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participation de la victime à la procédure pénale selon le code de procédure pénale

D. Appréciation critique

V. Réserve des droits et renvoi de la victime à agir devant les tribunaux civils

2. Limitations à la mise en œuvre de l’article 126 III CPP/38 III LAVI

A l’exigence de travail disproportionné, s’ajoutent certaines limitations qui restreignent la portée de l’article 126 III CPP/38 III LAVI.

En premier lieu, l’admission de l’action civile dans son principe, accompa-gnée du renvoi de la victime à agir devant les juridictions civiles, ne peut s’opé-rer en violation du principe de l’économie de la procédure. Par conséquent, lorsque les faits pertinents au jugement des prétentions civiles ont, par exemple, été établis, alors même qu’il s’agit d’une situation de droit complexe, l’article 126 III CPP/38 III LAVI ne peut être appliqué474. En effet, en vertu du principe iura novit curia(art. 57 CPC), le juge pénal doit trancher toutes les questions juridiques concernant le litige475.

En second lieu, l’article 126 III 2èmephrase CPP/38 III LAVIin fineinstaure, en effet, lui-même une restriction, en prévoyant que le tribunal pénal doit juger complètement les prétentions de faible importance dans la mesure du

471 ATF 123 IV 78 c. 2c = JdT 1998 IV 179 : il s’agissait en l’espèce de pièces relatives à l’estimation du dommage et plus particulièrement à la détermination du montant de la contribution dentretien et des rentes AVS et LPP.

472 ATF 122 IV 37 c. 2e ;Z eh ntne r/H ofer, note de bas de page 175, p. 164. Dans cette perspective, la victime pourrait être tentée de déposer, en toutes circonstances, des conclusions civiles chiffrées de faible importance devant le juge pénal pour s’assurer la qualité de partie et la possibilité de recourir ultérieurement.

473 Weishaupt, Bestimmungen, p. 248.

474 Piquer ez, quelques problèmes, p. 290.

475 Weishaupt, Bestimmungen, p. 248. La voie de l’article 38 II LAVI (art. 126 IV CPP) peut toutefois être empruntée :Ze hntner /Ho fer, note de bas de page 194, p. 167.

V. Réserve des droits et renvoi de la victime à agir devant les tribunaux civils

possible476. Reste à déterminer ce qu’il faut entendre par la notion, pour le moins vague, de « prétentions de faible importance ». A été invoqué en doc-trine comme ligne directrice, sous l’empire de l’article 46 aOJF, le critère selon lequel les prétentions civiles devraient être jugées pleinement dans la mesure où la capacité pour recourir en réforme n’est pas donnée, faute de valeur liti-gieuse atteignant 8 000.–frs477. A cet égard, l’article 74 I let. b LTF fixe désormais une limite minimale de 30 000.– frs, ce même montant ayant été retenu par l’article 243 CPC, selon lequel la procédure simplifiée s’applique aux affaires patrimoniales dont la valeur litigieuse ne dépasse pas 30 000.–frs.

Sont, en tout cas, visées « toutes les créances ne dépassant pas quelques milliers de francs478pour lesquelles il ne vaudrait guère la peine d’introduire un procès civil et qui seraient pratiquement perdues pour la victime si elles n’étaient pas complètement jugées par le tribunal pénal »479. La démarche se-rait, en effet, vaine si la victime devait supporter des frais de procès supérieurs à la valeur même de ses prétentions. Le juge pénal doit donc trancher ces pré-tentions « dans la mesure du possible », ce qui ne serait pas le cas si une créance civile de faible importance devait exceptionnellement nécessiter l’administra-tion de mesures probatoires longues et compliquées.

Que ce soit en droit actuel ou sous l’angle du nouveau droit, il est, en tout cas, certain que le juge pénal ne saurait renvoyer la victime à agir devant le juge civil simplement parce que la valeur litigieuse serait trop élevée480. Cette pratique, pourtant bien installée dans certains cantons avant l’entrée en vi-gueur de la LAVI, équivalait trop souvent pour la victime à un déni de

476 Les prétentions de moindre importance représentent, en effet, la majorité des affaires pénales : Killias, LAVI, p. 407. En outre, le Tribunal fédéral (ATF 123 IV 78 c. 2 = JdT 1998 IV 179) ayant attribué un carac-tère obligatoire à toutes les conditions restrictives de larticle 38 III LAVI (art. 9 III aLAVI), toute diver-gence cantonale, à linstar, en droit actuel, du code de procédure pénale neuchâtelois qui nexige pas que les prétentions de faible importance soient complètement jugées, n’est pas conforme à la jurispru-dence fédérale : Roth/ Ke llerhals/Le roy/Mathey/Maugué, p. 37. Voir, en revanche, d’autres codes de procédure pénale cantonaux qui ont expressément repris cette exigence, comme larticle 11 II ch. 3 CPP JU.

477 K-Ste iger -Sackmann,adart. 9 N 27 ;R ee tz, p. 29.

478 Voir larrêt de lObergerichtzurichois du 30.8.1996, citéinKunz /Keller, p. 58. Le juge pénal a l obli-gation de trancher complètement une prétention sélevant à 5 040.frs, alors même que cette dernière serait connexe à une autre créance qui doit être examinée par le juge civil (ATF 122 IV 37 c. 2 f); l’Ober-gerichtzurichois a tranché de même s’agissant d’une prétention s’élevant à 3 000.–frs (arrêt de lObergerichtzurichois du 3 avril 1997 c. III.2.dinZR 96 Nr 130 p. 304); une créance en réparation du tort moral à hauteur de 10 000.frs sinscrit dans la limite de « quelques milliers de francs » détermi-nante pour la qualification de prétention de faible importance : jugement du Tribunal valaisan du 14 avril 1997inRVJ 1997 p. 308 c. 7 ; une prétention de 37 000.–frs n’est, en revanche, pas de faible importance : arrêt du Tribunal valaisan du 29 janvier 1996 c. 6ainRVJ 1996 p. 312.

