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155 Le Vorort lance également en janvier 1965 une enquête auprès de ses sections, intitulée

« Vergebung von Unterauftragen sowie Verlagerungen von schweizerischen Industrien oder Teilfabrikationen ins Ausland » pour sonder les entreprises sur l’intérêt qu’elles peuvent avoir pour ce genre de pratiques et leur facilitation495. Le mémorandum de Nestlé sur les

« Industries satellites suisses en Italie », prônant la décentralisation industrielle en faveur de la péninsule et la création de zones franches pour les entreprises, est aussi joint à la circulaire.

À propos du résultat de l’enquête, le Vorort est un peu déçu du nombre clairsemé de réponses et de leurs caractères très hétéroclites496. En effet, certaines ont la forme de prises de position générale sur les délocalisations, alors que les autres portent sur les mesures concrètes autour du trafic de perfectionnement et des faveurs tarifaires. Globalement, l’engouement est mitigé. La proposition de Nestlé reste même lettre morte :

« Die von der Firma Nestlé Alimentana lancierte Idee, in Italien auf Grund einer systematischen Aktion eigentliche Industries satellites zu gründen, hat sozusagen kein Echo gefunden. Es hat sich niemand gemeldet, der bereit wäre, selber oder zusammen mit andern Unternehmungen oder Unternehmungsgruppen in dieser Sache Eisbrecher zu machen »497.

La situation de tensions sociales et politiques en Italie n’y est pas pour rien (cf. chapitre 6).

Concernant le trafic de perfectionnement, l’association patronale de l’industrie des machines (VSM) souligne avoir fourni toute la documentation nécessaire sur les possibilités offertes, mais qu’aucun impact tangible n’a pu être observé498. De plus, l’association explique que produire à l’étranger résulte d’un choix entrepreneurial, fruit de toutes sortes de considérations, qui ne peut être imposé de l’extérieur :

« Für den Entscheid über die Eröffnung oder die Übernahme eines Betriebes im Ausland sind neben den kommerziellen Überlegungen häufig auch Gründe massgeblich, die in der Aufteilung Europas in zwei getrennte Wirtschaftsblöcke liegen. In jedem Fall aber handelt es sich um Firmenpolitische Entschlüsse, die von aussen kaum zu beeinflussen sind. Im übrigen

495Heinrich Homberger, SHIV, Protokoll der 8. Sitzung des Vororts im Vereinsjahr 1964-1965, Zürich, 01.02.1965, p. 15. AfZ, IB Vorort-Archiv 1.5.3.17. Traduction : « Sous-traitances de produits intermédiaires de même que délocalisations d’industries suisses ou de fabrications partielles à l’étranger ».

496 SHIV, Rundschreiben vom 8.9.1965 zum Ergebnis der Umfrage über die Vergebung von Unteraufträgen sowie Verlagerung von Industrien ins Ausland, 09.1965, p. 5. AfZ, IB Vorort-Archiv 463.1.12.

497 Idem. Traduction : « L’idée lancée par la firme Nestlé Alimentana de fonder en Italie des industries satellites sur la base d’une action systématique n’a pour ainsi dire trouvé aucun écho. Personne ne s’est annoncé qui serait prêt à faire office de précurseur en la matière de manière individuelle ou avec d’autres entrepreneurs ».

498 SHIV, Rundschreiben vom 8.9.1965 zum Ergebnis der Umfrage über die Vergebung von Unteraufträgen sowie Verlagerung von Industrien ins Ausland, 09.1965, p. 5. AfZ, IB Vorort-Archiv 463.1.12.

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ist von solchen Betriebseröffnungen und -übernahmen in der Regel nur in einem sehr beschränkten Umfang eine Entlastung unseres Arbeitsmarktes zu erwarten »499.

Comme le souligne le VSM, il semble somme toute normal et prévisible que les effets des mesures prises par la Confédération soient minimes. En outre, pour certaines branches telles que l’alimentation où les entreprises produisent directement dans les marchés qu’elles desservent, le trafic de perfectionnement ne revêt que peu d’importance.

De manière générale, ces mesures destinées principalement aux branches en déclin (textile, habillement) n’ont donc qu’une portée limitée. Au niveau des expériences encourues, il ressort de l’enquête du Vorort que différentes entraves contribuent à freiner ce processus.

Pour l’horlogerie, ladite « politique traditionnelle horlogère » fait prévaloir le principe qu’une émigration de l’industrie doit être empêchée, même si cette vision change progressivement500. Ainsi, certaines entreprises qui font des demandes individuelles voient leur requête refusée au nom du statut horloger501. Étienne Junod, président d’Interpharma et directeur de Roche, explique quant à lui que jusqu’à présent, l’industrie pharmaceutique n’a que peu profité du trafic de perfectionnement, notamment en raison des règles de provenance. L’enjeu est l’appellation suisse pour des produits qui seraient terminés à l’étranger502. Selon les règles de l’Association européenne de libre-échange (AELE), c’est en effet la dernière transformation qui est déterminante pour cette appellation.

