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l’indemnisation et à la réparation du tort moral de la victime et compétence du canton

A. Champ d’application personnel (art. 1 LAVI)

1. Infraction commise en Suisse (art. 3 I LAVI)

a) Lieu de commission et lieu du résultat de l’infraction

Outre la qualité de victime LAVI, l’octroi des prétentions en indemnisation et réparation morale fondées sur la LAVI présuppose l’existence d’un lien avec la Suisse744. A l’instar de l’article 11 I aLAVI, l’article 3 I LAVI prévoit ainsi que l’aide aux victimes est accordée lorsque l’infraction a été commise en Suisse.

En droit pénal suisse, un crime ou délit est réputé commis tant au lieu où

739 ATF 1A.196/2000 du 7 décembre 2000 c. 2b ; 124 II 8 c. 3d/bb = JdT 1999 IV 43 ; voir également Hütte, Opferhilfegesetz, p. 185. Le principe de la subsidiarité, ainsi que celui de la subrogation (qui n’aurait aucun sens si l’Etat pouvait faire valoir des prétentions qui n’appartiennent pas à la victime), confirment encore ce point de vue.

740 ATF 1A.155/2005 du 23 septembre 2005 c. 2.3. Il ne s’agit donc pas d’un «élargissement malvenu du champ dapplication personnel de la loi », comme cela a parfois été soutenu à tort lors de la procédure de consultation : Résultats consultation LAVI, p. 67.

741 ATF 124 II c. 2b = JdT 1999 IV 43 ;Häberli, p. 365.

742 Hütte, Genugtuung, pp. 152-153. Voirinfra2èmepartie, VI.B.1.a.3ème§.

743 Message révision LAVI, p. 6724 ; Rapport révision LAVI, p. 44.

744 K-Ste iger -Sackmann,adart. 11 N 8 ; Message révision LAVI, p. 6723.

B. Champ dapplication territorial (art. 3 I-II et 17 LAVI/11 aLAVI)

l’auteur a agi (ou aurait dû agir)745qu’au lieu où le résultat s’est produit (art. 8 I CPS). Concernant la tentative, qui est susceptible de fonder la qualité de vic-time LAVI, à condition d’entraîner une atteinte directe à l’intégrité corporelle, sexuelle ou psychique746, elle est réputée commise tant au lieu où son auteur l’a faite, qu’au lieu où, dans l’idée de l’auteur, le résultat devait se produire (art. 8 II CPS).

Lorsque l’auteur agit à l’étranger et que le résultat de l’infraction se produit en Suisse, la LAVI est applicable, conformément à l’article 8 I CPS. Le lieu du résultat de l’infraction est celui où l’atteinte au bien juridique protégé s’est pro-duite, et non celui où le dommage donnant lieu à une indemnisation et/ou une réparation morale est survenu : en cas d’homicide, c’est, par exemple, le lieu de la mort qui est déterminant, et non celui où la prétention en dommages-intérêts basée sur la perte de soutien au sens de l’article 45 III CO est née747. Cette dis-tinction ne peut toutefois s’appliquer aux délits formels (viol, par exemple), pour lesquels on ne saurait différencier le résultat de l’action de son auteur.

Dans l’hypothèse inverse, à savoir lorsque l’infraction a été commise en Suisse, mais que le résultat s’est produit à l’étranger, il faut également considé-rer que la LAVI s’applique en vertu de l’article 8 I CPS. Dans ce cas de figure, alors que l’article 11 II aLAVI, précisé par l’article 6 aOAVI, prévoyait expressé-ment le dédommageexpressé-ment de la victime, à condition qu’elle rende vraisem-blable ne pas pouvoir obtenir de prestations suffisantes de l’Etat étranger ou de tiers748, la loi révisée ne contient pas de disposition similaire. Son maintien aurait, en effet, été superflu puisque dans la pratique l’article 8 CPS règle la question749, le principe de la subsidiarité étant, quant à lui, déjà énoncé à l’ar-ticle 4 LAVI. Ce choix s’inscrit, par ailleurs, en conformité avec l’arl’ar-ticle 3 de la Convention européenne de 1983 relative au dédommagement des victimes d’infractions violentes qui privilégie le critère du lieu de commission de l’acte,

745 Cette modification purement rédactionnelle apportée par la révision du code pénal suisse est une réfé-rence aux infractions commises par omission (art. 11 CPS), qui donnent rarement, pour ainsi dire jamais, lieu à loctroi de prétentions en indemnisation et réparation morale LAVI en pratique.

