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X associé au discours d’autrui : citation

VRODE EN TANT QUE PRÉPOSITION LIÉE À L’APPROXIMATION

4.2. Exemplification extensionnelle

4.2.6. X associé au discours d’autrui : citation

Il y a de nombreux contextes où X et Y ont un statut métalinguistique, c’est-à-dire X correspond à une citation ou à des citations (mot, expression, phrase), alors que Y renvoie en principe à un phénomène de nature langagier. Cf. :

(39) Dopuskaja inogda vyraženija dosady, stesnënnosti, nedovol’stva nekotorymi dejstvijami svoej pokrovitel’nicy, on daže v ètix grubovatyx bratskix pis’max poþti vsegda perexodil k blagodarnomu poþtitel’nomu tonu vrode : « Gospodi ! Prosti mne moë pregrešenie. Mne žalovat’sja na Nadeždu Filaretovnu ! Èto užasnaja podlost’ ! » (Ný : 70)

Même s’il se permettait parfois d’exprimer du dépit, de la gêne, du mécontentement à propos de certains actes de sa protectrice, il en arrivait presque toujours, même dans ces lettres adressées à ses frères, de style un peu discourtois, à un ton reconnaissant et déférent, du genre : « Mon Dieu ! Faire des

reproches à Nadežda Filaretovna ! C’est d’une bassesse ! »

Certains contextes qui présentent une construction plus complexe, car vrode y est suivi du pronom démonstratif to (neutre) au génitif, qui est suivi de þto introduisant une subordonnée complétive. Dans ces constructions, Y correspond normalement à une classe des « dires », ces « dires » étant souvent évalués négativement. Cf. :

(40) Vse - i tovarišþi i damy - stali uverjat’ Belikova, þto on dolžen ženit’sja, þto emu niþego bol’še ne ostaëtsja v žizni, kak ženit’sja ; vse my pozdravljali ego, govorili s važnymi licami raznye pošlosti, vrode togo-de, þto brak est’ šag ser’ëznyj. (ýRP : 242 ; ýelovek v futljare)

Tout le monde, ses collègues et les dames se mirent à assurer Belikov qu’il devait se marier, en lui disant que le mariage était justement la chose qu’il avait à faire dans sa vie ; nous le félicitions tous et disions avec un air sérieux toutes sortes de banalités, comme par exemple « le mariage est un pas / un événement important ».

Il faut souligner dans (40) la présence de -de, une particule postposée qui indique, de façon souvent ironique, le discours rapporté. X est l’une des banalités que l’on a l’habitude de dire à propos du mariage. On remarquera que malgré le caractère emblématique de X, il serait difficile de parler de typification.

Parfois, X correspond à toute une situation résumée d’après les dires de quelqu’un, en se basant sur les documents écrits :

(41) Antonina Ivanovna [...] dolžno byt’, oþen’ skoro dogadalas’ ob istinnyx priþinax ètogo krušenija. Esli v oktjabre 1877 goda ona ešþë izobretala vsjakie fantastiþeskie ob"jasnenija vrode togo, þto sluga

ýajkovskogo, lišivšijsja vsledstvie ego ženit’by svoego mesta, xodil k koldun’e, kotoraja vložila v serdce Petra Il’iþa nenavist’ k nej, to v nojabre ona uže obvinjala supruga v tom, þto on okazalsja obmanšþikom.

(Ný : 77)

Antonina Ivanovna [...] devina sans doute très vite les véritables raisons de l’échec de son mariage [avec P. ýajkovskij]. En octobre 1877, elle inventait encore toutes sortes d’explications fantastiques, comme par exemple celle qui consistait à dire que le domestique de ýajkovskij, ayant perdu son emploi à la suite du mariage de son maître, serait allé voir une sorcière qui aurait envoûté Pëtr Il’iþ, mais déjà en novembre, elle accusait son mari de l’avoir dupée.

Dans ce dernier exemple, l’idée d’exemplification extensionnelle est appuyée par le contexte. L’énonciateur (l’auteur d’une biographie de P. ýajkovskij) suppose que, sachant qu’il faut montrer au lecteur à quel point les explications que se faisait l’épouse de ýajkovskij étaient fantastiques et saugrenues, il doit citer le contenu d’une de ces explications. On voit que cet exemple se rapproche dans une certaine mesure de la typification (cf. 4.1) : l’énonciateur a dû choisir X plutôt que toute autre histoire, pour des raisons intensionnelles, car X est le plus représentatif des termes de cette classe. L’énonciateur suppose qu’il ne suffit pas de dire au lecteur que les explications d’Antonina étaient fantastiques : sinon, le lecteur serait loin d’imaginer à quel point ces explications étaient invraisemblables.

