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4 Le diamant loin devant

B. Gisements secondaires

4. Le vrai le faux…le presque vrai

Les contrefaçons, traitements et autres pierres synthétiques qui circulent sur le marché, sont des particularités communes aux pierres précieuses et aux diamants qui contribuent à rendre encore plus délicate l’expertise de la valeur des gemmes. De multiples procédés permettent d’améliorer l’apparence d’un diamant. On supprime les fractures visibles avec des pâtes, on fait disparaître les inclusions de graphite au laser, les traitements à très haute température et très haute pression

61 Lire BERTHOUMIEU, 1984.

62 Cela explique que les gemmes les plus grosses soient toujours trouvés dans les gisements primaires ou dans les gisements secondaires « proximaux ».

permettent également de « décolorer » les pierres. A l’inverse, les traitements radioactifs permettent d’intensifier les couleurs et de créer de la sorte des joyaux attractifs qui auraient été invendables avant traitement. Henri BECQUEREL changea en 1894 en vert vif un diamant brun sous rayon X. 20 à 30 % du marché total des diamants polis aux États-Unis serait constitué de gemmes traitées (BRUNET, 2003). Certains n’hésitent pas à accoler plusieurs petits diamants pour parvenir à en faire un seul gros. Ce qui compte, c’est que l’acheteur en soit informé…ce qui est très rarement le cas. Les pierres précieuses sont également souvent l’objet de fraudes. Des pierres synthétiques sont produites un peu partout dans le monde et les traitements thermiques permettent souvent d’exacerber les couleurs de certaines gemmes. Ces traitements qui apparaissent – il faut le reconnaître – comme étant le seul moyen de satisfaire l'explosion de la demande enregistrée sur les marchés occidentaux au cours des dernières décennies, sont rarement annoncés aux clients. Sans entrer dans les détails subtils qui permettent de transformer une pierre sans valeur en un véritable joyau, et sans énumérer non plus la liste interminable des procédés qui permettent d’y parvenir, il semble intéressant de connaître les deux méthodes les plus fréquemment utilisées dans l’industrie des pierres précieuses : le traitement thermique et la création de pierres synthétiques.

• Le traitement thermique connu de longue date63 (parfois appelé « chauffage ») est appliqué à de nombreuses gemmes64 (les professionnels ont pour habitude d’utiliser le vocable anglo saxon « heated » ou « unheated ») pour en modifier la couleur et/ou la clarté (pureté). Certains matériaux se satisfont de basses températures (inférieures à 1000°c) pour arriver au résultat désiré. D’autres peuvent demander de très hautes températures pour obtenir le résultat escompté (comme les corindons). Les diamants sont encore plus « exigeants » puisqu'ils nécessitent de hautes températures en association avec des hautes pressions (HPHT). Pour la grande majorité des gemmes, la chauffe tend à améliorer la couleur. Dans le cas des rubis et des saphirs, le chauffage est aussi utilisé pour améliorer leur clarté par dissolution des inclusions de rutile. En plus de cela les corindons peuvent être chauffés pour combler les fractures, que ce soit avec ou sans adjuvants chimiques.

• Les synthèses, qu’aucun appareil « classique » de gemmologie ne saurait déceler, permettent de créer de vraies gemmes artificielles. Seul l’œil du spécialiste65 saura faire la différence entre les inclusions des pierres naturelles et celles des pierres créées artificiellement. Ces « marques de fabrique » sont donc essentielles pour leur identification. On peut distinguer divers procédés de

63 Lire HUGHES R.W. (1995) : « A brief history of heat ».

64 Le traitement thermique serait appliqué à plus de 80% des saphirs et des rubis présents sur le marché. Seul le très haut de gamme semble y échapper. L’émeraude qui se détériore fortement au-delà de 600 degrés n’est pas concernée par ce type de traitement.

65 Ce n’est qu’en laboratoire que l’on est capable (à l’aide de microscopes) d’identifier les pierres synthétiques des pierres naturelles.

fabrication des pierres synthétiques. Le procédé dit par « fusion simple » ou « fusion sèche », connu sous le nom de procédé Verneuil66 ou procédé Czochralski, est le plus fréquent. Le procédé dit par « dissolution anhydre », c'est-à-dire dans un solvant minéral, produit des inclusions assez semblables à celles des pierres naturelles. Le procédé dit par « dissolution hydrothermale » produit des cristaux d’une grande pureté et parfois de très grande taille. On peut ainsi réaliser la synthèse d’un grand nombre de pierres, mais pour parvenir à créer des diamants, il est nécessaire d’avoir recours au procédé HPHT (Haute Pression et Haute Température). La synthèse du diamant se réalise alors par des pressions de 50 000 à 100 000 atmosphères et par des températures de 1000 à 2800°c67. Dans les premières années, le prix de revient des diamants synthétiques était largement supérieur à celui des diamants naturels, mais aujourd’hui, il est possible d’obtenir des diamants de synthèse à un prix trois fois inférieur à leur équivalent naturel.

