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Vrode by : l’indiscernabilité envisagée sur un mode hypothétique

Dans son étude consacrée à la particule by, P. Garde (1963 : 323-326) fait état des locutions adverbiales avec by. Parmi les locutions fonctionnant comme des adverbes avec la valeur ‘tout ce passe comme si’, il signale l’existence des expressions vrode by et vrode kak by, qu’il considère, au même titre que slovno by et rovno by, comme des variantes familières des expressions synonymes kak budto by, budto by, kak by. P. Garde ne cite aucun exemple avec vrode kak by, mais en cite deux avec

vrode by : Smotrju vot na tebja, i sebja vrode by sprašivaju (Dvoreckij) ‘Je te regarde, et c’est comme si je m’interrogeais moi-même’ ; On perestal grustit’ i vrode by otyskal nastojašþij smysl (Zošþenko) ‘Il est sorti de sa tristesse, et il semble avoir trouvé le vrai sens [de son existence]’.

Les données de Garde nous obligent à nous interroger sur la spécificité sémantique de vrode by. L’approche exclusivement stylistique nous paraît insuffisante, même si vrode by est fréquent surtout dans les textes littéraires.

A première vue, le rôle de vrode combiné à by consiste à rééquilibrer X et X’ (X est pris en compte en même temps et au même titre que X’), ce qui suppose qu’il y ait du déséquilibre (exprimé ou non dans le contexte), ce déséquilibre donnant lieu dans un deuxième temps à un rééquilibrage1.

Cela semble expliquer pourquoi vrode by, contraint dans

(1) Kak u tebja dela ? - ?Vrode by neploxo ‘Comment vas-tu ? – On dirait que ça va’ (cf. un énoncé plus acceptable : Vrode neploxo),

sera meilleur dans :

(1’) Ty vsë vremja nedovolen. Ne ponimaju : molod, zdorov, i dela idut vrode by neploxo, a ty opjat’ noeš’ ’Tu es toujours mécontent. Je ne te comprends pas : tu es jeune, en bonne santé, et tout semble bien marcher, mais toi, tu es encore en train de te plaindre’.

Si l’on compare cet énoncé avec sa variante (1’’) où by est omis : (1’’) ... i dela idut vrode neploxo, a ty opjat’ noeš’,

on remarquera que (1’’) est moins « raisonné » que (1’) : l’énonciateur n’y considère pas X et

X’ comme équilibrés.

Mais il serait prématuré de conclure, à partir de cette seule observation, à la nécessité d’avoir un contraste contextuel plus important pour voir apparaître vrode by plutôt que vrode. Le fait est que dans plusieurs contextes typiques comportant vrode by, ce contraste est relativement faible. Cf. par exemple :

(2) (Observations d’une mère après la naissance de ses filles jumelles)

S nežnost’ju i poþti nauþnym interesom Emma Ašotovna otmeþala v nix vse þerty sxodstva, vse štrixi razliþij : mladšaja vrode by udarjaetsja v levorukost’, i koža u neë þut’ smuglej, gušþe i temnej volosy, krupnee kisti ruk. (UD : 109)

Emma Ašotovna notait, avec tendresse et avec un intérêt presque scientifique, tous les traits de

1 Cf. l’analyse par Franckel, Lebaud (1990 : 122) des énoncés a) Je souhaite te voir ; b) Je souhaiterais te voir : (a) est plus contraint que (b), car l’énonciateur est à la fois source de construction de Q non centré, c.-à.-d. de (Q,Q’), et de la sélection de Q. Or les deux opérations ne peuvent s’opérer en même temps. La contradiction ne peut être surmontée que par l’emploi du conditionnel, comme dans (b), qui permet à la fois le maintien de (Q,Q’) et la sélection de Q.

ressemblance chez les jumelles, tous les petits détails qui les distinguaient : l’aînée semblait devenir gauchère, sa peau était un peu plus foncée, ses cheveux étaient plus fournis et plus noirs, ses mains plus grandes.

On notera aussi que l’omission de by dans (2) est relativement facile. Cf. : (2’) ... Mladšaja vrode udarjaetsja v levorukost’, etc.

