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L’approche socio-culturelle des risques : articuler le niveau structurel et individuel structurel et individuel

Chapitre 2 Gouverner l’accouchement par le risque

1 Approche théorique et concepts

1.2. L’approche socio-culturelle des risques : articuler le niveau structurel et individuel structurel et individuel

Dans cette thèse je m’intéresse aux modalités de prises en charge de l'accouchement qui sont directement en rapport avec la construction des savoirs sur la naissance, et en particulier ceux qui concernent la formation, la catégorisation et la classification52 des risques et des pratiques associées (surveillance et intervention). Je vais définir ici la perspective adoptée pour capter ces processus.

Lupton (2013b) soutient que l'approche « technico-scientifique » (ou « techno-rationnelle ») représente le modèle hégémonique du risque aujourd’hui. C'est typiquement celle adoptée

52 La classification des risques fait référence à la manière dont les actrices attribuent des valeurs d’importance aux risques (elles les pondèrent) et en cela les distribuent sur une échelle entre bas et haut risques. La catégorisation des risques est le processus de désignation et de caractérisation d’un risque spécifique, en le nommant et en lui attribuant une ou plusieurs catégories (par exemple risque pour le fœtus ou pour la parturiente).

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par la perspective biomédicale qui considère que l'épidémiologie permet de transformer des incertitudes insaisissables en des données chiffrées (probabilités) (Berlivet 2001) et d'en déduire une prise en charge adaptée. Les risques sont considérés comme objectifs et peuvent être prédits et contrôlés par la science. La proposition de Lupton, inspirée des travaux de Mary Douglas, est d’adopter une approche socio-culturelle du risque qui considère que les risques sont des produits sociaux façonnés par les normes et les valeurs (Lupton et Tulloch 2002b). Pour Ewald (1996), le fait qu’un danger soit construit comme un risque est un processus social : « en soi, rien n’est un risque, il n’y a pas de risque dans la réalité. Inversement, tout peut être un risque ; tout dépend de la façon dont on analyse le danger, considère l’événement » (p.135). Pour Le Breton (2010b), la sociologue ne doit

« pas se laisser intimider devant une médecine qui prétend dire la vérité du corps ou de la maladie (…) le culturel n’est pas le privilège des traditions rurales du Bocage, il est aussi au cœur de la pensée médicale, et des pratiques ou des institutions qu’elle génère » (p.40).

Plus loin dans son ouvrage il invite à se distancier d’une vision positiviste de la science médicale, que les chercheurs et chercheuses en sciences sociales ont parfois de la difficulté à abandonner : « il semble que de nombreux chercheurs s’arrêtent au seuil de nos sociétés, cessant d’y voir l’exercice de l’efficacité symbolique pour ne plus percevoir qu’une

‘objectivité’ de l’efficacité médicale. Comme si la culture n’existait plus s’agissant de nos sociétés occidentales, la rationalité ayant rendu vaine sa présence » (p.75).

L’approche constructiviste, et plus spécifiquement socio-culturelle, que j'adopte dans la thèse s'attache ainsi à analyser les modalités de production du risque comme une entreprise culturelle et donc historiquement et géographiquement située (Douglas 1982, 1992; Lupton 2013b; Tulloch et Lupton 2003; Zinn 2008, 2006). Il s’agit de regarder la fabrication de la médecine et du savoir médical au quotidien comme une fabrication itérative menée dans une variété de lieux (notamment institutionnels) et par une variété d’acteurs qui prétendent à la vérité; une vérité qui se diffuse à de nombreux autres individus qui participent eux-mêmes de sa transmission (Foucault 2008). L’idée est d'analyser ce que ces entreprises de vérité produisent et non pas seulement de comprendre comment elles réprouvent et encadrent la liberté, c’est en effet cela qui rend leur maintien possible : « ce qui fait que le pouvoir tient, qu’on l’accepte, mais c’est tout simplement qu’il ne pèse pas seulement comme une puissance qui dit non, mais qu’en fait il traverse, il produit les choses, il induit du plaisir, il forme du savoir, il produit du discours » (Foucault 1994b; cité par: Beaulieu 2005, 65).

