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Entrée en vigueur de la loi fédérale suisse sur l’aide aux victimes d’infractions en 1993

ET RÉPARATION DU TORT MORAL PAR L ’ ETAT

A. Evolution législative de la fin du XIX ème siècle à nos jours

3. Entrée en vigueur de la loi fédérale suisse sur l’aide aux victimes d’infractions en 1993

Si la reconnaissance de la nécessité d’indemniser les victimes par la commu-nauté internationale, de même que la participation active de la Suisse aux tra-vaux d’élaboration de la Convention européenne relative au dédommagement des victimes d’infractions violentes achevés en 1980, ont certainement contri-bué à la mise en marche du processus législatif dans notre pays, il n’en reste

584 Annexe à la Résolution 40/34 de lAssemblée générale des Nations Unies du 11 décembre 1985 (texte disponible sur le site internet : www.un.org).

585 A cet effet, les Etats sont enjoints de revoir leur législation afin que l’indemnisation des victimes d’in-fractions soit assurée par le biais d’un système général de sécurité et d’assurance sociales ou par la mise en place de programmes spéciaux, dinformer leurs citoyens de lexistence de ces mesures, de même que dadhérer à différents instruments régionaux et internationaux relatifs à lindemnisation des victimes d’infractions par l’Etat :Bassiouni, p. 67.

586 Van Dijk/Go od ey, p. 311.

587 Ce modèle sinscrit dans la lignée de nombreux programmes dindemnisation existants, notamment aux Etats-Unis, financés dans une large mesure par le produit des amendes infligées aux condamnés : Van Dijk/Go od ey, p. 316.

A. Evolution législative de la fin du XIXèmesiècle à nos jours

pas moins qu’un peu plus de douze années se sont écoulées entre le dépôt de l’initiative populaire et l’entrée en vigueur de la loi fédérale588. Déjà précédée par trois initiatives parlementaires, l’initiative populaire déposée en 1980 par le journal bimensuel « der schweizerische Beobachter » visait en effet à intro-duire, dans la Constitution fédérale, un nouvel article 64terobligeant la Confé-dération à légiférer pour permettre aux victimes d’infractions intentionnelles contre la vie et l’intégrité corporelle de recevoir une indemnité équitable.

Quatre ans plus tard, ledit article fut adopté par le peuple et l’ensemble des cantons, mais avec une teneur beaucoup plus large, conformément au contre-projet des Chambres fédérales, qui ne limitait plus l’aide à un aspect purement financier et qui supprimait l’exigence d’infraction intentionnelle589. La Confédé-ration étant désormais compétente pour légiférer sur l’indemnisation des vic-times par l’Etat590, une législation fédérale limitée aux principes fut à l’origine envisagée, rien n’empêchant toutefois de lui préférer une réglementation ex-haustive591. La possibilité d’octroyer une somme à titre de réparation morale, par conséquent indépendante « des difficultés matérielles éprouvées par la vic-time suite à l’infraction », a également été mise en exergue.

Sur la base de ces considérations, une commission d’étude élabora un avant-projet de loi fédérale, scindé en trois volets (assistance, renforcement des droits procéduraux de la victime dans le procès pénal et réparation subsidiaire du préjudice par l’Etat592) qui fut bien accueilli en procédure de consultation.

588 Alors que seulement dix-huit mois se sont écoulés entre le dépôt du Message du Conseil fédéral et l’adoption de la loi par le Parlement: Ko lle r, p. 579 ;Bantli Keller/Weder/Meier, p. 42.

589 Article 64ter aCst. féd.: « La Confédération et les cantons veillent à ce que les victimes dinfractions contre la vie et l’intégrité corporelle bénéficient d’une aide. Celle-ci inclura une indemnisation équi-table lorsquen raison de linfraction, les victimes connaissent des difficultés matérielles.» Il sagit ici dun cas exceptionnel où le contre-projet du Parlement est allé plus loin que linitiative populaire, qui a donc été retirée en lespèce, le texte proposé impliquant la mise enœuvre dune véritable politique d’aide aux victimes, les cantons ayant également une responsabilité importante dans ce domaine : Kuhn, p. 993.

590 A ce propos, alors que la formulation de l’article 64 aCst. féd. (124 Cst féd.) semble attribuer une compétence commune à la Confédération et aux cantonsfait plutôt rare, ces derniers ne sont en réalité que des exécutants du droit fédéral (par exemple, en payant eux-mêmes les indemnités décou-lant des articles 11 ss LAVI), la Confédération ayant largement fait usage de sa compétence.

591 Message initiative, pp. 931-932. Dans son message relatif à linitiative populaire, le Conseil fédéral, s’agissant de l’aide financière, avait en effet préconisé une solution fédéraliste, la Confédération de-vant fixer les principes et les cantons prendre les mesures législatives et dexécution complémen-taires. Cette solution na pas été retenueune réglementation fédérale minimale directement appli-cable lui ayant été préférée dans la mesure où elle aurait entraîné des disparités cantonales inévitables, ainsi que des difficultés lorsque l’infraction aurait été commise dans plusieurs cantons, sans parler de la lourdeur du processus législatif : Rapport final, pp. 66-67.