Si la production de pierres synthétiques nécessite des moyens techniques importants, les traitements en tous genres ne sont pas l’apanage des grandes sociétés multinationales.

« Dans l’ensemble, ce sont les marchands de Thaïlande, et les pierres de Birmanie, du Sri Lanka et de Madagascar, qui ont ainsi les plus persistantes réputations. (…)…l’association des joailliers de Chanthaburi vante ainsi la stabilité du traitement thermique que ses membres appliquent aux saphirs roses de Madagascar… » (BRUNET, 2003 p. 248).

Il est vrai que les marchands thaïlandais maîtrisent depuis longtemps toute une gamme de traitements permettant « d’améliorer » les pierres, notamment les corindons (saphirs et rubis). Leurs clients directs (grossistes ayant les joailliers comme clients) ne sont pas dupes, mais ils se satisfont de cet état de fait, conscient que le marché ne pourrait être intégralement satisfait sans la présence massive de pierres « améliorées ». En fait, c’est tout en bas de la filière que la tromperie a lieu, chez le bijoutier et surtout avec le consommateur. Ce dernier, en achetant une gemme achète une part de nature, de magie et de rêve. Nul doute que ce dernier n’aurait pas la même saveur si le client connaissait les nombreuses transformations qui ont été apportés à sa gemme.

66 C’est en 1891 que Verneuil met au point un procédé de synthèse des monocristaux d’alumine (AL2O3) et par conséquent des corindons dopés en agents colorants (Chrome pour les rubis, Fer et Titane pour les saphirs bleus etc…). En 1904 les premiers rubis ainsi synthétisés furent commercialisés, suivis par les saphirs en 1907 et par les rubis et saphirs étoilés en 1947.

67 En 1955 la Général Electric a soumis des substances carbonées à des pressions de plus de 100 000 bars dans une petite chambre à pression en Pyrophyllite, et à des températures de plus de 2760°c et obtint ainsi des petits cristaux de diamants.

Photo n°8 : Saphirs provenant de Songea, Tanzanie, de 0.5 à 1.2 carats avant traitement au béryllium (à gauche) et après traitement (à droite) (John EMMETT, 2003, p. 110). Chaque gemme réagit différemment aux traitements. Dans ce cas, la plupart des corindons naturellement violets – et donc de peu de valeur – deviennent de beaux rubis dont la valeur est bien supérieure.

Photo n°9: Saphirs d’Ilakaka (Madagascar), d’un poids de 0.4 à 1 carat. Avant traitement au béryllium (à gauche), et après traitement (à droite). (John, EMMETT, 2003, p.111).

Lorsqu’il est annoncé, et quelle qu’en soit la nature, le traitement réduit sensiblement la valeur des gemmes. Cela tient notamment au fait que les pierres précieuses non traitées sont devenues excessivement rares. Chez les professionnels on estime que plus de 90% des saphirs et rubis utilisés en joaillerie ont subi un traitement…

« Unheated gemstones were very difficult to find in the Ratnapura markets. » (Vincent

Ces gemmes traitées ne se retrouvent pas seulement à l'extrémité aval de la filière. Il est très fréquent d'en observer au sein même des régions de production, souvent dispersées par « salage68 » dans les carrières par des marchands soucieux de « piéger » la concurrence avec des produits de mauvaise qualité. L'achat de gemmes (même d'apparence « brutes »), directement dans les régions de production, n'offre donc aucune garantie quand au traitement des pierres.

« In Madagascar regarding the stones by themselves, it seems that the market present a lot of challenges for the buyer. Foreign stones from other African countries and possibly other continents are probably mixed with local stones or sold as local gems. Tumbled synthetics are present in all mining areas as well as rough stones dyed with ink. Heated rough that did not react correcty to heat treatment are also present in the markets as wel as stones locally heated at low temperatures. » (Vincent PARDIEU, source : www.fieldgemology.org)