L’omniprésence du concept de risque peut être vue comme une manière « d’organiser la vie », et dans le cas qui nous intéresse, la naissance. Comme l’écrit Foucault (1985) :

« former des concepts, c'est une manière de vivre et non de tuer la vie ; c'est une façon de vivre dans une relative mobilité et non pas une tentative pour immobiliser la vie » (p.13). Le risque est ainsi conçu comme « une manière de se représenter des évènements pour qu'ils soient gouvernables avec des techniques particulières et à des fins particulières » (Dean 1999, 131; cité par: Chantraine et Cauchie 2006). La domination du risque comme prisme de mise en ordre des pratiques et de cohésion sociale (Tulloch et Lupton 2003) peut être à la fois contraignant (puisqu'il y a une action de normalisation, voire de disciplinarisation), et habilitant en ouvrant un champ d'action à l'individu (c’est l’idée de subjectivation) (Laborier et Lacoumes 2005). La conscience du risque est devenue une partie intégrante des subjectivités individuelles (Lupton 2012b; Chadwick et Foster 2014). Lupton (2013b) a toutefois insisté sur l’importance de restituer la diversité des chemins empruntés par les acteurs pour comprendre et agir avec le risque. Le risque n’est donc pas a priori négatif pour

les individus. La prise de risque par exemple peut aussi être recherchée par certains (Tulloch et Lupton 2003; Lupton et Tulloch 2002a, 2002b; Le Breton 2012; Lyng 2004).

Dans les travaux que j’ai cités, la production du savoir, et notamment le savoir médical sur le risque, est intrinsèquement moral et politique: « Le langage de la médecine n’est pas un simple miroir du monde empirique. C’est un riche langage culturel, lié à une vision extrêmement spécialisée de la réalité et du système des relations sociales, qui dans le traitement médical, associe les grandes questions morales à des fonctions techniques plus évidentes. » (Good 1994, 32; cité par: Perrenoud 2016). Pour Gilbert (1992), la construction du risque comprend un aspect émotionnel, il est en lien avec les « peurs » : « le risque n’est rien d’autre que le travail de la société par lequel des peurs et des inquiétudes sont rendues perceptibles par une entreprise de domestication, de réduction continue de l’incertitude, de nomination du danger » (cité par Carricaburu 2007, 127). Scamell (2014) insiste quant à elle sur le fait que le concept de risque constitue un instrument en faveur d’une « discipline morale » dans le contexte de la naissance: « Risk in the context of contemporary childbirth can be seen to operate more as a moral discipline, than a scientific calculation of probability » (p.921). En ce sens il est davantage relatif à une entreprise politique qu’il est

« neutre », contrairement à la perspective revendiquée par les sciences médicales. Le risque est politique.

Déterminer comment le risque est construit, les états et les pratiques considérées comme risquées ou non, ou plus ou moins risquées, constituent des analyses précieuses et riches sur les normes et les valeurs d’une société : « les formes de dangers pointées renvoient en profondeur aux modes de vie, aux valeurs collectives, elles reflètent une morale en acte, une vision du monde » c’est en ce sens que « la mesure objective du risque est une fiction politique et sociale » (Le Breton 2010b, 94). Dans le contexte de l’accouchement, cela renvoie notamment à la place du fœtus/bébé, au corps féminin, à l’articulation professionnelles/profanes, à la mort, etc.

Dans la pensée de Foucault, pouvoir et savoir fonctionnent ensemble. Pour celui-ci, le savoir

« se réfère à toutes les procédures et à tous les effets de connaissance qui sont acceptables à un moment donné et dans un domaine défini » et le pouvoir « ne fait rien d’autre que recouvrir toute une série de mécanismes particuliers, définissables et définis, qui semblent susceptibles d’induire des comportements ou des discours » (Foucault 1978, 49). Savoir et pouvoir sont indissociables: « la vérité53 est liée circulairement à des systèmes de pouvoir qui la produisent et la soutiennent, et à des effets de pouvoir qu’elle induit et qui la reconduisent » (Foucault 2001a, 160). Certaines formes de savoirs font ainsi plus autorité que d’autres (Douglas 1992; Skinner et Maude 2016), ce qui permet d’articuler en partie les écrits de Jordan (1997) sur les « savoirs faisant autorité » [« authoritative knowledges »].

