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176 membres lui ont déjà rapporté treize cas où des multinationales américaines ont débauché

un de leurs employés589. La concurrence sur le marché du travail est également une des considérations mises en avant par l’Association des industriels l’aluminium, mais celle-ci souligne globalement que l’économie suisse a plus à y gagner qu’à y perdre et que les possibilités de formation aux États-Unis pour les jeunes suisses, qui peuvent y étudier ou y travailler quelques années, constituent un atout à préserver590. Dans le même registre, la Chambre de commerce de Zurich souligne la « poussée vers l’Amérique » (« Drang nach Amerika »), incitant les physiciens et les ingénieurs à aller se perfectionner aux États-Unis, mais estime qu’il ne s’agit pas dans tous les cas d’une « perte de matière grise » (« Auswanderung unserer Intelligenz »), car beaucoup reviennent en Suisse après quelques années591. De nombreuses offres d’emploi d’entreprises américaines, n’ayant pourtant pas de siège en Suisse, fleurissent effectivement dans la presse592. Les dirigeants d’entreprises suisses ressentent donc une double pression des firmes américaines sur le marché du travail : celle des filiales établies dans le pays, mais aussi celle des entreprises sur sol américain qui attirent du personnel très bien formé.

Au niveau technologique, Brown Boveri & Cie (BBC), multinationales du secteur des machines et de l’électrotechnique, souligne la dépendance des Européens envers les États-Unis dans le domaine nucléaire et la nécessité de collaborer avec eux. BBC met également en garde le Vorort contre les potentielles conséquences d’une « attitude nationaliste ouverte »593. La chimie voit aussi l’opportunité pour la recherche et développement en Suisse de voir s’installer de tels centres. Dans le même registre, la Chambre de commerce de Genève ajoute que l’activité industrielle ne peut plus s’exercer « en vase clos »594.

Le facteur le plus déterminant dans la volonté des multinationales à voir le patronat suisse et les autorités conserver une attitude libérale est celui de la réciprocité. En effet, les membres d’Industrie-Holding souhaitent à tout prix éviter que les autorités suisses ne se lancent dans des pratiques discriminatoires pouvant aboutir à des tensions diplomatiques et à des mesures de rétorsion de la part des États-Unis :

589 Ibid., p. 2.

590 Hans Ruegg, Sekretariat, Verein Schweizerischer Aluminium-Industrieller, Betrifft:

fremdenpolizeiliche Praxis gegenüber amerikanischen Forschungsinstituten und – Laboratorien in der Schweiz, an den Vorort des SHIV, Lausanne, 20.06.1956. CH SWA PA 600a 37-3.

591 Zürcher Handelskammer, Fremdenpolizeiliche Praxis gegenüber amerikanischen Forschungsinstituten und – Laboratorien in der Schweiz, an den Vorort des SHIV, Zürich, 30.06.1956, p. 4. AFZ, IB-Vorort Archiv, 54.2.20.

592 Voir par exemple : NZZ, N° 3022, Physiker Ingenieure, Raytheon Manufacturing Company, Massachusetts USA, 27.10.1956. AFZ, IB-Vorort Archiv, 54.2.20.

593 Ernst Speiser, Brown Boveri & Cie, Betr. : Fremdenpolizeiliche Praxis gegenüber amerikanischen Forschungsinstituten und – Laboratorien in der Schweiz, zu Vorort des SHIV, Baden 25.06.1956. AFZ, IB- Vorort Archiv, 54.2.20.

594 Chambre de commerce de Genève, Concerne : Installation en Suisse d’instituts et de laboratoires de recherches américains, au Vorort de l’USCI, 24.07.1956. AFZ, IB-Vorort Archiv, 54.2.20.

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« Verschiedene schweizerische Unternehmungen sind ihrerseits stark daran interessiert, in den USA eigene Forschungsstätten zu unterhalten ; enge Verbindungen mit den amerikanischen wissenschaftlichen Kreisen an Ort und Stelle erweisen sich oft als notwendig, um die schweizerische Industrie auf der Höhe der internationalen Konkurrenz zu halten. Zahlreiche schweizerische Unternehmen unterhalten in den USA Tochtergesellschaften, Niederlassungen und Vertretungen, die auf die Beschäftigung schweizerischer Staatsangehöriger angewiesen sind. Hier zeigt sich das grosse schweizerische Interesse an einer liberalen Handhabung des Gegenrechts durch die Vereinigten Staaten. [...] Wir können uns daher schwer vorstellen, dass die schweizerischen Behörden sich dem Vorwurf diskriminatorischer Massnahmen gegenüber amerikanischen Staatsangehörigen, die in der Schweiz für USA-Firmen tätig sein sollen, aussetzen können »595.

Le VSM considère qu’il est en pratique très difficile d’empêcher la fondation de nouvelles entreprises en Suisse sans mettre en péril les nombreuses filiales que possèdent les entreprises helvétiques à l’étranger596. La Société suisse des industries chimiques (SSIC), secteur déjà très internationalisé, prône aussi une attitude tolérante et libérale au risque de voir les entrepreneurs helvétiques se tirer une balle dans le pied597. En raison de la structure de leurs affaires, les multinationales ne peuvent donc que militer pour le statu quo où les autorités suisses demeurent permissives dans l’octroi de permis d’établissement et de travail pour les dirigeants, les cadres et les chercheurs des entreprises étrangères.