592 Sans oublier que l’indemnisation par l’Etat doit rester une exception, l’avant-projet (art. 13-23) pré-voyait un système étendu de réparation subsidiaire par le canton du préjudice matériel subi par la vic-time, lindemnité, plafonnée à 80 000.frs, étant fixée en fonction du dommage subi et proportionnel-lement aux ressources financières de la victime ; le versement d’une somme pour réparer le tort moral était également prévu : Rapport final, p. 62 ; Message LAVI, p. 917 ;Weishaupt, Bestimmungen, p. 14.

I. Considérations générales relatives à lindemnisation

Les seules critiques formulées au sujet du volet indemnisation ont porté sur le peu de marge de manœuvre laissé aux autorités lors de l’application des dispo-sitions concernées et sur le fait que la réparation morale sortait du cadre de l’ar-ticle 64terCst. féd.593. Si le Conseil fédéral, dans son message du 25 avril 1990, a tenu compte de la première, il n’en a pas été de même s’agissant de la seconde, la possibilité d’allouer aux victimes une somme d’argent à titre de réparation morale lorsque l’équité le commande ayant été maintenue594. La version finale de la loi, accompagnée d’une ordonnance du 18 novembre 1992595, fut finale-ment adoptée et entra en vigueur le 1erjanvier 1993596. Parmi les changements survenus depuis lors, il est à noter, d’une part, l’adaptation en 1997 des ar-ticles 12 à 14 aLAVI à la révision de la loi fédérale sur les prestations complé-mentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité597, dans le but de sim-plifier le mode de calcul de l’indemnisation, et d’autre part, l’adoption en 1999 d’un nouvel article 124 Cst féd598. Bien que la teneur de ce dernier corresponde pour l’essentiel à celle de l’article 64teraCst féd., le champ d’application person-nel de l’aide aux victimes a toutefois été élargi à toutes les victimes d’une infraction portant atteinte à leur intégrité physique, psychique ou sexuelle, s’inscrivant ainsi en conformité avec l’article 1 LAVI. Quant au contenu de

« l’aide », qui doit s’entendre au sens large, il convient d’interpréter l’article 124 Cst féd. dans le sens où seule l’indemnisation du dommage subi est condi-tionnée par les ressources financières de la victime, à l’inverse de l’indemni-sation du tort moral, qui se mesure uniquement en fonction de la souffrance psychique de cette dernière599.

593 Message LAVI, p. 918.

594 En vertu de leurs compétences en matière daide sociale et dassistance, les cantons peuvent aussi prévoir dautres prestations en faveur des victimes et étendre lindemnisation à dautres catégories de victimes que celles prévues par la loi : Message LAVI, p. 924. Dun point de vue plus général, il est, en outre, intéressant de relever que le Conseil National, lors des débats parlementaires, s’était tout dabord prononcé en faveur de loctroi dune aide financière forfaitaire pour finalement se rallier à la proposition du Conseil des Etats (dépôt de la requête dindemnisation limité dans le temps), le domaine de laide sociale relevant de la compétence des cantons :We is haupt, Bestimmungen, p. 17.

595 OAVI, RS 312.51.

596 Lentrée en vigueur de la LAVI a également entraîné certaines modifications législatives, à linstar de larticle 60 aCPS (auquel lart. 73 CPS correspond), selon lequel lallocation au lésé nétait plus laissée à la libre appréciation du juge, mais devenait obligatoire lorsque les conditions en étaient remplies, les conditions restrictives dont dépendait lallocation du montant de lamende ayant, dautre part, été éliminées.

597 LPC, RS 831.30.

598 « La Confédération et les cantons veillent à ce que les victimes dune infraction portant atteinte à leur intégrité physique, psychique ou sexuelle bénéficient dune aide et reçoivent une juste indemnité si elles connaissent des difficultés matérielles en raison de linfraction.»

599 Ce risque de confusion instauré par la formulation de larticle 124 Cst. féd. est dautant plus regrettable que beaucoup de victimes attachent plus d’importance à la réparation du tort moral qu’à celle du dommage en pratique :Kägi-Diener, p. 30.

A. Evolution législative de la fin du XIXèmesiècle à nos jours

Si l’instauration d’un système d’indemnisation étatique des victimes d’in-fractions a certes été tardive en Suisse, en comparaison des autres pays, cette longue période de gestation aura néanmoins permis de tirer profit des imper-fections éventuelles des régimes voisins. Doté des éléments de base propres à tout régime d’indemnisation, le système mis en place par le législateur suisse se caractérise à la fois par une offre de protection plus étendue que les garanties minimales posées par la Convention européenne de 1983, de même que par un usage extensif des possibilités de restriction sur d’autres points600. En effet, le législateur suisse est souvent allé au-delà des exigences minimales européen-nes, les victimes d’infractions par négligence n’étant, par exemple, pas exclues du cercle des bénéficiaires601. Pour équilibrer ce système, des limites ont dû être apposées, à l’instar de la fixation d’un montant maximum de l’indemnité pla-fonné à 100 000.–frs (art. 20 III LAVI/4 I aOAVI), ou encore de l’exclusion de la réparation du dommage subi par des victimes qui disposeraient de res-sources financières suffisantes et qui dépasseraient ainsi le barème d’octroi.

Outre la garantie de rang constitutionnel du droit des victimes d’infractions d’être indemnisées, la force du régime d’indemnisation suisse réside, par conséquent, également dans le subtil dosage opéré par le législateur entre une protection étendue et des restrictions qui en sont indissociables, ce qui peut lui conférer le caractère de loi modèle de ce point de vue602.

4. Développements législatifs européens et

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