le faux-positif est relatif à une situation dans laquelle les médecins concluent à une macrosomie (sur la base de formules mathématiques basées sur les mesures effectuées par échographie), alors que le bébé est de poids normal. L’estimation du poids fœtal par échographie (comme d’ailleurs par palpation) est considérée comme peu fiable puisque ces situations se produisent fréquemment.

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Le monitoring fœtal capte le rythme cardiaque du fœtus en plus des contractions utérines qu’il met en regard en temps réel afin de détecter une éventuelle souffrance fœtale. Son utilisation continue s’est diffusée et systématisée dans le but de diminuer la mortalité périnatale et d’éviter des séquelles neurologiques chez le fœtus dans le cas d’une mauvaise oxygénation (paralysie cérébrale) (Allcock, Griffiths, et Penketh 2008). Pour Sartwelle et Johnston (2015), l’utilisation systématique de cet outil devrait cependant être abandonnée puisqu’en quarante ans d’utilisation il n’aurait pas permis d’éradiquer les paralysies cérébrales, tout en ayant contribué à la rapide augmentation des taux de césariennes du fait de très fréquents faux positifs. Une conclusion partagée par d’autres chercheurs (Torres, De Vries, et Low 2014; Allcock, Griffiths, et Penketh 2008; Alfirevic, Devane, et Gyte 2013) qui recommandent de ne plus l’utiliser en continu pour les accouchements à bas risque.

Le partogramme est un outil largement utilisé à travers le monde et est préconisé par l’Organisation mondiale de la santé pour tous les accouchements (WHO 1994). Il s’agit généralement d’une feuille cartonnée qui se déplie en plusieurs volets et sur laquelle la sage-femme reporte l’avancée de la dilatation dans le temps, la position du fœtus, ainsi que des éléments de surveillance (tension, température, etc.) ou d’intervention (rupture de la poche des eaux, etc.). A ma connaissance, le partogramme est utilisé partout en Europe, y compris dans les accouchements extrahospitaliers. Les auteurs d’une revue Cochrane de 2008 concluent cependant, après avoir effectué une méta-analyse de cinq études randomisées (ou quasi randomisées) qui comparent l’utilisation ou la non utilisation du partogramme, qu’ils ne sont pas en mesure de « recommander l'utilisation systématique du partogramme dans la prise en charge et les soins standards du travail »47. Par ailleurs, la courbe de Friedman qui est utilisée dans le partogramme, est de plus en plus remise en question. Développée dans les années 1950 par le gynécologue-obstétricien américain Emanuel Friedman, elle consiste à établir une courbe de dilatation normale pour mieux la distinguer d’un rythme anormal qui pourrait risquer d’induire des complications (Friedman 1954). Une dilatation qui s’éloigne trop de ce rythme défini conduira à des interventions, et à une césarienne le cas échéant. La standardisation d’un rythme de dilatation régulier tend cependant à être remis en cause par les recherches récentes (Laughon et al. 2012).

Ces exemples illustrent ainsi le fait qu’au sein du champ il existe des discussions, des controverses sur la qualification et la prise en charge des risques, mais que les données qui ne vont pas dans le sens des pratiques professionnelles et du dispositif en place sont moins à même d’être transformées en pratiques que celles qui vont dans le sens du modèle déjà en place (Downe 2004; Perrenoud 2014; Carricaburu 2010; Maffi 2016). Plus généralement, comme Latour l’a montré, de nouvelles évidences scientifiques ne sont pas incorporées mécaniquement dans les pratiques (Latour, Woolgar, et Biezunski 2008). La question des usages est capitale à prendre en compte pour penser l’innovation et l’implémentation de l’innovation.

46 Les auteurs montrent qu’aux Etats-Unis, parmi les nouveaux-nés qui sont déclarés macrosomes, c’est-à-dire d’un poids de naissance estimé supérieur à quatre kilos, les professionnel.le.s réaliseront à la naissance que quatre sur cinq sont en fait de poids dit « normal ».

47 Source : http://apps.who.int/rhl/pregnancy_childbirth/childbirth/routine_care/cd005461/fr/index.html (consulté le 1er septembre 2016). Ce document a été intégré à la bibliothèque de l’OMS : http://apps.who.int/rhl/pregnancy_childbirth/childbirth/routine_care/cd005461_sonibl_com/fr/ (consulté le 1er septembre 2016)

Des travaux en sciences sociales ont analysé la présence de différents mécanismes, et ont notamment établi un lien entre les habiletés professionnelles. Perrenoud (2014) montre la difficulté de désapprendre une pratique, par exemple l’épisiotomie. Carricaburu (2010) analyse au contraire la perte d’habiletés autour des accouchements podaliques48 qui limitent un retour en arrière (des recherches ayant démontré que pour de nombreux cas, un accouchement par le siège est une meilleure solution qu’une césarienne, contrairement aux résultats de recherche précédents). Des travaux mettent aussi en avant l’organisation des services de santé, et notamment les « conditions matérielles » spécifiques de ceux-ci à un moment t (disponibilité du personnel, accès aux machines, etc.) comme facteur qui influence les pratiques, par exemple en matière de césarienne (Carricaburu 2005, 2007).