La différence entre (2) et (2’) est à première vue minime, pourtant elle existe : (2) est ressenti comme un peu plus narratif que (2’). La variante (2’) implique davantage une situation de perception (observation) immédiate (hic et nunc) faite par l’énonciateur. En revanche, (2) semble supposer que l’énonciateur ajoute à l’observation immédiate un raisonnement permettant de mieux saisir les différences physiques entre les jumelles (la présence dans le contexte du complément de manière s poþti nauþnym interesom est à notre avis bien symptomatique à cet égard. Cette idée de « raisonnement » n’est pas contradictoire, comme on l’a vu à propos de (1’), à l’idée de rééquilibrage entre X et X’. Nous proposons pour vrode by la glose suivante :

Vrode by indique que le problème de l’indiscernabilité X/Y ne peut être envisagé que sur un mode hypothétique.

Il convient à notre avis de remonter au principe même de l’opération que nous avions posée à titre expérimental pour vrode, afin de déterminer le rôle que by est amené à jouer dans cette configuration. On se rappellera que vrode particule renvoie à la mise en cause pour telle ou telle raison de l’indiscernabilité entre X et Y (ce qui revient à dire que cette indiscernabilité constitue un enjeu et qu’il y a par conséquent pondération sur l’indiscernabilité). Est-ce que la présence de by signifie que l’indiscernabilité Y/X devient moins un enjeu ? Peut-être, si l’on admet que, dans tel ou tel cas, by

porte essentiellement sur l’indiscernabilité même. Si X n’est indiscernable de Y qu’hypothétiquement, la problématique de cette indiscernabilité peut devenir moins pertinente, dans la mesure où l’on sait à l’avance que dans la réalité, X n’est pas indiscernable de Y. Ce raisonnement peut cependant aboutir à une conclusion inverse : étant donné X tel qu’il n’est indiscernable de Y que sur un mode hypothétique, la problématique de cette indiscernabilité peut devenir plus pertinente, si l’on admet que X soit réellement indiscernable de Y d’un certain point de vue.

Mais une autre explication nous semble possible. Vrode by indique qu’a priori, l’indiscernabilité X/Y ne pose aucun problème et que, par conséquent, cette indiscernabilité ne peut être envisagée comme étant un enjeu énonciatif que sur un mode hypothétique. On remarquera à ce propos que dans ses emplois de type préposition, lorsqu’il est précédé d’un pronom indéfini (cf. chap. II), vrode ne peut pas se combiner avec by (cf. l’impossibilité d’avoir une séquence comme : *þto-to vrode by saraja ‘une sorte de débarras’, alors þto-to vrode saraja est parfait). Cette logique se vérifie dans plusieurs exemples ; le cas extrême de cette tendance est représenté par les contextes où la séquence vrode by X apparaît comme presque redondante :

(3) – “A tebe, gljažu, bol’še povezlo”, - rassuditel’no i vrode by so smyslom nameknul starik. Èti ego slova neprijatno zadeli Rybaka - kakoe emu delo ? No on spokojno zametil : - “Moë delo vperedi.”

(BS : 71)

- « Je vois que toi, tu es plus chanceux », dit posément le vieil homme d’une façon allusive, comme avec un sens caché. Ces mots froissèrent Rybak – en quoi cela pouvait-il le regarder ? Mais il répondit calmement : « Mon cas reste encore à voir ».

Dire que le vieil homme a fait une allusion (nameknul) comme « en sous-entendant quelque chose, avec un sens caché » (vrode by so smyslom) est d’une certaine manière pléonastique, car « faire allusion » présuppose nécessairement la présence d’un sous-entendu. On pourrait parler, dans les cas de ce type, d’un emploi affaibli de vrode by. Ce principe semble expliquer pourquoi vrode by

fonctionne très couramment dans des textes modernes narratifs, et même dans des textes didactiques, au point de devenir parfois un simple cliché, un modalisateur « hedge » (au sens de Lakoff 1975), ou ce qu’on appelle parfois un « mot parasite ». La valeur hypothétique de by légitime en quelque sorte le conflit discursif impliqué par vrode, et même « banalise » ce conflit2. Si le caractère oral, familier,

2 Ju. Stepanov (1998 ; 503) cite, à propos de la problématique logico-philosophique des énoncés contradictoires (protivoreþivye vyskazyvanija), un exemple qui comporte vrode by, ce qui est bien caractéristique, car à notre

voire populaire, de vrode est toujours ressenti par les Russes cultivés qui écrivent ou parlent devant un public (nous nous basons sur les données des dictionnaires et sur l’avis de nos informateurs russes), ces mêmes Russes n’hésitent pas à employer vrode by dans des textes écrits, même dans des textes à caractère didactique, - bref, là où vrode pourrait paraître déplacé. Par ailleurs, vrode by est assez rare dans les contextes relevant de discours oral spontané. En revanche, on ne s’étonnera guère de son apparition dans un contexte de discours direct, où le locuteur veut se montrer poli et multiplie les précautions de langage et les formules un peu surannées, pour ne pas froisser la susceptibilité de son interlocutrice :

