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participation de la victime à la procédure pénale selon le code de procédure pénale

C. Effet de chose jugée

1. Voies de recours différenciées

Le report de l’action civile jointe a pour effet d’engendrer deux décisions subsé-quentes et indépendantes l’une de l’autre. A ce sujet, peut se poser la question de savoir si, en matière de recours, les deux jugements doivent être soumis en-semble à la même instance d’appel, ou s’ils doivent au contraire être attaqués séparément, par deux voies de recours différentes. C’est la deuxième solution qui est à retenir, dans la mesure où bien que ce soit le même juge qui ait statué dans le cadre d’une procédure unique, les deux décisions n’ont pas été rendues simultanément537. Deux hypothèses sont dès lors envisageables une fois le juge-ment rendu sur l’action pénale publié: soit aucun appel n’est interjeté et la déci-sion entre en force sans autres à l’expiration du délai d’appel, soit la victime ou la partie condamnée décide d’attaquer le prononcé pénal, et le sort de l’action publique ne sera définitivement réglé qu’au moment de l’entrée en force du jugement rendu sur appel. A ce propos, bien que l’article 38 II LAVI soit di-rectement applicable, les cantons disposent, en droit actuel, d’un large pouvoir d’appréciation pour modifier ou compléter leur législation dans l’hypothèse où ils l’estimeraient nécessaire538. Dans cette optique, le choix peut être fait de sub-ordonner le jugement des prétentions civiles à la force de chose jugée de la dé-cision pénale, à l’instar de l’article 174 II StPO soleurois539. Le législateur canto-nal doit toutefois toujours veiller à ce que les prétentions civiles de la victime soient jugées dans un délai raisonnable dès la publication de la décision tran-chant le sort de l’action publique540, cette solution n’ayant d’ailleurs pas été re-prise par le code de procédure pénale suisse. C’est pourquoi s’est élevée la cri-tique selon laquelle le report de l’action civile jointe ne devrait être conditionné que par le critère de la liquidité des prétentions, autrement dit lorsque des élé-ments de preuve doivent encore être administrés, le but de l’aide aux victimes étant de permettre à la victime d’être indemnisée aussi rapidement que pos-sible541. Ce point de vue est difficilement soutenable dans la mesure où le juge

537 Weder, p. 52 ; Weishaupt, Bestimmungen, p. 240-241 ; Schmid, p. 265 ; Zehntner/ Ho fe r, p. 163 ;D on atsc h/ S chm id,adart. 193 N 3.

538 Message LAVI, p. 936. Le législateur zurichois a, par exemple, expressément repris la règle de l’ar-ticle 38 II LAVI (art. 9 II aLAVI) dans le § 193 II StPO ZH:Weder, p. 52.

539 Dans le même sens, voir également, à l’heure actuelle, l’article 227 I CPP NE,Maurer, Opferhilfe, p. 317 etPiq ue rez, quelques problèmes, p. 289. Cette solution simpose, en effet, pour éviter tout risque de contradictions entre les prononcés pénal et civil, mais uniquement dans la mesure où les griefs formulés par le recourant dans son acte de recours peuvent avoir une influence sur le jugement des prétentions civiles, ce qui n’est, en principe, pas le cas s’agissant de ceux relatifs à la peine infli-gée :Ze hntne r/H ofer, p. 163.

540 K-Ste iger -Sackmann,adart. 9 N 15.

541 Weishaupt, Bestimmungen, p. 241.

C. Conséquences

devant statuer sur les prétentions civiles est lié par les considérants du juge-ment tranchant le sort de l’action publique qu’il a lui-même prononcé542. En clair, est seul déterminant le fait que le juge de l’action civile jointe a été à un moment donné en charge du dossier pénal, l’hypothèse selon laquelle ce soit l’instance d’appel qui rende son jugement sur la question pénale, avant que le juge de première instance ne statue sur les prétentions civiles, étant tout à fait envisageable543.

2. Appréciation critique

Au regard de l’utilisation d’une seule et même voie de recours, la solution qui consiste à pouvoir interjeter appel contre les deux jugements, pénal et civil, de manière séparée, présente de nombreux avantages. Outre le fait que l’appelant peut recourir uniquement concernant la partie du litige qu’il estime ne pas avoir été tranchée de façon satisfaisante544, ce procédé évite, d’une part, de re-tarder l’entrée en force de chose jugée de la décision civile lorsque seul le pro-noncé pénal serait contesté. D’autre part, il facilite les transactions extra-judi-ciaires sur les créances civiles dans la mesure où le jugement pénal n’est pas automatiquement remis en cause545. En contrepartie, cette solution impose à la victime, qui voudrait interjeter appel contre les deux prononcés, civil et pénal, d’utiliser deux voies de recours séparées, avec les complications et les frais que cela implique546.

Il n’en reste pas moins que la possibilité offerte par l’article 126 IV CPP/38 II LAVI vise avant tout à satisfaire les intérêts de la victime et qu’il peut paraître surprenant de ne voir cette disposition que rarement appliquée en pratique547. Cela peut s’expliquer, d’une part, par le fait que peu de litiges sont concernés par des prétentions civiles qui seraient trop complexes pour être jugées en même temps que la question pénale, mais pas assez pour justifier un procès ci-vil548. D’autre part, une incertitude persiste concernant les règles de procédure applicables lorsque le juge statue dans un second temps sur la question civile, à

542 536Häberli, p. 388 ; ATF 120 Ia 101 c. 2e = JdT 1996 IV 25.

