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La volonté des islamistes de faire de la charia la source de la législation et de Dieu, le seul souverain

Titre I La consécration constitutionnelle de l'identité

Paragraphe 2 La récupération de la révolution par les islamistes

A. La volonté des islamistes de faire de la charia la source de la législation et de Dieu, le seul souverain

Pour les islamistes, l’Islam est normatif et le Coran est à la fois conçu comme foi et loi (1). Seulement, le contexte dans lequel la Constitution du 1er juin 1959 a été adoptée, adapte l’Islam à la conception occidentale de la souveraineté (2). Sous les régimes autoritaires de BOURGUIBA et de BEN ALI, l’expression de l’islam politique n’était pas libre. A la fuite de BEN ALI, le retour à Tunis de Rached GHANNOUCHI et la victoire électorale d’Ennahda permet au parti islamiste de revendiquer publiquement la constitutionnalisation de la charia et la souveraineté de Dieu. Alors même qu’en signant le le Pacte républicain268 le 1er juillet 2011, Ennahdha avait renoncé à l’inscription de la formule faisant de l’Islam la religion de l’Etat, une fois au pouvoir le discours des islamistes change radicalement (3).

266

L. CHOUIKHA et E. GOBE (dir.), Histoire de la Tunisie depuis l’indépendance, op.cit., p. 93.

267 Y. BEN ACHOUR, Tunisie : Une révolution en pays d’islam, op.cit., p. 133.

268 Le Pacte républicain rappelle en premier lieu, les principes et objectifs de la révolution tels que la liberté, la dignité, la justice, l’égalité et la rupture avec la dictature et le système de corruption. Il insiste également sur la volonté exprimée par le peuple tunisien de fonder la société civile sur le dialogue, la tolérance, le droit à la différence et de baser le régime politique sur la citoyenneté et les valeurs de la République. En plus de consacrer le caractère « civil » de l’Etat, il dispose de l’identité arabe et islamique du peuple. Il souligne également l’importance de :

- La souveraineté populaire, d’un régime politique fondé sur la séparation des pouvoirs, l’indépendance du pouvoir judiciaire et la neutralité de l’administration ;

- L’autonomie individuelle de chaque citoyen et la séparation du champ religieux du champ politique ; - L’égalité des citoyens devant la loi sans discrimination aucune, la reconnaissance des libertés publiques et

la pénalisation de la torture ;

- La reconnaissance des acquis de la femme consacrés par le Code du Statut Personnel (CSP) du 13 août 1956 ;

- La reconnaissance des droits de la jeunesse, de l’enfance et des citoyens tunisiens résidant à l’étranger ; - La mise en place d’un modèle de développement basé sur une distribution équitable des richesses,

l’équilibre entre les régions et la garantie des droits fondamentaux ;

- L’emploi de la langue arabe comme langue nationale officielle qui reste ouverte sur les langues et cultures étrangères ;

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1. La normativité de l’Islam et la conception du Coran comme foi et loi

Contrairement à la Bible, le Coran n’est ni rédigé par des apôtres ni pensé par des esprits humains. Il est « le Logos même de Dieu »269, la parole révélée. En énonçant qu’« il faut

rendre à César ce qui est à César et à Dieu, ce qui est à Dieu »270, l’Evangile selon Matthieu sépare le pouvoir temporel de la royauté du pouvoir spirituel incarné par l’Eglise. A l’opposé de la Bible, il est difficile de distinguer les prescriptions divines du Coran des considérations matérielles de l’époque de Mahomet. D’ailleurs, aucune institution à l’exemple de l’Eglise n’existe en Islam. A la seule lecture du Coran, le croyant accède à la parole révélée. Il n’y a aucun intermédiaire entre l’humain et le divin. Si le musulman n’applique pas à la lettre les prescriptions coraniques, il se défait de la foi et de la loi271. Par conséquent, comment interpréter le texte sans s’éloigner de la volonté souveraine de Dieu ? Comment détacher la foi de la loi ? Le verset 13 de la Sourate 35 Al-Fatir du Coran énonce : « Tel est Dieu, votre

Seigneur ! La royauté lui appartient. Ceux que vous invoquez en dehors de lui ne possèdent même pas une pellicule de noyau de datte » (XXXV, 13). »272 Aucune séparation n’existerait entre le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel en Islam. La souveraineté serait un attribut exclusif de Dieu. Mais alors, qu’est-ce que la souveraineté ?