(4) Vospol’zovavšis’ tem lëgkim zamešatel’stvom, kakoe predšestvuet naþalu pira, Kungurcev otvël assistentku Lenoþku v storonu i skazal zagovoršþickim polušëpotom : - « Vrode by neudobno sprašivat’... » - I þut’ zamjalsja. – « No þto podelaeš’, naš uvažaemyj gost’, on, izvinite... » (NR : 192) Profitant du bref temps mort qui précède toujours le début d’un festin, Kungurcev mit l’assistante Lenoþka un peu à l’écart et lui dit presque en chuchotant, comme un conspirateur : - En quelque sorte, c’est un peu gênant de poser cette question... - Il hésita d’un air embarrassé. - Mais tant pis, je la pose... Excusez-moi, mais notre honorable invité, est-ce qu’il... »

Ce principe semble se retrouver dans plusieurs contextes présentant vrode by : ce sont surtout des contextes à caractère narratif (décrivant les mouvements de l’âme des personnages, leur raisonnement souvent contradictoire, au niveau du monologue intérieur).

Par ailleurs, la particularité de vrode by comme mot affaiblissant l’enjeu constitué par l’indiscernabilité Y/X, semble se confirmer par plusieurs exemples, où la présence de vrode seul est difficile, alors que l’omission de vrode by est assez facile :

(5) Otvar, kak pokazalos’ Evgeniju, oþen’ dolgo ne ostyval. No nakonec, pripodnjav dedu golovu, paren’ stal poit’ ego i poþuvstvoval vsem svoim sušþestvom, naskol’ko muþitel’no dlja starika bylo èto, nebol’šoe vrode by, naprjaženie. (SNG : 55-56)

La tisane mit beaucoup de temps à refroidir, comme il sembla à Evgenij. Enfin, en soulevant la tête du vieil homme, il lui en fit boire, et il sentit de tout son être à quel point le vieil homme souffrait en faisant cet effort, apparemment infime.

Notons que vrode by (postposé) apparaît dans une structure non-prédicative (ou semi-prédicative, si l’on considère la séquence comportant vrode by comme l’équivalent d’une subordonnée déterminative, cf. :...èto naprjaženie, kotoroe bylo nebol’šim ). Cf. :

(5’) ... naskol’ko muþitel’no dlja starika bylo èto, nebol’šoe ?vrode, naprjaženie ; (5’’) ... naskol’ko muþitel’no dlja starika bylo èto nebol’šoe naprjaženie.

On remarquera que l’omission de vrode by ne permet plus d’avoir la séquence correspondant à

X en incise (en emploi parenthétique). On constate un fait paradoxal : vrode by suppose que dans la contexte, il y a déjà une contradiction importante, un contraste fort. Pourtant, l’omission de vrode by

est possible. Pourquoi ? Le fait est que ce contraste existe en quelque sorte indépendamment de la mise en cause de l’indiscernabilité Y/X. Ce qui plus est, ce contraste consiste dans la structure sémantico-syntaxique de la proposition même. On rappellera que vrode by est ici en structure non-prédicative. Autrement dit, vrode by accompagne X qui est l’épithète d’un GN sujet. Remarquons que l’attribut du prédicat principal est sémantiquement incompatible avec X. En effet, le fait de dire qu’un

petit effort était douloureux, insurmontable, constitue déjà en soi une certaine contradiction. Cette contradiction peut être résolue en elle-même, ce qui crée des figures de style proches de l’oxymore (du genre de force tranquille), cf. (5’’). Mais par ailleurs, dans une autre optique énonciative, cette contradiction peut être re-dite par vrode by dans la mesure où vrode exprime l’indiscernabilité Y/X. Ce qui pourrait expliquer pourquoi dans certains contextes, vrode by semble redondant.

D’une part, l’analyse du corpus permet de dire que les groupes d’emplois de vrode by

correspondent grosso modo aux quatre classes d’emplois de vrode particule :

avis c’est justement vrode by qui rend cet énoncé linguistiquement acceptable : Ivan kupil dom i vrode by ne kupil ego ‘Ivan a acheté une maison, mais en même temps, c’est comme s’il ne l’avait pas acheté’ (par exemple, dans une situation où l’acte de vente n’a pas été fait en bonne et due forme).

