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Y est une sous-classe, obtenue par partition de la classe posée dans un premier temps

VRODE EN TANT QUE PRÉPOSITION LIÉE À L’APPROXIMATION

4.2. Exemplification extensionnelle

4.2.1. Y est une sous-classe, obtenue par partition de la classe posée dans un premier temps

Ce groupe de contextes réalise pleinement et d’une façon assez nette l’idée « X est un spécimen de

Y ». Mais cette mise en rapport de Y avec X et l’absence de travail intensionnel sur Y peuvent se réaliser de différentes façons, selon les contextes. Le terme syntaxique correspondant à Y peut n’avoir aucun statut intensionnel, ou peut être associé à une notion.

Dans les contextes de type « exemplification pure », Y renvoie à une simple pluralité de termes sans aucune définition notionnelle indépendante du prédicat principal, ce qui semble correspondre à une certaine « insuffisance sémantique » de Y. L’opération donne une image selon laquelle X ne fait que redire, d’une certaine manière, ce qui est déjà subsumé par Y.

Mais en réalité, X n’est pas redondant, il apporte du nouveau : ce qui est nouveau, c’est l’existence de Y qui est donnée à travers X (alors que dans 4.1, l’existence du rapport Y / X constituait souvent un présupposé). On distinguera deux sous-groupes, selon que le terme syntaxique correspondant à Y a une définition notionnelle indépendante ou non.

D’abord, voyons les cas où Y (exprimé par un pronom indéfini au pluriel) est une classe définie par simple division d’occurrences par rapport à la propriété liée au prédicat principal. Y n’est associable à aucune négativité. L’existence de X n’est pas inattendue. Dans les contextes d’exemplification pure, Y est le sujet syntaxique, exprimé par un indéfini (ou un autre mot sémantiquement « pauvre »). X correspond habituellement à un nom propre. Cf. :

(20) (Une équipe de charpentiers n’est pas d’accord avec la rémunération des travaux effectués)

- Ja im spravoþnik pokažu, - s javnoj ugrozoj govoril brigadir, suxoj mužik, ves’ þërnyj ot solnca. - Ja ix nosom tknu, gde napisano þërnym po belomu : kakie raboty plotnickie, a kakie stoljarnye. Oni že ni bum-bum v ètom.

Vse byli soglasny s brigadirom. Bolee togo, vse byli vozmušþeny, a inye, vrode Kol’ki Zabalueva, daže oskorbljalis’ i grustno, gor’ko vzdyxali. (ŠukR : 426)

- Je leur montrerai le guide de tarifications, - disait, d’un ton plutôt menaçant, le chef d’équipe, un gars maigre, à la peau toute noircie par le soleil. - Je leur ferai lire ce qui est écrit noir sur blanc : travaux de charpentier ou travaux de menuisier. Eux, ils n’y comprennent rien.

Tout le monde était d’accord avec le chef d’équipe. De plus, tous étaient indignés, alors que certains, comme (par exemple) Kol’ka Zabaluev, se montraient vexés et poussaient des soupirs pleins de tristesse et d’amertume.

Il est à noter que X (un personnage nommé Kol’ka Zabaluev) ne joue pratiquement aucun rôle dans ce texte (une nouvelle de V. Šukšin) ; en tout cas, il n’y a aucune raison contextuelle pour mentionner ce personnage plutôt qu’un autre. Comme c’est le cas dans tous les emplois du groupe « exemplification co-extensionnelle », le statut de X et de Y par rapport au prédicat principal est le même, c.-à.-d. Y et X vérifient le prédicat au même titre. En effet, le contexte (20) suppose :

i) Certains se montraient vexés ; ii) Kol’ka Zabaluev se montrait vexé.

Le fait de savoir que Kol’ka Zabaluev fait partie des certains ne change rien à la représentation intensionnelle de Y. Plus exactement, Y n’a a priori aucune représentation intensionnelle pertinente. Mais alors, pour quelles raisons fait-on état de X (Kol’ka Zabaluev) ? L’énonciateur veut surtout signaler l’existence de Kol’ka, un individu référentiellement défini, pour donner dans le cadre de ce récit une réalité plus tangible aux personnages décrits comme d’autres ou certains. Cela semble constituer la condition essentielle de l’apparition de vrode dans ce type d’emplois.