Pour Le Breton (2010b), la médecine fonctionne comme entreprise de « monopole de la vérité sur le corps » (p.39). Ce qui m’intéresse dans ce regard, c’est avant tout la possibilité d’analyser comment cette vérité est produite et ce qu’elle a comme effets.

Je précise que cette thèse n’a pas pour objet d’analyser la production des recherches médicales et celles des guidelines internationaux / nationaux, mais plutôt la production du savoir au niveau local (qui passe aussi par des négociations opérées autour de l'utilisation

53 La vérité est elle-même définie comme « l’ensemble des procédures qui permettent à chaque instant et à chacun de prononcer des énoncés qui seront considérés comme vrais » (Foucault 2001c, 407).

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des recherches). Pour Foucault (2001c, 408), la production du savoir n'est pas l'apanage de la science, mais est réalisée par une pluralité d'individus et d'institutions qui par leur position et d’autres propriétés spécifiques, prétendent à la vérité et la diffusent efficacement.

J'analyserai quels savoirs sont mobilisés pour construire les risques et pour classer les accouchements entre bas et haut risque, et quelles sont les pratiques qui en découlent. Les formes de résistances seront aussi investiguées, qui prennent par exemple la forme de l’accouchement à domicile (bien que déterminer s’il constitue une résistance devra faire l’objet d’une analyse en soi), ou qui peuvent survenir dans l’hôpital. Foucault (2001c) précise d’ailleurs que les relations de pouvoir « suscitent nécessairement, appellent à chaque instant, ouvrent la possibilité à une résistance » et que ce qu’il essaie « de faire apparaître » c’est une forme « d’agitation perpétuelle » plutôt que « la domination morne et stable d’un appareil uniformisant » (p.407).

Le fait d’adopter une approche constructiviste ne me conduit pas à nier l’existence de dangers autour de l’accouchement et l’expérience que peuvent en faire certaines femmes et certaines professionnel.le.s, en particulier dans les pays où les systèmes de santé sont peu développés et dans lesquels les femmes sont globalement en moins bonne santé. Cette approche constitue avant tout une posture épistémologique et une démarche heuristique : elle est féconde pour découvrir d’autres aspects du risque et de ses effets. Rien n’est conçu comme naturel, allant de soi, captable en lui-même comme une vérité objective, amorale et apolitique, qui pourrait s’exprimer avant et en dehors des structures sociales et des individus.

Je n’adopte pas une perspective qui ne s’intéresse pas à la réalité, comme dans le relativisme, mais qui considère que la réalité est sociale et qu’elle a une histoire (E. Fassin 2010a). Ce qui m’intéresse c’est la manière dont on définit ce qui est un risque, comment on le considère comme grave ou accessoire, comment on agit en fonction de celui-ci, et en quoi ces pratiques fondent le risque, le fabriquent. Il s’agit de ne pas naturaliser le risque. Celui-ci est en ce sens un « objet virtuel » [virtual object] :

The problem of risk is that it does not exist without representation. By definition, there is no unmediated risk…Its presence is thus always necessarily deferred. Risk is a potential coming-into-being, a becoming-real…the virtual object is not a hypothetical entity; it is real in the sense that it engenders reality, yet at the same time it is not ‘material’…the virtual object is being revealed and ordered by…discursive practices and techniques. (Van Loon 2002, 54;

cité par: Coxon 2014).

Le risque est impalpable, il renvoie à un événement futur possible. En revanche, ce qui est ancré dans le présent c’est d'une part le phénomène de production du risque, et d'autre part l’effet que cette production a sur les pratiques (Scamell 2011; Heyman et al. 2009). Dans la perspective adoptée ici ce sont les discours et les pratiques, notamment de catégorisation, qui font le risque.

Mon projet n’est pas de décrire comment les professionnelles et les parturientes s’approprient et font avec les risques, dans un rapport rationnel ou irrationnel à ceux-ci. Par ailleurs, Il s’agit moins d’analyser comment la perception des risques est médiatisée par des processus sociaux et culturels (Coxon 2014)) que de restituer les rapports aux risques et leurs diversités comme modes de construction des risques. Dans les parties empiriques, j’ai cependant parfois utilisé cette clé lecture sur le risque puisqu'à ce moment-là, il constituait un outil utile pour les descriptions et l'analyse des discours et des pratiques. Ces deux approches ne sont pas inconciliables (Coxon et al. 2016).