« La théorie générale du droit constitutionnel ramène la souveraineté à deux qualités

essentielles, elle est d’abord puissance unique et ensuite puissance souveraine. »273 La souveraineté unifie les éléments composant le corps social et le représente. Nul ne peut d’ailleurs contester sa puissance puisqu’elle est suprême. « Comme la souveraineté exprime

l’idée d’un pouvoir (ou puissance) de commander que détient un Etat – elle est le critère de l’Etat –, elle fait figure de type déterminé de pouvoir ou de puissance ; elle est l’espèce du genre plus vaste que constitue le pouvoir ou la puissance. »274 Inventée par Jean BODIN dans ses Six Livres de la République en 1576, la souveraineté fonde la théorie juridique du pouvoir

269 J.-P. CHARNAY, Esprit du droit musulman, Paris, Dalloz, 2008, p. 4.

270 Evangile selon Matthieu, Chapitre 22, verset 21.

271

Entretien avec le Professeur Slim LAGHMANI le mardi 21 février 2017 à 9h à la Faculté des Sciences Juridiques, Politiques et Sociales de Tunis.

272 P. D’IRIBARNE, L’islam devant la démocratie, Paris, Editions Gallimard, 2013, p. 117. Mis à part ce

verset, la plupart des versets du Coran traduits en français et cités dans ce travail sont issus de la traduction

du Coran en français [en ligne], [consulté le 3 mai 2019], https://www.coran-francais.com/coran-francais-sourate-35-0.html.

273 S. KLIBI, « Les principes républicains », in Association Tunisienne de Droit Constitutionnel (dir.), La

République, Tunis, Centre de Publication Universitaire, 1997, p. 46.

274

O. BEAUD, « Souveraineté », in P. RAYNAUD et S. RIALS (dir.), Dictionnaire de la philosophie

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politique. Unifié, indivisible et suprême, ce pouvoir est attribué à un être impersonnel, l’Etat. Or en Islam, seul l’être métaphysique – Dieu –, est souverain. L’étude de l’introduction du concept de souveraineté dans la pensée politique et juridique islamique, passe nécessairement par une analyse linguistique de l’arabe.

« Etymologiquement, il est difficile de trouver au terme souveraineté son équivalent

arabe. »275 Si le Coran est sacré par son origine divine, la langue arabe, langue du tanzîl, de la « descente » ou révélation, a été sacralisée puisqu’utilisée par Dieu pour communiquer avec Mahomet. En arabe classique, l’adjectif Sayed est l’équivalent de l’honnête homme. En arabe moderne, il signifie Monsieur et non le souverain. « Il faut attendre les temps modernes pour

qu’une nouvelle approche de la souveraineté soit élaborée. »276

C'est en reconnaissant l’indépendance et la souveraineté de l’Etat irakien, que la Convention de 1927 entre le Royaume-Uni et l’Irak a permis l’appropriation et l’interprétation du concept de souveraineté,

Syïada, par les idéologues islamistes. Du fait de la colonisation, les idées politiques

occidentales vont pénétrer l’esprit politique du droit musulman277

et l’Islam va peu à peu, adopter la perception occidentale de la souveraineté.

Dans l’objectif de transformer la société des temps modernes et de l’adapter aux préceptes coraniques, Abu Ala MAWDUDI278 reprend à son compte une nouvelle forme de

275 C. HOUKI, Islam et Constitution en Tunisie, op.cit., p. 363.

276 Ibid. La référence aux « temps modernes » renvoie à l’idée d’Etat moderne. Souvent comparé et opposé à l’organisation politique anté et anti-étatique de la cité romaine, l’Etat moderne suppose une nouvelle représentation et structuration du pouvoir politique basé -entre autres- sur une puissance de commandement civile exercée sur un territoire délimité.

277 L’expression « droit musulman » est occidentale. Elle renvoie à l’opposition des deux grands systèmes juridiques de l’Occident. La tradition civiliste ou romano-germanique issue du droit romain consiste en l’ensemble de principes et de règles hiérarchisées posées par les textes. La tradition de Common Law issue du droit anglo-saxon consiste en l’ensemble des précédents émanant des litiges judiciaires. Le droit musulman serait un mélange des deux traditions. C’est un droit révélé puisque posé par un texte, le Coran. Mais, c’est également un droit composé d’une série de précédents, de fatwa, consultations/opinions. Pour plus de précisions sur ce point cf. J.-P. CHARNAY, Esprit du droit musulman, op.cit., p. 6. Voir également B. DUPRET et L. BUSKENS, « De l’invention du droit musulman à la pratique juridique contemporaine »,

in B. DUPRET (dir.), La charia aujourd’hui. Usage de la référence au droit islamique, Paris, La

Découverte, 2012, pp. 9-17.