Le propre de la construction est de mettre en rapport, par le biais du prédicat, Y avec X, sans que la représentation intensionnelle associable à Y soit modifiée. Autrement dit, il n’y a pas de travail intensionnel sur Y. Le rôle de X semble se borner à « illustrer » Y, à consolider le côté référentiel de Y, - comme si pour croire à l’existence de Y, il nous fallait savoir qu’il existe au moins un terme appartenant à la classe associable à Y. Ce mécanisme peut être comparé, certes, de façon toute relative, à une stratégie que l’on rencontre dans la vie quotidienne. Si quelqu’un affirme qu’il a de l’argent et que l’on refuse de le croire, il peut sortir de sa poche un billet de banque pour l’exhiber : l’existence évidente de ce billet de banque est la preuve indirecte de l’existence de toute la somme d’argent que la personne prétend posséder.

D’une part, la classe associable à Y ne tire sa définition que de la propriété impliquée par le prédicat principal. Dans (20), la classe se définit simplement comme « les membres de l’équipe qui se montraient vexés et poussaient des soupirs pleins d’amertume ». D’autre part, il faut souligner que la classe associable à Y (inye ‘certains’) est donnée en contraste (comme faisant partie d’une classe plus importante : vse // inye). C’est la partition d’une classe initialement posée (« tous les charpentiers »), au sein de laquelle on distingue une sous-classe associable à Y qui semble ainsi jouer un rôle discursif important. Notons à ce propos que inoj en russe a aussi le sens de ‘autre’ : la classe des « charpentiers indignés » est ainsi subdivisée en « charpentiers simplement indignés » et « charpentiers qui étaient non seulement indignés, mais qui de plus se montraient vexés...».

Insistons particulièrement sur le fait que dans ce type de contextes avec vrode, l’indiscernabilité des termes est maximale au départ : l’équipe, qui réagit unanimement, est donnée dans un premier temps comme prise « en bloc » (vse byli soglasny s brigadirom... ; vse byli vozmušþeny). Ce qui peut fonder la nécessité de discerner, c’est la présence dans le contexte d’une marque d’hétérogénéité, cette hétérogénéité pouvant être interne : tous // certains, ou externe : les uns // les autres. Parfois, cette hétérogénété peut par ailleurs être appuyée notionnellement (cf. l’analyse de l’exemple 24 infra : les hommes mariés // les célibataires).

Il est sympomatique à cet égard qu’un lexème quantifiant comme vse ne puisse pas apparaître dans la construction Y vrode X (Gén.), cf. :

(20a) *Vse raboþie cexa, vrode Ivana, byli vozmyšþeny ‘Tous les ouvriers de l’atelier, comme par exemple Ivan, étaient indignés’, en contraste avec la normalité de

(20b) Vse raboþie cexa, kak i Ivan, byli vozmušþeny. ‘Tous les ouvriers de l’atelier, tout comme Ivan, étaient indignés’

devient possible dès qu’on le place dans un contexte à fort contraste intersubjectif et polémique, c.-à.-d. un contexte opposant une certaine représentation de cette classe à une autre représentation (qui peut être fondée subjectivement) :

(20c) - Vse byli vozmušþeny. V tom þisle Ivan. - Ty utverždaes’, þto vse raboþie cexa, vrode Ivana, byli vozmušþeny ? A ja znaju, þto vozmušþalis’ tol’ko nekotorye. A Ivan i vovse molþal. ‘- Tous étaient indignés. Y compris Ivan. – Tu prétends que tous les ouvriers de l’atelier, tels que Ivan, étaient indignés ? Et moi, je sais que seules quelques personnes étaient indignés. Quant à Ivan, il n’a même pas ouvert la bouche’.

Par ailleurs, il faut noter la présence, devant le prédicat principal, de la particule daže. Le mécanisme énonciatif associable à daže semble aller dans le sens de notre hypothèse sur les conditions de l’apparition de vrode dans (20) : Y n’est pas une classe à part entière, dans la mesure où la constitution de

Y ne se fait que par rapport à une propriété telle qu’on ne pouvait pas s’y attendre a priori.

Dire que tous les membres de l’équipe étaient indignés est suffisant en soi pour montrer à quel point ils étaient déçus. A priori, on ne se demande pas si certains (Y) étaient déçus à tel point qu’ils ressentaient cette déception comme une offense personnelle (oskorbljalis’) et comme un véritable chagrin. L’évocation de Y apparaît donc comme une façon inattendue de redire (en l’accentuant) la propriété attribuée à l’ensemble de la classe initialement posée. On a une sorte de gradation qui suit d’ailleurs le mouvement général du contexte (cf. : Vse byli soglasny s brigadirom. Bolee togo, vse byli vozmušþeny, a inye... daže oskorbljalis’...).

L’exemplification de Y par X est donc une façon de donner davantage de poids, de matérialité à cette quasi-classe associable à Y, dont l’évocation n’était pas a priori prévisible.