Il faut souligner que non seulement Y fait souvent l’objet d’une qualification à valeur négative, mais qu’il correspond parfois lui-même à une valeur manifestement négative :

(42) Na osnove xudožestvennyx motivov delat’ vyvody o liþnyx pobuždenijax i pristrastijax poèta, a tem bolee o ego religioznom soznanii, znaþit prenebregat’ specifikoj xudožestva, ignorirovat’ to tainstvennoe i neobratimoe prevrašþenie žiznennogo materiala, kotoroe sostavljaet sut’ tvorþeskogo processa. Takoe

þtenie poèzii kak biografiþeskogo svidetel’stva privodit k nelepostjam vrode toj, þto v stixotvorenijax

Monastyr’ na Kazbeke i Pora, moj drug, pora !... Puškin povedal o svoëm želanii ujti v monastyr’.

(I. Surat, Puškin kak religioznaja problema. - NM 1994, N1 : 210)

Si, en se basant sur des thèmes littéraires, on tire des conclusions sur les intentions et les attirances du poète en tant qu’individu, en particulier concernant sa conscience religieuse, on risque d’oublier cette transformation mystérieuse et irréversible du matériau fourni par la vie réelle, qui consitue l’essence même de la création artistique. Une telle lecture de la poésie, comprise comme un témoignage

biographique, aboutit à des absurdités du genre de celle qui consiste à affirmer que dans les poèmes Un monastère au pied du Kazbek et L’heure est venue, mon ami, l’heure est venue... Puškin aurait exprimé son désir de se retirer dans un monastère.

Dans le contexte gauche, l’auteur cite comme erronées les affirmations selons lesquelles certaines oeuvres de A. Puškin (Monastyr’ na Kavkaze, Pora, moj drug, pora !...) traduiraient son intention de se faire moine. Il est intéressant qu’on ait ici, au lieu de togo (to au génitif), la forme toj, qui est le génitif de

ta (fém.), ce qui signifie que le pronom s’accorde en genre avec le substantif qui correspond à Y, alors qu’en (40), cet accord n’est pas observé, en dépit du genre féminin du substantif qui correspond à Y. En (40), vrode togo-de, þto rappelle une conjounction.

Enfin, signalons l’existence des cas qui ne sont pas liés à la citation d’un vrai discours, mais qui présentent des lexèmes en fonction autonymique, destinés à illustrer un phénomène linguistique Y, ce qui rapproche ces cas de l’effet de sens « comparaison » Cf. :

(43) Vikingami nazyvali tex ljudej, kotorye ne želali žit’ v plemeni i podþinjat’sja ego zakonam. Slovo « viking » nosilo togda oskorbitel’nyj ottenok, vrode sovremennogo « pirat, bandit ». (GDR : 52)

On appelait Vikings les hommes qui ne voulaient pas vivre dans leur tribu en se soumettant à ses lois. Le mot Viking avait à cette époque-là une nuance péjorative, un peu comme celle des mots modernes

pirate, bandit.

L’identification de Y n’est pas aisée, mais on peut considérer que vrode X se rapporte à slovo « viking », alors que nosilo togda oskorbitel’nyj ottenok constitue la propriété sur la base de laquelle Y est mis en rapport avec X. On notera aussi l’accord de sovremennogo au singulier, ce qui tend à montrer que

« pirat, bandit » est pris comme un fragment discursif plutôt que deux mots mentionnés pour « traduire » le lexème viking, auquel cas on aurait l’adjectif au pluriel : ... vrode sovremennyx « pirat, bandit », ou ...

vrode sovremennyx « pirat », « bandit ».

En conclusion, on peut constater que malgré la diversité des contextes, les emplois du groupe « exemplification » présentent une certaine unité du point de vue des effets de sens générés par vrode. Mais certains contextes se rapprochent du pôle « exemplification intensionnelle », alors que d’autres se placent plus près du pôle « exemplification extensionnelle ». Entre ces deux pôles, on trouve des cas intermédiaires, qui se situent parfois dans une logique de continuum sémantique.

CHAPITRE V

VRODE EN TANT QUE PARTICULE (MOT MODALISATEUR D’ÉNONCÉ)

Tout d’abord, considérons la question de savoir comment on peut justifier le fonctionnement de

vrode, qui est une préposition régissant le cas génitif, en tant que particule. Ce fonctionnement est relativement récent dans l’histoire de cette forme1, et il pouvait être lié, comme nous l’avons indiqué au chap. I, 1.4.1, p. 26-272, à la citation de la parole d’autrui dans le cadre du discours oral familier. Cela peut être mis en rapport, en raison de neutralisation de la marque du génitif dans le GN de nature métalinguistique (autonymique, citatif) correspondant à X, avec les contextes analysés au chap. IV, 4.1.5 et 4.2.6.

Mais il peut y avoir d’autres facteurs, d’où la nécessité d’identifier et d’analyser des contextes de type transitoire, où vrode préposition présente des spécificités qui le rapprochent d’un fonctionnement particulaire.