Outre ces limitations pratiques, certains secteurs et certaines entreprises transmettent au Vorort leurs desiderata concernant d’autres modifications du cadre institutionnel. Ainsi, le secteur des chaussures souhaite un élargissement des faveurs tarifaires pour les produits semi-finis (Halbfabrikate)503. Dans la même veine, l’industrie pharmaceutique, qui peut déjà profiter du trafic de perfectionnement pour l’emballage des médicaments, souhaite l’élargir pour inclure la transformation galénique, à savoir l’aspect sous lequel est présenté le médicament après la formation du principe actif : sirop, pilule, dragée, etc. La SSIC justifie cet assouplissement par les arrêtés fédéraux urgents qui ont été pris pour freiner la conjoncture, principalement celui qui restreint l’immigration :

499 Idem. Traduction : « Pour la décision d’ouvrir ou de reprendre une entreprise à l’étranger, à côté des considérations commerciales, il y a aussi souvent des raisons ayant trait à la division de l’Europe en deux blocs. Dans les deux cas, il s’agit de considérations liées à la politique interne de l’entreprise qui ne peuvent pas être influencées de l’extérieur. En outre, on ne peut attendre de ces ouvertures d’entreprises en règle générale qu’une décongestion limitée du marché du travail ».

500 Heinrich Homberger, SHIV, Protokoll der 4. Sitzung des Vororts im Vereinsjahr 1965-1966, Zürich, 30.08.1965, p. 18. AfZ, IB Vorort-Archiv 1.5.3.18.

501 SHIV, Rundschreiben vom 8.9.1965 zum Ergebnis der Umfrage über die Vergebung von Unteraufträgen sowie Verlagerung von Industrien ins Ausland, 09.1965, p. 10. AfZ, IB Vorort-Archiv 463.1.12.

502 Étienne Junod, qui cite l’exemple de son entreprise Roche , Ibid., p. 19.

503 SHIV, Rundschreiben vom 8.9.1965 zum Ergebnis der Umfrage über die Vergebung von Unteraufträgen sowie Verlagerung von Industrien ins Ausland, 09.1965, p. 8. AfZ, IB Vorort-Archiv 463.1.12.

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« Die wirtschaftliche Überlegung geht dahin, dass sich die Nichtanerkennung dieser Arbeitsprozesse als Veredlung heute nicht mehr rechtfertigte, nachdem von Staates wegen die Expansion der Betriebe in der Schweiz erschwert oder verunmöglicht werde (Fremdarbeiterbeschluss) und die Unternehmungen dadurch gezwungen würden, ihre internationale Konzernstruktur in den Dienst der Entlastung der schweizerischen Betriebe zu stellen »504.

Les grandes multinationales prônent quant à elles d’autres mesures de la part de la Confédération, permettant d’aller au-delà de logiques principalement transfrontalières. En effet, Industrie-Holding souligne que ses membres pratiquent les délocalisations et la sous-traitance depuis bien longtemps et qui si les politiques veulent aider efficacement, c’est d’autres types de changements institutionnels qu’il faut promouvoir, tels que la garantie contre les risques à l’investissement (cf. chapitre 5) et les accords de double imposition (cf.

chapitre 6)505.

Si les mesures mises en place par la Confédération visant à favoriser les transferts de production à l’étranger sont dans l’ensemble plutôt bien accueillies, certains secteurs (machines dans une certaine mesure, fabricants de laques et peintures, de fil laminé) défendent néanmoins le cadre général de la loi douanière et mettent en garde contre une vision trop court-termiste liée à la conjoncture. En effet, ces secteurs craignent qu’à terme, les productions délocalisées puissent induire une concurrence indésirable à la production intérieure506. Cette vision devient néanmoins minoritaire dans le contexte de surchauffe, qui voit naître un consensus toujours plus marqué autour du bien-fondé de l’internationalisation des entreprises.

La trajectoire de la régulation horlogère illustre ce changement de vision sur la désirabilité des transferts de production507. En effet, il faut noter que jusqu’à la fin des années 1940, l’horlogerie demeure une industrie quasi exclusivement d’exportation en raison de restrictions introduites dans les années 1930, visant à prévenir la création d’entreprises à

504 Ibid., p. 9-10. Traduction : « La réflexion économique souligne que la non-reconnaissance de ce processus de travail comme du perfectionnement n’est aujourd’hui plus justifiée, après que l’État ait rendu plus difficile ou impossible l’expansion des usines en Suisse (arrêté sur les travailleurs étrangers) et a ainsi forcé les entreprises à mettre leur structure internationale à contribution pour décongestionner le marché du travail ».