Certes, dans d’autres contextes, plus complexes, ce principe peut se trouver complété par différents facteurs contextuels.Voici un autre exemple, appartenant au même groupe :

(21) Elena Fëdorovna, mater’ Lël’ka, kak zovut eë v sem’e, - dobraja xozjajka moja, kolxoznyj pensioner, geroinja moix rasskazov. Xutorskoj narod poroj uznaval sebja li, rodnyx v moix pisanijax. Odni posmeivalis’, drugie, vrode Xoljuši, vnimanija ne obrašþali, no našlis’ i obižennye. Oni-to i podnjali buþu, svaliv na mater’ Lël’ku vse moi grexi. Tjažko ej prišlos’. Daže v magazin bojalas’ xodit’. Teper’, slava Bogu, utixlo. (EVD : 180)

Elena Fëdorovna, la mère Lël’ka, comme on l’appelle dans sa famille, est celle qui me donne sa bienveillante hospitalité, c’est une kolkhozienne à la retraite ; elle est l’héroïne de mes nouvelles. Les gens du village se reconnaissaient parfois dans mes écrits. Certains s’en amusaient, d’autres, comme par exemple Xoljuša, n’y prêtaient pas attention, mais il y en avait d’autres qui étaient vexés. C’est eux qui ont crié au scandale en accusant la mère Lël’ka à ma place. Qu’est-ce qu’elle a pu souffrir ! Elle n’osait même pas sortir faire ses courses. Maintenant, ça s’est calmé, grâce à Dieu.

Notons d’abord que X (une personne nommée Xoljuša) ne joue aucun rôle dans ce texte. Ce texte est une sorte d’essai journalistique sur la vie de la campagne russe au début des années 1990. X n’est mentionné que dans ce passage (le personnage n’apparaît ni dans le contexte droit, ni dans le contexte gauche). Par conséquent, on a l’impression que le rôle de X ne consiste qu’à rendre l’existence d’une classe désignée par Y plus réelle, plus visible pour le lecteur. On pourrait remarquer que l’exemplification de drugie (‘d’autres’) par X est justifiée non seulement par le sémantisme de Y (drugie) en tant que fondé sur la division d’une classe. Il serait logique de se demander pourquoi, dans ce contexte, on exemplifie

drugie plutôt que la classe correspondant à odni ou celle qui correspond à obižennye. En effet, rien n’empêche d’imaginer une séquence comme :

(21a) Odni posmeivalis’, drugie vnimanija ne obrašþali, no našlis’ i obižennye, vrode Petrova ‘Certains s’en amusaient, d’autres n’y prêtaient pas d’attention, mais il y en avait d’autres, comme par exemple Petrov, qui étaient vexés’.

gens du village se reconnaissaient dans les articles, le narrateur laisse supposer que tout le monde y réagissait (en bien ou en mal). Or, il affirme l’existence de ceux qui n’y réagissaient pas. Le rôle de vrode X serait de rendre plus visible cette existence (sujette à caution) de Y. Le statut de Y est subsidiaire par rapport à l’enjeu contextuel : ce sont les vexés (et non les indifférents) qui intéressent le locuteur, dans la mesure où ils sont la cause des ennuis de la mère Lël’ka. On peut dire que la classe associable à Y est d’une certaine manière donnée en contraste avec d’autres classes définies par la partition de l’ensemble préalablement posé (odni, drugie, tret’i).

On remarquera aussi la difficulté à supprimer la virgule (correspondant à une pause dans l’oral) :

Odni posmeivalis’, ?drugie vrode Xoljuši vnimanija ne obrašþali.

Certains contextes sont transitoires : le statut de X y est plus complexe, dans la mesure où X est en partie suggéré par le contexte. On observe en particulier la division d’une classe (initialement posée) en sous-classes. Cf. :

(22) V dni avgustovskogo putþa 1991 goda, podxvaþennyj vodovorotom sobytij, gjadja na Lubjanku glazami vosstavšix protiv nasilija ljudej, ja ne mog ne dumat’ o svoëm : a þto s arxivami... ? Ved’ tomu že Krjuþkovu niþego ne stoit odnim rosþerkom pera obreþ’ ix na uniþtoženie. ýto proisxodit vnutri Ljubjanki ? Kak okazalos’, i tam šla bor’ba. I poka odni, vrode Krjuþkova i poslušnyx emu, provoraþivali putþ, drugie delali vsë, þtoby ego sorvat’. Odni uže sostavili arestnye i daže rasstrel’nye spiski, a drugie ne tol’ko ne priveli ix v dejstvie, no i sooobšþili o nix tem, kogo dolžny byli arestovat’ ili rasstreljat’ - komande El’cina. (V. Sentalinskij. Voskresšee slovo. - NM 1995 N 3 : 146)

