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Charge incorporable et charge supplétive

La pyramide des inducteurs de coûts Montants (Coûts)

2.1.3. Coût analytique et charge comptable, reflets de deux réalités différentes

2.1.3.2. Charge incorporable et charge supplétive

Les charges (ou coûts) analytiques prises en considération au sein du système d'information comptable pour calculer les différents coûts sont appelées « charges incorporables » ou « charges incorporées ». La plupart de ces charges sont aussi constatées et prises en compte par la comptabilité générale de l’entreprise. Toutefois,

v Il y a un décalage fréquent dans le temps entre le moment de l'enregistrement des charges analytiques et des charges comptables générales, les charges analytiques survenant souvent avant leur enregistrement en comptabilité générale. Le comptable de gestion doit donc veiller à un enregistrement immédiat des coûts analytiques, dès le moment de leur survenance et doit en permanence veiller à ce que l’ensemble des charges analytiques d’une période soient correctement imputées à cette période, que la périodicité de tenue de la comptabilité de gestion soit mensuelle, trimestrielle, annuelle ou autre : il y a donc là un problème crucial de réconciliation des charges analytiques et de leur période de survenance, que le comptable de gestion veillera constamment à maintenir sous contrôle.

v Il se pose par ailleurs un problème de choix des charges comptables à incorporer dans la

comptabilité analytique . Deux problèmes particuliers se posent à ce niveau :

Ø D’abord, dans la mesure où les informations produites par la comptabilité de gestion servent avant tout d’outil d’aide à la décision ou d’outil de contrôle des effets des décisions passées, ces informations doivent être établies dans un contexte d’évolution normale et naturelle des affaires, hors impact de tout événement exceptionnel par nature non destiné à se reproduire dans le futur mais ayant entraîné une consommation anormale de ressources. Ceci implique :

− Que le comptable de gestion ne peut inclure parmi les charges incorporables que celles correspondant à une consommation normale de ressources, en rapport étroit et normal avec l’activité de l’entreprise : ne sont donc concernées que les charges correspondant à des consommations de ressources dues à des facteurs contribuant effectivement à la conception, à la production et à la distribution des produits et services de l’entreprise,

− Et que le comptable de gestion doit impérativement exclure hors des charges incorporables les charges qui ont un caractère exceptionnel ou anormal : celles-ci revêtent de ce fait le caractère de « charges non incorporables ». Ce sont, par exemple,

♦ les charges hors exploitation, exceptionnelles car non destinées à se renouveler dans le futur, anormales en volume, … (par exemple, le coût de la manifestation promotionnelle organisée à l'occasion du 10ème anniversaire de l'entreprise, le renouvellement d'une pompe d'un frigo brisée par inadvertance et qui représente 30 % du coût de ce frigo, …),

♦ les charges d'exploitation à caractère non récurrent (par exemple, les coûts liés à un litige avec un salarié, l'amortissement des frais d'établissement, …),

♦ les charges d'exploitation dont le montant ne correspond pas à une estimation normale faite par l'entreprise et justifiée par son activité courante (par exemple, les charges fiscales liées des dépenses non admises ou DNA, …).

− Les critères utilisés par le comptable de gestion et qui le conduisent à l’inclusion ou à l’exclusion d’un élément dans le calcul des coûts doivent de ce fait :

avoir un caractère de permanence dans le temps et dans l’espace (ce qui conduit à éliminer les éléments de nature exceptionnelle ou anormale),

et tenir compte de l’importance relative (en termes de durée et de montant) de cet élément de coût, sous peine de consacrer une attention excessive à des éléments d’une importance relative mineure, générant de ce fait davantage de coûts que de gains, informationnels en l’occurrence.

− Soulignons enfin que, en aucun cas, la Taxe sur la Valeur Ajoutée (la TVA) payée par l’entreprise sur l’ensemble de ses achats hors de l’entreprise (matières, services et biens divers, …) ne peut constituer en tant que telle une charge incorporable, puisque ce montant est généralement récupérable par l'organisation assujettie à la TVA. En effet, en matière de TVA, l’entreprise joue juste et uniquement un rôle d’interface entre l’Administration de la TVA et le consommateur final et le montant de TVA à payer lors de chaque achat ne constitue de ce fait en aucun cas une charge à incorporer dans le système analytique, puisqu’il ne correspond à aucun consommation réelle de ressources au sein de l’entreprise. Par contre, le solde établi en fin d’année entre le montant de la TVA à payer par l’entreprise et le montant de la TVA à récupérer constitue une charge (à caractère financier) à intégrer dans la comptabilité analytique de l’entreprise 72.