479 Message LAVI, p. 937.

480 Cor bo z, p. 87 ;Rusca/Salmina/Verda,adart. 94 N 7.

B. Conditions

justice481. Ne statuer que sur le principe de l’action civile du simple fait que le montant des prétentions excède la valeur litigieuse fixée par la loi, à l’instar, en droit actuel, du § 17 II 2èmephrase StPO soleurois, est contraire au droit fédé-ral482. Souvent invoqué pour justifier cette pratique cantonale, l’argument selon lequel le jugement des créances d’un certain montant nécessiterait l’utilisation de nombreux moyens de preuve, est à nuancer. On peut, par exemple, imagi-ner qu’une créance en tort moral puisse être facilement tranchée, car ne posant pas de difficultés particulières, alors même que sa valeur excèderait le seuil de compétence du juge483. L’exigence de travail disproportionné nous paraît au contraire être un critère beaucoup plus fiable et moins arbitraire. Bien que l’aménagement de la procédure pénale relève, à l’heure actuelle, de la compé-tence de chaque canton, certaines distorsions pourraient résulter du fait qu’une victime soit renvoyée à agir devant la juridiction civile du simple fait que ses prétentions civiles (ex : 7 000.–frs) excèdent le montant limite fixé par la législa-tion cantonale (ex : 6 000.–frs), alors que cette même victime aurait l’opportu-nité de voir trancher ces mêmes prétentions par la voie de l’action civile jointe dans un autre canton, où le seuil à partir duquel le juge pénal est autorisé à ne pas statuer complètement est plus élevé (ex : 8 000.–frs). De même, refuser ou accepter de trancher deux prétentions du simple fait que leur valeur respective serait supérieure ou inférieure au seuil limite pour quelques dizaines de francs, risquerait d’entraîner des disparités choquantes.

En dernier lieu, le caractère subsidiaire de l’article 126 III CPP/38 III LAVI par rapport à l’article 126 IV CPP, respectivement 38 II LAVI, doit être respecté.

En d’autres termes, le juge pénal ne peut renvoyer la victime à agir devant les juridictions civiles, s’il n’a pas utilisé auparavant la possibilité de différer le jugement de l’action civile (art. 126 IV CPP/38 II LAVI), alors qu’il aurait dû le faire484. L’idée est, en effet, d’éviter au maximum à la victime de devoir intro-duire un procès devant les juridictions civiles, l’article 126 III CPP/38 III LAVI devant être appliqué de manière restrictive et exceptionnelle. La question de savoir si une application successive des articles 126 IV et III CPP, respective-ment 38 II et III LAVI, serait envisageable, est controversée. Alors que le Tribu-nal fédéral semble admettre que le juge péTribu-nal puisse faire usage de l’article 126 III CPP/38 III LAVI après s’être rendu compte que le jugement des prétentions civiles, qu’il avait choisi de différer dans un premier temps conformément à l’article 126 IV CPP/38 II LAVI, représentait un travail disproportionné485,

481 Killias, LAVI, p. 407.

482 K-Ste iger -Sackmann,adart. 9 N 28. Voir également le § 28 V StPO NW.

483 Ibidem.

484 Piquer ez, nouvelle loi, p. 45. Voir égalementinfra1èrepartie, VII.B.2.2ème§.

485 ATF 123 IV 78 c. 2c = JdT 1998 IV 179.

V. Réserve des droits et renvoi de la victime à agir devant les tribunaux civils

l’opinion contraire a été formulée à juste titre en doctrine486. Il a notamment été avancé que l’article 126 III CPP/38 III LAVI n’est, dans cette hypothèse, pas applicable, dans la mesure où le jugement complet des prétentions civiles ne risque plus de retarder le procès pénal, puisque le sort de l’action publique a déjà été tranché à ce stade ; ce procédé présente également l’inconvénient de di-viser la procédure en trois stades, qui représentent autant d’espoirs déçus pour la victime487. Il nous semble, en effet, qu’une application alternative des ar-ticles 126 III et IV CPP, respectivement 38 II et III LAVI, soit plus concevable qu’une application cumulative, dans le sens où il appartient au juge de déter-miner, de prime abord, s’il sera en mesure de trancher complètement les cré-ances civiles mais à un stade ultérieur, ou si ce jugement représente un travail tel qu’il convient plutôt de statuer sur le principe de l’action civile jointe et de renvoyer la victime à agir devant les juridictions civiles. La systématique du code de procédure pénale suisse confirme également cette optique, puisque, contrairement au droit actuel, la possibilité de trancher l’action civile jointe sur le principe et de renvoyer la cause au juge civil précède celle du report de l’ac-tion. La seule réserve qui pourrait toutefois être émise serait l’hypothèse dans laquelle le dommage de la victime aurait subi une évolution telle entre la pre-mière et la deuxième audience pénale, que ce qui apparaissait simple dans un premier temps, s’avère désormais compliqué488.

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