278 Né le 25 septembre 1903 à Heyderabad au Sud de l’Inde et décédé en 1979, Abu Ala MAWDUDI a mené un combat vigoureux pour l’islamisation du pouvoir politique. En voulant refonder l’Etat sur l’Islam, il a montré que l’Islam n’avait pas qu’un aspect religieux et spirituel. Son aspect juridique et politique permettrait de fonder un Etat islamique dans les temps modernes. Alors que Dieu est la seule source de l’autorité, dans sa « théocratie démocratique », le croyant pourrait exercer le pouvoir temporel conformément aux prescriptions coraniques. Pour plus de précisions sur ce point cf. M. R. BEN HAMMED, Histoire des idées politiques : Depuis le XIXème siècle, Occident Monde arabo-musulman, Manouba, Centre de Publication Universitaire, 2010, pp. 103-113 et C. HOUKI, Islam et Constitution en

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souveraineté, la hakimiyya propre à la pensée politique arabe279. Alors que Dieu détient le pouvoir souverain, les hommes qui croient en la loi fondamentale280, sont légitimes à gouverner selon les prescriptions coraniques. Même si le détenteur de la souveraineté reste l’être métaphysique, les hommes édictent et appliquent les lois coraniques. En opposant la

hakimiyya à la jahiliyya, Abu Ala MAWDUDI récupère le concept occidental de souveraineté

et l’introduit dans le langage et la pensée politique arabes modernes. Même si la conception de MAWDUDI est consacrée par un certain nombre de constitutions dans le monde arabo-musulman281, les deux Constitutions tunisiennes vont faire coexister au sein d’un même article (l’article premier), l’Islam et la souveraineté. Ceci est notamment dû au contexte dans lequel la Constitution du 1er juin 1959 et celle du 27 janvier 2014 ont été adoptées.

2. L’adaptation de l’Islam à la conception occidentale de la souveraineté

Afin d’expliquer le revirement radical des islamistes au pouvoir en 2011, il est essentiel de montrer que les revendications identitaires et religieuses du peuple ne sont pas nouvelles. Elles naissent avec l’indépendance de la Tunisie. Alors que Salah BEN YOUSSEF282

, secrétaire général du Néo-Destour milite en faveur de l’indépendance totale du pays, Habib BOURGUIBA lui préfère la politique du "plan par étapes283". En acceptant les conventions franco-tunisiennes d’autonomie interne du 3 juin 1955284, le Combattant Suprême impose aux Tunisiens une vision particulière du rapport à la France et au monde arabe. Imprégné des valeurs occidentales de progrès, de rationalité et de modernisation, BOURGUIBA instrumentalise les composantes identitaires de la tunisianité285, afin d’édifier par étapes, un

279 Il reprend les concepts de hakimiyya et de jahiliyya à IBN KHALDOUN. Ces deux notions ne sont abordées ici que dans l’objectif de démontrer la transformation de la société musulmane à l’aune des expériences européennes.

280 Le Coran ou parole révélée.

281 Pour un aperçu général de ces constitutions arabes avant l’avènement du Printemps arabe, cf. « III. La souveraineté dans les constitutions arabes », in C. HOUKI, Islam et Constitution en Tunisie, op.cit., pp. 365-367. Voir également A. AMOR, « La place de l’Islam dans les constitutions des Etats arabes : Modèle théorique et réalité juridique », in G. CONAC et A. AMOR (dir.), Islam et droits de l'Homme, op.cit., pp. 13-27.

282 Cf. Annexe 1 – Glossaire – Salah BEN YOUSSEF.

283 Cf. Note de bas de page 222.

284

Ces conventions n’étaient qu’une étape à la réalisation de l’indépendance. Pour plus de précisions sur ce point cf. M. CHARFI, Introduction à l’étude du droit, Tunis, Cérès Editions, Troisième édition revue et augmentée, 1997, pp. 110-111.

285

Que sont l’Islam, la langue arabe et l’adhésion à la patrie tunisienne. Pour plus de précisions sur la notion de tunisianité, cf. D. PEREZ, « L’évolution des cultures politiques tunisiennes : l’identité tunisienne en

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Etat indépendant. Ce discours s’oppose à celui de BEN YOUSSEF qui voit dans la lutte pour la libération nationale, l'une des batailles visant à délivrer les pays du Maghreb de l’occupation occidentale. Si le premier séduit les catégories socio-professionnelles intégrées à l’économie et à l’ordre colonial286

, le discours nationaliste du second lui rallie les élites religieuses arabophones formées à la Zitouna287 et particulièrement sensibles « aux accents

islamiques de son discours. »288 L’inspiration française et la dimension séculière du projet politique de BOURGUIBA révoltent les défenseurs de l’identité arabe et musulmane de la Tunisie que sont les fellaga289, le palais beylical, les familles beldi290, les partisans du Vieux-Destour291 et les propriétaires terriens de l’Union Générale des Agriculteurs Tunisiens (UGAT)292.

