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Introduction du chapitre III

C. L’éternelle question du diamant

La structure géologique du socle cristallin de Madagascar semble tout à fait propice à l’existence de cheminées de kimberlite porteuse de diamants. En effet, à l’époque du super continent Gondwana, les roches qui forment la partie centrale de Madagascar étaient voisines de celles qui composent actuellement l’Afrique Australe et orientale, le sous-continent indien et l'Ouest de l'Australie (carte n° 2). L’Inde est le premier foyer de l’exploitation diamantaire et l’Afrique Australe concentre depuis plus d’un siècle la majeure partie de la production mondiale de diamant alors que des diamants sont également exploités en Tanzanie et dans l'Ouest australien (BRUNET, 2003). Dans chacune de ces régions diamantifères, la formation des diamants est antérieure à la dislocation du Gondwana. Tout semble donc indiquer l’existence d’un potentiel à Madagascar. Sur le terrain, la présence de diamants a toujours été sujette à controverse. Dés 1922, Alfred LACROIX signale dans la présence possible de cristaux de diamants dans le sous-sol de la grande île :

« Il n’existe à Madagascar aucun gisement certain de diamant, bien qu’on l’ait parfois signalé. La présomption la plus sérieuse de son existence paraît être la suivante. Il y a de nombreuses années, un prospecteur, M. Stapoudzi, exploitant les alluvions aurifères de la Rienana, affluent de la Matitanana, reçut d’un de ses ouvriers indigènes quelques petites pierres transparentes incolores qui étaient, dit-on, du diamant. Elles furent envoyées à Paris, mais je n’ai pu retrouver leur trace. Ce prospecteur, convaincu de la réalité de cette découverte, a fait de longues recherches pour trouver de nouvelles pierres ; ses efforts sont restés sans succès ; sa bonne foi est prouvée par ce fait qu’il a épuisé toutes ses ressources. Jusqu’à nouvel ordre, il est donc nécessaire de n’enregistrer ce fait que sous les plus expresses réserves. » (LACROIX, Tome I,

1922, p. 151).

Durant tout le 20ème siècle de telles découvertes furent épisodiquement signalées, mais aucune d’entre-elles n’aboutit à de véritables certitudes. La présence de diamants à Madagascar finit donc par prendre l’apparence d’une légende, et chaque nouvelle annonce en la matière est désormais considérée avec une certaine dérision. Pourtant, depuis le début des années 1990, les signaux indiquant l’existence de diamants à Madagascar se multiplièrent. Il y eu à plusieurs reprises des découvertes de diamants très médiatisées mais invérifiables.

« In september 2003, DFI announced the discovery of diamond in Madagascar. DFI was awared exploration licenses for areas that covered 45 000 km2 at Midogne, which is located near the east coast, and Horombe, which is located in the central highlands. » (Diamond Fields International,

Ces annonces laissèrent encore de nombreux sceptiques dans la mesure où l’origine réelle de ces prétendus diamants malgaches est bien difficile à garantir177. Mais c’est surtout la présence discrète de géologues travaillant pour le compte de multinationales du diamant qui semble accréditer l’existence de gisements de brillants sur la « Grande Ile » (source: anonyme). Dans la dernière décennie, les recherches se sont multipliées, notamment sur la côte Est, la prospection faisant parfois appel à des moyens considérables178. En 2004, la société canadienne Majescor Resources179 a ainsi obtenu la sécurisation de 20 000km² de terrain dans le but de réaliser des recherches de kimberlite, préalable à des recherches plus poussées sur des secteurs définis comme particulièrement prometteurs. De manière générale, ce sont les sociétés canadiennes de petite taille qui sont les plus dynamiques dans cette activité.

Deux secteurs semblent être les cibles privilégiées des chercheurs de diamants. Une mince bande s’étirant sur la côte Est, de Andapa (Nord-Est) jusqu’aux montagnes de l’Anosy (Sud-Est) et un espace plus restreint correspondant grossièrement à la région volcanique de l’Androy, dans le centre Sud du pays180. Les résultats de ces recherches ne sont pas connus à ce jour181 mais on peut imaginer que si des découvertes majeures avaient été réalisées, elles auraient été rapidement suivies de projets d’exploitation. Pourtant, la présence de diamants à Madagascar n’est pas remise en cause, bien au contraire. L’explosion de l’artisanat minier (pierres précieuses, semi-précieuses et or) dans le pays a précipité des centaines de milliers de personnes dans les cours d’eau. Ces mineurs, bien qu’inexpérimentés, ne manquèrent pas de remarquer toute pierre « hors du commun » présente dans leur tamis. C’est ainsi que de manière certaine, des diamants sont épisodiquement trouvés, notamment dans la région d’Ilakaka. Plusieurs témoignages concordants viennent étayer cette thèse. Les mineurs vendent généralement cette pierre à bas prix car ils n’en connaissent pas la vraie nature. La plupart d’entre eux n’ont d’ailleurs jamais l’occasion d’en observer car il s’agit de découvertes extrêmement rares. Dans le milieu des mineurs, l’existence de diamants est une rumeur à la quelle peu de monde accorde vraiment d’importance. Pour les acheteurs, il s’agit d’un secret