1) Prise en compte d’une incompatibilité ; 2) Illusion (interprétation illusoire) ; 3) Inférence (conclusion indirecte) ; 4) Non-prise de position (réponse évasive).

Mais d’autre part, on peut se demander si nous avons raison de partir ici de la prépondérance de vrode, l’apport impliqué par by étant laissé en quelque sorte de côté, et si une autre démarche ne serait pas possible. En effet, le rapport décrit ci-dessus suppose qu’il peut y avoir logiquement trois « facettes », suivant les pondérations possibles dans le mécanisme introduit par by. En effet, ce by, de sens hypothétique, peut porter en priorité :

a) soit sur l’indiscernabilité en tant qu’enjeu : la situation « normalisée » X est telle que l’identification de Y à X ne pose en principe aucune problème et qu’on ne peut supposer X’ que sur un mode hypothétique ; l’accent est dans ce cas sur l’« étrangeté » de X’ (ce qui suppose la « normalité » de X) ; b) soit sur l’indiscernabilité en tant que telle : c’est-à-dire la situation Y en principe exclut X / la situation Y est telle que l’on ne peut supposer X que sur un mode hypothétique. L’accent est dans ce cas sur l’« étrangeté » de X ;

c) les deux moments peuvent être présents : X et X’ sont (ré)équilibrés, c’est-à-dire ils sont envisagés tous les deux sur un mode hypothétique.

Selon les cas, le contraste entre X et X’ peut être plus ou moins important. On remarquera que les exemples à l’intérieur de chaque classe d’emplois distinguée selon les critères adoptés pour vrode, se laissent différencier selon ce principe. Néanmoins, nous optons pour la première classification (sans insister sur son caractère définitif), car elle nous semble être le mieux adaptée à la description de l’ensemble des exemples de notre corpus. Par ailleurs, elle permet de comprendre la spécificité des contextes avec vrode by face aux contextes analogues avec vrode seul.

6.1.2. Prise en compte d’une incompatibilité

Vrode by apparaît régulièrement dans des constructions syntaxiques non-prédicatives ou semi-prédicatives (qui semblent indiquer que la contradiction est constitutive de la situation décrite) : (6) S tex por ego, vrode by nevozmutimogo þeloveka, oxvatyval strax vsjakij raz, kak tol’ko pojavljalis’ samolëty. (APU II : 57)

Depuis ce jour-là lui, un homme en apparence d’un calme inébranlable / intrépide, était saisi de peur à chaque fois, dès que des avions apparaissaient dans le ciel.

(7) Mne kazalos’, þto ja þto-to razgadal v bezotkaznom oþarovanii ètogo nejarkogo, molþalivogo i duševno vrode by vjalogo þeloveka. On byl kukuškoj naiznanku : ta otkladyvaet jajca v þužie gnëzda, a on, gde by ni pojavljalsja, naþinal stroit’ gnezdo, ne zadavajas’ mysl’ju, emu li, drugomu li ono poslužit. (NR :113)

Il me semblait que j’avais percé le mystère du charme puissant de cet homme effacé, taciturne et en apparence peu énergique. Il était une sorte de coucou à l’envers : le coucou pond ses oeufs dans les nids des autres oiseaux, alors que lui, il se mettait à construire un nid partout où il apparaissait, sans se demander si ce nid servirait à lui-même ou à quelqu’un d’autre.

Dans certains cas, ce schéma est plus complexe, dans la mesure où X introduit un élément dont l’incompatibilité avec la propriété prédiquée à gauche ne se révèle pas tout de suite, mais au bout d’un certain laps de temps. Cf. :

(8) Znaval ja odnogo þeloveka, kotoryj šagu ne mog stupit’ bez obmana. Priþëm vral on nastol’ko virtuozno, þto kogda govoril, to i sam naþinal verit’ svoemu vran’ju. I vot nastupili reformy, i bezobidnyj vrode by vrun stal predprinimatelem. Kakoe-to vremja naši kabinety byli po sosedstvu, i ja byl svidetelem, kak tolpy obmanutyx klientov ili kolleg po « kupi-prodaj » osaždali ego appartamenty.

(Izvestija 1.06.95 : 2)

J’avais connu un homme, qui trompait son monde à chaque pas. C’était un menteur tellement talentueux, qu’en parlant, il commençait à croire ses propres mensonges. Et voilà que le temps des réformes est venu et que notre menteur, en apparence inoffensif, s’est lancé dans les affaires. Pendant un certain temps, j’ai occupé un bureau voisin du sien, et j’étais témoin d’un va-et-vient constant de ses clients bernés ou de ses collègues en affaires qui assaillaient son bureau, dont la porte était le plus

souvent fermée.

