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Introduction du chapitre III

C. D’Alfred LACROIX à l’indépendance, le décollage se fait attendre

III. De la crise à l'émergence d'un « géant »

1. Une crise profonde et durable

Après la décolonisation, Madagascar connaît une quinzaine d'années politiquement assez calmes. Dans ce contexte, l'économie malgache évolue peu, restant relativement proche du niveau atteint au cours des dernières années de la présence française (graphique n° 9). L'accession à la présidence du capitaine de frégate Didier RATSIRAKA en 1975 va marquer un tournant. Le nouveau Président de la République malgache se rapproche du bloc socialiste et met en place une politique de nationalisation de l'économie doublée d'une « malgachisation » de la société. Ces

219 L'orpaillage a débuté très précocement dans les régions de Miandrivazo et Mevatanana sous l'impulsion coloniale. Elle se poursuit encore de nos jours, notamment depuis que les cours de l'or se sont envolé (plus de 1000 US$ l'once en 2009). « Numerous deposits of gold, which include those at Ampanihy, Andavakoera, Farafagana, Maevatanana,

and Miandrivazo, occur in Madagascar. About 100 000 artisanal miners produced gold from small high-grade deposits that have not yet attracted the interest of major mining compagnies. » (Thomas R. YAGER, 2001, p. 1).

L'orpaillage demeure néanmoins la plupart du temps une activité de complément réalisées par les populations locales pendant les périodes « creuses » du calendrier agricole. A l'inverse, les pierres précieuses (qui peuvent en cas de chance former des fortunes) ont un pouvoir d'attraction incomparablement supérieur, provoquant les espoirs les plus fous...et les désillusions les plus cruelles (Partie II).

220 Après une courte période d'exploitation informelle des dépôts alluvionnaires, le gisement primaire a été repéré. Il est exploité de manière irrégulière par la société « Quartz » de Jeannot ANDRIANJAFY depuis cette date.

221 Il est intéressant de noter qu'à Madagascar comme dans de nombreux autres pays d'Afrique orientale (Zambie et Zimbabwe pour les émeraudes, Tanzanie pour la tanzanite et les diamants) l'exploitation formelle des gemmes en gisement primaire par des sociétés structurées (société « Quartz » de Jeannot ANDRIANJAFY dans le cas des émeraudes de Mananjary) à toujours précédé de plusieurs années voire plusieurs décennies l'entrée en exploitation des gisements secondaires sous des formes presque exclusivement informelles (Tunduru, Songea, Ilakaka, Andilamena...) (Chapitre II).

orientations inquiétantes et mal menées provoquent la crainte des investisseurs, débouchant sur un effondrement du PIB. Malgré l'orientation socialiste de la politique économique, l'essentiel des ressources se retrouvent confisquées par une élite kleptocrate, véritable archétype de la « politique du ventre » (BAYART, 1992) menée par nombre de dirigeants africains au cours des années 1980.

A partir des années 1990, en dépit d'un revirement brutal du dogme économique sous la pression des instances internationales au profit d'un libéralisme décomplexé, et malgré une brève alternance politique en faveur de Albert ZAFY , la criminalisation de l'État (BAYART, et al., 1997) malgache se poursuit, affaiblissant encore davantage l'économie nationale. En moins de deux décennies, le PIB par habitant est quasiment divisé par deux (graphique n° 9). Madagascar est alors considéré comme étant un des pays les plus pauvres de la planète222. A l'instar d'une économie en plein marasme, l'État corrompu, accablé par la dette, et poussé par les institutions de Bretton Woods dans une politique ultralibérale, perd rapidement toute capacité de gestion et de stimulation de la vie sociale et économique. La population est souvent réduite à la misère et les infrastructures sont délaissées (photo n°19) réduisant encore l'attractivité du pays pour les investisseurs internationaux223.

Dans ce contexte économique accablant la population supporte de plus en plus difficilement la politique prédatrice des élites. Chaque élection est désormais sujette à des inquiétudes et même en dehors des rendez-vous électoraux des affrontements meurtriers peuvent se produire (2007224, 2009). En août 1991 après quasiment vingt années de relative stabilité225, mais aussi de décadence économique, les violences politique refont surface à l'occasion de la « marche de la liberté » qui sera très violemment réprimée. Moins d'une décennie plus tard, en 2002, le pays connait à nouveau des violences et traverse probablement la plus grave crise politique, économique et sociale depuis son indépendance. La contestation des résultats de l'élection présidentielle de décembre 2001 qui voit s'affronter Didier RATSIRAKA et Marc RAVALOMANANA226 débouche sur une crise sans

222 En 2004, au moment de la dévaluation de la monnaie nationale, le revenu minimum malgache est officiellement considéré comme le plus bas de la planète (22 euros/mois). Ce chiffre doit néanmoins être nuancé dans la mesure où l'essentiel des revenus ne sont pas déclarés (emplois informels urbains, agriculture traditionnelle...)