177 Ce genre d’annonce vise souvent à faire augmenter temporairement et artificiellement la valeur de la société propriétaire des titres d’exploration minière dans le but de réaliser un bénéfice à cours terme. Cette pratique est très fréquente dans le milieu des sociétés minières (cf. troisième partie).

178 A l’occasion d’une campagne de prospection, les géologues utilisèrent un bateau muni de puissantes pompes capables d’aspirer les sédiments marins présents aux embouchures de plusieurs fleuves de la côte Est. En étudiant ces sédiments il est possible de savoir si les bassins versant des différents cours d’eau abritent de la kimberlite. Il s’agit donc d’une première étape avant l’exploration terrestre.

179 Majescor Resources est partenaire de Madagascar Mining Development dans ce projet malgache d’exploration. La société canadienne possède par ailleurs de nombreuses propriétés au Canada et s’engage dans de nombreux projets au Brésil, en Angola et dans les régions diamantifères canadiennes (www.majescor.com).

180 Des Sud-africains seraient particulièrement actifs dans cette région, mais l’information n’a pas pu être vérifiée. 181 Des cheminées de kimberlite auraient été découvertes à l’Est d’Antsirabe, à proximité d’Antsakabary (Nord) et au

jalousement gardé182

Ces diamants seraient systématiquement roulés, de bonne qualité, transparents ou légèrement jaunes (certains diamants auraient dépassé les 20 carats, ce qui peut dans certains cas représenter une valeur proche de 50 000 US$ par pierre). Certains d’entre eux auraient fait l’objet d’études chimiques. Il semblerait qu’ils aient les mêmes caractéristiques que les diamants indiens183. En fait, la théorie la plus probable serait que ces diamants aient été arrachés à leur gisement primaire avant que l’Inde ne se sépare de Madagascar, et que après une ou plusieurs phases d’érosion/sédimentation favorable à leur dispersion, ils se soient trouvés mêlés à d’autres gemmes dans le lit des cours d’eau de la région. Cette théorie semble la plus solide dans la mesure où l’absence de gisements primaires de diamants en amont du réseau hydrographique de la région est à peu près certaine184. Cette hypothèse permettrait d’accréditer (au moins partiellement) les découvertes de Mr STAPOUDZI auquel Alfred LACROIX fit mention en 1922. Elle pourrait également apporter des éléments dans le débat sur l'existence d'une éventuelle suture Inde/Madagascar dont l'existence « reste à vérifier » (DE LA ROCHE, MOINE, 2008).

II. Un potentiel « gemmologique » connu de longue date

Les ressources minéralogiques de Madagascar sont donc tout à fait exceptionnelles, amenant certains passionnés de gemmes à parler de véritable « scandale géologique ». Il a fallu attendre la fin des années 1990 et la mise en exploitation de plusieurs gisements d'importance mondiale pour que ce potentiel soit révélé au plus grand nombre. Cette émergence « tardive » sur la scène mondiale (à l'image des autres pays d'Afrique de l'Est) est étonnante à plus d'un titre. En effet, même si tout laisse à penser que le sous-sol malgache cache encore de nombreux gisements inconnus, une bonne part de ceux qui ont été mis en exploitation dans les dernières années avaient

182 Un phénomène comparable est relevé par Vincent PARDIEU dans les gisements de saphirs du Sud de la Tanzanie (www.fieldgemmolgy.org)

183 (Source : collecteurs de pierres précieuses). Cette similitude entre diamants malgaches et diamants indiens n'est pas surprenante dans la mesure où elle est avérée pour d'autres gemmes, notamment pour les émeraudes (GROAT, 2008).

184 Des recherches informelles ont été menées sans succès par certains collecteurs de pierres précieuses pour retrouver le gisement primaire de ces diamants.

été repérés depuis plusieurs décennies (Andranodambo185, Ambondromifehy186, Zazafotsy187...). 1. Découvertes pré-coloniales et désintérêt local