Au début du mois d’août 1956, le Vorort rapporte aux autorités fédérales la synthèse des réponses recueillies auprès de ses sections598. Si la majorité d’entre elles se prononcent pour une attitude libérale, le processus de consultation a entre-temps bloqué le traitement de la demande de George John Szasz. Ainsi, Max Kaufmann, le directeur de l’OFIAMT, fait savoir au Vorort que General Electric, ne voyant pas l’aboutissement de ses démarches se

595 Industrie-Holding, Fremdenpolizeiliche Praxis gegenüber amerikanischen Forschungsinstituten und – Laboratorien in der Schweiz, an Vorort des SHIV, Bern, 04.06.1956, p. 2. CH SWA PA 600a 37-3.

Traduction : « Plusieurs entreprises suisses sont très intéressées à maintenir aux États-Unis leurs propres centres de recherche ; une relation étroite avec les cercles scientifiques américains sur place se révèle souvent nécessaire pour maintenir l’industrie suisse à la hauteur de la compétition internationale.

Plusieurs entreprises suisses possèdent aux États-Unis des filiales, des succursales et des participations, qui dépendent de l’engagement de citoyens suisses. Cela montre l’intérêt important de la Suisse à une gestion libérale du droit réciproque des États-Unis. […] Nous pouvons en conséquence difficilement imaginer que les autorités suisses se prononcent en faveur de mesures discriminatoires envers les citoyens américains qui sont employés en Suisse par des firmes américaines ».

596 Verein schweizerischer Maschinen-Industrieller (VSM), Betrifft : fremdenpolizeiliche Praxis gegenüber amerikanischen Forschungsinstituten und –Laboratorien in der Schweiz, an den Vorort des SHIV, Zürich, 06.07.1956, p. 3. AFZ, IB-Vorort Archiv, 54.2.20

597 Schweizerische Gesellschaft für chemische Industrie (SGCI), Fremdenpolizeilische Praxis gegenüber amerikanischen Forschungsinstituten und- Laboratorien in der Schweiz, an Vorort des SHIV, 13.07.1956. AFZ, IB-Vorort Archiv, 54.2.20.

598 Peter Aebi & Bernard Wehrli, SHIV, Fremdenpolizeiliche Praxis gegenüber amerikanischen Forschungsinstituten und- Laboratorien in der Schweiz, an das Bundesamt für Industrie Gewerbe und Arbeit (BIGA), Bern, 08.08.1956, p. 6-7. AFZ, IB-Vorort Archiv, 54.2.20.

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concrétiser, « commence sérieusement à s’agiter »599. Le processus de consultation helvétique navigue entre niveau fédéral et cantonal (Police des étrangers du Canton du Zurich-> Chambre de commerce de Zurich-> VSM-> Vorort-> Sections du Vorort-> Vorort->

OFIAMT-> Police des étrangers du Canton de Zurich) et retarde en fin de compte de plusieurs mois les plans de la multinationale américaine.

Il faut également noter que le Vorort ajoute une considération culturelle dans sa réponse aux autorités, considérant à plus long terme le problème d’intégration que peut poser l’arrivée de certains étrangers (Überfremdung) :

« Es wäre nach unserem Dafürhalten eher Sache der Behörden und weniger der privatwirtschaftlichen Kreise, das Überfemdungsargument in die Waagschale zu werfen, wenn die geschilderte Entwicklung, unter nationalen Gesichtspunkten betrachtet, einmal zu ernsthaften Befürchtungen führen sollte. – Ein Überfremdungsproblem besonderer Art könnte sich auch ergeben, wenn einzelne der in Frage stehenden amerikanischen Konzerne versuchen würden, ihre Personalbestände in Genf und Zürich vorwiegend mit ehemaligen Osteuropäern oder Deutschen zu dotieren »600.

Une fois de plus, l’hostilité des milieux patronaux suisses se manifeste envers les ressortissants des pays de l’Est, ce qui a peut-être également joué en défaveur du Dr Szasz, d’origine hongroise, même si cette raison n’est jamais explicitement mentionnée. La Chambre de commerce de Zurich considère que le problème de l’« Überfremdung » ne peut être mesuré sur la base du nombre de ressortissants américains travaillant en Suisse, mais doit être évalué de manière qualitative, à l’aune du poids économique des entreprises qu’ils administrent601.

Contrairement aux cas controversés de la General Electric et de la RCA, l’arrivée de Monsanto en 1956 est mieux accueillie, notamment en raison de l’attitude très positive de la chimie bâloise. Pour les convaincre, l’avocat zurichois mandaté par Monsanto, Willy Staehelin602, diffuse un mémoire regroupant les arguments en faveur de cette implantation. Il souligne que l’établissement de Monsanto à Zurich est motivé par la proximité des hautes écoles. Le but de l’entreprise est de contribuer à la recherche fondamentale, notamment en octroyant des financements sans condition, participant ainsi à la vie intellectuelle suisse et européenne

599 Max Kaufmann, Direktor des BIGA, an den Vorort des SHIV, 06.07.1956. AFZ, IB-Vorort Archiv, 54.2.20.

600 Ibid., p. 20. Traduction : « Selon notre opinion, c’est plutôt la tâche des autorités et moins de l’économie privée de mettre dans la balance l’argument de la pénétration étrangère si l’évolution décrite devait une fois mener à de sérieuses craintes du point de vue national. Un problème de pénétration étrangère particulier pourrait se poser si certaines entreprises américaines en question essayaient d’augmenter leurs effectifs de personnel à Genève et à Zurich principalement avec des anciens Européens de l’Est et des Allemands ».

601 Zürcher Handelskammer, Betr. Fremdenpolizeiliche Praxis gegenüber amerikanischen Forschungsinstituten und – Laboratorien in der Schweiz, an den Vorort des SHIV, 15.08.1956, p. 2. AFZ, IB-Vorort Archiv, 54.2.20.

602 Sur le parcours académique et professionnel transatlantique de Willy Stahelin, voir : LEIMGRUBER Matthieu, « ‘Kansas City on lake… », p. 130.

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