223 Il faut néanmoins reconnaître que la zone franche créé à Antananarivo a rencontré un certain succès auprès de l'industrie textile.

224 Au mois de mai 2007, plusieurs manifestations au caractère ethnique sous-jacent vont éclater dans plusieurs villes du pays (Diégo-Suarez, Tuléar) pour protester contre des coupures d'électricité. Ces coupures sont considérées par une partie de la population comme étant des mesures de rétorsion menées par Marc RAVALOMANANA à l'encontre de régions s'étant exprimées contre sa politique lors des élections présidentielles du 3 décembre 2006. A Tuléar où la situation est particulièrement critique (absence totale d'électricité pendant plusieurs semaines), les manifestations seront sévèrement réprimées par l'armée et causeront la mort de plusieurs manifestants.

225 Plusieurs phases de violence ont néanmoins émaillé les années 1980, mais elles visaient davantage la fraction commerçante indo-pakistanaise « karana » que les élites politique en place.

226 La carrière politique de Mr RAVALOMANANA, va largement profiter de sa gestion de la mairie d'Antananarivo (jusqu'en 2002), et de la puissance économique de la société d'agroalimentaire « Tiko » dont il est le directeur.

Photo n°19 : Le réseau de transport malgache est l'un des plus mauvais de la planète (Rémy CANAVESIO, février 2007). Ici, une portion (entre Mampikony et Port Berger) de la RN 6 reliant Antananarivo à Diégo-Suarez en saison des pluies.

précédent227. De janvier à juillet 2002, le pays est en proie à une atmosphère de quasi guerre civile d'autant plus inquiétante que les deux adversaires développent un argumentaire à base ethnique menaçant de scinder le pays en deux228. Pendant plusieurs mois le pays est totalement paralysé229 par le « bras de fer » qui oppose les deux candidats et lorsque Mr RAVALOMANANA sort enfin victorieux de cette confrontation, l'économie malgache est au plus bas. Le vent d'espoir et de renouveau qui soufflera alors sur Madagascar au sortir de quasiment 25 années230 de présidence « RATSIRAKA » sera de courte durée. Au lendemain de sa réélection de 2006, les critiques se

227 Le rôle joué par les pays étrangers dans cette confrontation n'est pas négligeable. Alors que la France soutenait assez clairement le candidat sortant, Mr RAVALOMANANA était manifestement le favoris des États-Unis. Dans ce système d'ingérences se lisait de manière assez limpide l'affrontement des sphères d'influence de l'ancien pays colonisateur avec les ambitions africaines des États-Unis.

228 Mr RATSIRAKA, originaire de Tamatave se présente comme le candidat des habitants de la côte alors que Mr RAVALOMANANA qui est originaire de la région Imerina se présente comme défendant les intérêts des populations des hauts plateaux. Cette division apparemment strictement géographique reprend en fait les contours de frontières ethniques très vives aux yeux des malgaches, opposant les populations d'origine essentiellement asiatique (hauts plateaux) aux populations à base essentiellement africaine (côtiers).

229 La confrontation entre les partisans (essentiellement côtiers) de Mr RATSIRAKA et Mr RAVALOMANANA se matérialise par une forme d'état de siège de la capitale. Les ponts menant à Antananarivo sont dynamités empêchant la livraison de carburant et de kérosène à la capitale malgache. L'activité économique est à l'arrêt.

multiplient. L'accaparement des richesses à des fins personnelles est à nouveau dénoncé. L'attribution de 1.3 millions d'hectares de terres231 à la firme sud-coréenne Daewoo en juillet 2008 cristallisera un mécontentement populaire habillement récupéré par le jeune Maire d'Antananarivo Andry RAJOELINA. En janvier 2009 des pillages menés dans les magasins de la société d'agroalimentaire « Tiko » (propriété du Président en place) et des manifestations à répétition parfois réprimées dans le sang, poussent Mr RAVALOMANANA à l'exil et ouvrent une nouvelle période d'incertitude232 dans la politique de Madagascar.

2. Explosion de la mine artisanale