Au moment le putsch d’août 1991, plongé dans le tourbillon des événements, je considérais la

Ljubjanka, le siège du K.G.B., avec les yeux des gens qui s’étaient insurgés contre la dictature, mais je ne pouvais m’empêcher de penser à ce qui m’intéressait : qu’allaient devenir les archives... ? Quelqu’un comme Krjuþkov aurait pu facilement les détruire, rien qu’en apposant sa signature. Que se passait-il à l’intérieur de la Ljubjanka ? On sait maintenant que la lutte y était menée aussi. Lorsque certains, comme par exemple Krjuþkov et ceux qui lui obéissaient, mettaient en place leur putsch, d’autres faisaient tout leur possible pour le faire échouer. Certains avaient déjà rédigé les listes des personnes à arrêter et même à fusiller, alors que d’autres non seulement ont bloqué l’exécution des ordres, mais ils ont réussi à prévenir les personnes concernées, c’est-à-dire l’équipe de El’cin.

Dans (23), la présence du mot razrjad ‘catégorie ; sous-classe’ est bien symptomatique. Par ailleurs, X renvoie à l’énonciateur :

(23) Sbrod v avtopoilke uže ne kazalsja na odno lico, kak kitajcy, a poddavalsja klassifikacii. Bol’šoj razrjad - ponurye p’janicy s peresoxšimi rtami, vrode nas s Kovalem. Banki, avos’ki, monety v potnom kulake. (S. Gandlevskij, Trepanacija þerepa, « Znamja », 1995, N1, cit in : S. Kostyrko. Ot pervogo lica.

NM 1995, N 6, 215)

Les loques humaines amassées devant la citerne de bière, ne se confondaient plus, comme les Chinois, mais se laissaient classer. Une catégorie importante était constituée par les ivrognes au regard triste et à la bouche desséchée, comme (par exemple) Koval’ et moi. Ils tenaient des bocaux, des filets fourre-tout, et ils serraient quelques pièces de monnaie dans leur poing moite.

Il est à noter que dans ces deux derniers exemples, le statut de X est particulier : la classe associable à Y est exemplifée non par une seule personne, mais par Krjuþkov et sa clique dans (22), ou par

moi et Koval’» dans (23). On s’aperçoit aussi que X n’y est plus un spécimen quelconque de la classe, dans la mesure où Krjuþkov, le directeur du KGB à l’époque, est mentionné dans le contexte gauche (de plus, il est connu comme étant un des principaux putschistes) ; quant à (23), X est constitué par le narrateur lui-même et un personnage (son ami) qui a été mentionné dans le contexte précédent. Par ailleurs, ces contextes sont liés à une appréciation négative fortement présente, cf. l’image négative des organisateurs du putsch de 1991 dans (22) et la caractéristique ironique des ivrognes dans (23).

Dans d’autres contextes, le mécanisme lié à la partition de la classe suit la logique de « ce qui reste » et la logique du rappel (X déjà présent dans la situation ou dans le contexte gauche). On y observe

une certaine négativité associable à Y. La classe désignée par Y est définie notionnellement, mais elle est définie en même temps par opposition à une autre classe. Voici un exemple où Y correspond à un substantif collectif singulier (xolostëž’ : sing. tantum), X correspond au pronom personnel de la 1re

personne (ja) :

(24) - Da ved’ letom poþest’ vsë vremja v brigade, a zimoj na kuby uezžaem... - ýto èto takoe ? - Na lesozagotovki. Ženatye-to doma, na remonte, a xolostëž’ - vrode menja - na kuby. (ŠukR : 228)

Nous travaillons en équipe presque tout l’été dans les champs, et en hiver, nous partons aux « mètres cubes »... - Qu’est-ce que c’est ? - La coupe du bois. Les hommes mariés, eux, restent à la maison, au repos, alors que les célibataires - comme par exemple moi - partent aux « mètres cubes ».

Le statut de la classe est comparable à ce qui était observé dans les exemples précédents : la classe des « célibataires » n’a pas d’existence positive propre, elle n’est donnée ici que par opposition à celle des « hommes mariés » : les hommes mariés // les autres, c.-à.-d. les célibataires. Par ailleurs, X a ici un statut particulier (car il renvoie à l’énonciateur : moi). Il est clair que moi est distinct des autres par définition.