En ce qui concerne finalement l’opérationnalisation de l’approche socio-culturelle des risques que j’utilise dans ce travail, Lupton a insisté sur l’importance de faire tenir ensemble l’aspect politique et structurel – macro – de la construction des risques (Douglas 1982), et l’aspect micro en explorant les modalités quotidiennes d’élaboration des risques et les expériences vécues par les individus (Lupton 2013b). L’approche socio-culturelle permet ainsi d’articuler une approche compréhensive et interactionniste avec l’approche foucaldienne et un concept comme le gouvernement. Lupton a réalisé ce projet dans plusieurs recherches (Lupton et Tulloch 2002a, 2002b; Lupton 2011) qui ont contribué à inspirer une partie des travaux que j’ai mentionnés en revue de la littérature. Dans mon travail, je m'efforcerai ainsi de documenter et d'analyser conjointement les interactions et les vécus individuels autour du risque, donc les « espaces ordinaires de soin » (Meidani, Legrand, et Jacques 2015) et les structures dans lesquelles les discours et les pratiques se déploient (culturelles mais aussi très concrètes telles que les réglementations cantonales qui encadrent les professions de médecin et de sage-femme, les structures existantes pour prendre en charge les naissances et leur prise en charge par l’assurance maladie, les protocoles qui régissent les pratiques, l'organisation du travail à l'hôpital et en dehors, etc.).

En cela, la sociologie du travail et des organisations sera particulièrement utile. Il s’agira de mettre en évidence les régulations sociales de l’activité (Reynaud 1988, 1997), et en particulier d’étudier comment l’activité est standardisée à travers des procédures, ou laissée à l’appréciation des professionnelles, dans le contexte d’organisations qui sont amenées à construire le risque et le gérer (Bourrier et Bieder 2013; Amalberti 2012, 2009a). Il faudra prendre soin également de s’intéresser aux pratiques à la marge des règles formelles, du

« prescrit », qui révèlent souvent des jeux d’acteurs fondamentaux (de Terssac 2012; 1992;

Bourrier 1999), marquent l’expertise et l’imagination des professionnelles et la vitalité de l’organisation (Dodier 1995), révèlent les contraintes du système (qui nécessitent ainsi des ajustements), et peuvent parfois rendre visible des dérives de l’organisation (Vaughan 1996, 2001). En adoptant une perspective interactionniste, les « situations de travail » (Strauss et al. 1985; Weick 1993, 1990) spécifiques seront particulièrement utilisées pour analyser en quoi la construction du risque et les décisions qui sont prises pendant l’accouchement en sont dépendantes.

Calvez (2014) regrette que les recherches en sociologie de la santé s'intéressent trop souvent aux professionnel.le.s et pas suffisamment aux patient.e.s ou usagers et usagères, tandis que Coxon et al. (2016) soulignent que dans le champ de la grossesse et de l'accouchement, c'est surtout le point de vue des femmes qui est analysé. Dans ma thèse, je ne me suis pas exclusivement concentrée sur une catégorie d’acteurs et d’actrices, l'intérêt étant de comparer et faire dialoguer les différentes perspectives (des médecins, des sages-femmes, des femmes et de leurs conjoints le cas échéant, voire des fœtus) et les différents dispositifs (sociotechniques, organisationnels, etc.)54.

Pour conclure, il s’agira dans cette thèse d’analyser la construction du risque et la prise en charge de l’accouchement « en acte » (Paillet 2007), c’est-à-dire comment celle-ci se fait au quotidien dans différents lieux par des professionnel.le.s et des parturientes, en sachant que je m’intéresse à un moment précis, celui de l’accouchement, qui s’inscrit dans une

54 Pour autant, les parturientes et les sages-femmes sont les catégories d’actrices les plus présentes dans mes données et analyses. Ce sont en effet celles-ci qui sont au cœur des pratiques autour de l’accouchement, surtout quand celui-ci est normal. Des travaux ultérieurs pourraient se concentrer sur les pères, qui sont encore très peu inclus dans les recherches, voire sur les fœtus.