En excluant les yousséfistes293 du Front National et en les éliminant physiquement294, Habib BOURGUIBA s’assure une mainmise sur la vie politique et constituante. Les travaux de la première ANC sont précédés par des réformes audacieuses des pratiques et institutions de l’Islam. Cumulant les fonctions de chef de Gouvernement, de ministre des Affaires étrangères, de ministre de la Défense et de président du Conseil, BOURGUIBA avait résolu la question religieuse avant même que les constituants ne s’en saisissent. En effet, le 2 mars 1956, le système des habous295 publics est aboli. Celui des habous privés ne le sera que le 18

juillet 1957 alors que le 31 mai 1956, la dejemaia des habous296 est liquidée. S’ensuit la suppression, le 3 août 1956 des tribunaux charaïques et le 27 septembre 1957, des tribunaux rabbiniques. Du fait de l’entrée en vigueur le 1er

juillet 1957, de la convention judiciaire franco-tunisienne, les tribunaux français de Tunisie sont remplacés par des tribunaux tunisiens

débat », Le Carnet de l’IRMC, 7 janvier 2013, [en ligne], [consulté le 22 mai 2018],

http://irmc.hypotheses.org/723.

286

Catégorie essentiellement composée des professions libérales, d’une partie de la bourgeoisie tunisoise, des employés des secteurs publics et privés, des fonctionnaires et ouvriers.

287 Cf. Annexe 1 – Glossaire – Zitouna.

288

L. CHOUIKHA et E. GOBE (dir.), Histoire de la Tunisie depuis l’indépendance, op.cit., p.14.

289 Cf. Annexe 1 – Glossaire – Fellaga.

290 Cf. Annexe 1 – Glossaire – Beldi.

291 Cf. Annexe 1 – Glossaire – Vieux-Destour.

292

Cf. Annexe 1 – Glossaire – Union Nationale des Agriculteurs Tunisiens.

293 Cf. Annexe 1 – Glossaire – Yousséfiste.

294 C’est à la suite du discours de Salah BEN YOUSSEF à la Grande Mosquée de la Zitouna, le 7 octobre 1955 qu’Habib BOURGUIBA décide d’éliminer progressivement les opposants à sa politique du "plan par étapes". Il écarte Salah BEN YOUSSEF du poste de Secrétaire général du Néo-Destour et l’exclut du parti. Le 28 janvier 1956, les procès politiques devant la Cour criminelle spéciale liquident politiquement les partisans de BEN YOUSSEF. La mort de Salah BEN YOUSSEF à Francfort en 1961 laisse penser qu’Habib HOURGUIBA était l’un des instigateurs de l’assassinat.

295

Cf. Annexe 1 – Glossaire – Habous.

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modernes. Le Code du Statut Personnel (CSP)297 est promulgué le 13 août 1956 et celui de la nationalité le 26 janvier 1956. Alors que le premier code procède « d’une vision libérale de la

condition féminine »298, le second détache la religion de l’acquisition et de la déchéance de la nationalité tunisienne. Enfin, la loi n° 58/27 du 4 mars 1958299 relative à la tutelle publique, à la tutelle officieuse et à l’adoption, vient heurter de front le droit islamique en autorisant l’adoption, prohibée par le Coran aux versets 4 et 5 de la Sourate 33 Al Ahzab. La constitution à venir ne pouvait faire de la charia la source de la législation sans contredire les réformes législatives entreprises.

Bien que la religion soit l’une des caractéristiques de la Tunisie, Habib BOURGUIBA ne veut pas que l’Islam règle les institutions et l’organisation étatiques. C’est la raison pour laquelle les dispositions relatives à l’Islam au sein de la Constitution du 1er

juin 1959, sont volontairement imprécises et sujettes à interprétations. Au moment de l’élaboration de l’article premier, le Combattant Suprême ne permet pas l’étude des dispositions constitutionnelles par une commission spécialisée et fixe une séance à l’ANC en plein jour du mois de ramadan. A cause de la rupture du jeûne, les délibérations sur la constitutionnalisation de l’Islam sont précipitées et superficielles, alors que les principaux débats opposaient pourtant Naceur MARZOUGUI pour qui « [l]a Tunisie est un Etat