Cependant, vrode s’inscrit ici dans dans un mécanisme plus complexe que celui des contextes vus précédemment (cf. en particulier 20). Le locuteur, un brave gars de la campagne, un peu timide, mais dont on veut faire un « héros du travail », est interviewé par une journaliste. Il parle de son travail abvec des phrases très sobres, sans donner de détails. Il fait preuve d’une certaine modestie en évitant de mettre en avant moi : il a l’air de dire « nous les célibataires, dont il ne faut pas faire beaucoup de cas ; et moi, je suis un simple spécimen des célibataires en question ». Il est bien caractéristique que, par rapport au prédicats « passer l’été dans les champs » et « partir en hiver à la coupe du bois », il parle d’abord indistinctement de nous.

Ce n’est qu’à la suite de la question de la journaliste, désireuse d’apprendre plus de détails, que le locuteur pense à apporter une précision, en faisant une distinction dans ce nous monolithique initial. En distinguant les hommes mariés des (jeunes) célibataires, l’énonciateur continue dans cette logique, en distinguant lui-même parmi les célibataires.

Assez proche du précédent, voici un contexte où Y correspond à une classe (les « voyageurs grecs vus du point de vue des Scythes ») qui, tout en ayant une définition notionnelle, tire son statut essentiellement de son opposition à une autre classe (les « Scythes du point de vue des Grecs ») :

(25) Istoriþeskie skify s èllinami, koneþno, voevali, no i na kontakt s èllinskoj kul’turoj oxotno šli. Esli ne vsë, to poþti vsë « zoloto skifov » Priþernomor’ja izgotavlivalos’ greþeskimi masterami. Dlja Èllady skify-zakazþiki byli marginalami ; dlja Skifii mastera i putešestvenniki-èlliny (vrode Gerodota) byli tože marginalami ; no dlja mirovoj istorii, vkljuþaja religiju i kul’turu, i te i drugie byli soobšþajušþimisja sosudami, peremešþajušþimisja i vzaimodejstvujušþimi centrami, vmeste sozdavavšimi ètu samuju istoriju.

(M. Novikova, Marginaly. NM 1994, N 1 : 234)

Certes, les Scythes anciens faisaient la guerre aux Hellènes, mais en même temps ils allaient volontiers au contact de le culture grecque. Presque tout (sinon tout) l’« or des Scythes » de la région Pontique / de la région de la mer Noire était réalisé par des orfèvres grecs. Pour la Grèce, les Scythes qui faisaient exécuter ces travaux d’orfévrerie, c’étaient des marginaux ; pour la Scythie, les orfèvres et les voyageurs grecs (comme par exemple Hérodote) étaient également des marginaux. Mais pour l’histoire universelle, y compris la religion et la culture, les uns et les autres étaient des vases communicants, des centres en mouvement et en interaction, qui forgeaient ensemble l’histoire même.

Une logique de distinction y apparaît nettement, cf. l’opposition les Scythes // les Grecs par rapport à la relativité des points de vue concernant leur rôle dans l’histoire. Par ailleurs, le rôle de X est différent de celui des contextes du type inye, vrode Kol’ki Zabalueva : Hérodote n’est pas un « exemplaire quelconque » de la classe associable à Y, c’est au contraire le plus connu des historiens grecs qui ont laissé des témoignages sur la Scythie.

On peut s’interroger sur ce qui fonde l’apparition de vrode dans ce contexte. Vu l’absence de toute valeur explicite de péjoration (que l’on peut attribuer aux contextes Y vrode X Gén. au vu des données des

dictionnaires, cf. chap. I), l’emploi de vrode peut être expliqué d’une part, nous semble-t-il, par le fait que la classe associable à Y puisse être considérée d’un certain point de vue (attribué par l’auteur aux Scythes) comme inconsistante, voire marginale. Il est d’ailleurs intéressant de noter que dans l’énoncé, ainsi que dans le titre de l’article, la notion de marginalité apparaît explicitement.

D’autre part, on observera que Y ne constitue pas un véritable enjeu contextuel. Par rapport au thème principal développé dans ce passage (« la culture scythique est redevable à la culture grecque : l’or des Scythes était travaillé par des orfèvres grecs »), la classe associable à Y fait figure d’élément subsidiaire (quoique important pour compléter le tableau). Hérodote n’est mentionné en quelque sorte que pour donner plus de « matérialité » à la classe associable à Y.

Comme nous l’avons dit, dans les contextes (20-25), il s’agit d’une exemplification extensionnelle. Pourtant, le caractère de cette exemplification peut être contextuellement variable : on passe du degré le plus élémentaire (inye, vrode Kol’ki Z. : X n’est qu’un terme parmi les autres) à des degrés plus complexes (putešestvenniki-èlliny, vrode Gerodota : X est le plus connu parmi les termes