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Introduction du chapitre II

A. L'Asie du Sud-Est

L'Asie du Sud-Est (Birmanie, Cambodge, Laos, Singapour, Thaïlande, Viet-Nâm) rassemble plusieurs territoires dominés par l'extraction, la transformation et/ou le commerce des pierres précieuses (carte n°4). Les deux principales d'entre-elles encore dynamiques sont sans aucun doutes le Centre-Est de la Birmanie (région de Mogok et de Möng Hsu) et la frontière Thaïlando-cambodgienne (carte n° 3). La très longue histoire de l'extraction (plusieurs siècles voire plusieurs milliers d'année selon Richard HUGHES (1997b)) a nourri tout un imaginaire et un grand nombre de relations entre les populations de ces régions et les pierres précieuses.

Les rubis birmans de couleur « sang de pigeon » se sont imposés comme étalons de perfection indiscutable si bien que la qualité de tous les autre rubis sont jugés à l'aune de leur ressemblance avec ceux de ce territoire de référence. Dans ces vallées reculées à l'accès très règlementé l'extraction des gemmes fait vivre plusieurs dizaines de milliers de personnes dans une myriade de villages bien au-delà de la seule région de Mogok. Même si la production birmane recule progressivement du fait de l'épuisement des principaux gisements109, elle demeure une activité majeure dans laquelle la junte au pouvoir à des intérêts importants (Chapitre X). La Birmanie est en effet être un des pays dans lesquels la relation entre « sphère politique » et « économie des pierres précieuses » est la plus étroite. C'est d'ailleurs pour cette raison que le pays, – mis à l'index pour ses violations des droits de l'homme – connaît un embargo durable de la part de

107 En vertu de l'éclatement important des productions à l'échelle mondiale, il est d'ailleurs totalement impossible de prétendre réaliser une description exhaustive des régions productrices de gemmes.

108 Il faut néanmoins souligner que ces salons (surtout celui de Tucson) peuvent avoir des conséquences non négligeables sur le marché en mettant sous le feu des projecteurs internationaux de nouvelles gemmes, de nouvelles tendances, de nouveaux traitements.

109 « Möng Hsu rubies revitalized Burma's moribund gem industry when they first hit world gem markets in the early

Carte n° 4: Les grandes régions d'extraction de gemmes en Asie du Sud Est (Rémy CANAVESIO, 2010).

plusieurs pays occidentaux sur sa production de rubis110. Par conséquent, malgré cette position dominante en amont de la filière, et malgré sa longue histoire de producteur, la Birmanie ne constitue pas un point de contact majeur entre l'offre et la demande sur le marché mondial. L'essentiel de ce commerce à lieu à l'extérieur du pays, surtout en Thaïlande.

La Thaïlande tient d'ailleurs une place très singulière dans le commerce des pierres précieuses. Le pays est depuis longtemps connu pour abriter des gisements de corindons de qualité gemme. A l'Est du pays, la région frontalière avec le Cambodge forme un territoire transfrontalier largement tourné vers l'extraction et le commerce des saphirs et des rubis. A l'image de ce qui se passe dans le reste du monde, la production de Païlin, au Cambodge, franchit depuis longtemps la frontière (BLANADET, 1968) pour se retrouver sur le marché de Chanthaburi. C'est justement dans ce rôle de plaque tournante du commerce des gemmes (hors diamant et émeraude) que la Thaïlande excelle (carte n° 9). En effet, fort de leur longue expérience acquise sur le terrain des régions de production, les Thaïlandais ont pris une position centrale dans la transformation (traitement, taille, joaillerie) et le commerce mondial des gemmes. Ce quasi monopole que les Thaïlandais exercent sur le commerce des saphirs et des rubis (Chapitre VIII) est également lié à l'histoire de la région et à la politique attractive mise en place par la Thaïlande pour favoriser l'implantation d'une industrie de transformation (fiscalité notamment). La partition du monde pendant la guerre froide à également beaucoup profité au marché thaïlandais car les gemmes extraites dans les pays d'obédience communiste (Birmanie, Laos, Cambodge, Vietnam) rejoignaient le marché occidental par le biais de réseaux installés en Thaïlande. Malgré la chute du bloc communiste, ces filières sont parvenues à se maintenir, et l'embargo mis en place à l'encontre des rubis birmans continu d'aider les filières thaïlandaises.

Ce marché draine la quasi totalité des productions de corindons d'Asie du Sud Est (Birmanie, Thaïlande, Laos, Cambodge, Vietnam111), mais aussi la majeure partie des productions de saphirs et de rubis réalisées dans les pays riverains de l'Océan Indien (CANAVESIO, 2006). En fait, seules les productions Sud américaines semblent échapper (partiellement) à la formidable capacité d'attraction de la plaque tournante thaïlandaise. Cela représente un puissant moteur de développement pour la région de Chanthaburi ou des dizaines de milliers d'emplois dépendent de l'extraction ou de la transformation des pierres précieuses. Dans cette région, les gemmes sont donc à l'origine d'un tissu diversifié d'activités artisanales ou industrielles. De même, de centaines d'ateliers de taille dispersés dans le reste du pays (notamment dans la région de Bangkok)

110 Le 10 décembre 2007, à l'occasion de la journée des droits de l'homme, Laura Bush, première dame des Etats-Unis a pris position pour le renforcement de l'embargo sur les gemmes birmanes en déclarant : « Every Burmese stone

bought, cut, polished, and sold sustains an illegitimate, repressive regime. » (Danna HARMAN, 2008).

111 « Most of the Vietnamese ruby production was be exported to Bangkok for heat treatment. » Vincent PARDIEU et Jean-Baptiste SENOBLE (www.fieldgemology.org).

participent – à leur échelle – au dynamisme économique national. Néanmoins, en raison de la puissance économique que connaît la Thaïlande par ailleurs, les conséquences sur la sphère politique au niveau national semblent mineures même si localement (région de Chanthaburi surtout) et auprès de certains acteurs, elles peuvent être importantes.