L’omission de by dans ces cas est difficile (à condition de ne pas changer le sens de l’énoncé). On remarquera que nous n’avons dans notre corpus aucun exemple avec vrode seul qui présente la même particularité syntaxique. Au vu de ces exemples, on constate que l’élément X’ est soit présent objectivement dans la situation, soit introduit par l’énonciateur sur un mode subjectif.

Outre les exemples avec vrode by en structures non-prédicatives, qui appartiennent manifestement à cette sous-classe, on notera de nombreuses structures exprimant des rapports adversatifs ou concessifs. Dans les contextes de ce type, il ne s’agit pas du discours direct dans le cadre d’un dialogue, comme c’est souvent le cas pour vrode dans des contextes analogues, mais d’un raisonnement, parfois d’un monologue intérieur du personnage, rapporté ou imaginé par le narrateur. Cf. :

(9) Kinošnik priedet iz Irkutska èlektriþkoj, vstreþat’ ego nado mašinoj. Vyxodit, šofëru ego personal’noj mašiny pridëtsja rabotat’ v subbotu i voskresen’e. Pravda, emu vrode by partijnoe poruþenie dano, no vsë ravno nelovko. (NR : 186)

Le cinéaste doit arriver par un train de banlieue en provenance d’Irkoutsk, et il faudra aller le chercher en voiture. Ce qui veut dire que le chauffeur de sa voiture de fonction devra travailler ce week-end. Certes, il est investi en quelque sorte d’une mission du Parti, mais c’est tout de même gênant.

(10) Kak ostroumno otmetil odin naš uþënyj, filosofija, perestav byt’ « služankoj bogoslovija », stala « služankoj ideologii ». A filosofy okazalis’ v dvojstvennom položenii : vrode by i ostalis’ v nauke, no v to že vremja prevratilis’ v èlement ideokratii. (M. Mamardašvili, Kak ja ponimaju filosofiju. M. : Progress, 1992 : 27)

Selon la remarque spirituelle d’un de nos savants, la philosophie a cessé d’être une « servante de la théologie », mais elle est devenue une « servante de l’idéologie ». Et les philosophes se sont retrouvés dans une situation ambiguë : d’une part, il sont restés dans le cadre d’un science, mais d’autre part, ils sont devenus un élément de la partocratie.

Ce dernier exemple est intéressant dans la mesure où le caractère hypothétique de la mise en rapport de X et X’ est souligné par le fait de caractériser la situation des philosophes comme « ambiguë » (cf. : v dvojstvennom položenii ; on notera également la présence de la particule i, placée après vrode by). Remarquons aussi la présence des marqueurs qui soulignent l’idée d’incompatibilité entre X et X’ (vsë ravno, v to že vremja).

On remarquera que le fonctionnement de vrode by peut présenter des schémas mixtes, comme dans (11), où l’incompatibilité est doublement exprimée et où la contradiction est au maximum du point de vue de son expression formelle. Notons que c’est là une différence importante par rapports aux contextes analogues avec vrode seul : dans ces derniers, le contraste X/X’ est moins grand. Cf. : (11) Vtoroe neizvestnoe, s kotorym prixoditsja sþitat’sja, - real’nyj obraz Rossii. Podþërkivaju - real’nyj obraz, a ne naši predstavlenija o nëm. Kakov že ètot obraz ? Vopros vovse ne prazdnyj. Problema otnjud’ ne prostaja. Xotja my vrode by russkie, Rossija - naša rodina, my živëm v ètoj strane, no otvetit’ na ètot vopros, razrešit’ ètu problemu ne oþen’-to prosto. (NRPO : 164)

Le deuxième facteur inconnu dont il faut tenir compte, c’est l’image de la Russie. J’insiste : l’image réelle, non nos idées sur cette image. Quelle est donc cette image ? La question est loin d’être superflue. Le problème n’est point facile. Bien que nous soyons [vrode by] des Russes, que la Russie soit notre patrie et que nous vivions dans ce pays, il n’est pas aisé de répondre à cette question.

Il faut surtout noter qu’ici, la proposition modulée par vrode by exprime une évidence. L’omission de by est difficile (mais l’omission de vrode by est possible) : Xotja my vrode russkie, ... serait bizarre dans la mesure où cela signifierait que l’on met en doute le fait (parfaitement établi) que