505 Industrie-Holding, 22. Jahresbericht 1964, erstattet vom Komitee an die Generalversammlung vom 17.03.1965, p. 3-4. CH SWA PA 540 a M 2-5-2 I.

506 SHIV, Rundschreiben vom 8.9.1965 zum Ergebnis der Umfrage über die Vergebung von Unteraufträgen sowie Verlagerung von Industrien ins Ausland, 09.1965, p. 8. AfZ, IB Vorort-Archiv 463.1.12.

507 Pour une vision longue durée de l’évolution de la législation horlogère, voir : DONZÉ Pierre-Yves, History of the Swiss watch industry. From Jacques David to Nicolas Hayek, Bern : Peter Lang, 2012, 161 p. ; BOILLAT Johann, GARUFO Francesco, « De la protection à la promotion : aux sources du Swiss made horloger (1924–1980) », in : DECORZANT Yann, REUBI Serge, VERNAT Anne, HEINIGER Alix (éd.), Le Made in Switzerland : mythes, fonctions et réalités, Basel : Schwabe, Itinera vol. 32, 2012, p. 55-67.

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l’étranger par la voie du chablonnage et l’exportation de machines horlogères508. En 1951, l’arrêté fédéral sur le statut horloger arrive à échéance et fait l’objet d’une renégociation.

C’est dans ce contexte qu’Edgar Primault, président de la Chambre suisse de l’horlogerie, et Maurice Vaucher, président de la Fédération horlogère (FH) et vice-président d’ASUAG509, se joignent à la réunion du Vorort du 27 février 1950 afin de discuter du futur de l’horlogerie.

Edgar Primault rappelle à cette occasion le rôle de l’État, notamment dans le contrôle des transferts de productions à l’étranger :

« En ce qui concerne le contrôle de l’appareil de production, vous n’ignorez pas que l’ouverture, l’agrandissement, l’acquisition et le déplacement des entreprises sont soumis à une autorisation qui est accordée par le Département fédéral de l’économie publique sur la base d’un préavis de la Commission consultative de l’industrie horlogère. L’État joue donc ici un rôle prépondérant »510.

Un des enjeux majeurs pour les associations patronales horlogères autour de l’intervention de l’État réside dans le contrôle de la dissidence. En effet, si la plupart des mesures pouvaient tout aussi bien se baser sur un règlement purement privé, elles ne s’appliqueraient pas aux entreprises dissidentes, ce qui pourrait au final mettre en péril tout l’édifice du contrôle patronal511. Un second enjeu porte sur le risque d’« avilissement de la qualité des produits horlogers, du renom de la montre suisse »512. Là encore, il suffit que quelques firmes dissidentes se soustraient aux normes de qualité requises pour porter atteinte à l’ensemble de la branche. L’essence du projet proposé par le patronat horloger demeure interventionniste et protectionniste, ce qui est assumé sans ambiguïté par Edgar Primault, pour qui la « nouvelle législation doit être un instrument de défense envers l’étranger »513. L’élite horlogère souhaite par conséquent conserver le contrôle de l’ouverture de nouvelles entreprises et de l’exportation des machines horlogères. Maurice Vaucher souligne que ces dispositions sont particulièrement importantes en période de boom économique :

« Lorsque la conjoncture est bonne, des entreprises horlogères de toutes sortes poussent comme des champignons. C’est la raison pour laquelle l’intervention de l’État est nécessaire.

Sans protection légale, l’étranger s’emparera peu à peu de notre branche »514.

Le paradigme de contrôle et de protection instauré dans l’entre-deux-guerres demeure donc largement prédominant au début des années cinquante. En témoigne la glorification de

508 KOLLER Christophe, L’industrialisation et l’État au pays de l’horlogerie : contribution à l’histoire économique et sociale d’une région suisse : [« de la lime à la Machine »], Courrendlin : Communication jurassienne et européenne, 2003, p. 416-417.

509 Base de données « élites suisses au XXe siècle », Université de Lausanne, URL  : https://www2.unil.ch/elitessuisses/index.php.

510 Edgar Primault, SHIV, Protokoll der 9. Sitzung des Vororts im Vereinsjahr 1949-1950, 27.02.1950, Zürich, p. 3. AfZ, IB Vorort-Archiv 1.5.3.13.

511 Ibid., p. 4.

512 Idem.

513 Ibid., p. 5.

514 Maurice Vaucher, SHIV, Protokoll der 9. Sitzung des Vororts im Vereinsjahr 1949-1950, 27.02.1950, Zürich, p. 6. AfZ, IB Vorort-Archiv 1.5.3.13.

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