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temporalité courte – de quelques heures à deux ou trois jours maximum. C’est en cela que la perspective interactionniste est utile : il s’agit de comprendre comment le risque est produit par les professionnelles (et dans une moindre mesure les parturientes) en situation, dans un processus de co-construction du sens. Karl Weick a montré comment le « sensemaking », c’est-à-dire l’élaboration (collective) du sens, est fondamentale pour étudier les organisations (Weick et Roberts 1993; Weick 2003, 2001, 1993). Celui-ci est continu puisque « la vie sociale doit se comprendre comme un processus continu de communication, d’interprétation et d’adaptations mutuelles » (Koenig 2003, 19). Cette élaboration du sens, se fait à la fois à travers les règles prescrites, et les interactions quotidiennes (Weick 1993).

De la même manière, les processus de décision, je le montrerai, sont ainsi déterminés par les dispositifs (je fais référence notamment aux protocoles institutionnels, à l’organisation prévue du travail), mais le sont aussi dans les « relations de face à face » ordinaires et quotidiennes. Comme l’écrit Goffman : « une grande partie du travail des organisations – prises de décision, transmission d’information, coordination étroite des tâches physiques – est accomplie en situation de face à face [et] exige ce mode de réalisation » (Goffman 1988, 206; cité par: Grosjean et Lacoste 2005, 23). Dans mon cas, les décisions sont prises en situation, parfois dans un contexte d’urgence, mais toujours dans un temps relativement court, je l’ai dit. Cependant ces décisions s’inscrivent dans un contexte donné qui participe à les structurer, et qui a été déterminé avant que ces décisions se prennent (c’est le cas par exemple des procédures, mais aussi des processus de socialisation vécus par les professionnelles et les parturientes, les expériences précédentes qu’elles ont vécues, etc.).

La question du pourquoi médicaliser et utiliser le risque (par exemple comme mode de domination) ne constitue pas l’angle d’analyse de la thèse. Restituer la position dévelopée par Panese et Barras permet de mieux situer mon projet. A leur suite, je considère que le terme de médicalisation est moins utile « comme conclusion de l’analyse, mais en tant que son point de départ, qui doit s’attacher à comprendre comment, pourquoi, et avec quels effets les diverses mutations observées ont pu avoir lieu (…) c’est éviter de dénoncer en soi une extension supposée implacable de la médecine au-delà de limites dont on peine à fixer les repères initiaux qui correspondraient à un état ‘pré-médicalisé’ de l’individu et du collectif » (Panese et Barras 2008, 22).

Le terme de médicalisation doit d’ailleurs être manié avec soin et de manière précise.

Panese et Barras mettent en garde les chercheuses et chercheurs par rapport à leur utilisation de ce terme qui a tendance à devenir un « concept-valise » qui est utilisé de manière similaire pour remplir des projets différents : « il renvoie à des signifiés et à des contextes très divers souvent de manière enchevêtrée et ambivalente : constat critique de la situation contemporaine des relations entre médecine et société ; outils analytique des sciences sociales et humaines de la santé ; phénomène historique [etc.]» (Panese et Barras 2008, 22).

J’utiliserai le terme de médicalisation de la grossesse et de l’accouchement pour faire référence à un processus historique qui s’est produit et dont les pratiques actuelles ne s’affranchissent pas. Médecins et sages-femmes ont acquis un monopole complet et durable sur la prise en charge des grossesses et des accouchements. J’utiliserai les termes de

« prise en charge médicale » ou de « prise en charge médico-technique » des accouchements pour faire référence aux pratiques de surveillance et d’interventions qui ont cours aujourd’hui de manière différente selon les contextes. Dans la mesure où l’on ne se dégage jamais de la médicalisation en Suisse, parler de « démédicalisation » pour évoquer

la pratique des accouchements à domicile ou en maison de naissance par exemple fait ainsi peu de sens, bien que les femmes, les professionnelles, voire les médias ont tendance à utiliser ce terme. Si l’on suit le raisonnement de Foucault, ce constat s’applique à de nombreux autres domaines de la vie qui ont connu un processus de médicalisation. Il écrit

la pratique des accouchements à domicile ou en maison de naissance par exemple fait ainsi peu de sens, bien que les femmes, les professionnelles, voire les médias ont tendance à utiliser ce terme. Si l’on suit le raisonnement de Foucault, ce constat s’applique à de nombreux autres domaines de la vie qui ont connu un processus de médicalisation. Il écrit

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