• Aucun résultat trouvé

Les coûts et leur contrôlabilité

Ecart sur quantité

2.2.2. Les coûts et leur contrôlabilité

Nous l’avons déjà maintes fois souligné, puisqu’ils font partie intégrante du système de comptabilité de gestion, les coûts doivent non seulement refléter une information comptable destinée à alimenter en données le système d’information général de l’entreprise, mais doivent aussi aider à la prise de décision et donc permettre l’action au sein de l’entreprise : conceptuellement, un coût ne devient utile au système de comptabilité de gestion que s’il est possible d’agir sur lui, donc s’il est contrôlable. De ce fait, l’ensemble des coûts qui traversent la vie de l’entreprise peut être utilement réparti entre coûts contrôlables et coûts non contrôlables.

2.2.2.1. Les coûts contrôlables

Conceptuellement, les coûts contrôlables, en tout ou en partie, sont des coûts qui dépendent, en totalité ou partiellement seulement, du pouvoir de décision et d’action d’un responsable ou d’un groupe de responsables clairement identifié au sein de l’entreprise.

Les coûts contrôlables sont donc indubitablement associés à un « centre de responsabilités » 97, présent

de manière formelle ou informelle dans l’organisation générale de l’entreprise : lorsqu'ils sont officiellement reconnus et légitimés par la structure de pouvoir de l'entreprise, ces centres de responsabilité sont souvent intégrés dans la structure organisationnelle formelle de l'entreprise et ils revêtent alors officiellement le statut de "Département", de "Service", de "Business Unit" ou autre vocable de ce type, qui trahit souvent la conception organisationnelle qui sous-tend la culture de l'entreprise. Toutefois, certains centres de responsabilité, parce que leur existence n'est que temporaire ou n'acquiert de l'importance qu'en raison d'une évolution imprévue de l'environnement de l'entreprise, peuvent ne jamais se retrouver dans la structure organisationnelle formelle d'une entreprise (c'est le cas, par exemple, d'une équipe de projet constituée temporairement pour aider à l'implantation d'un nouveau système informatique au sein de l'entreprise et qui se voit attribuer des moyens et des responsabilités, parfois importants, pour la durée du projet).

En tout état de cause, un centre de responsabilité a la possibilité d’exercer un pouvoir de décision et d’action sur les coûts qu’ils contrôlent pendant une durée de temps clairement établie : il devient alors possible d'identifier clairement qui a pu prendre telle ou telle décision consommatrice de ressources et donc génératrice de coûts et de valeur, et donc il devient possible de mettre en jeu des responsabilités au sein de l'entreprise. Les coûts contrôlables deviennent de ce fait aussi des outils utiles à la mise en oeuvre d'une politique de gestion des ressources humaines au sein de l'entreprise, par exemple en les intégrant (sous l'une ou l'autre forme) dans la politique de rémunération ou de valorisation des compétences ou dans la politique de gestion des carrières dans l'entreprise.

Quant aux coûts non contrôlables, ils ne dépendent, par définition, d’aucun centre de responsabilité clairement identifié au sein de l’entreprise et, de ce fait, aucune action délibérée ne peut être exercée à leur égard. Laissés sans contrôle réel au sein de l’organisation, ils risquent fort d’être déterminés essentiellement par l’environnement de l’entreprise, faisant ainsi peser sur elle un risque opérationnel majeur, ou de se voir contrôlés de manière informelle au sein de l’entreprise par un ou plusieurs groupes d’acteurs qui risquent d’agir à leur égard davantage en fonction de leurs buts personnels que de l’intérêt collectif.

Dès lors, il est clair que plus la part des coûts non contrôlables dans la structure de coûts de l’entreprise est grande et plus les risques de dérives incontrôlées des coûts sont élevés.

2.2.2.2. Les coûts cachés

Le concept de coût caché, mis à l’honneur par Savall et Zardet au début des années ‘80 (1989), est un des premiers concepts qui peut être considéré comme spécifique au domaine de la gestion stratégique des coûts. Il fait en effet référence à l’ensemble des « coûts » :

§ qui ne sont pas repris en tant que tels dans le système d’information comptable de l’entreprise, car ils ne se traduisent pas par une sortie observable de fonds hors de l’entreprise qui puisse leur être clairement imputable : les coûts cachés ne sont donc pas des coûts observables,

§ mais qui se traduisent par une sortie de fonds effective de l’entreprise (ce qui traduit leur aspect réel), car ils impliquent une consommation excessive de ressources provoquée par l’apparition de certains dysfonctionnements dans l’organisation ou le fonctionnement de l’entreprise.

Ainsi constituent des coûts cachés :

§ les coûts de non-qualité liés au fait que certains clients refusent les produits qui leur sont livrés car non-conformes aux spécifications techniques prévues (d'où des frais administratifs liés aux contacts avec les clients mécontents, au coût du service après-vente à réaliser, au coût du contentieux juridique éventuel qui en

97 En ce sens, les coûts contrôlables touchent de près le système de pouvoir et la structure, hiérarchisée ou non, des

découle, au coût du remplacement éventuel du produit, …) ou liés au fait que le service de contrôle de qualité refuse une production ou arrête temporairement sa réalisation (pour procéder par exemple à un nouveau réglage de machines ou éliminer et remplacer des composants ou des matières premières dont le niveau de qualité n'est pas conforme aux exigences du processus de production),

§ les coûts organisationnels destructeurs de valeur, liés par exemple à une mauvaise organisation du travail ou à une mauvaise communication dans l’entreprise qui induit que certaines tâches soient accomplies à plusieurs reprises (par exemple une même pièce ou un même document contrôlé successivement par deux personnes qui ne savent pas que leur tâche a déjà été accomplie ailleurs dans l'entreprise) ou génèrent une consommation excessive de temps de travail (par exemple lors de la rédaction et de la transmission de notes de service ou d'instructions peu claires, acheminées avec retard vers leurs destinataires ou mal intégrées dans le système d'information de l'entreprise),

§ les coûts liés à de mauvaises conditions de travail pour cause de stress, d’un climat de travail malsain, d’une mauvaise ergonomie des lieux de travail, …,

sont autant de coûts nés de dysfonctionnements dans l’organisation et le fonctionnement de l’entreprise et qui engendrent une sur-consommation de ressources par rapport à un niveau « normal » d’organisation ou de fonctionnement de l’entreprise.

Présents dans le passé, ces coûts sont surtout utilisés dans une perspective d’amélioration continue des performances 98 et de traque permanente de la valeur car, une fois identifiés, analysés, corrigés et éliminés,

ces coûts peuvent conduire à une amélioration substantielle du niveau de création de valeur de l’entreprise. Le concept de coût caché ne prend en effet toute sa pertinence dans une entreprise que si ses dirigeants décident non seulement d'identifier ces coûts, mais surtout de s'attaquer à l'identification de leurs causes profondes et à la correction des dysfonctionnements qu'ils reflètent inévitablement : ce double aspect d'identification des causes des problèmes rencontrés par l'entreprise et d'action sur ces causes fait du concept de coût caché un concept aussi utile dans le domaine du contrôle de gestion que de la stratégie d'entreprise, notamment en cas de déploiement d'une stratégie de différenciation par la qualité ou de domination par les coûts (comme dans le cas typique des entreprises « low cost », qui font de la traque systématique des coûts cachés un de leurs leviers d’action stratégique privilégié).

Outline

Documents relatifs