746 Voirsupra1èrepartie, III.A.2.a.

747 K-Ste iger -Sackmann,adart. 11 N 10.

748 La preuve stricte nétant pas nécessaire, la simple vraisemblance suffit : voir larticle 6 III aOAVI et l ar-rêt du Tribunal du canton de Lucerne du 19 mai 1999 c. 2inBLVGE 1998 p. 234. Les prestations oc-troyées par lEtat étranger sont considérées comme insuffisantes lorsque le montant reçu néquivaut pas à celui qui aurait pu être obtenu en application des articles 12 et 13 aLAVI, notamment en raison de la différence du coût de la vie ou encore lorsque la couverture des dommages est moins étendue à létranger : voir article 6 I et II aOAVI;G omm, Subsidiarität, p. 292 ; K-Steige r-Sackmann,adart. 11 N 14. Ce sont également les autorités suisses qui devront être sollicitées, par exemple, en cas d tion commise par négligence si l’Etat étranger ne prend en charge que le dédommagement des infrac-tions intentionnelles.

749 Rapport révision LAVI, p. 49.

III. Champ dapplication du droit à lindemnisation et à la réparation

et non celui du résultat750. Il convient cependant de relever que la loi révisée prend seulement en compte les infractions dont le résultat s’est produit à l’étranger, mais qui ont été commises en Suisse et non à l’étranger751.

b) Pas d’exigence de nationalité ni de domicile en Suisse

Toute victime d’une infraction commise en Suisse ou dont le résultat s’est pro-duit en Suisse peut donc prétendre à une indemnisation et à une réparation morale fondées sur la LAVI, indépendamment de sa nationalité et de son domi-cile752. A cet égard, la nationalité de la victime est, en effet, sans importance753: les étrangers, même en situation irrégulière, sont également des bénéficiaires potentiels. Le législateur suisse consacre ainsi le principe de la territorialité et s’aligne sur la Convention européenne de 1983, dont l’article 3 prévoit que l’indemnité sera accordée par l’Etat sur le territoire duquel l’infraction a été commise754. Comme le précise le rapport explicatif sur la Convention755, l’exten-sion du dédommagement aux étrangers victimes d’infractions sur le territoire national s’impose néanmoins, d’une part, dans la mesure où la manifestation de solidarité et d’équité que traduit la contribution de l’Etat à l’indemnisation de la victime ne doit pas être limitée aux seuls nationaux, mais s’étendre à d’autres personnes se trouvant sur le territoire de cet Etat, et d’autre part, en raison du fait que les étrangers contribuent souvent au développement écono-mique et social du pays (travailleurs migrants, par exemple) et qu’ils doivent, par conséquent, jouir des mêmes avantages que les nationaux.

L’article 3 de la Convention impose toutefois certaines restrictions, puisque l’indemnité ne peut être accordée qu’aux ressortissants des Etats parties à la Convention (let. a) ou aux ressortissants de tous les Etats membres du Conseil de l’Europe qui résident en permanence dans l’Etat sur le territoire duquel

l’in-750 K-Ste iger -Sackmann,adart. 11 N 12.

751 Voirinfra2èmepartie, III.B.2.

752 ATF 128 II 107 c. 2.1 = SJ 2002 I 266 ;Bantli Keller /Weder/M eier, p. 40 ;Weishaupt, Bestim-mungen, p. 55. La proportion des victimes ayant été dédommagées au sens de la LAVI, qui sont de na-tionalité étrangère, sélève en moyenne à un peu plus de 30%, alors que seulement 5% des victimes sont domiciliées à létranger : Statistiques OFS 2001, p. 26, et 2005, p. 13 (www.bfs.admin.ch).

753 Les motifs dordre humanitaire ne permettent notamment pas dexiger lexistence dune clause de réci-procité: décision de la Commission de recours du canton de Thurgovie du 16 novembre 1998 c. 2bin RBOG 1998 N 17 p. 127, s’agissant du droit d’obtenir une provision (art. 21 LAVI); Message LAVI, p. 937.