543 Lorsque le juge pénal de première instance statuera sur les prétentions civiles, il sera alors lié par les constatations de fait relatives aux questions pénales du jugement de deuxième instance.

544 A cet égard, s’il est envisageable que le condamné puisse recourir uniquement contre le prononcé pénal, à l’exclusion du prononcé civil, cela semble peu concevable concernant la victime.

545 Weishaupt, Bestimmungen, p. 241.

546 Donatsch/Schmid,adart. 193 N 5, selon lesquels le § 193 II StPO ZH, qui reprend l’article 38 II LAVI, contredit le principe de l’unité de la procédure, les auteurs précités se posant la question de sa véritable nécessité.

547 Reet z, p. 29.

548 Br ut tin, p. 56.

VI. Le report du jugement de laction civile jointe (art. 126 IV CPP/38 II LAVI)

l’instar de la question des moyens de preuve étant à sa disposition. Peut no-tamment se poser la question de savoir si le juge a la possibilité d’auditionner à nouveau un témoin ou si le banquier entendu comme témoin peut opposer son secret bancaire à ce stade. Par ailleurs, le type de procédure civile appli-cable à l’article 126 IV CPP/38 II LAVI n’a pas été défini par le législateur : bien que l’application de la procédure sommaire (art. 248 ss CPC) ait été évo-quée par certains auteurs549, rien ne justifie, à notre avis, de déroger au régime de la procédure ordinaire (art. 219 ss CPC), qui prévoit notamment un échange d’écritures et garantit ainsi à l’accusé le droit de s’exprimer sur l’aspect civil du litige dans son mémoire réponse. Le recours limité à l’article 9 II LAVI profite enfin au mécanisme instauré par l’alinéa III, autre « bouée de secours » à dispo-sition des tribunaux répressifs.

549 Ibidem.

VII. Conclusion

Malgré des difficultés d’application certaines, le bilan que l’on peut retirer du système de l’action civile jointe, tel que prévu par la LAVI, s’avère positif, les praticiens reconnaissant eux-mêmes que l’article 38 LAVI a amélioré de façon appréciable la situation des victimes550, droit de la circulation routière mis à part. Cette disposition s’est, en effet, bien intégrée dans le paysage législatif existant, puisque l’institution était déjà connue de tous les cantons551. Elle il-lustre toutefois la différence qui peut exister entre le texte d’un article de loi, prévoyant une procédure simple et rapide, et sa mise enœuvre, qui se révèle beaucoup plus complexe.

Si l’on ne devait retenir qu’une seule caractéristique de la notion de vic-time, ce serait sans aucun doute sa nature éminemment sociale, qui lui permet d’évoluer avec son époque. La question du statut qui devrait lui être dévolu est difficile à appréhender, car elle suppose la résolution de conflits antinomiques, comme celui du rôle de la victime en tant que partie et moyen de preuve. Dans le cadre du CPP, malgré une augmentation des cas dans lesquels les frais juri-diques peuvent être mis à la charge de la victime, le sort de cette dernière subit toutefois une amélioration notable, puisqu’en se constituant partie plaignante, la victime acquiert le statut de véritable partie dans le procès pénal.

Par ailleurs, le mouvement de renforcement des droits procéduraux de la victime a clairement contribué à la revalorisation méritée de son statut, la LAVI en étant l’élément fédérateur. Le recours de plus en plus fréquent à cette législation ne peut qu’attester de son utilité et de son efficacité, qui n’est plus à démontrer. Si la définition de la notion de victime suscite plus de réserves, la réglementation de l’action civile jointe s’avère globalement positive. Sa mise enœuvre peut pourtant se révéler d’une complexité redoutable, les tribunaux ayant souvent faitœuvre de législateur, en apportant de nombreuses précisions formant une mosaïque parfois difficile à reconstituer. Le code de procédure pé-nale suisse a repris à son compte l’institution de l’action civile jointe, telle que façonnée par la LAVI, mais en a unifié l’application, en supprimant certaines disparités cantonales. Il est également frappant de voir que le CPP retranscrit la mouvance actuelle privilégiant les droits de la victime, en allant même parfois plus loin que le droit actuel552. Alors que la sauvegarde des droits de la victime passive semble avoir atteint son paroxysme, l’impression dominante

550 Koller, p. 587 ;N ay, p. 24. Certains magistrats relèvent toutefois que les avantages de la simplicité et de la rapidité d’une procédure unique, permettant une réduction des coûts, restent souvent théoriques face à l’insolvabilité de l’auteur de l’infraction :Roth/Keller hals/ Leroy/M athe y/ Maugué,p. 39.

551 Killias, LAVI, p. 408.

552 Que ce soit notamment par la possibilité de se désister de l’action civile jointe sans être déchu de ses droits ou encore celle d’obtenir un jugement sur les prétentions civiles en cas d’acquittement.

VII. Conclusion

laissée par cette première partie, et nous en terminerons par là, est sans conteste la progression constante de la protection de la victime active, qui bénéficie de droits procéduraux de plus en plus nombreux.

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