Ø Ensuite, pour refléter parfaitement la réalité économique de la vie de l’entreprise, la comptabilité analytique doit non seulement prendre en compte les charges incorporables issues de la comptabilité générale de l’entreprise, mais aussi un ensemble de charges non enregistrées en comptabilité générale 73 qui traduisent cependant une consommation effective de ressources au sein

de l’entreprise et sont, de ce fait, incorporables aux charges de la comptabilité analytique : ces charges portent alors le nom de « charges supplétives ».

Les charges supplétives généralement rencontrées en pratique permettent en fait de tenir compte de deux éléments :

§ La comptabilité de gestion doit faire abstraction du mode de financement de l’entreprise : • En effet, les ressources financières mises à la disposition de l’entreprise, quelles que soient

leur origine, servent à l’acquisition des ressources humaines, techniques ou immatérielles qui sont consommées par les activités de l’entreprise.

• Or, ces ressources financières ont un coût, qui n’est pas nécessairement enregistré en comptabilité générale à sa juste valeur : si les fonds empruntés par l'entreprise donnent généralement lieu à des charges financières enregistrées en tant que telles en comptabilité générale, l'entreprise bénéficie par ailleurs de fonds en provenance de ses fournisseurs, d'autres prêteurs (notamment les propriétaires de l'entreprise lorsqu'ils s'engagent dans des relations de compte-courant) et surtout des actionnaires de l'entreprise, dont le coût ou la rémunération et surtout le taux de rémunération dépend de choix stratégiques et/ou financiers effectués par les dirigeants de l'entreprise et, pour ce qui concerne les actionnaires, de la volonté de l'assemblée générale des actionnaires de rémunérer ou non au

72 Généralement sous la forme d'une charge indirecte, rattachée le plus souvent au centre "Financement de

l'entreprise ».

73 Elles ne sont pas enregistrées en comptabilité générale parce que soit elles ne génèrent aucune sortie effective de

fonds hors de l'entreprise, soit elles ne se traduisent par aucune augmentation du patrimoine (et donc d'un poste de l'actif du bilan) de l'entreprise.

prix du marché (donc à une valeur économique normale) l'apport en capital à risque effectué par ces actionnaires.

• Or, théoriquement, le coût de cette rémunération doit être déterminé en faisant usage de modèles issus du domaine de la théorie financière de l'entreprise, généralement le modèle du CAPM (Capital Asset Pricing Model) ; celui-ci postule que le taux de rémunération que l'actionnaire est en droit d'attendre en contrepartie de son investissement sous la forme de fonds propres (donc de capital risqué) dans l'entreprise est égal au taux de rémunération à long terme d'un actif fixe sans risque, augmenté d'une prime de risque qui tient compte à la fois du risque du marché et du risque pris en investissant dans une seule entreprise, aux activités et aux facteurs de risque spécifiques (Cobbaut (1996)

.

• Il importe dès lors d’inclure parmi les charges incorporables un montant de charge supplétive, correspondant alors à la différence entre le coût de la rémunération normale des capitaux (essentiellement des capitaux propres) mis à la disposition de l’entreprise et le coût enregistré en comptabilité générale et réfléchi en comptabilité analytique par le biais des charges incorporables courantes.

§ Dans le même ordre d’idée, la comptabilité analytique doit aussi refléter la véritable

consommation de ressources humaines au sein de l’entreprise.

• Or, dans de nombreuses Petites ou Moyennes Entreprises, l’entrepreneur (propriétaire le plus souvent, mais aussi animateur, dirigeant et véritable cheville ouvrière de l’entreprise) ne rémunère pas ou ne rémunère que très partiellement son temps de travail, en s’accordant un salaire qui ne correspond pas réellement à une rémunération normale et effective de son propre travail ou en se rémunérant en tant qu'indépendant en fonction des possibilités financières du moment offertes par son entreprise.

• S’il veut que le système analytique comptable qu’il met en place dans l’entreprise reflète parfaitement la structure des coûts et le niveau de consommation des ressources, en ce compris celle constituée par son propre travail, il doit impérativement ajouter aux charges incorporables une charge supplétive d’un montant équivalent au montant qu’il aurait normalement dû percevoir en contrepartie de son propre travail s'il l'avait presté en tant que salarié ordinaire de son entreprise.

• A défaut, le risque est grand de le voir proposer un prix au marché en étayant son raisonnement économique sur base de coûts de revient qui ignorent, complètement ou partiellement, la principale ressource consommée (et donc la principale source de coûts au sein de l'entreprise), à savoir le temps de travail et les compétences de l'entrepreneur lui- même !

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