754 Voir également l’article 2 de la directive 2004/80/CE du Conseil de l’UE du 29 avril 2004 relative à lindemnisation des victimes de la criminalité.

755 Rapport Convention,adart. 3 N 24.

B. Champ dapplication territorial (art. 3 I-II et 17 LAVI/11 aLAVI)

fraction a été commise (let. b). La solution retenue en Suisse va plus loin que la Convention européenne, puisqu’elle ne soumet pas le dédommagement des étrangers à l’existence d’une clause de réciprocité et n’exige pas que la victime étrangère, directe ou indirecte, soit domiciliée en Suisse756, les touristes et visi-teurs étrangers pouvant, par conséquent, prétendre à un dédommagement. Les ayants droit d’une victime assassinée en Suisse, mais domiciliés à l’étranger, font ainsi partie du cercle des bénéficiaires. On peut cependant relever que les prestations en réparation morale selon la LAVI, à l’instar de celles en indemni-sation, peuvent être réduites en raison du coût de la vie inférieur dans le pays étranger où est domicilié le requérant, d’autant plus lorsqu’aucun indice de contacts sociaux avec la Suisse n’est présent (pas de proche en Suisse, pas d’in-dice pour un séjour ultérieur en Suisse ou dans un autre pays avec un coût de la vie correspondant)757.

Le Conseil de l’Europe a toutefois assoupli sa position depuis lors, puisque l’article 8.2 de la Recommandation du Comité des Ministres sur l’assistance aux victimes d’infractions du 14 juin 2006 prévoit que les Etats devraient mettre en place un mécanisme d’indemnisation des victimes d’infractions commises sur leur territoire, quelle que soit la nationalité de la victime, l’exposé des motifs précisant néanmoins que cette dernière peut être un motif de réduction du montant de l’indemnité758. A la suite de l’affaireCowan759, la Cour de justice de l’Union européenne avait également ouvert une brèche en prescrivant que la possibilité d’indemnisation publique devait être ouverte à tous les citoyens de l’UE dans les mêmes conditions qu’elle était ouverte aux ressortissants de l’Etat membre où l’infraction a été commise. Il en résulte qu’un ressortissant d’un pays tiers, résidant légalement dans un Etat membre de l’UE autre que celui

756 K-Ste iger -Sackmann,adart. 11 N 11 ; Prise de position de l’Office fédéral de la justice du 23 juin 1993 : JAAC 58/1999 Nr 65 c. 2 p. 515 ;We is haupt, Bestimmungen, p. 55.

757 ATF non publié 1A.251/1999 c. 4e, selon lequel le Tribunal fédéral a confirmé la réduction de 75% des indemnités en réparation morale accordées à lépouse et aux enfants de la victime vivant au Liban.

Pour plus de détails, voirHäberli,pp. 396-398 : le but est, en effet, déviter de privilégier les ayants droit de manière injustifiée, l’existence d’une différence de pouvoir d’achat selon des critères de comparaison objectifs étant suffisante.

758 Le principe de l’indemnisation de la victime par l’Etat du lieu de commission de l’infraction, indépen-damment de sa nationalité, a également été prôné au niveau international ; voir le commentaire du

§ 12 de la déclaration des Nations Unies de 1985 sur les principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes dabus de pouvoir (annexe à la Résolution 40/34 de l’Assemblée générale des Nations Unies du 11 décembre 1985):B assiouni, p. 69.

759 Selon l’arrêt rendu, « lorsque le droit communautaire garantit à une personne physique la liberté de se rendre dans un autre Etat membre, la protection de l’intégrité de cette personne dans le dit Etat membre, au même titre que celle des nationaux et des personnes y résidant, constitue le corollaire de cette liberté de circulation. Des mesures visant à faciliter lindemnisation des victimes de la criminalité devraient concourir à la réalisation de cet objectif »: Arrêt du 2 février 1989Cowanc. Trésor Public, Aff.

186/87, Rec. 1989, p. 195.

III. Champ dapplication du droit à lindemnisation et à la réparation

du lieu de commission de l’infraction, doit être indemnisé par ce dernier même s’il n’y est pas domicilié760.

2. Octroi de l’indemnisation et de la réparation morale

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