Les différents travaux cités dans cette section insistent sur ce qui constitue une quasi évidence pour les chercheuses et chercheurs en sciences sociales, qui a notamment été construite par Latour dans ses premiers travaux : la production de la science, comme son application, n’échappent pas à des processus de construction sociale (Latour et Woolgar 1979). De plus, les travaux de Foucault ont insisté sur le fait que la production du savoir comme « entreprise de vérité » est un enjeu politique et de pouvoir. Certaines formes de savoirs se diffusent ainsi de manière plus efficaces que d’autres – ce qui est typiquement le cas actuellement pour le savoir scientifique. Je vais ainsi analyser – à travers les discours et les pratiques – les productions quotidiennes de savoirs, notamment autour des risques, en tant qu’entreprises de vérités concurrentes.

Je l’ai montré, il existe des controverses scientifiques autour de l’accouchement à domicile versus à l’hôpital, qui sont diffusées ces dernières années par la communauté scientifique elle-même, y compris dans des journaux de référence comme Nature. Un mouvement récent de reconnaissance croissante par les services de santé « mainstream » (Malacrida et Boulton 2014, 42) des effets iatrogènes, c’est-à-dire des effets pervers créés par la médicalisation de la naissance est mis en évidence par différentes études (O’Connell et Downe 2009). La question du coût (excessif) actuel de la prise en charge des accouchements est aussi pointé du doigt et articulé en faveur de prises en charge alternatives telles que les maisons de naissance, les unités physiologiques, etc. (Coxon, Sandall, et Fulop 2014). Cela se cristallise particulièrement, et est diffusé par la presse, autour de l’augmentation des taux de césariennes (McCarty 2016; Almendrala 2015). Des représentantes de l’Organisation mondiale de la santé évoquent une « épidémie de césariennes » qu’il serait urgent de comprendre et de réguler, une formulation qui a été reprise en titre par plusieurs journaux à travers le monde49. Des chercheurs ont récemment confirmé les recommandations de l’OMS de ne pas dépasser les 10 à 15 % de césarienne (au risque d’être iatrogène) (Ye et al. 2014). D’autres travaux ont mis en évidence le fait que des taux de césariennes élevés sont associés à des niveaux de mortalité infantile plus importants (Xie et al. 2015). Des évidences à propos des risques à long terme pour l’enfant (maladies chroniques) provoqués par les césariennes sont de plus en plus présents dans la littérature (Hyde et Modi 2012; Sevelsted et al. 2014). D’autres recherches démontrent également que les réadmissions à l’hôpital sont plus fréquentes pour les femmes qui ont accouché par césarienne plutôt que par voie basse (Liu et al. 2005; E. Declercq et al. 2007).

48 Les fœtus se présentent le plus souvent par la tête (présentation céphalique). Lorsqu’ils se présentent par le siège, les professionnelles parlent d’une présentation podalique.

49 WHO: Avoid The 'Caesarean Epidemic' » pour News Everyday, un journal américain (Kumar 2015),

« L'OMS veut lutter contre la «culture de la césarienne » pour La Tribune de Genève du 10.04.2015

36 L’accouchement comme cas typique des transformations du champ de la santé

En Suisse, la conseillère aux Etats et sage-femme Liliane Maury Pasquier a déposé un postulat auprès du Conseil Fédéral pour dénoncer l’augmentation des taux de césariennes en Suisse et demander que des études soient entreprises. Un rapport de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) a été publié en réponse à son postulat (Hanselmann and von Greyerz 2013). Les chercheurs appellent à plus de recherches pour analyser les différences statistiques de taux de césariennes entre cantons et entre hôpitaux qui laissent entrevoir que cette augmentation ne s’explique pas uniquement par un changement de la population des femmes qui seraient plus à risques car porteuses de davantage de comorbidités50. Les auteurs indiquent une piste liée à l’augmentation des taux de césariennes : celle d’une surutilisation des « indications relatives » pour justifier une césarienne (qui consiste en « une pesée des risques médicaux d’un accouchement par voie basse par rapport à une césarienne ») qui représenteraient 90 % des situations51 : « Les discussions internationales

En Suisse, la conseillère aux Etats et sage-femme Liliane Maury Pasquier a déposé un postulat auprès du Conseil Fédéral pour dénoncer l’augmentation des taux de césariennes en Suisse et demander que des études soient entreprises. Un rapport de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) a été publié en réponse à son postulat (Hanselmann and von Greyerz 2013). Les chercheurs appellent à plus de recherches pour analyser les différences statistiques de taux de césariennes entre cantons et entre hôpitaux qui laissent entrevoir que cette augmentation ne s’explique pas uniquement par un changement de la population des femmes qui seraient plus à risques car porteuses de davantage de comorbidités50. Les auteurs indiquent une piste liée à l’augmentation des taux de césariennes : celle d’une surutilisation des « indications relatives » pour justifier une césarienne (qui consiste en « une pesée des risques médicaux d’un accouchement par voie basse par rapport à une césarienne ») qui représenteraient 90 % des situations51 : « Les discussions internationales

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