islamique » à Bahi LADGHAM qui milite pour « un Etat arabo-musulman indépendant et souverain. »300 La polémique cesse avec le choix de la formulation « l’Islam est sa

religion »301 approuvée par Habib BOURGUIBA, qui s’impose lors de la troisième lecture du projet de Constitution, au cours du vote sur le texte. L’article premier de la Constitution du 1er juin 1959 établit ainsi que : « La Tunisie est un Etat libre, indépendant et souverain,

l’Islam est sa religion, l’arabe sa langue et la République son régime ». Ce faisant, la

perception tunisienne de l’Islam n'a d'autre choix que de s’adapter à la conception occidentale de la souveraineté.

297 Cf. Annexe 1 – Glossaire – Code du Statut Personnel. Le Code du Statut Personnel fera l’objet de développements ultérieurs. Cf. le A. du Paragraphe 2 de la Section 1 du Chapitre 2 du Titre II de cette partie relatif au Code du Statut Personnel ou la première révolution par le droit, p. 275.

298 C. HOUKI, Islam et Constitution en Tunisie, op.cit., p. 216.

299

JORT, n°19 du 7 mars 1958, p. 236.

300 C. HOUKI, Islam et Constitution en Tunisie, op.cit., p. 225.

301 Sur le sens de cette expression cf. les développements sur l’interprétation de l’article 1er de la Constitution du 27 janvier 2014 [Paragraphe 2 de la Section 2 du Chapitre 2 du Titre I de cette partie relatif aux

78

Pour autant, les références successives à la souveraineté et à l’Islam sont pondérées par le peuple, source de tous les pouvoirs en Tunisie302. L’Islam ne règne donc pas en maître sur l’Etat. L’Etat gère la religion. Si les constituants cherchent à instaurer une « démocratie

fondée sur la souveraineté du peuple », ils restent fidèles aux « enseignements de l’Islam »303

. D'ailleurs, le verset épigraphe au texte constitutionnel304 suivi de la formule scellant le préambule305, pourrait laisser croire que la Constitution est placée toute entière sous la bannière de l’Islam. Or, la valeur normative du préambule n’a pas été clairement tranchée par les premiers constituants à l’ANC306

. De plus, les dirigeants du Néo-Destour, membres de la première Constituante, détachent la première Constitution des sources formelles et matérielles de l’Islam. Ni le Coran, ni la Sunna du Prophète ne sont perçus comme des Constitutions, la charia n’est pas une source de législation et le caractère islamique de l’Etat n’est pas clairement souligné. Ainsi, certaines institutions de droit public musulman à caractère politique (l’Umma et le Califat307

), à caractère juridictionnel (à l’instar des tribunaux charaïques) ou à caractère financier (tels que les waqf308 publics et privés), ne

sont pas constitutionnalisées.

En tout état de cause, même si les sources traditionnelles de l’Islam – qu’elles soient formelles ou matérielles – ne sont pas explicitement mentionnées, le régime constitutionnel mis en place se doit d’être conforme aux préceptes de l’Islam. La preuve en est la demande d’une fatwa309

par BOURGUIBA à Tahar BEN ACHOUR alors Mufti de la République310.

Dans un communiqué de presse du ministre de la Justice en date du 3 août 1956, ce dernier reconnaît la compatibilité du régime républicain et des principes islamiques : « la ligne de

conduite adoptée aujourd’hui par le peuple tunisien par le canal de ses représentants

302

Entretien avec Salsabil KLIBI le mercredi 22 février 2017 à 13h à la Faculté des Sciences Juridiques, Politiques et Sociales de Tunis.

303 Respectivement alinéas 7 et 6 du préambule de la Constitution tunisienne du 1er juin 1959. Le sens des «

enseignements de l’Islam » fera l’objet du B. du Paragraphe 2 de ce chapitre.

304

A savoir : « Au nom de Dieu, Clément et miséricordieux »

305 A savoir : « Nous, représentants du peuple tunisien libre et souverain, arrêtons, par la grâce de Dieu, la

présente Constitution ».

306 La séance du 17 juillet 1956 oppose Ahmed MESTIRI, Ahmed BEN SALAH et Mongi SLIM à l’ANC. Ils se disputent la valeur normative du préambule. Ils considèrent qu’il a une nature philosophique et n’a donc pas de valeur normative. Contrairement à eux, Mohamed AL-GHOUL lui reconnaît une valeur normative. Supposé faire l’objet de deux lectures avant d’être validé définitivement par les constituants, le préambule

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